Rues et Ruelles

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Yuimen
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Rues et Ruelles

Message par Yuimen » mar. 2 janv. 2018 14:13

Les rues et ruelles


Les rues insalubres d'Omyre La Noire sont innombrables et sillonnent la cité en tous sens. On a vite fait de s'y perdre, et les meurtres et les cadavres sont chose courante dans les ruelles sombres. La foule y est dense, composée d'Orques et de Gobelins. Des esclaves passent aussi là, à toute allure et souvent pressés par les fouets de leurs maîtres. Elles sont une des meilleures illustrations du Chaos qui règne dans la ville.

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TheGentleMad
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Re: Rues et Ruelles

Message par TheGentleMad » jeu. 31 janv. 2019 15:47

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Alors qu'il s'élançait pour rejoindre Krel'Ka, qui l'avait distancé, Kurgoth fut assailli par les odeurs nauséabondes de la ville noire, insuffisantes toutefois à lui donner un haut-le-cœur, mais bien assez pour le faire grimacer. Il retrouva ainsi les ignobles parfums auxquels tous ici se sont habitués. Ce mélange infâmes de senteurs de déjections se mêlant à la boue recouvrant le sol et de cadavres non consommés se putréfiant dans les ruelles plus étroites en attendant d'être jetés par-dessus les remparts rassurait plus le garzok que les bois sombres qui, bien que parfumés plus agréablement, regorgeait de danger qu'il ne pouvait apercevoir. Krel'Ka semblait également plus dans son élément en ville qu'au fond de la forêt, bien plus confiante et menant son compagnon de route droit vers le palais et l'immense tour noire qui dominait la ville. Lorsqu'il la rejoint enfin, la lieutenant de Khynt, tout en continuant sa marche lui déclara:

"Kurgoth, c'est vraiment dommage ce que tu as dit à Khynt avant la destruction d'Izurith. Si tu avais tenu ta langue deux minutes de plus, tu aurais pu faire carrière à son service et, comme moi, finir parmi ses officiers. D'autres seraient morts pour ce que tu as dit, mais, apparemment, elle tient suffisamment à ses œufs pour que cette mission serve à te racheter... A ta place j'espérerais qu'elle se passe bien."

Le barbare baissa la tête, sont regard sévère fixant ses pieds qui avançaient l'un après l'autre. Après quelques instants d'un silence gênant pour le mâle, la femelle garzok conclu d'un air rassurant.

"Ne t'en fais pas, je sers Khynt donc je cherche, moi aussi, à remplir au mieux cette mission... Évite donc seulement de tout faire foirer comme tu l'as presque fait à l'entrée de la ville, car la mission est plus importante que ces enfantillages et je te laisserai te débrouiller seul avec les gardes si cela devait se reproduire."

Les sermons, Kurgoth avait appris à les endurer, que ce soit auprès d'Olur ou au temple de Thimoros. Sachant par ailleurs que s'il cherchait à avoir le dernier mot avec l'officier, celle-ci pourrait tout-à-fait faire un rapport des plus accusateurs envers lui à son supérieur, ce qui le condamnerait probablement. Il s'abstint donc de répondre et se contenta de se redresser dans une posture quasi-militaire, avançant droit devant lui vers le sombre palais d'Omyre, celui-même dont il avait entendu au temple qu'on y gardait les pires créatures des treize lieutenants et dont la tour en son centre contenait les appartements de la divine reine noire et de son invincible dragon.

A mesure qu'il s'approchait de l'imposant bâtiment, il se rendit compte qu'au cours de ses différents déplacements en ville, bien qu'assez peu nombreux, il ne s'était jamais approché, consciemment ou non, de ce lieu de pouvoir. Dans le crépuscule plus sombre de minutes en minutes, la colonne d'olath de la tour noire, centre du palais et de la ville, devenait de plus en plus menaçante et oppressante, mais aussi plus gigantesque à chaque pas en sa direction. Le garzok perçut également que la population des rues qui les entourait changeait plus ils avançaient. Il n'y avait aux abords du palais plus aucun mendiant ou voleur à l'aspect misérable, ici, tous semblaient être des soldats d'Omyre bien équipés, des miliciens, ou des clans assez puissants pour avoir du matériel de combat de qualité. Il ne put cependant comparer longtemps l'équipement piteux qu'il portait avec celui des passants qui le jugeaient du coin de l'oeil, il se trouvait déjà face à l'immense palais et Krel'Ka se dirigeait d'un pas déterminé vers la patrouille de gardes surveillant la porte se dressant devant eux.
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TGM
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Re: Rues et Ruelles

Message par TGM » sam. 23 mars 2019 15:10

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Ma chute n'est amortie ni par une enclume, ni par un passant, mais par un appentis en bois qui branle et menace de s'effondrer alors que je m'étale dessus avec fracas. Étant déjà sonné par le coup de mon dernier poursuivant, ce choc-ci m’empêche de retrouver rapidement mon équilibre et je roule mollement jusqu'au bord avant de chuter au sol, comme un ivrogne aurait roulé dans un escalier. Je me relève difficilement quand un garzok furibond s'avance vers moi, visiblement énervé que j'ai ainsi abîmé sa construction. Lorsque mon arme, glissant derrière moi, tombe au sol, manquant de m'emporter une oreille, il esquive un mouvement de recul, ainsi les passants attroupés devant la scène. Je profite de cet instant de flottement pour récupérer le fendoir et disparaître dans la foule compacte de cette grande avenue.

Je retrouve un certain sentiment de sécurité à me déplacer ainsi dissimulé dans cette foule et commence à me détendre. L'adrénaline retombe laissant place aux douleurs que j'ai pu ignorer grâce à elle. Ma cheville me fait grincer des dents et j'ai l'impression que des contusions douloureuses recouvrent chacun de mes membres. Sous les pas de la foule dense, la pluie transforme le sol dans une boue épaisse. J'en profite pour en étaler une poignée sur ma cheville. Le contact frais me fait frissonner, mais soulage un peu ma douleur. Profitant de son couvert, je laisse la foule me ballotter et guider mes pas, me concentrant principalement sur mes douleurs, tentant de m'étirer ou d'y étaler un peu de boue froide pour les atténuer et surtout réhabituer ma cheville à porter mon poids entier sans faillir. Je déambule ainsi pendant une heure, peut-être deux, au bout desquelles ma cheville semble presque remise. Heureux de constater qu'il ne s'agissait au final de rien de grave, je commence à tenter de repérer où je me trouve et comprends, presque immédiatement, que je suis à quelques dizaines de mètres de l'entrée du Rat Putride. Je ne sais pas si c'est par chance ou malchance si j'ai atterri ici, mais je m'écarte un peu de la foule afin de mieux voir ce qui se passe à l'entrée, croyant y apercevoir une activité inhabituelle. Lorsque je vois enfin clairement ce qui s'y passe, mes poils se hérissent et mes muscles se tendent. Une dizaine de garzok en armes attendent devant l'entrée, sur leur équipement, l'écusson noir arborant un crâne de garzok brisé ne me laisse aucun doute sur leur provenance, il s'agit d'un groupe de milicien.

(Ce salaud de Göhorn, va-t-il vraiment envoyer la milice à mes trousses ? Échapper à des poivrots est une chose, mais à la milice... Pourrais-je seulement rester en ville?)

J'interromps mes réflexions sur le meilleur moyen de sauver ma peau lorsque la porte du bâtiment s'ouvre. Tous les miliciens se tournent alors vers un humain aux cheveux sombre et au teint pâle, portant lui aussi une armure avec une broche aux couleurs de la milice. Celui que je suppose ainsi être leur chef est suivit de Göhorn. Ce dernier, alors qu'il serrait la main du milicien comme s'ils venaient de faire affaire, s'immobilise en regardant dans ma direction. Il m'a vu, j'en suis certain. Alors mes cheveux, eux aussi, se hérissent, le garzok me pointe de son sale doigt vert en gueulant. Les miliciens dégainent alors leurs armes, puis, sur l'ordre de l'officier, s'élancent dans ma direction. Cette fois-ci, je n'hésite pas un instant et fonce droit dans la foule, usant de mon petit gabarit pour me faufiler sans jeter un œil en arrière. Je dois fuir. Je dois fuir loin, vite, et je dois surtout le faire immédiatement.

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TheGentleMad
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Re: Rues et Ruelles

Message par TheGentleMad » jeu. 25 avr. 2019 11:47

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Avant même les premiers rayons du jour, nous fûmes jetés hors du lit et mon maître fut sommé de s'équiper pour le départ imminent. C'est à ce moment-là que Krel'ka, venant tout juste de pousser à terre le barbare, me remarqua - ou du moins la petite flaque de sang en laquelle je m'étais transformée après avoir soigné Kurgoth. Après avoir longuement juré et demandé comment cet imbécile avait réussi à se blesser en dormant, et constatant qu'il émergeait seulement d'un sommeil profond, elle se résigna à quitter la pièce en claquant la porte, non sans le menacer des pires châtiments s'il n'était pas prêt à partir avant elle.

(Oups, je crois que dormir à côté de toi en flaque écarlate n'était pas la meilleure des idées...)

(Grishnûrz... J'espère que le voyage va bien se passer, parce que si je ne reçois pas l'Antre de Balmor à cause de toi... Faudra que tu me réexpliques à quoi tu me sers.)

Blessée dans ma fierté de faera par ses paroles, je décidai de devenir invisible et de mettre un terme à cet échange, le laissant ainsi s'équiper. L'astre solaire ne s'était pas encore élevé par-dessus les murailles d'Olath, qu'un sinistre convoi franchissait les portes du palais omyrhien, mené par Krel'Ka et le prêtre de Thimoros. Celui-ci ayant réussi à être prêt in extremis, il fut donc autorisé à s'asseoir à ses côtés sur un charriot plutôt que devoir le tirer, comme elle le lui avouera pendant le voyage. Quinze charriots, chacun pouvant contenir deux œufs géants, remplis d'équipement et de soldats sortirent ainsi, dans une procession toute militaire, scindant la foule naissante sur son passage. Tandis que la lieutenante de Khynt dirigeait les loups de guerre attelés au charriot de tête, le prêtre de Thimoros observait la foule qui s'écartait à leur arriver en les dévisageant. Après un long soupir, il demanda à la cheffe d'expédition:

"Ils vous regardent toujours comme ça quand vous sortez du palais en grand groupe ? J'arrive pas à dire s'ils ont peur de nous, s'ils veulent nous attaquer ou s'ils veulent nous acclamer..."

"Ils ne feront rien, rassure-toi. Quand tu portes l'étendard de la reine noire ou d'un de ses lieutenants, tout le monde s'écarte, car chacun sait que nous avons tous les droits ici-bas. Si un de nos soldats, vole un passant, il se laissera faire, répliquer pourrait signer l'arrêt de mort de son clan si Khynt en avait vent et le considérait comme une attaque personnelle."

Kurgoth fronça les sourcils, il avait abandonné son clan face à l'Aube Radieuse, sa terreur de la magie l'ayant emporté sur son courage. Mais ce clan, au fond, y tenait-il ? C'est certes là qu'il avait été accueilli après avoir été rejeté par sa mère, mais tous les souvenirs en lien avec ce clan étaient également liés à Olur. Olur, qu'il espérait paradoxalement pouvoir oublier après avoir exécuté sa dernière volonté : récupérer l'antre de Balmor. Kurgoth serait-il donc un paria, un garzok sans clan? Au fond de lui, il se sentait appartenir à un autre clan, le culte de Thimoros, et voyait en Romthaars’t un figure paternelle bienveillante, malgré sa cruauté et les tortures subies par sa main. Redressant la tête, regardant devant lui les portes qui se rapprochaient, le barbare en était convaincu : son clan, ses frères étaient les fidèles du dieu de la guerre et il se jura qu'en leur non, où que ses pas le menassent, il ferait couler le sang. Plongé dans ses pensées, il n'en sortit qu'à la porte Est de la ville. Il vit ainsi pour la première fois les gardes s'écarter et former une haie d'honneur au convoi, sans même chercher à l'inspecter, réalisant qu'au milieu du chaos de la ville, il y avait bel est bien un certain ordre, celui émanant du palais d'olath.
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Re: Rues et Ruelles

Message par TheGentleMad » jeu. 26 sept. 2019 22:26

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La forgeronne grogna que l'armet valait mille huit cents yus, une chance pour Kurgoth qu'il avait encore le bon de réduction du père No-Hell, sinon il n'aurait rien pu s'offrir d'autre. Vint ensuite l'inspection de ce que voulu vendre le barbare, Galdrünk ne lui en donnerait que trois cent quarante-cinq yus, bien peu par rapport au prix de ce qu'il achetait, mais le prêtre de Thimoros qui n'y connaissait rien préféra débattre du prix de ce fatras qui ne ferait que l'encombrer s'il ne le vendait pas. Un sourire en coin se dessina sur sa face ravagée lorsqu'il entendit la marchande qualifier de "protection pour tafioles d'elfes" le matériel qu'il avait acheté chez elle quelques mois auparavant, mais il se retint de faire un quelconque commentaire, ne connaissant pas d'autre armurier si la vieille garzoke le prenait en grippe. Silencieux, il laissa la commerçante estimer le prix à débourser pour la transaction : mille neuf cent cinq yus, arrondis à mille neuf cents. Voyant cracher dans sa main avant de la lui tendre pour conclure le marché, Kurgoth leva un sourcil brûlé, ne se rappelant pas avoir mélangé ainsi ses glaviots lors de ses précédentes visites, puis se racla la gorge pour en sortir une grosse glaire gluante qu'il écrasa vigoureusement dans la main sale de la forgeronne. Avant de sortir sa bourse, le chevalier prit le temps de s'essuyer la main une dernière fois sur son vieux gilet de cuir, y laissant une large trace poisseuse semblable à celles que laissent les limaces derrière elles. Se délestant de ses deux pièces en or sur le comptoir, il laissa à son interlocutrice le loisir de vérifier leur authenticité avant de lui remettre une pièce d'argent pendant qu'il enfilait son nouvel équipement. Cela fait, il ne s'attarda pas plus longtemps et se plia à l'injonction de la mégère, n'ayant de toute façon plus grand intérêt à rester dans la boutique.

À l'extérieur, il se mit à déambuler dans les rues salles de la capitale de l'empire, cherchant à se remémorer l'emplacement du vieil Occulus lorsqu'une fois familière raisonna près de lui.

"Allez, bande de larves ! Si vous ne me trouvez pas assez de volontaires, c'est vous que j'expédierai dans les bois sombres à coups de bottes dans l'fion !"

En regardant d'où provenait la voix, le barbare reconnu le capitaine qui l'avait pris sous son aile et aidé plus d'une fois par le passé. Oubliant qu'il fut entretemps défiguré, il l'apostropha en s'approchant.

"Capitaine Baronk le Borgne ? Par Thimoros, n'êtes-vous pas retournés dans les duchés depuis tout ce temps ?"

L'officier lança un regard inquisiteur à cet inconnu qui semblait le connaître. Voyant l'interrogation dans le regard de sa connaissance, Kurgoth retira son casque bien que celui-ci, n'étant pas fermé, ne cachait que son crâne brûlé. C'est toutefois à la voix qu'il fut reconnu après de longues secondes d'hésitation par le militaire qui s'enthousiasma de le revoir, plus que le prêtre de s'y attendit.

"Kurgoth ? Ma parole, je ne pensais pas te revoir ! On dirait que ton vieux mentor s'est bien défendu, mais mes félicitations ! Ah, tu sais pour les duchés... Ils n'ont pas aimé me revoir revenir dans l'état où tu m'a croisé, j'ai même dû sauver ma peau dans l’arène ! Quoiqu'il en soit, j'en suis réduit à devoir recruter des mercenaires pour une "mission spéciale" dans la forêt... Dis-moi, mon grand ça t'intéresse ? Si tu te débrouilles bien là-bas, tu arriveras peut-être à attirer l'attention d'un des treize... Si tu t'ennuies, c'est toujours mieux que de poireauter comme troufion dans l'armée ou la milice, crois-moi."

Les bois sombres ? Comme si Kurgoth ne les détestait pas assez, voici que les dieux le poussent à y retourner. Si la perspective d'une mission en ces lieux ne l'enchantait guère, le chevalier se mit à considérer plus sérieusement la chose lorsque le capitaine évoqua les lieutenants de la reine noire. Après tout, ne cherchait-il pas un moyen de se racheter sa réputation auprès des troupes de Khynt ? Cette occasion lui paru bien plus intéressante qu'une simple apparition aux jeux de Thimoros où tant d'autres combattent. Après avoir promis intérieurement au dieu sombre qu'il participerait bien un jour aux jeux en son honneur, mais irait d'abord servir sa fille et combattre pour son sadique plaisir dans cette satanée forêt, il adressa sa réponse au capitaine qui, entre temps, s'était remis à essayer de pousser ses subalternes à recruter plus.

"Ça me semble pas mal, Capitaine. Je me demandais justement comment me faire un nom en ville. Dis-moi donc où aller et je dirai que c'est toi qui m'envoies, en espérant que ça t'évite de moisir ici."

Le militaire le remercia alors avec un franc sourire et un grande tape dans le dos. C'est alors qu'il remarqua l'armure du prêtre et qu'il ne put s'empêcher de demander :

"Joli armure... Ce serait donc toi qui l'aurais retrouvée ? La fameuse antre de Balmor?"

Si Kurgoth se contenta d'un signe de tête affirmatif, Baronk déclara qu'avec une telle armure, il était inutile de lui souhaiter bonne chance et qu'il était certain de ne plus moisir à cette tâche ingrate très longtemps. Ne voulant pas émettre de réserves pouvant gâcher l'humeur de celui qui l'avait tant aidé par le passé sans même le connaître, le chevalier se contenta de le remercier et se dirigea vers les portes Est de la ville pour retourner une fois de plus dans les bois sombre, cette forêt qu'il n'arrêtait décidément pas de traverser bien qu'il la détestât.
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Eteslë
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Re: Rues et Ruelles

Message par Eteslë » sam. 22 août 2020 12:59

Un tour en ville

Tandis que le Segtek part de son côté, Eteslë se met à arpenter au hasard les rues de la ville. Il y règne un chaos indescriptible et ce ne sont pas les quelques patrouilles qui pourraient aider à maintenir l'ordre. C'est même tout le contraire, certains de ces soldats étant parfois bien pire que les quelques malfaiteurs qui croisent la route d'Eteslë. Garzok et Segteks vivent ici en grand nombre dans des conditions plus que douteuses, et de nombreux esclaves, reconnaissables à leurs vêtements et souvent le collier qu'ils portent, vont et viennent à toute allure, obéissant à elle ne sait quel ordre de leur maître. Contrairement à Dahràm qui est un agglomérat hétéroclite de bâtisses que l'on pourrait croire construites au petit bonheur la chance, ici les bâtisses qui servent d'habitations sont grandes et toutes semblables, comme sorties du même moule. Certaines sont vraiment délabrées, à croire que nul ne s'inquiète de voir la ville tomber en ruine sur ses habitants qui semblent bien trop nombreux pour aussi peu de place.

Le nez froncé sous l'odeur pourtant familière, Eteslë marche en évitant de toucher quoi que ce soit, ou qui que ce soit. Un exercice moins aisé qu'il n'y paraît lorsqu'il est clair que certains cherchent volontairement à lui rentrer dedans, probablement pour utiliser ça comme un prétexte pour l'attaquer ou comme diversion pour un vol à la tire en règle. Prudente, la jeune femme vérifie que Taloril est bien attachée et que sa bourse est bien à l'abri avant de continuer sa recherche d'un toit pour la nuit. Le nom même du Rat Putride n'attire guère la jeune femme qui a de toute façon besoin d'informations, aussi fouille-t-telle les lieux du regard, espérant trouver un humain au milieu des peaux-vertes qui vivent ici. Les rares qu'elle croise sont toujours des esclaves et le fait qu'elle attire visiblement l’œil lui indique bien vite que les humains du coin ont mal fini ou sont partis ailleurs.

- Hey, la bouffe sur pattes, c'est notre territoire ici, tu dégages ! Sinon tu vas finir en plat principal ce soir.

Elle hausse un sourcil en voyant un Garzok se poster devant elle. Les bras croisés, il bombe le torse pour se donner un air important avant de cracher sur le sol. A ses côtés, trois autres Garzoks se tiennent debout et toise la jeune femme qui les examine rapidement. Ils ne sont clairement pas des adultes confirmés, leur musculature est moins développée que celle des autres peaux-vertes qu'elle a pu croiser, et leur attitude arrogante les rend quelque peu grotesques aux yeux de la cogneuse qui ne retient pas un sourire narquois en secouant la tête. Sans un mot elle dépasse le Garzok qui l'a interpellé et continue sa route, cherchant des yeux un endroit suffisamment acceptable pour passer une nuit. La main qui se pose sur son épaule la fait lever les yeux au ciel avant qu'elle ne se retourne face au visage crispé par la colère du Garzok. Le poing qui fond sur elle la rate lorsqu'elle se contente d'esquiver d'un pas sur le côté avant de riposter d'un coup de genoux dans le ventre suivi d'un coup de poing dans la tempe lorsque son adversaire se penche sous la douleur. Il s'effondre au sol dans un râle de douleur sous les yeux effarés de ses camarades. Eteslë, elle, vérifie que son paquetage n'a pas bougé et reprend sa route sans plus s'en soucier.

- Garce, j'en ai pas fini avec toi.

Elle se retourne, étonnée de voir que le jeune Garzok s'est relevé. Elle doit bien admettre que la ténacité de cette race la surprend à chaque fois, mais elle n'a pas envie d'attirer davantage l'attention, les yeux de nombreux spectateurs étant déjà rivés sur l'altercation qui se passe au beau milieu de la rue. Elle inspire et se met lentement en position de combat, genoux fléchis, les poings serrés tout en expirant lentement. Elle lit une certaine hésitation dans le regard du jeunot qui l'a attaqué. Il n'a probablement jamais vraiment eu à faire avec un véritable combattant, se contentant de terrifier ceux plus faibles que lui. Elle sait en revanche que cela ne suffira pas à le faire reculer, il doit probablement jouer sa position à cet instant. S'il fuit, il sera traité comme un moins-que-rien par ceux qui le suivent. La jeune femme jette un coup d’œil autour d'elle, observe brièvement les maisons alentours. Rien de particulier n'attire son regard à l'exception des ouvertures qui devaient accueillir des fenêtres et des regards qui scrutent la scène, probablement habitué à un tel spectacle..

Lorsque le jeune Garzok la charge, elle reste immobile, arme son poing puis le lui enfonce dans la mâchoire, accompagnant sa chute jusqu'à ce que son crâne frappe violemment le sol sale de la rue. Elle entends quelques exclamations surprises alors qu'elle étire ses doigts légèrement endoloris par le coup. Le Garzok, lui, gît au sol, la respiration saccadée et la bouche en sang. La jeune femme s'accroupit et lui tapote le front pour attirer son attention. Il la regard d'un air à demi absent avant que l'étincelle de compréhension ne rétrécisse sa pupille et qu'il tente de se relever, bien vite calmer par Eteslë.

- Calme. Je cherche l'arène, tu...

- Va crever !

La jeune femme fronce les sourcils puis lève son bras avant de frapper le Garzok qui crache une dent. Elle le frappe à nouveau, puis encore et encore, jusqu'à ce que sa conscience s'étiole peu à peu et que son visage devient méconnaissable. Elle soupire lorsqu'elle remarque qu'il est finalement inconscient et se relève, les doigts poisseux de sang, avant de fixer les autres Garzoks qui la regardent d'un air quelque peu effrayé.

- L'arène ?

L'un d'entre eux lui indique d'une voix peu assurée la direction pour le bâtiment et elle lui sourit avant de se détourner pour suivre le chemin donné par son guide improvisé. Au moins elle n'aura pas totalement perdu son temps avec cette rencontre. Elle vérifie rapidement l'état de ses doigts et, constatant qu'ils sont parfaitement fonctionnels, se met en route, traversant nombre de quartiers tous plus sales les uns que les autres. Étonnamment, personne ne vient la déranger, mais peut-être que ses mains enduites du fameux liquide carmin dissuadent ceux qui auraient eu envie de s'amuser avec elle. Cela ne la dérange pas outre mesure et lui facilite plutôt la vie, lui permettant finalement d'apercevoir le fameux bâtiment recherché. A vrai dire, il est difficile de le manquer puisqu'il se trouve juste à côté du palais. Lorsqu'elle émerge finalement des rues et que le bâtiment lui apparaît dans toute sa grandeur, elle s'y dirige avec un pas assuré, impatiente d'enfin obtenir des réponses.

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Ezak
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Re: Rues et Ruelles

Message par Ezak » ven. 8 janv. 2021 05:23

Lorsque je sortis de la tour, j’eus l’impression de sortir de tombe. Il y avait bien longtemps que je n'avais pas sentis le vent souffler sur ma peau. D'ailleurs, je devais ressembler à un mort-vivant avec ma peau pâle qui n’avait plus eu la chance de voir,le soleil durant des années. Je fus tout de suite incommodé par la puanteur et le vacarme qui s’échappait de cette ville. Rien n’avait changé ici-bas... Les sols étaient pleins de détritus. Des rats et autres nuisibles serpentaient entre les jambes des passants pour les charroyer jusqu’à leur nid. J'estimais que cette vermine ne pouvait que se sentir à l’aise parmi leurs proches cousins Garzoks. Voir ces derniers me dépita fortement. J’avais passé des mois sans en voir un seul. Les troupes de Lorener étaient plutôt composés d’humains. À présent que j’avais quitté les lieux de celui que je servais, j’étais de nouveau obligé de fréquenter ces sous-races qui grouillaient dans cette ville. Mon visage se changea dans une expression de dégoût. La vue, le bruit, l’odeur ne m’avaient pas manqué. Au pied de la tour je pus distinguer une silhouette familière. C’était Gart, l’humain à qui j’avais confié l’entraînement de mes troupes. Je l’avais fait mander avant de partir et il était à l'heure. Je le reconnus tout de suite à sa corpulence de bon vivant et à sa grosse barbe noire. On pouvait y distinguer quelques poils grisés. J'aurais juré que ce n’était pas le cas la dernière fois que je l'avais vu. Il se rapprocha de moi tout sourire. Je le lui rendis. Bien que nous n'étions pas proches, il était pour moi ce qui se rapprochait le plus d'un visage amical dans cette ville.

« Hé bien, hé bien ! J'ai bien cru que je ne vous reverrais jamais. C'était, il y a combien de temps la dernière fois ? »

« Deux ans et des poussières... Moi aussi ça me fait plaisir de vous voir » répondis-je en lui tapotant amicalement l'épaule.

« Je me demande bien ce que vous avez fait tout ce temps. »

« Pas grand-chose. J’ai surtout dormi. »


L’homme se mit à rire sous sa barbe noire. Il avait manifestement pris ma réponse pour une blague.

« Je comprends. Vous n'avez pas le droit de révéler les secrets de l’armée de la Reine. »

Je ne rebondis pas et je commençai à avancer au travers des rues sales de la ville. Je n'avais de toute façon ni l'envie, ni le temps de parler de mes aventures.

« Comment se portent mes hommes ? »

« Vu le temps que vous me les avez laissés, je peux vous dire qu’ils n’ont plus rien à avoir avec cette bande d’incapable qui vous servait de piétaille. Je ne voudrais pas me vanter, mais j’en ai fait des troupes d’élites. Peut-être leur manquent-ils un peu de pratique, mais ça, c'est votre boulot. »


« C’est ce qu’on verra. » me contentais-je de répondre face à cette affirmation complètement exagéré. « D’ailleurs concernant notre marché… Je vais vous rémunérer en dédommagement de ce que je vous dois. »

« Hé bien, si vous voulez me donner quelques piécettes en plus, je ne serai pas contre. Cependant, sachez que vous n’me devez rien. Votre parole a été respectée. »

Je fronçai les sourcils incompréhension.

« Comment ça ? Il était convenu que je réside dans le quartier humain pour détourner les velléités des clans Garzok. Je suis parti plus de deux ans. Je vois mal comment j’aurais pu honorer ma parole. »


« Vous n’étiez pas là, mais vos troupes, si. Je peux vous assurer que je me suis bien empressé de faire circuler la rumeur selon laquelle nous étions sous votre protection. Je me suis bien servi de votre rang, n'ayez crainte.


Je jetai un regard dubitatif à Gart. C'est justement cette information qui m'inquiétait.

« D’accord, si vous le dites. »

« D’ailleurs, il était temps que vous rentriez. Certaines rumeurs commençaient à courir à votre sujet. »

« De quelles sortes ? »

« Certains racontaient que vous étiez mort. D’autres, que vous auriez été envoyé en esclavage pour trahison. Je vous épargne les commentaires plus triviaux que l’on pouvait entendre parmi les Garzoks. »


J’ignorai ces informations d’un revers de la main.

« Ce n’est pas comme si quelque chose de bien intelligent pouvait sortir de leur bouche de toute façon. Bref. Pourriez-vous rassembler mes hommes et les amener à l’extérieur des murs de la ville ? Je ne veux pas trainer. »

« Quoi ? Déjà ? On ne fête même pas votre retour autour d’un verre ? »

Je levai les épaules.

« J’aurais bien aimé, mais le monde bouge en ce moment et il n’attend pas… »

Je jetai un bref regard circulaire autour de moi.

« En plus, j’ai hâte de quitter cette ville. Je la hais. »

« Vous dites ça parce que vous jetez sur elle un regard trop négatif. »

« Il y a des Garzoks partout, ça pu, le désordre règne à chaque coin de rues et on ne trouve pas de bons vins. Comment voulez-vous que j’ai un avis autre que négatif sur cet endroit. »

« Pour beaucoup d’entre nous, Omyre est la cité des rêves. »


J’éclatai de rire en entendant cette phrase.

« C'est qui le premier idiot à avoir dit ça ? Moi qui pensais être à plaindre… Je constate que vous devez avoir une vie bien minable pour voir quelque chose de merveilleux ici. »

« Pourtant, Omyre est absolument fait pour quelqu’un comme vous. »

« Quelqu’un comme moi ? »


Gart prit un air sûr de lui.

« J’ai bien eu le temps de me renseigner à votre sujet durant ces longs mois. Votre profil m'intriguait. Vous descendez de deux illustres familles. Les D’Arkasse de Kendrâ-Kâr et les Tanaka d’Ynorie. J’ai jamais fréquenté un sang aussi bleu que le vôtre dans cette ville... J’avoue qu’au début, je me suis demandé : "Mais que vient chercher ce petit noble en Omyrie ? Pourquoi risquer de se faire haïr par un monde ordonné et bâti pour lui. Il avait tout ce petit gars… " Et puis j’ai creusé, et j’ai compris. Votre lignée Kendrane n’est plus vraiment en odeur de sainteté du côté de la couronne. Quant à vous… On raconte que votre père vous a déshérité. En fait, vous n’avez plus rien, si ce n’est votre nom. »

Il était plutôt bien renseigné. À une chose près. C’est Oaxaca qui était venu à moi et pas le contraire.

« Impressionant ! » ironisai-je. « Maintenant, vous allez me dire quelles sont ma couleur et ma nourriture préférée, et vous allez me sortir la liste de toutes mes conquêtes passées ? »

Gart se mit à rire.

« Vous refusez de voir l’évidence hein… Oaxaca vous a donné un titre, des hommes, une situation. Là où votre monde vous a rejeté. Beaucoup d’humains ici ont des histoires qui ressemblent à la vôtre. Ici, on peut devenir ce qu’on veut. Pas d’appartenance sociale pour vous imposer ce que sera votre vie. Ici, c’est la loi du plus fort, du plus cruel, de plus opportuniste. À Omyre, on se fait seul et on peut devenir grand. Il n'y a pas de tricherie ici. Soit vous êtes fait pour survivre, soit vous mourrez. Vous êtes taillé pour cette ville. Plus que ce que vous pensez sous vos airs de minet. »

Je m’arrêtai un instant au milieu de la rue. Cette discussion me mettait mal à l’aise. Je ne voulais pas parler de ça. C’était réveiller des sentiments que je m’efforçais d’enfouir au plus profond de moi. Je voulus réagir, mais je n'en eu pas le loisir. Un énorme choc dans mon dos manqua de me faire tomber.

« Dégages de la route toi ! »
Modifié en dernier par Ezak le sam. 9 janv. 2021 00:46, modifié 2 fois.

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Ezak
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Re: Rues et Ruelles

Message par Ezak » ven. 8 janv. 2021 06:30

Je me retournai pour faire face un gigantesque Garzok. C’était une véritable armoire qui devait bien faire dans les deux mètres. Il avait la peau très noire. Ses yeux étaient rougis et transpiraient d’une colère inassouvie. Il portait sur son épaule un marteau cubique en fer noir. Il m’observait de haut, les yeux plissés dans une expression de défi. À la vue de la bestiole, le dégoût se fit de nouveau visible sur mon visage. Je me contentai de lever ma main gauche pour lui mettre ma bague d’officier devant les yeux. Et pour qu’il puisse encore mieux le voir, bien sûr, je levai mon majeur.

« Tu veux vraiment t’en prendre à un sergent de la Reine Noire ? »

Le garzok m’observa de haut en bas.

« Attends une minute… Un jeune officier humain, blond. Une armure aux écailles noires. Tu s’rais pas Ezak d’Arkasse ? »

(Et voilà comment on s’impose devant ces races inférieures.)

« Lui-même. »

Le garzok éclata de rire en me postillonnant dessus de sa salive malodorantes. Il se tordait littéralement. Je levai un sourcil devant tant de cirque. Aux alentours, quelques individus attirés par les bruits de la dispute commencèrent à s’arrêter pour regarder.

« Hey ! Hey ! Tu crois que ton insigne m’impressionne ? J’ai le même grade que toi bouffon ! Sauf que toi, tu n’es qu’un pistonné. Tous les officiers le savent. Un petit humain faible qui a passé plus de temps alité à l’infirmerie que sur le champ de bataille. Allez ! Dégage de ma route la dormeuse ! »

Le Garzok me bouscula de son épaule pour me dégager de la route. Aux alentours, ceux qui s’étaient arrêtés pour regarder se mirent à rire. C’était à majorité des garzoks. Entendre leur rire gras me mit dans une colère noire. Je refusais de me laisser traiter de la sorte, surtout par un membre de leur espèce. Je le jurais, ce serait la dernière fois. Il fallait que je me fasse respecter, sinon toute cette vermine allait croire qu’elle pourrait me marcher dessus impunément.

« Espèce de sale clébard ! Pour aboyer, tu sais y faire, mais quand il s’agit de mordre, il n’y a plus personne. »

Le garzok s’arrêta net. Il se passa quelques secondes durant lesquelles j’attendis une réaction. Puis, sans avertissement, l’individu se retourna pour fendre l’air avec l’énorme marteau qu’il avait en main. J’esquivai d’un bond en arrière. La rage était clairement visible sur le faciès de mon ennemi. J’avais touché juste.

Je sortis mes lames et je me mis en position de combat. Jambes fléchies, prêt à bondir dans n’importe quelle direction. Mes membres commencèrent à frémir d’une légère excitation. Qu’est-ce que j’adorais me battre. C’était sûrement la raison pour laquelle je dévoilai mes dents blanches dans un sourire conquis. Cette expression faciale dû énerver mon adversaire puisqu’il frappa a nouveau de son marteau. De nouveau, je fis un bond en arrière, mais je sentis les mains d’un des spectateurs me repousser vers l’avant. Alors la masse arriva si fort sur mon flanc droit que je tombai dans un cri de douleur. Le souffle coupé, je tentai de reprendre mes esprits, mais je dus réagir dans l’urgence, car mon adversaire était déjà au-dessus de moi, levant bien haut son marteau pour l’affaisser sur mon crâne. Alors je poussai si fort sur mes jambes que je glissai sur le dos vers l’arrière. Le marteau s’écrasa entre mes jambes, manquant de contrarier ma virilité.

Je me relevai rapidement en serrant les dents. J’avais affreusement mal aux côtes. Je devais en avoir quelques-unes de cassées. Cependant, j’avais déjà combattu dans des situations bien pires. J’avais une bonne tolérance à la douleur. Je redoublai de concentration. Face à un ennemi avec tant de puissance, il me fallait redoubler de vigilance. Encore un ou deux coups comme ça et j’étais finis. Avec détermination, je m’élançai vers l’ennemi. Dans une pirouette plutôt bien effectuée, je passai dans son dos pour abattre mes lames de haut en bas sur son corps. Le Garzok laissa échapper un énorme cri de douleur. Il se retourna rapidement pour m’infliger un coup de coup de coude qui me déstabilisa de mes appuis. Le malin profita de ce moment de flottement pour m’infliger un nouveau coup de masse sur l’autre flanc. Ce coup-ci, je crus que je ne m’en relèverais pas. Mes deux pieds décollèrent du sol et je retombai lourdement sur mes blessures. Double peine… Cette fois, le Garzok m’envoya un coup de pied qui me fit rouler sur quelques mètres en me tortillant de douleur.

« Alors toutou ! C’est qui le clébard maintenant ? »

Il avait clairement pris le dessus… Et la confiance. Il me regardait d’un air suffisant alors que je gesticulais de douleur.

« C’est ça le champion de Crean Lorener ? L’élite des maîtres-d’armes ? Arrêtes de chialer la dormeuse. Je vais abréger tes souffrances. »

Le garzok se rapprocha de moi, le pas lourd pendant que je me relevai du mieux que je pus. Autour de nous, les spectateurs hurlaient à mon adversaire de m’achever. Ils le soutenaient clairement plus que moi. Gart était lui aussi dans la foule. Il restait silencieux en observant le combat sans ciller. Lorsque mon ennemi fut assez proche, j’attrapai un Sektegs qui regardait et je l’envoyai en direction de mon ennemi. Surprise, la créature ne put rien faire. Mon adversaire n’eut aucune pitié pour lui et il frappa de son marteau pour le dégager de la route. C’était là une ouverture suffisante pour que je puisse tenter une attaque. Je frappai de mes deux lames sur le torse de mon ennemi. Son armure de peau céda sous mes métaux. Il se retrouva avec deux belles balafres sanguinolentes. En réponse, je reçus un coup de genou puissant dans le torse qui me fit me plier en deux. Je sentis les énormes bras du garzok amorcer un mouvement pour m’achever, mais je ne lui en laissai pas l’occasion. Je me servis du pouvoir de l’épée de Faerunn pour m’élancer à la verticale dans les airs. Un cri de surprise général parcouru la foule et je retombai plus loin, dans un saut périlleux parfaitement exécuté.

Le Garzok eut l’air surpris par ma cabriole, mais il se reprit rapidement. Il s’élança vers moi avec rage tel un bélier. Je fermai un œil pour ajuster ma cible et j’envoyai mon épée dans sa direction. L’arme tournoya sur elle-même, mais elle ne fit qu’effleurer l’ennemi dans sa course. Mon tir était catastrophique. Sans cible, c’est dans un Garzok innocent, - si tant est que cela ai existé un jour- qu’elle alla se planter. L’ennemi arriva donc vers moi avec une puissance inouïe, tête en avant. Je l’esquivai et il alla encastrer quelques pauvres spectateurs dans la foule. Ce combat commençait à faire beaucoup de victimes collatérales. Je profitai de la confusion pour aller récupérer mon épée dans le corps encore chaud du Garzok que j’avais tué par une heureuse inadvertance.

Mon ennemi, lui, revint dans le cercle en écartant sans ménagement les individus qui se trouvaient sur sa route. De mon côté, je décidai qu’il était temps d’en finir. À ce rythme, je risquais de perdre à l’usure. Ainsi, je me mis dans une posture bien connu de bien des maîtres épéistes. Je m’apprêtai à faire danser mes lames alors que le garzok s’approcha de moi, pour me frapper à nouveau. Le malheur lui en prit. Je fis un pas, puis deux, et je tournai sur moi-même dans un pas de danse endiablé. À la fin de mon tour complet, j’avais planté mes deux lames dans la gorge de mon adversaire qui n’avait pas su lire ces mouvements folkloriques. S’en était finit de lui. Son corps tomba lourdement sur le sol après que je l’eus décapité de rage en retirant mes lames de sa gorge. Je défiai l’assistance du regard.


« Alors ? Il y en a toujours qui veulent rire à mes dépens ? »

Je pointai de mon doigt plusieurs Garzoks.

« Toi peut-être ? Ou encore toi ? Et toi là-bas ? Tu as plus envie de t’esclaffer ? »

Aucun d’eux n’osa dire mot. Ils se contentèrent de grogner de manière menaçante, visiblement frustrés de ne pas pouvoir me tenir tête.

« Alors allez leur dire à tous que nul ne se moque de l’ Élite impunément. »

Comme je l’eus déjà ressenti sur Aliaénon, j’éprouvai une soif soudaine. Alors j’attrapai la tête du garzok détaché de son corps et je la levai au-dessus de moi en ouvrant la bouche pour m’abreuver du sang qui s’en échappait. Je laissai le liquide encore chaud s’écouler à travers mon gosier. Plus je buvais et plus je sentais mes blessures s’amoindrir. Déjà, mes côtes étaient beaucoup moins douloureuses. Lorsque j’eus fini, je balançai la tête exsangue vers la foule coite.

« Même votre sang a un goût de merde… »

Encore animé par la colère, je m’éloignai, ouvrant un passage à travers les curieux amassés. Gart vint se placer à ma hauteur..

« Qu’est-ce que je disais ? Vous êtes taillé pour cette ville. »

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Eteslë
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Re: Rues et Ruelles

Message par Eteslë » ven. 17 sept. 2021 02:06

Tonnes de roche

La jeune femme sort en trombe de la pièce, se ruant dans le couloir encombré de débris pour se ruer vers la sortie qu’elle vient de quitter. Elle montre les escaliers aussi vite que ses jambes le lui permettent et bousculent sans ménagement les deux garzoks en armure qui s’occupent de rassembler les corps sans vie étendus dans la pièce. L’un d’eux rouspète bien, mais la jeune femme l’ignore, grimpant aussi vite qu’elle peut pour sortir par la trappe située dans un bâtiment délabré et presque à l’abandon. Elle ouvre d’un violent coup de pied la porte menant vers l’extérieur, le bois vieillissant supportant mal l’impact et la porte se dévisse de ses gonds pour s’écraser dans la rue sous les yeux surpris de dizaines de passants fixant Eteslë avec surprise alors qu’elle déboule telle une furie sous la lumière du jour. Elle regarde autour d’elle, situa approximativement l’emplacement de la pièce de la réunion et se met à courir vers ce qu’elle pense être la bonne zone.

Ce sont des cris qui l’amènent vers le bon endroit, provoqués par la destruction d’un gros morceau de mur qui s’abat sur la rue, laissant la place au gobelin et sa créature de roche. Eteslë continue de courir vers eux, mais le mage s’enfuit. Virek, inconscient, est transporté par la créature de roche et ne semble pas être sur le point de se réveiller. La course poursuite s’engage, Eteslë bousculant les badauds tandis que le mage les projette ça et là avec sa magie, créant une cacophonie et un bordel sans nom dans les rues bondées de la ville. Les rares qui essaient de s’interposer sont balayés par la créature et fracassés sur les murs alentours ou retombant derrière elle, gênant Eteslë qui doit maintenant faire attention aux éventuelles chutes de corps vivants. Heureusement, bien peu cherchent à empêcher le sekteg d’avancer et la plupart s’écartent vivement en voyant ce qui leur arrive dessus.

- Hey vous là ! Arrêtez-vous !

Elle grogne en voyant une patrouille de soldats débouler depuis une ruelle adjacente. Par chance, ils prennent aussitôt le mage pour la menace et pas la cogneuse qui lui court après. Les soldats se ruent à la poursuite du fuyard, Eteslë les rattrapant sans mal au vu de leurs armures encombrantes. Elle en dépasse un, puis un deuxième, s’approchant encore et encore du mage qui tourne brusquement vers un mur. Eteslë le pense un instant fou de vouloir détruire le mur pour passer, mais elle se trompe, car un monticule de roche se forme et permet au mage de grimper au premier étage sans encombre et sans avoir à détruire quoi que ce soit. Le premier garzok le poursuivant le suit, mais le mage inverse le sort et le monticule se détruit, faisant chuter le soldat au beau milieu d’un amas de roche qui l’ensevelit rapidement. Un de ses comparses va pour l’aider, mais la cogneuse, faisant peu de cas de la situation de la patrouille poursuit le mage et profite de son élan pour faire juste assez de pas sur le mur pour s’agripper à l’ouverture et se hisser dans le bâtiment à la force des bras.

Elle a tout juste le temps de jeter un œil devant elle qu’elle voit un projectile lui foncer dessus. Elle roule sur le côté, laissant ce qui ressemble à une hache la frôler tandis qu’une matrone garzok lui hurle de sortir de sa maison. Eteslë grimace. Voilà qu’elle se fait attaquer par une garzok au foyer, elle aura décidément tout vu. Elle repousse sans peine la garzok qui braille dans sa langue avant de voir le mage courir sur une plateforme de roche entre les deux bâtiments. Elle jure intérieurement et se lance à sa poursuite, se jetant à travers l’ouverture pour courir à sa poursuite alors qu’il atteint l’autre bâtiment. Il se retourne et claque des doigts. Eteslë sait d’avance ce qu’il se passer et utilise sa vitesse pour sauter juste avant que la plateforme ne s’écroule. Elle a l’impression que le temps ralentit lorsqu’elle se retrouve au-dessus du vide, mais cela ne dure pas longtemps et, elle parvient à surprendre le mage en lui atterrissant directement dessus.

Elle s’écrase sur le sekteg qui chute alors que la jeune femme roule sur le côté après le choc. Elle se relève en vitesse et se rue sur sa proie, mais son amas de roche vivante s’interpose à nouveau et jette un épieu de roche qu’Eteslë évite en plongeant sur le côté. Elle voit avec fureur le mage se relever et commencer à s’enfuir en se tenant tout de même le buste, comme s’il souffrait du choc lorsqu’Eteslë lui a atterri dessus. C’est la seule satisfaction qu’elle peut avoir avant que la roche mouvante ne la force à éviter encore une de ses attaques. Cette fois-ci, elle semble déterminer à en finir avec la cogneuse, abandonnant même Virek sur le sol pour se focaliser sur la jeune femme, lui faisant perdre un temps précieux en plus d’être extrêmement dangereuse. La jeune femme n’a aucune idée de comment détruire un bloc de pierre, surtout à mains nues et elle doute que la petite dague qu’elle a gardée lui soit d’une quelconque utilité. Bloc de pierre qui d’ailleurs fait une chose surprenante. Les gravats qui tournaient autour s’amoncellent en son centre, offrant à la roche une armure... de roche.

(Comme si c’était pas déjà assez difficile…)

La forme de la chose change elle aussi, prenant une forme plus humanoïde, avec de courtes jambes épaisses mais de grands bras sur lesquels terminés par de larges mains. Elle lance aussitôt sa mains ver Eteslë qui bondit en arrière et cherche une arme des yeux, consciente que, cette fois, ses poings seuls risquent de se briser avant la créature. L’idée d’une protection pour ses poings devient de plus en plus indispensable à mesure qu’elle tombe sur ce genre d’adversaire. Elle pose finalement ses yeux sur un tabouret et s’en empare pour se ruer sur le colosse de roche qui détruit le plafond au-dessus de lui en levant le bras pour l’abattre sur la jeune femme qui ne l’évite que de justesse. Le poing du colosse traverse le plancher, laissant une ouverture à Eteslë qui bondit sur ce qui ressemble à la tête et abat son arme improvisée, qui vole en éclat sans faire le moindre dommage. Elle fixe une fraction de seconde, dépitée, le pied du tabouret, avant de reculer pour éviter les représailles du monstre de roche.

- Gouge !

Elle se jette à nouveau à l’assaut, évitant un coup brutal qui fracasse le sol. Elle saute et frappe ce qu’elle espère être le point faible de la créature. Son poing s’écrase contre la roche et tout ce qu’elle gagne, ce sont des phalanges en sang, une douleur dans la main et une perte d’attention brève, mais suffisante pour que la main du colosse se referme sur sa jambe et l’envoie valdinguer contre un mur. Elle s’y écrase, y laissant une marque, avant de s’écrouler sur le sol, le corps douloureux. Elle se redresse néanmoins, n’ayant rien de cassé. Elle se baisse, évite un coup qui détruit la moitié du mur derrière elle, puis file en avant. Elle glisse sur le sol, roule sur le côté et lance un gravât sur la tête de la créature. Difficile de dire si cela a eu un quelconque effet, puisque rien ne semble l’atteindre. La jeune femme saute par-dessus un trou fait par la roche mouvante, puis a une idée. Elle s’arrête, et évite de justesse le poing de roche qui fonce sur elle. Celui-ci traverse le plancher, faisant un nouveau trou. Elle se décale à nouveau, tente de contourner la créature mais est soudainement pris de vertige et un lourd éclat de roche vient la percuter dans les côtes, la projetant plus loin, près du corps de Virek, toujours inconscient. Elle geint de douleur et se redresse, palpant ses côtes douloureuses. Elle respire toujours, c’est l’essentiel, mais son corps a du mal à tenir le rythme, n’étant pas totalement remit encore. Elle jette un œil à Virek et vérifie son souffle. Faible, mais vivant.

Elle se relève et fait face, observant les craquelures du sol qui peine à soutenir encore le poids de la créature après tous les trous qu’elle a créé. Eteslë sent que c’est sa seule chance de s’en sortir, alors elle fait tout pour provoquer la chute. Elle évite au mieux l’épieu de roche qui lui frôle la tête, cognant tout de même légèrement sa tempe, juste assez pour la faire tituber et presque s’empaler sur le suivant qu’elle n’évite que d’une roulade. Ses mouvements ne sont plus coordonnés, elle peine à se reprendre, mais l’occasion se présente enfin. Le poing de roche s’abat. Elle serre les dents et se jette en arrière alors que la masse traverse le sol. Un lourd craquement s’ensuit et la jeune femme se fige. Le sol se craquelle brusquement sur tout l’étage, se fissure et la cogneuse se relève en vitesse pour se ruer vers le corps de Virek. Elle attrape le gobelin au moment ou le sol commence à s’effondre sous les pieds de la créature. Celle-ci disparait dans le trou et le sol de l’étage entier s’écroule. La jeune femme réagit au quart de tour et, tenant Virek, se jette par la fenêtre la plus proche. La chute est brève depuis le premier étage et la jeune femme roule sur le sol en tentant de protéger le corps de Virek, lui tenant la nuque dans un geste instinctif.

Un grand bruit sourd lui fait tourner la tête vers le bâtiment qu’elle a quitté de manière singulière et elle voit le bâtiment commencer à s’effondrer sur la créature qui s’acharne à sortir en détruisant les murs. Sous peu, le bâtiment entier s’effondre, engloutissant la créature sous des tonnes de gravats. De nombreux cris résonnent aux alentours et de nombreux badauds s’approchent. Ne souhaitant pas spécialement attirer l’attention, la jeune femme soulève Virek qu’elle porte sur son dos avant de s’éloigner en boitant légèrement. Plus aucun bruit de la créature ne lui parvient, et elle espère qu’elle en est bel et bien débarrassée cette fois.

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Re: Rues et Ruelles

Message par Eteslë » sam. 18 sept. 2021 00:59

Colorées de mauve

Pendant toute une semaine, Eteslë alterne des phases de repos avec des moments de travaux musculaires. Virek la surprend parfois à se tenir en équilibre sur ses mains ou à faire des pompes ou des abdominaux dans l’idée de renforcer son corps. Le sekteg, visiblement concerné par la santé de sa combattante, lui demande de surtout se reposer, mais devant l’obstination de la jeune femme, il abandonne et se contente de la tenir informée des derniers événements. La milice recherche activement le responsable de l’effondrement du bâtiment entier et plusieurs témoins auraient une humaine aux avants bras couverts de sang quitter les lieux avec une victime sur le dos. Le signalement est assez vague pour que la jeune femme ne soit pas inquiétée, mais Virek a promis de s’assurer que personne ne viendrait fouiner de leur côté. Après tout, le responsable ne sont autres que le mage et son élémentaire, pas la jeune femme qui n’a fait que se défendre… en quelque sorte.

La jeune femme finit par ne plus sentir ses élancements dans les épaules et ses côtes perdent leur couleur mauve pour reprendre une teinte normale. Virek ne semble pas très partant pour qu’elle parte au hasard à la recherche du mage, mais rester à ne rien faire ne plaît guère à la cogneuse, pas alors que cette ordure de sekteg court toujours.

- Ecoute… Je peux voir avec Valadria pour que tu participes aux recherches, mais juste errer au hasard dans la ville ne va certainement pas te donner d’indices sur l’endroit où il se trouve, alors laisse faire les traqueurs shaakts, ils sont formés pour ça et Valadria est la meilleure que je connaisse dans ce domaine. Pas pour rien qu’elle était l’une des chefs les plus puissantes. Hmm.

- Et toi ?

- Moi ? Et bien… j’ai des contacts partout, des informateurs, un réseau d’espions et de petits yeux qui veillent en ville, dans tout l’empire et au-delà. Personne ne s’attaque à un informateur lorsque celui-ci pourrait révéler de lourds secrets… alors on lui offre un siège et on prie pour que cela sui suffise. Tu vois le tableau ? Hmm ?

- Je vois.

- Bien sûr cela ne protège pas de tout, alors j’ai quelques assassins à mon service également. La menace est bien moins impressionnante avec la gorge tranchée et ses morceaux réparties aux quatre coins d’Omyre.

Cela tire un sourire crispé à la cogneuse qui porte instinctivement sa main à sa gorge toujours marquée de l’espèce cicatrice de la blessure qui aurait dû lui être fatale. Virek surprend son geste, mais n’ajoute rien, se contentant de se lever, lui conseillant de se préparer autant que possible. Elle hoche la tête, attrape son manteau et décide de quitter la maison, la capuche sur la tête pour contrer la pluie tenace qui s’est abattue sur la vile ces derniers jours. Une pluie fine et glacée qui ne plaît à personne et rend certains endroits boueux au cœur même de la ville. La cogneuse lève le nez vers le ciel gris terne et se met finalement en route vers l’arène, le seul endroit où elle a la possibilité de faire de vrais entrainements dignes de ce nom, sa chambre étant limitée à ce sujet. Elle apprécie de sentir son corps en bonne forme physique et prêt à l’action dès que nécessaire Et s’est même mise à soigneusement calibrer ses entrainements matinaux. Jamais trop d’efforts, juste assez pour faire travailler ses muscles tout en pouvant rester active ensuite.

Pour ce qui est du combat, en revanche, elle n’a guère le choix que de se rendre là où elle peut trouver des adversaires et du matériel pour ne pas avoir à frapper des gens au hasard dans la rue. Les apparences sont parfois trompeuses à Omyre et on ne sait jamais sur quoi ou sur qui on peut tomber au premier abord. Rien ne dit que ce Garzok en train de bailler n’est pas un combattant vétéran qui pourrait arracher un tronc d’arbres à mains nues, ou que cet humain en train de courir pour échapper à l’averse n’est pas un assassin. Méfiance est mère de sûreté dans cette ville et la jeune femme admet volontiers que sa rencontre fortuite ave Virek a été un coup de pouce bien appréciable, même si les ennuis qui gravitent autour du Sekteg lui retombent dessus.

Elle s’arrête lorsqu’une charrette déboule depuis une rue adjacente, soulevant de la boue et faisant râler les passants alentours face au conducteur qui se hâte de filer. La jeune femme observe un instant la charrette avant de reprendre sa route lorsqu’un frisson lui parcourt l’échine. Elle plisse les yeux et se décale rapidement pour se coller à un mur, prenant une pose nonchalante en baissant son capuchon sur sa tête, son regard mauve scrutant les alentours avec suspicion. Rien ne semble l’interpeler de prime à bord, mais elle reste à l’affût, observant les passants en cherchant une bosse dissimulant une arme, ou un faciès caché derrière un foulard ou sous un capuchon. Elle n’aperçoit rien, mais n’est pas pour autant tranquille. Quelque chose lui souffle qu’elle n’a pas eu ce frisson à cause de la pluie froide. Un éclair illumine soudainement le ciel, faisant fuir quelques habitants, mais faisant réagir Eteslë d’une toute autre manière. Elle s’écarte du mur et se retourne en levant les yeux.

Au-dessus d’elle, à environ trois mètres de haut, se tient une silhouette accroupie sur le rebord du toit de l’habitation. Le large manteau ne laisse rien paraitre de son corps, le capuchon cache son visage et les seuls endroits visibles sont habillés d’un tissu ou d’un cuir noir comme la nuit. Elle fixe la silhouette pendant quelques secondes avant que celle-ci se bouge finalement. Elle se redresse et saute dans le vide avant de piquer droit sur la jeune femme pour asséner un violent coup de pied. Eteslë, rapide, s’écarte, laissant son agresseur toucher le sol plutôt que sa tête, faisant voler de la boue autour de lui. Rapide, la cogneuse propulse son poing vers le visage caché, mais son poing est arrêté par le dos d’une main gantée, suivi d’une riposte qu’elle dévie avant de donner un violent coup de pied circulaire que son adversaire évite en sautant au-dessus avant de bondir en arrière. La jeune femme se met en garde, observant son agresseur qui ne bouge plus, droit comme un piquet, son manteau cachant tout son corps jusqu’à ses chevilles. C’est une voix féminine qui sort de sa capuche, une voix à la fois surprise et irritée.

- Ainsi, ils ont menti… Voilà une surprise de taille qui fera plus du heureux. Et qui verra quelques têtes tomber… ne trouves-tu pas cela comique ?

La cogneuse ne bouge pas, ne réagit pas. Elle ne s’attendait pas à ce que le mage sekteg se soit allié avec d’autres races pour lui nuire, mais force est de constater que cette petite ordure a plus de tours dans son sac qu’elle ne le pensait. Elle observe son adversaire qui reste immobile, tellement qu’on pourrait presque croire qu’il ne respire pas. Pas un mouvement ne trahit le moindre signe de vie sous le tissu du manteau. Rien, si ce n’est la voix qui s’élève à nouveau.

- Le Cercle ne te laissera plus tranquille à présent, j’espère que tu en es consciente. Les défier et y survivre… une première qui va les irriter…

Cette fois, Eteslë est perplexe. Défier ? le Cercle ? Elle n’a aucune idée de ce dont parle celle face à elle. Elle reste en position, préfère ne pas baisser sa garde ne serait-ce qu’une seconde. Lentement, son interlocutrice porte les mains à son visage et redresse la tête. Une mèche de longs cheveux roux s’échappe de la capuche, mais ce qui interpelle Eteslë, ce sont les deux iris qui la fixe. Deux iris d’un mauve qu’elle connaît bien et qui la fixe alors avec une détermination froide et une colère contenue.

- Le Cercle n’a pas besoin de savoir.

Et elle bondit. Un saut qui n’a rien d’humain, la propulsant à plusieurs mètres au-dessus du sol avant qu’elle ne retombe droit vers Eteslë. Cette dernière saute en arrière et bien lui en prend. Lorsque le pied de sa mystérieuse agresseuse touche le sol, celui-ci se creuse avant d’exploser dans toutes les directions, projetant terre et débris de gravats en tout sens. La cogneuse roule en arrière et se réceptionne, un genou au sol, l’autre jambe étendue sur le côté, prête à agir. Elle n’est simplement pas prête à la vitesse inhumaine de celle qui l’attaque. Projetant à nouveau des gravats, mais cette fois-ci derrière elle, son adversaire est sur elle en une fraction de seconde, en un seul bond. Eteslë, surprise, ne réagit que de justesse pour éviter le coup de pied qui la frôle, puis se jette en arrière et se propulse avec ses mains pour s’écarter en vitesse. Elle glisse sur le sol trempé et fait face à son attaquant qui approche d’un pas rapide, décidée à en découdre. Elle se redresse et se prépare à répondre violement, mais ce qui suit la laisse sans voix.

- Pourquoi es-tu allée à l’encontre du Cercle ? Quelle folie a pu te passer par le crâne alors que tu avais tout qui te tendait les bras ?!

Elle se jette sur elle, abat sa jambe sur son crâne, mais Eteslë réagit assez vite cette fois et l’arrête au niveau du mollet, croisant le regard de son adversaire tandis qu’elle essaie de forcer avec sa jambe.

- J’te connais pas.

Une lueur d’incompréhension éclaire brièvement les iris mauves de son adversaire qui bondit en arrière.

- Comment oses-tu…?

- Plus de souvenirs.

Eteslë, lasse de converser sans rien comprendre ce que tout cela peut bien signifier, pointe sa gorge pour montrer sa cicatrice. Son adversaire se fige et redevient immobile, entourée de son manteau. La cogneuse, elle, se tient prête à réagir, mais, visiblement, tout cela est terminé. D’un geste sec, son adversaire fait demi-tour, sa voix grondant une dernière fois avant qu’elle ne s’éloigne à grandes enjambées.

- On se reverra…

D’un bond, elle saute sur le toit d’une habitation et disparait, laissant Eteslë aussi perplexe qu’intriguée par ce qu’elle vient de vivre. Elle a le sentiment que tout cela est lié à ce passé disparu et bien plus que simplement le temps à passer à Darhàm. Quelque chose de plus ancien, plus important. Et ce que cette femme pouvait faire… Elle observe la chaussée pulvérisée et plisse les yeux. Elle espère elle aussi qu’elles se reverront et qu’elle aura enfin des réponses à ses questions.

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Eteslë
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Re: Rues et Ruelles

Message par Eteslë » mar. 21 sept. 2021 02:32

La récompense d’un échec

Le silence semble avoir remplacé la fureur du combat qui avait pris place dans l’esprit de la jeune femme. Sous elle, le corps brisé du sekteg émet encore des sifflements de douleurs tandis que le sang coule de sa bouche et de son oreille. Autour, dans un décor apocalyptique, des corps de sekteg sont étendus çà et là accompagnés de quelques shaakts. Des gravats recouvrent le sol et un amas particulier donne à Eteslë l’emplacement de l’élémentaire du mage, qui a dû combattre les elfes noirs. Une poignée d’entre eux est occupé à achever les sektegs blessés et s’occuper des leurs. Le calme semble revenu et Eteslë fronce les sourcils, un sentiment étrange dans la poitrine, comme si elle manquait quelque chose de crucial sans le percevoir. Ce pressentiment a enflé avant le début de l’affrontement et, maintenant qu’il est terminé, il est toujours présent. Elle observe le mage sous elle et se relève, le laissant reprendre une grande bouffée d’air en toussant et crachotant tandis qu’elle observe les alentours à nouveau.

( C’est tout ?)

Il lui semble qu’il manque quelque chose, mais au vu des morts et des blessés, le spectacle qui l’entoure lui donne l’impression qu’elle se trompe. Elle baisse les yeux sur le mage qui a lâché son bâton. Elle prend celui-ci en main. Toujours cette étrange forme d’attrape-coquin en fer qui lui a semblé bizarre en tant de bâton magique. Tout semble concorder pourtant, elle n’est pas satisfaite. Le ricanement du gobelin lui fait alors froncer les sourcils et elle s’agenouille en le soulevant par le col, plongeant ses yeux dans les siens. Il tousse, crachote, mais ne cesse de sourire.

- Quoi ?!

- Tu cherches à comprendre… oui-oui. Nous-nous ne sommes pas… les seuls à agir. Tu devrais… le savoir… Vous… les iris mauves… vous êtes toujours là… dans l’ombre.

- Quoi ? Explique !

Il toussote, crache un peu de sang et Eteslë est à deux doigts de le frapper à nouveau avant qu’un shaakt ne lui indique qu’ils doivent bouger. Elle hoche la tête et sous le regard surpris de l’elfe noir, soulève le sekteg qu’elle embarque avec elle, en plus de son bâton. Ce petit salopard semble avoir des informations qu’elle compte bien obtenir. Le shaakt ouvre la bouche pour protester, mais la jeune femme lui jette un regard glacial qui lui cloue aussitôt le bec. En quelques minutes, les corps des elfes noirs sont tous récupérés par leurs congénères et évacués, effaçant toutes traces de leur présence, jusqu’à retirer les carreaux d’arbalètes sur les corps ou éparpillés au sol. Ils se doivent de rester incognito selon l’un d’eux et la cogneuse hoche la tête, n’en ayant au final pas grand-chose à faire.

Elle se concentre sur le sekteg qu’elle a délesté de tout ce qu’il avait sur lui, dans l’espoir de trouver une quelconque information. Un elfe noir a pris vaguement en charge les soins de première nécessité et Eteslë se retrouve avec le blanc bandé, le sekteg n’ayant droit qu’à un examen de surface, l’elfe noir n’ayant « pas de temps à perdre avec cette ordure ». La jeune femme n’insiste pas, mais espère qu’il survivra assez longtemps pour répondre aux questions qu’elle se pose et qu’elle compte bien lui poser. Elle vérifie la petite bourse trouvée sur lui, mais n’y trouve que des pièces. Elle n’imaginait pas qu’il se balade avec un carnet retraçant tous ses faits et gestes – ce qui ne l’aurait pas aidé vu son incapacité à lire - mais elle aurait bien aimé avoir un quelconque parchemin qu’elle aurait fait lire par Virek, au moins. C’est donc en cachant du mieux le corps brisé du mage que la jeune femme retourne aussitôt vers la maison de Virek.

Suivie de deux shaakts, elle se hâte de prendre une ruelle adjacente et évite les rues les plus larges, prenant tours et détours au milieu des ruelles et des regards discrets qui se détournent bien vite. Elle bifurque après avoir vérifié que la voie est libre, s’engageant dans une ruelle étroite et mal éclairée. Un frisson lui parcourt alors l’échine et elle s’arrête, attirant l’attention des deux shaakts qui demandent à voix basse, et dans un ensemble parfait, ce qu’il se passe. La jeune femme lève le nez, yeux plissés et sourcils froncés, une sensation semblable lui revenant en mémoire. C’est lorsqu’elle comprend qu’elle écarquille les yeux et se retourne. Trop tard. Dans une explosion de gravats et de pavé, les deux shaakts sont projetés à travers les murs des bâtiments adjacents, les traversant en laissant une traînée de sang dans leurs sillages. Eteslë se baisse aussitôt, les yeux néanmoins fixés sur la silhouettes encapuchonnée d’où deux iris mauve se détache de son visage plongé dans l’obscurité. Le sekteg ricane alors, doucement.

- L’échec est puni… oui-oui.

- La ferme…

Elle se redresse, faisant face à la silhouette qu’elle aurait préféré ne pas revoir de sitôt. Elle jette un rapide coup d’œil à la dévastation provoquée dans la ruelle et le sang qu’on laissé les deux shaakts derrière eux ne lui donne guère d’illusions sur leurs sorts. S’ils sont vivants, ils ne sont probablement pas en état de lui filer un coup de main. Elle n’a qu’une seule issue, qui se trouve derrière elle. Ça ou faire face, mais elle doute de ses chances au vu du dernier affrontement, surtout vu son état et le fait qu’elle porte le corps d’un sekteg mal en point, ce qui devient un peu trop une habite à son goût ces derniers temps. La silhouette, jusque-là immobile et silencieuse, tend alors le bras.

- Remets-le-moi et tu auras la vie sauve. Ce n’est pas à moi de te tuer.

- Le Cercle ?

- Ses envoyés, oui. Ce n’est pas ma mission ici. Mission que toi et tes camarades malfrats avez savamment anéantie, grâce entre autres à l’aide de l’imbécile que tu protèges.

- Nous-nous étions prêts…

- Foutaises, imbécile. Tu as lancé l’assaut trop tôt, tu as manqué de vigilance et tu t’es surestimé. Mais qu’attendre d’un sekteg, après tout ? Facile à manipuler, mais si peu fiable… Remets-le-moi et tu auras un sursis. Sinon, je vous élimine tous les deux, ici et maintenant.

Pesant le pour et le contre, Eteslë pose au sol le sekteg qui n'a de toute façon plus très longtemps à vivre et recule de quelques pas. Elle n’a aucun détail du visage de la silhouette face à elle, mais elle peut deviner sans problème son sourire au vu de l’éclat de son regard. Elle s’avance alors vers le sekteg et Eteslë observe calmement. Une fois assez proche, elle bande ses muscles et bondit soudainement en avant, cueillant la femme en plein torse avec son coup de pied, l’envoyant bouler quelques mètres plus loin. Sans perdre de temps, elle ramasse le sekteg et se met à courir, ignorant le hurlement de rage de celle qu’elle a frappé traîtreusement. Elle parvient néanmoins à entendre la voix du sekteg. D’un ton surpris, il demande.

- Pourquoi ?

- Réponses. Besoin de toi.

Elle n’a certainement pas fait cela par bonté d’âme. Si elle n’avait pas cherché des réponses, elle aurait laissé le gobelin crever dans la rue avec ses comparses. Un grand bruit se fait entendre derrière elle, mais elle continue de courir, uniquement pour écarquiller les yeux en voyant son adversaire s’écraser devant elle, projetant à nouveau débris et pavés en tous sens, sa voix chargée de colère alertant rapidement Eteslë.

- Cette fois, pas de sommation.

Elle se rue en avant, prenant de vitesse Eteslë qu’elle projette contre le mur le plus proche d’un coup de pied si brutal que la jeune femme sent ses os crier grâce. Elle s’écroule contre le mur, le bras engourdi, le sekteg glissant de son emprise pour se retrouver soulever par son adversaire qui lui brise la nuque d’un geste brutal et dans un craquement sordide, laissant retomber le corps sans vie au sol comme une vulgaire poupée de chiffon. La cogneuse se relève, faisant face au regard brûlant sous la capuche restée étrangement en place. Elle-même enrage, énervée d’avoir perdu sa source d’information à cause de cette inconnue qui a visiblement joué un rôle dans tout ça.

- Pas besoin des Envoyés… Tu m’emmerdes. Je vais te buter, maintenant.

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Eteslë
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Re: Rues et Ruelles

Message par Eteslë » mar. 21 sept. 2021 12:50

Un nom à suivre.

Eteslë voit son adversaire se ruer sur elle et réagit aussitôt. Elle se jette en avant et la percute, les deux roulant sur le sol avant que la cogneuse ne soit projetée. Elle retombe lourdement, mais reprend vite ses esprits et se relève pour éviter une attaque sautée, répondant d’un coup de pied paré par le bras droit de son ennemi. Les deux femmes se fixent un instant, puis Eteslë sent une main se poser sur sa jambe avant de décoller du sol et d’être envoyée à plusieurs mètres de là, au cœur de la ruelle. Elle atterrit souplement sur ses jambes, fait une roulade pour amortir la pression sur ses genoux et se retourne pour voir son adversaire foncer sur elle. Elle évite un coup-de-poing en le déviant, riposte par un autre qui est évité aisément, encaisse un coup sur son épaule avant d’en lancer une série rapide qui effleure son adversaire, celle-ci bougeant à une vitesse folle. Un coup la surprend au ventre et elle est projetée contre un mur. Elle secoue la tête, sonnée, avant de rouler sur le côté pour éviter un coup de pied sauté qui arrache la moitié du mur en question, des gravats tombant en pluie sur les deux combattantes.

- C’est tout ? Après tout le mal que le Cercle s’est donné pour te faire disparaître, c’est tout ce que tu as à offrir ? La soi-disant prodige, quelle blague.

Elle grommelle d’autres mots qu’Eteslë ne perçoit pas, la cogneuse se relevant avec peine. Elle inspire et se remet en position face à celle qui semble la connaître mieux qu’elle-même n’en a jamais rêvé. Un cri de rage s’élève depuis le visage obscurci de la jeune femme qui lui fait face et celle-ci se jette sur elle. Un coup de pied descendant qu’Eteslë évite sans peine, répliquant aussitôt d’une série de coups rapide, l’un deux frappant le sternum avec violence. Enfin, un grognement de douleur se fait entendre. Eteslë prend l’initiative, enchaîne les assauts, alternant pieds et poings dans un ballet rapide que son adversaire peine à parer ou à encaisser. D’un coup de pied arrière, elle lui coupe le souffle, puis se glisse sur son côté pour frapper sa rotule, pas assez fort pour la briser, mais assez pour la faire tomber à genoux. Et alors qu’elle allait frapper, elle perçoit de curieux signes s’illuminer sur les bottes de son adversaire avant que celle-ci ne hurle.

- ASSEZ !

Le sol se creuse sous elle avant d’exploser brutalement, envoyant voler Eteslë sur une dizaine de mètres, son dos encaissant l’impact avec violence, lui coupant le souffle et la laissant hagarde pendant un instant, incapable de comprendre ce qu’il vient de se passer. Ses oreilles sifflent et elle sent tout son corps lui demander grâce. Elle inspire, si fort qu’elle en souffre, avant de se relever, ignorant complètement les lancements de douleurs dans chaque fibre de son être. Un filet de sang coule le long de sa tempe, un autre depuis son oreille, mais elle les ignore également, focalisée uniquement sur la silhouette encapuchonnée qui se tient au milieu de la rue dévastée. Un pan de mur s’écroule derrière cette dernière qui s’avance vers elle, poings serrés, mais le pas incertain, elle est comme fatiguée, ou blessée.

- Tu n’as jamais pensé qu’à toi… t’as foutu le camp sans te soucier des autres, et tout ça pour quoi ? Pour finir dans ce trou à merde qu’est Omyre ? Pourquoi ?

Eteslë se contente d’observer son adversaire, mais son esprit tourne à plein régime, tentant d’analyser, de comprendre les paroles de son interlocutrice. Elle n’y comprend rien à vrai dire. Sans aucun souvenir de ce qui a bien pu se passer avant son réveil à Darhàm, elle ne parvient pas à comprendre le moindre mot de ce qu’elle peut dire.

- Sais pas.

- Comment ça, tu sais pas ? Espèce de foutue…

- Me souviens pas !

Elle pointe sa gorge marquée de sa large cicatrice, puis sa tête du doigt, incapable d’en dire plus sans s’arracher la gorge. Un long silence s’ensuit. Il semble que plusieurs minutes passent sans qu’aucune des deux ne fasse le moindre mouvement, puis l’interlocutrice détend finalement son corps, laissant Eteslë faire de même. Le regard mauve qui fixe la cogneuse n’est plus empli de colère, mais d’incompréhension, de tristesse et de doutes. Puis les mains se lèvent et la capuche glisse, révélant le visage de la jeune femme. Un visage fin aux pommettes douces, aux taches de rousseur apparentes et aux grands yeux violets. Une cicatrice marque l’une de ses arcades et ses oreilles sont cachées derrière la masse de cheveux roux coupés courts, lui arrivant à peine aux épaules. Elle reste immobile un instant, puis un rictus déforme son visage.

- Tu ne te souviens vraiment pas…

Un nouveau silence suit la réalisation par l’inconnue aux cheveux roux face à Eteslë. Les deux se fixent, l’une pleine de compréhension tandis que l’autre est incapable de dire un mot, incapable de réellement comprendre ce qu’il se passe à ce moment précis. Lorsque la rouquine fait un pas, Eteslë recule, soudainement mal à l’aise. Elle qui cherche le passé, le voir débarquer ainsi lui fait un effet bizarre qu’elle n’apprécie guère. Un mal de tête commence lentement à s’installer, mettant à mal sa concentration, la douleur reprenant peu à peu le dessus sur le reste.

- Cherche Medea, elle t’aidera. Et peut-être que tu nous aideras aussi.

La cogneuse relève la tête, faisant face à nouveau à ce visage obstrué par la capuche semblant apporter les ombres sur ce qu’il cherche à dissimuler. Elle hausse un sourcil interrogateur auquel la rouquine hoche la tête avant de répondre.

- Elle saura quoi faire. Cherche l’Île de Tol'Lhein, trouve medea. Le Cercle apprendra tôt ou tard que tu es vivante et, seule, tu n’as aucune chance dans ton état. Tous tes souvenirs, tout ce que tu sais doit te revenir si tu veux avoir une chance. Si quelqu’un peut t’aider, c’est elle.

Elle se retourne pour repartir, mais Eteslë tend le bras malgré la distance, sa voix caverneuse se répercutant contre les murs de la ruelle dévastée.

- Ton nom.

Elle se tourne un instant, semble hésiter avant de secouer la tête.

- Tes souvenirs t’apporteront les réponses que tu désires. Medea te renseignera. Te donner mon nom pourrait me mettre en danger, il n’en est pas question. Je t’attendrai… nous t’attendrons. Elle t’attendra… Plus que n’importe qui…

Et sans un mot de plus, elle repart, courant avant de sauter sur un toit d’une simple poussée, comme portée par la terre et l’air, laissant Eteslë seule au milieu des gravats, dans un silence assourdissant. La jeune femme fixe, hébétée, l’endroit où la silhouette a finalement disparu, avant de flancher et de s’asseoir en s’effondrant à demi. La migraine commence à empirer et elle ferme les yeux, trouvant enfin une forme de paix dans cette journée qui était loin d’être celle à quoi elle s’attendait. Elle soupire et se relève pourtant, ramassant ce qu’elle peut de son corps, de son énergie et des bricoles que le sekteg avait sur lui dans l’espoir d’en apprendre tout de même un peu, puis elle marche, prend le chemin de la demeure de Virek, faisant le chemin dans un état de semi-conscience, portée uniquement par son instinct et sa volonté.

Lorsqu’elle ouvre finalement la porte de la demeure, elle s’effondre à moitié attirant rapidement l’attention des occupants. Elle aperçoit Virek et Valadria, s’étonnant quelque peu de la présence de cette dernière. Elle jette au sol le bâton du mage et crache un filet de sang. Elle entend vaguement les voix, les questions posées et son propre nom, mais ne parvient pas à assimiler tout cela d’un coup, son esprit dérivant finalement vers une obscurité silencieuse et calme.

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Eldros Rougine
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Re: Rues et Ruelles

Message par Eldros Rougine » lun. 10 janv. 2022 18:39

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Finalement j’y suis. Après avoir survécu aux émeutes des bois, traversé un pont aussi immonde qu’impressionnant et bravé les vents de la plaine d’Omyrhie, je me retrouve au pied des portes noires d’Omyre. Structure d’Olath à la hauteur à couper le souffle, férocement gardé par des soldats armés jusqu’aux dents. Je reconnais la grandeur de la forteresse malgré l’odeur qui me chatouille déjà les narines. Les lourdes portes s’ouvrent sur notre passage alors que les badauds s’écartent. Si j’avais considéré que Darhàm était une ville sale et puante c’est parce que je n’avais pas encore eu l’occasion de mettre les pieds à Omyre. L’odeur me saisit la gorge alors que nous entrons dans la cité visiblement surpeuplée. Au sol les rues partant dans toutes les directions sont jonchées de déchets de toutes sortes, allant des restes de nourriture aux cadavres de différentes espèces. Je remarque justement une Shaakt se faire lyncher par un troupeau de Garzoks. D’autres elfes noires, nues et blessées, le mot « traître » gravé sur leur peau, sont enchaînées à des murs et des immondices leurs sont lancés à la figure. Aux bâtiments délabrés de plusieurs étages s’amassent aux fenêtres et balcons les curieux, tous aussi laids que les autres. Visages pustuleux, dents pourries, cheveux gras et yeux vitreux, voilà la meilleure manière de décrire ce que je peux apercevoir. La capitale ressemble en fait plus à un bidonville qu’à une véritable cité et j’en suis le premier surpris, je m’attendais à plus d’ordre alors que tout n’est que chaos. Les sons ambiants ne sont que grognements, couinements, cris et rires gras. Aucune beauté n’atteint mon regard, tout est gris, tout est sale. De la boue des rues aux toits rafistolés des bâtiments qui se tiennent dans l’ombre des remparts ou de cette immense tour trônant au centre de tout, la tour lugubre où demeurait Oaxaca et son dragon.

Les troupes mécaniques de Khynt taillent un chemin à travers une rue bondée de citoyens mécontents qui soudainement se dispersent, laissant passer le convoi de troupes harassées par la bataille et le voyage. Nous sommes regardés de travers, raillés, on crache sur notre passage et certains se permettent de lancer des projectiles, provoquant des rixes aux abords des rangs. Je regarde les réactions d’Uthurg et constate que le mépris et le dégoût se dessine sur son visage avec la même lassitude. Il en va de même pour ses camarades, m’indiquant un constat clair, ils détestent cet endroit. Je le comprends parfaitement car il est tout simplement hideux. L’idée de vivre un seul jour dans cette fosse commune m’écœure au plus haut point.

« Ecoutez-moi. »

Dis-je à leur attention.

« Je ne trainerais pas ici. Il n’y a pas d’avenir à Omyre. Ce n’est pas ici que me guide Phaïtos, si vous en avez les épaules vous pourrez servir mes ambitions et ma Foi et alors vous atteindrez des sommets dont vous n’auriez pas osé rêver. »

Leurs regards m’indiquent qu’ils ne sont pas tout à fait convaincus. Dans les rues que nous arpentons, le chaos se fait de plus en plus intense et c’est finalement la violence des troupes infatigables du Modifié qui ramènent l’ordre et nous permettent d’atteindre l’intérieur de la tour. Une fois rassemblés, Lorener et Khynt gagnent les étages, laissant quartier libre aux troupes qui se dispersent.

« Ce que nous venons de voir n’est qu’un petit aperçu de la violence qui va secouer la cité les prochains temps. Etes vous sûre de vouloir rester les pions sacrifiables que vous êtes ici ? Ou alors voulez vous tenter votre chance dans une cité comme Darhàm ? »

« Darhàm ? »

S’étonne Uthurg, me regardant de ses yeux las et incrédules.

« Réfléchissez. Les troupes de Darhàm qui étaient à terre sont mortes. De ce que j’ai pu entendre, le Roi de la cité s’est fait prendre. Il y a tout à reconstruire là bas. Il ne tient qu’à nous de nous y faire une place. Les nouveaux bras ne peuvent qu’y être bienvenue. »

Les Garzoks s’observent les uns les autres pendant quelques instants sans dire un mot avant que mon interlocuteur s’exprime à nouveau.

« Nous ne pourrons plus partir ce soir. Arpenter les plaines de nuit dans notre état et sans matériel n’est pas sûr. »

« Donnons nous une nuit le temps de nous préparer pour le voyage et convaincre d’autres personnes de nous accompagner. Tu m’as dit que des clans allaient renaître, je ne veux pas être à leur merci pendant le trajet. Nous partirons demain, peu avant midi. Avant que les choses ici ne dégénèrent. »

Je déclare à peine ces quelques mots que l’émeute à l’extérieur se fait plus bruyante, forçant les troupes des Treize à agir. Ils nous ordonnent d’ailleurs de ne pas rester à l’intérieur. Une fois dehors je suis forcé de hausser le ton pour être encore entendu des trois Garzok qui me sont loyaux pour des raisons que j’ignore encore. Uthurg m’avait bien avoué un soir qu’ils avaient tous les trois combattus proches de moi face aux Thorkins ainsi que face aux cavaliers des Duchés mais était-ce la seule raison ? Cela pouvait tout aussi bien être par fascination pour mon bras gauche fondue dans ce qui reste de Brytha ou de mon bras droit, squelettique, béni par les pouvoirs de Phaïtos ou encore pour la relique sacrée que je possède, un croc du dragon noir, bien en évidence à ma ceinture. Quoiqu’il en soit leur présence m’est pour l’instant bénéfique et je compte bien m’en servir. Après tout les Orcs sont des animaux loyaux, si je leur apporte ce qu’ils désirent, leur fidélité devrait m’être acquise.

« Faites passer le message autour de vous, que ceux qui souhaitent partir et se rendre à Darhàm se joignent à nous. Je les mènerai à bon port. Qu’ils soient guerriers, marchands, forgerons, charpentiers, bûcherons, tanneurs. Ils seront bienvenus dans la cité maritime. Un nouveau départ pour une vie plus grande. Loin de ce trou qu’est Omyre. Retrouvons nous demain aux écuries. »

Ils acquiescent avant de s’éloigner en évitant les rixes sanglantes entre les habitants de ce cloaque. Je fais de même, bien que je ne connaisse pas la cité, je saurais sans doute trouver mon chemin. Phaïtos guidera ma voie.


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Eldros Rougine
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Re: Rues et Ruelles

Message par Eldros Rougine » mer. 12 janv. 2022 23:38

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Le vieux marchand commence par la rune, la saisissant du bout de ses doigts noueux. Il l’inspecte quelques instants avant de déclarer qu’il s’agit d’une rune Dai qui signifie arrêter. Il me la restitue et se fatigue à me dire ce que je sais déjà, ce que je lui rapporte ne vaut rien ou pas grand chose. Je ne me fatigue même pas à hocher la tête et garde mes yeux figés dans les siens, mes mains bien en évidence, en attendant qu’il daigne me rapporter ce que je demande.

Il dépose deux fioles que je reconnais pour en avoir déjà vu, contenant une matière sombre qui parait vouloir s’extirper de sa prison de verre. Le désir de les ouvrir pour m’en abreuver me prend aux tripes. Pourtant je sais ce qui m’attends si je cède à cette pulsion, je nourrirais la bête noire qui m’habite, cette magie obscure qui attend son heure et que j’essaie encore vainement de contenir. Le prêtre de Darhàm m’a prévenu, trop de nourriture d’un coup et le monstre deviendrait assez puissant pour se libérer de ses chaînes et me faire disparaître. Chaînes auxquelles je dois parfois donner du mou pour permettre à ce monstre sombre de se déchaîner, d’user un peu de ses forces pour ne pas devoir les contenir. Un conseil avisé de cette liche qui s’est avéré n’être qu’un faquin.

Je me retiens donc de retirer les bouchons de lièges et glisse les fioles dans mon sac tandis que le vieillard revient de son arrière boutique avec un manteau tout neuf de couleur foncé. Alors que je n’ai rien demandé il m’explique que celui qui l’a commandé n’est plus de ce monde. Coup du sort ? Non. Juste une autre démonstration de Foi. Je dépose sur le comptoir l’argent et enfile le manteau avant de me diriger vers la porte.

Je risque un œil à l’extérieur avant de sortir et remonter la rue pour trouver l’auberge ayant le doux nom de « Rat Putride. » me laissant présager le pire. Je marche d’un pas rapide pour ne pas m’attarder dans les rues maintenant que le soleil est couché, donnant une ambiance oppressante supplémentaire en recouvrant peu à peu la cité d’un voile ténébreux. Les seuls lueurs perceptibles sont celles des quelques bougies aux fenêtres des bâtiments au bord de la voie. Des tâches de lumières ayant du mal à se frayer un chemin dans l’obscurité. Seul ce que je pense être la taverne au bout de mon chemin brille comme un phare dans le brouillard.

Je remarque que même les rats cessent de se nourrir pour se réfugier dans leurs trous. Je n’entends plus que le son de mes bottes sur le sol, ma cote de mailles qui s’agite et le chaos ambiant qui secoue la cité et qui me semble bien loin désormais. Puis soudain un autre bruit qui me fige sur place. Un battement dans le vent qui me donne une sueur froide. Un frisson qui remonte le long de mon échine alors qu’un second battement plus proche fait voler mes cheveux avant que le silence insoutenable ne s’abatte à nouveau sur la rue. Puis viennent des bruits de pas de course qui se rapprochent. Je dégaine doucement, retiens mon souffle pour ne pas qu’il perturbe les sons qui m’entourent. Un Garzok débarque soudainement au coin d’une ruelle et s’arrête à la lueur d’une fenêtre brisé. Il m’apparait un court instant dans la lumière vacillante des flammes, essoufflé et blessé, en proie à une sorte de panique en regardant au dessus de lui mais pourtant incapable de bouger. Nouveau battement d’aile et l’Orc disparaît, emporté par une créature dont je n’ai que le temps de voir la taille imposante, serrant dans une patte le crâne de l’orc avant de retourner dans les ténèbres. Je ne l’ai pas entendu crier, seulement les os de son crâne se briser. Je reste immobile, comme si ça pouvait me rendre invisible aux yeux de ce nouvel ennemi dont j’entends les battements d’ailes s’éloigner. Puis vient un nouveau son dans le brouillard silencieux. Le son d’un corps qui s’écrase sur le sol, des os qui se brisent, de l’acier qui se tord, du souffle qui écarte la poussière et de tout ce qui peut se soulever suite à un impact retomber. Je devine qu’il s’est écrasé à quelques mètres de moi et darde mon regard dans la direction de la lueur du Rat Putride. Longue inspiration. Silence. Battement d’aile. Immédiatement je me mets à courir à toute jambes, détalant dans l’obscurité, devinant les formes à enjamber. Battement d’aile. Je me baisse jusqu’à frôler le sol et je peux la sentir, son corps massif qui passe au dessus de moi. Je me redresse en tapant de mon bouclier contre le sol et repars à toute allure avec la même destination. La taverne, la seule bâtisse aux vitres éclatantes. J’entends des bruits de tuiles brisées suivre le vacarme des immenses pattes du monstre qui m’a prit pour cible, les battements de mon coeur qui s’affolent face à cet ennemi invisible. Elle suit mon mouvement, je perçois qu’elle est sur les toits et qu’elle reste à ma hauteur, prête à frapper à nouveau. Attentif, je bifurque subitement quand ses ailes battent à nouveau le vent et qu’une dernière tuile tombe, évitant de justesse la créature qui passe à côté de moi. Cette fois, malgré la pénombre, je peux me rendre compte de son envergure. La bête doit dépasser les deux mètres vingts car je distingue ses deux petits yeux réfléchir la lueur face à lui, surmontant une bouche colossale de laquelle aucun son ne s’échappe, ni grognements, ni respirations, ni râles, rien. J’entrevois la silhouette de ses ailes, dépassant sa tête d’encore un bon mètre avant de disparaître dans la nuit, celle de ses jambes et des griffes que j’entends labourer la boue et briser la pile de bois qui devait être ici.

Je n’ai pas le temps de riposter, ça ne dure qu’une courte seconde, le temps pour elle de piquer, broyer ce qu’elle attrape entre ses serres et repartir en provoquant une bourrasque de ses larges ailes. Je reprends ma course, soufflant comme un ours et secouant la maille qui protège mon corps. Nouveau bruit de tuile brisé à ma droite. Battement d’ailes. Claquement de langue agacé. Je dresse mon bouclier et me crispe, prêt à encaisser le choc. Mais il est bien plus brutal qu’attendu. Malgré mon second bras appuyant contre la rondache, je n’ai pas la force de bloquer l’impact qui me projette au sol. Je retombe en rugissant de douleur, faisant quelques tonneaux avant de sentir un obstacle mou et tiède qui m’arrête. Je saisis le cadavre, Garzok d’après la corpulence, et use de toutes mes forces pour passer par dessus en poussant un rugissement d’effort. La bête s’écrase sur mon bouclier de chair l’instant d’après, broyant son corps comme du bois sec. Je dresse mon épée et frappe avec l’impression de taper contre un rocher.

« Maudit ! »

Quel est donc cette chose !? Maudite cité ! Je me redresse alors que je l’entends battre des ailes au dessus de moi. Peut être plus méfiante. Encore un peu étourdit par le choc, je titube de quelques pas, rejoignant une zone éclairée. Je me sens humilié, devoir ainsi me réfugier dans la lumière alors que je suis un serviteur de l’obscurité. Je reprends mon souffle, suivant des yeux le bruit qu’elle produit en battant des ailes.

« Je t’attends créature ! Je vais te montrer ce que sont les ténèbres ! »

Vociférais-je à son attention tandis que la magie obscure tapie au fond de moi s’agite. Soudain je l’entends, un sifflement qui file vers moi, je rassemble mes fluides et l’instant suivant la zone de lumière devient encore plus sombre que que la rue. Alors que je voyais son visage se dessiner elle est maintenant invisible tout comme moi et je me jette donc sur le sol pour éviter ses griffes. Le bruit est maintenant assourdissant, brique et verre qui se brise, éboulement, cri de surprise et d’horreur. Je me relève pour me remettre à courir de toutes mes forces, laissant derrière moi la bête qui se débat dans ce qu’elle pensait être son allié et le mur qu’elle a défoncé. Je cours, sans m’arrêter, sans me retourner, perçant mon voile de ténèbres pour atteindre la lueur qui illustre mon unique espoir d’échapper à cette bête.

Mon ouïe m’indique qu’elle s’est libérée de l’éboulement, j’entends son corps colossal faire quelques pas dans la rue avant de reprendre son envol. Je ne suis qu’à quelques mètres de l’auberge, brillante comme une étoile.

( Ô Phaïtos ! Est-ce ici que je vais mourir ? Alors que j’ai encore tant à accomplir pour vous servir ?)

Les battements d’ailes se rapprochent. Je peux presque sentir ses griffes se refermer sur moi en me brisant les vertèbres. Je prie de toutes mes forces mon divin seigneur, qu’il m’aide à franchir cette épreuve. Je distingue alors un mouvement proche de moi et je crois pendant un instant être mort.

Je me vois. Aussi clairement que je peux voir l’auberge. Une réplique identique à ma personne, courant comme je cours, le visage rouge d’effort, les cheveux collés au front. Ça ne dure qu’un instant, il disparait aussitôt que les griffes du monstre se referme sur lui. J’écarquille les yeux, est-ce là l’aide de Phaïtos ? Une illusion ? Quoiqu’il en soit je saisis cette chance et parcours les derniers mètres qu’il me manque pour atteindre le Rat Putride.

Je m’affale contre un mur extérieur, sous un perron troué, tendant l’oreille dans la direction des battements d’ailes qui s’éloignent avant de reprendre mon souffle. Je l’ai échappé belle.

« Bah ça alors vous avez réussi à lui échapper ! »

Je tourne la tête, surpris de voir une vieille Sekteg rabougrie tranquillement installée sur un banc en fumant une pipe.

« J’aurais parié que non ! »

Ricane t-elle alors que je me redresse et vocifère entre deux respirations bovines.

« Attendez ! Vous avez tout vu ?! »

« Biensûr ! Je vois très bien dans la nuit ! »

Rétorque-elle en ricanant.

« Et pourquoi n’avez vous rien fait ?! »

« Je n’allais pas me frotter à une gargouille ! Vous êtes marteau ! »

Je darde un regard noir sur cette maudite garce alors qu’elle théorise sur le fait que les émeutes ont dû la déranger avant de poursuivre que dans l’auberge au moins on est tranquille car aucune patrouille n’est assez folle pour déranger une bande de Gazrok ivre.

« Quoiqu’il en soit… Bienvenue Au Rat Putride mon cher monsieur. »

Conclue-t-elle finalement.


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Eldros Rougine
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Re: Rues et Ruelles

Message par Eldros Rougine » dim. 16 janv. 2022 19:01

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Après m’être procuré une torche allumée je parcours les rues de la cité en me préoccupant plus du ciel que de là où je mets les pieds, me valant parfois de trébucher sur quelques déchets qui traînent par terre sans, heureusement, me retrouver au sol.

Me balader de nuit s’avère être plus calme que je l’aurais cru. Je perçois bien quelques mouvements mais rien de vraiment hostile. La gargouille qui s’en était prise à moi semble avoir trouvé un autre endroit où sévir et l’émeute qui a retourné la cité ne produit plus que quelques plaintes à des endroits isolés de la ville. Je marche sans vraiment savoir où je vais, suivant mon instinct alors que les nuages s’écartent pour que la lumière de la pleine lune dévoile les contours de la ville dont la tour d’Omyre qui écrase tout de son imposante masse.

La vue de l’astre nocturne me rappelle un rendez-vous que je m’étais fixé à Kôchii avec la petite plume noire. La prochaine pleine lune aux Thermes d’Omyre. Nous y sommes et je me décide à trouver ce bâtiment en parcourant les rues au hasard et guidé par ma Foi. Seulement au détour d’une rue je perçois à nouveau un bruit suspect, comme une trappe qui s’ouvre puis se referme. Je brandis ma torche et avance d’un pas prudent. Mais cette fois, généreux, j’accorde une sommation:

« Vous ne seriez pas les premiers malandrins que je corrige cette nuit. Montrez vous, canailles. »

Déclarais-je d’un ton calme, l’air impassible. Une silhouette s’extirpe alors de l’ombre pour avancer à la lueur de la lune, perçant l’obscurité de ses yeux pourpres et de ses cheveux blancs, le Shaakt lève les mains pour montrer qu’il n’est pas hostile.

« Nous voulons simplement trouver un moyen de quitter la cité en vie. »

« Vous n’y parviendrez pas. Les votre ont trahi et Omyre vous le fera payer. »

« Nous n’y sommes pour rien, nous ne sommes que des marchands et…»

« Ce n’est pas mon problème. »

Coupais-je sèchement.

« Je suis sûr que nous pouvons trouver un arrangement. »

Poursuit-il alors que ses dents blanches apparaissent et que j’entends du mouvement autour de moi.

« M’attaquer ne vous sera d’aucune aide. »

« Des Garzoks font le tour de la cité en prétendant qu’un homme aux bras étranges veut mener des hommes vers Darhàm pour y démarrer une nouvelle vie. Vous allez nous cacher pour nous faire sortir de la cité ou alors votre projet s’arrête ici. »

Je fais un rapide calcul des bénéfices et des risques. Le risque de mourir roué de coups par des Shaakts est-il plus grand que de me faire prendre à sortir des Shaakts de la cité ? Comment les autres membres du convoi le prendrait ? Comme de la faiblesse ? De la trahison ? De la bonté ?

« Combien êtes vous et qu’ai-je à y gagner ? »

« Nous ne sommes que cinq et je vous le dis, vous conserverez votre vie. »

« Cinq. »

Répétais-je dans un souffle avant de laisser tomber ma torche et dégainer mon épée.

« Je me vois dans l’obligation de refuser. »

Le marchand adresse un signe de tête qui s’efface alors que la torche roule sur le sol, révélant un agresseur à ma droite. Pas d’armure, une épée courte comme seul arme et des vêtements qui me paraissent ma foi de bonne qualité. Je charge vers lui en brandissant mon bouclier, le percutant avant qu’il ne porte son coup, le coupant dans son élan. Je reste dans le cercle lumineux que dessine la torche pendant que deux autres agresseurs arrivent au corps à corps, équipés de la même façon, je pare le coup de l’un mais le second parvient à frapper mon dos, heureusement protégé par la cotte de mailles. Je me tourne en exécutant un large mouvement de mon arme, forçant à faire reculer celui qui m’a touché en plus d’un quatrième larron. Ils sont tous là mais celui qui s’est exprimé reste pour l’instant à l’écart.

Le combat s’engage à nouveau tandis que celui qui s’est prit mon coup de bouclier est encore un peu étourdit. Je bloque à l’aide de ma rondache un des attaquant et me baisse pour esquiver le coup d’un autre tout en attaquant sa cuisse, taillant sa chair sans protection efficace et lui arrachant un cri de douleur alors qu’il met genoux à terre. Mais le dernier assaillant parvient à me toucher, frappant encore mon dos qui malgré ma protection m’arrache un grognement. Je riposte immédiatement, tendant ma main vers cette peau de charbon pour le frapper d’un souffle de magie ténébreuse, le touchant en pleine poitrine et le figeant sur place dans une posture d’effroi et de douleur. Je pivote et assène à l’elfe à genoux un coup du bord de mon bouclier et poursuis ma rotation pour dévier la lame de l’attaquant à ma droite qui va finir sa course dans le visage du même elfe qui ne se relèvera sans doute pas. Les assaillants se reprennent pour m’attaquer de concert, je me déplace pour me retrouver face à mes ennemis ce qui me permets de me défendre efficacement avant qu’ils cherchent à m’encercler à nouveau. Je taille dans le tas, les forçant à garder leurs distances sans devoir sortir du cercle éclairé. Je détaille plus attentivement ces Shaakts qui osent s’en prendre à moi. Tas de consanguins ! Celui qui a subit mon sort reste un peu en retrait, craintif, ses cheveux blancs collés sur son front dégoulinant de sueur. A côté de lui un autre avec une queue de cheval de couleur cendre. Le troisième se distingue par une cicatrice sur la joue qui descend jusqu’au cou et porte son arme d’une manière plus assuré et semble être le moins angoissé des quatre, des cinq même si je prends en compte celui qui m’a adresser la parole dont le sourire brillant s’est effacé.

Je rassemble des volutes sombres autour de ma main, causant l’effroi du craintif qui reprend à nouveau le sort de plein fouet. Ses yeux se révulsent, sa bouche s’ouvre alors qu’il s’écroule et se met à convulser. Je me protège derrière mon bouclier, encaissant l’attaque de mes deux adversaire avant de riposter. Celui à la queue de cheval est clairement le moins expérimenté et c’est sur lui que je concentre mes attaques en me défendant contre l’autre. Le fracas de l’acier brise le silence de la nuit pendant que des lumières commencent à apparaître aux fenêtres, dévorant petit à petit l’obscurité de la rue sous l’oeil de plus en plus inquiet du fameux marchand qui reste toujours en retrait.

Je suis forcé de bloqué un coup à ma gauche, offrant mon flanc droit au plus faible des Shaakts qui me frappe le bras droit, me tirant un râle de douleur sous les encouragements du marchand. Je ramène mon bouclier contre moi, déviant une nouvelle frappe avant de riposter avec brutalité, fendant le visage du Shaakt aux couleurs de cendre qui s’écroule sous les plaintes désespérées de son associé. Je pivote pour ne pas offrir mon flanc plus longtemps au Shaakt balafré, accueillant dans ma rondache un coup qui m’aurait ouvert le crâne. Je réplique d’une taille qui lui ouvre le flanc, ne lui tirant qu’un grognement mécontent avant qu’il riposte à son tour. Nos lames s’entrechoquent et je frappe mon bouclier contre sa jambe blessée. Cette fois le cri qu’il pousse est plus fort, plus caractériel et sa réponse l’est tout autant. Il s’élance contre moi et me bouscule en me faisant perdre l’équilibre, parvenant même à me frapper le visage d’un coup de poing.

« Oui ! Oui ! »

S’exclame le marchand avant que je ne me reprenne pour esquiver d’un pas de côté un coup d’estoc. Il esquive à son tour mon attaque et tente une frappe qui rebondit contre mon bouclier. Je recule d’un pas, le laisse attaquer et me déporte au dernier moment sur sa droite. Je frappe ensuite mon bouclier contre son bras attaquant. Coincé, il ne peut rien faire d’autre que de subir ma lame qui remonte pour lui tailler la poitrine. Il se fige de douleur, ouvrant la bouche pour pousser un cri silencieux avant que ma rondache ne lui éclatent les dents qui se répandent sur le sol dans une gerbe de sang qui m’éclabousse également. Il tombe lourdement sur le sol alors que le marchand prend la fuite sous les rires gras de quelques spectateurs aux fenêtres.

J’essuie mon visage d’un revers de manche avant d’accumuler des fluides magiques autour de ma main squelettique et de les projeter vers le dernier Shaakt encore debout. Les rires cessent alors que le sort fuse à travers la lueur blanchâtre de la lune et s’abatte sur le fuyard qui s’écroule et se débat contre la fumée sombre qui aspire sa vie. Je m’approche doucement pendant qu’il montre sa douleur à l’aide de nombreux cris de plus en plus faibles.

« Attendez ! Attendez ! »

Supplie-t-il d’une voix sèche.

« J’ai de l’argent. Beaucoup d’argent. Je vous paierai. »

Je soulève mon épée et mets fin à cette honteuse tentative de m’amadouer après m’avoir menacé. Je retire mon arme de son coeur et l’essuie sur ses vêtements de bonne facture avant de dresser ma tête vers les fenêtres.

« L’un de vous pourrait m’indiquer la direction des Thermes ? »


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