Fort-Gamerian

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Yuimen
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Fort-Gamerian

Message par Yuimen » ven. 29 déc. 2017 13:07

Fort-Gamerian

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Situé au bord de la rivière kokyo, Fort-Gamerian est une forteresse dont les premières pierres datent de l'ère de la colonisation, -1149 pour être exact, dans le contexte de la volonté d'indépendance de l'Ynorie.

C'était alors une grande forteresse frontalière avec sa caserne, son écurie, sa forge et ses quartiers qui pouvait accueillir jusqu'à plusieurs centaines de soldats, sans compter les camps militaires qui pouvaient s'installer aux alentours.

Mais depuis l'apaisement des relations avec l'Ynorie et le déplacement de la frontière, l'emplacement devint beaucoup moins stratégique. Fort-Gamerian ne devenant plus que la résidence de la famille ducale et sa cour ainsi que d'une petite garnison de soldats, le reste du fort évoluant au fur et à mesure des années en un petit quartier fortifié disposant d'une taverne, d'une auberge, d'une boulangerie et d'une chapelle de Gaïa et de Yuimen et protégeant les demeures des nobles et des bourgeois autour d'une petite place sur laquelle se tient le marché. Bref, en un centre-ville pour le reste de Gamerian qui s'étend en dehors des murs dans un panorama immense de champs et d'élevages ponctué de petits regroupements de fermes, de moulins, de greniers et de cabanes. Les cultures sont très variés, allant des céréales aux arbres fruitiers en passant par les plantes médicinales. On retrouvera aussi des camps de chasseurs et des cabanes de bûcherons par-ci par-là.

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Oljyn
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Re: Fort-Gamerian

Message par Oljyn » dim. 10 mars 2019 17:00

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Mon état s'empire chaque jour. Au départ ce n'était que des picotements, des rougeurs, une douleur lancinante avec des moments plus supportables que d'autres. J'avais pourtant nettoyé les plaies et fait un bandage correct. Il y a ensuite eu la fièvre, légère au départ mais maintenant je dégouline de sueur, je tremble et ma vision est trouble. La douleur à mon bras a disparue, d'ailleurs toute sensation a disparue, je ne peux même plus le bouger. Il est toujours rouge, gonflé et j'ai beau nettoyer les lacérations, du pue jaunâtre et fétide apparaît toujours. Mes jambes tremblent, elles ont du mal à me porter. Je n'arrive plus à suivre le reste de groupe et même là, sur le point de m'écrouler, je suis trop fier pour admettre que je suis à bout de force. Seul William reste à côté de moi en m'observant d'un regard inquiet.

Pour ne rien arranger, me voilà sujet à une hallucination. Une étrange sphère s'approche de moi. J'aimerais la chasser d'un mouvement de main mais je suis incapable de lever le bras. Elle se pose sur mon épaule avant de se dissiper pour libérer une voix, d'abord lointaine, elle se présente sous le nom de la conseillère Shimi. C'est un message d'Oranan, du conseiller Gale pour être plus précis. La voix devient ensuite plus nette, plus forte, résonne désagréablement dans mon crâne douloureux. C'est un avertissement, le groupe Tonnerre d'Omyre serait à notre poursuite. Si j'ignore de qui il parle il ne tarde pas à préciser qu'il s'agit de dangereux fulguromanciens et psychomanciens. Il ne manquait plus que ça, le voyage s'était montré suffisamment difficile, pas besoin d'un groupe de mage d'Omyre sur le dos. La voix me rappelle la difficulté de ma tâche, protéger le forgeron. Je lève mon regard trouble vers Kazuto quelques mètres devant moi. Une mission qui n'est pas de tout repos et qui, si mon état continue de s'aggraver, va me mener tout droit dans une tombe. Avant de nous demander d'être prudent, le message annonce que par mesure de sécurité la date limite pour la fin du concours est repoussée d'un mois. Une courte rallonge mais qui pourrait suffire à rentrer à temps.

La voix disparaît comme elle est apparue. Je pousse un râle en essayant d'appeler Kazuto, ma vision se voile et mes jambes se dérobent. Je m'écroule, m'étale dans les hautes herbes des plaines, à bout de force. Mes yeux se ferment. Je perçois encore les bruits de pas rapide après le cri d'alerte de William, les voix paniqués, les jurons du forgeron, les mains qui se posent sur moi pour me secouer. Puis plus rien, l'inconscience.

Je reprends conscience allongé dans un lit aux draps de lin. D'autres, semblables, sont disposés dans la pièce, tous inoccupés. Je suis seul dans la grande salle qui, à part les lits, les tables de chevets et une petite cantine de bois noir à leurs pieds n'est meublé de rien d'autre. De grandes fenêtres éclairent l'endroit et la baignent d'une lumière du jour claire et apaisante. Vu la luminosité, je dirais que c'est le début d'après-midi et qu'il fait très beau sans faire trop chaud. Je remarque alors que ma fièvre est passée, je me sens mieux, presque bien. Une odeur particulière atteint mes narines et vient troubler ce bref moment de bien-être. Je baisse les yeux vers mon bras gauche et le saisit doucement de ma main droite, comme par reflex, pour m'assurer qu'il soit encore là. Un léger pic d'angoisse vite éclipsé par la sensation de toucher. Mon bras est toujours présent, enroulé dans un bandage propre qui produit cette étrange odeur. Une douleur est toujours présente mais elle est bien plus supportable que dans mon souvenir. En fait elle est à peine dérangeante, elle ne me cause qu'un léger gêne quand je commence à articuler mon bras pour m'assurer qu'il est toujours fonctionnel. Je repousse ensuite mes couvertures, dévoilant la tenue de lin blanc qui m'habille. Doucement, sans me précipiter, je m'assois sur le lit et laisse mes jambes engourdies pendouiller dans le vide le temps pour elles de m'assurer qu'elles fonctionnent pleinement. Je passe de longues minutes ainsi, à mouvoir chaque phalange de chaque doigt de pied avant tourner les chevilles et plier et déplier les genoux.

Enfin, je tente de me lever et dépose doucement mes pieds nus sur le plancher de bois. De ma main droite je m'assure une prise solide au lit pour éviter de tomber. Heureusement, c'est plus facile que je ne l'imaginais. Sans me lâcher, je lève légèrement une jambe et puis l'autre pour marcher sur place, terminant de réveiller mes jambes reposées. Je me diriger alors vers la fenêtre la plus proche, d'un pas calme, toujours en m'assurant d'une prise pour me rattraper en cas de chute. Par la fenêtre je distingue l’endroit où je me trouve. Une ville dont le seul bâtiment imposant est à priori celui où je me trouve. Je dispose d’une vue de haut sur une cité bordant les rives d’un fleuve et d’une forêt qui s’étend à perte de vue. Des maisons en colombages forment une ville traversées de chemins en terre battue à l’exception de celles juste en dessous de moi faites de pierres. D’ici, proche du fleuve, je peux voir quelque chose qui ressemble à un port. J’interromps ma contemplation quand un rire derrière moi me fait sursauter.

"On admire la vue ? Tu aurais au moins pu mettre un pantalon."

Je reconnais la voix du forgeron et son commentaire me fait remarquer un courant d'air qui me caresse le derrière. Ma tenue de lin est une robe de chambre ouverte à l'arrière ou plutôt mal fermée par les ficelles qui servent d'attache, laissant mon dos et mes fesses à l'air libre. Je souris, plusieurs minutes à observer mes jambes et trop obsédé par leur fonctionnement pour remarquer que je suis à moitié à poil. Le forgeron n'est pas seul, il est accompagné d'un autre homme, grand, au nez aquilin, cheveux bruns, beau garçon qui semble s'amuser de la situation. Il y a également une jeune femme, mignonne, des cheveux longs, châtain, coiffée en queue de cheval. Gênée, elle détourne le regard alors que le rose lui monte aux joues.

"Content de te voir sur pied."

Ajoute-il, sincère. J'incline la tête alors que le beau garçon prend la parole pendant que la jeune femme, elle, porte du linge propre jusqu'à mon lit pour le changer.

"Vous avez eu de la chance que l'infirmerie du fort est encore en fonction. Mon frère m'a raconté ce que vous avez fait, j'ai immédiatement demandé à un ami de venir. Il a fait ce qu'il a pu avec vos blessures mais vous allez en garder de belles cicatrices."

J'incline la tête à nouveau.

"Je vous remercie. Sans vous je serais sans doute..."

"Mort. Oui. Sans aucun doute." Finit-il à ma place. "Reposez-vous encore un peu avant de partir. Nous vous prêterons des chevaux pour rentrer à Oranan."

"Oranan ?"

Demandais-je surpris en regardant le forgeron. L'air à la fois navré et déçu il me répond que je suis alité depuis plus d'une semaine et que nous n'avons plus aucune chance de rentrer à Oranan à temps avec le minerai.

"Ce n'est pas grave ne t'en fait pas pour ça."

J'ai probablement l'air coupable. Coupable de m'être mit dans cette état qui m'a empêché de l'accompagner plus loin. J'ai manqué de prudence, de force, de patience.

"Je..."

Je suis sur le point de m'excuser quand le souvenir de la sphère d'air flottante me revient à l'esprit. Nous avons encore du temps.

"Non. Attends... J'ai reçu un message du conseiller Gale avant de m'effondrer. Il reste assez de temps pour y arriver."

Je souris alors que Kazuto m'observe en haussant un sourcil, un sourire sur le point de dresser sa moustache.

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Oljyn
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Re: Fort-Gamerian

Message par Oljyn » dim. 10 mars 2019 17:34

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"Le Tonnerre d'Omyre est un groupe de Shaakt spécialistes dans la traque et l'exécution. Ce sont tous des manieurs de fluides de foudre. "

Le beau gosse nous explique ce qu'il sait sur cette étrange escouade. Agissant généralement seul, parfois en binômes, cherchant à être le plus efficace possible pour gagner du grade. Mon annonce avait surpris Kazuto mais ces révélations lui font maintenant froncer les sourcils.

"Comme si on avait pas eu notre dose de problèmes !"

" Si ça peut nous donner le temps nécessaire ça pourrait être bénéfique. D’où tu sais tout ça ? Je n’en ai jamais entendu parler. "

" C’est mon père qui m’a mis au courant de ce que je pourrais croiser dans ma vie de soldat. "

" Ils se donnent du mal pour de simple forgerons… " Commente Kazuto.

" Les meilleurs forgerons du monde, qui concours pour armer et équiper les armées qui luttent contre Oaxaca, ça vaut le Tonnerre d’Omyre… "

Concluais-je avant de prendre un morceau de poisson. Nous avions rejoint une petite auberge pour manger un bout. La proximité du fleuve et des bois permet un approvisionnement abondant en poisson et gibier et cela se remarque. Les rues de la ville sentent fort la viande et le poisson séché. C’est loin d’être désagréable. La seule odeur désagréable est celle de la tannerie qui, bien qu’à l’extérieur de la ville, laisse ses odeurs se faire porter par le vent. Pas de quoi me couper l’appétit, je n’ai à priori rien mangé de solide depuis au moins une semaine et je dévore sans peine ce qu'on m'a servi. Je me sens en forme, débarrassé des douleurs handicapantes subites chez les brigands et dans la caverne. Je n’ai cela dit toujours pas eu le courage de regarder mon bras. Je me suis contenté d’enfiler un pantalon et ma tunique en détournant le regard. Une voix stridente et désagréable perturbe mon repas. Je reconnais sans peine la voix de la rouquine.

" Arrêtez ! Laissez le tranquille ! "

Hors de mon champ de vision, je lève la tête à la recherche de la jeune fille et de ce qui la rend dans cet état. Kazuto se lève immédiatement pour faire le tour d’une petite palissade de bois coupant la terrasse d’une rue adjacente après avoir entendu le rire gras de deux types et le bruit d’un poing frappant la chair qui précède le son d’une chute.

" Arrêtez ! "

Je me lève à mon tour, accompagné du jeune soldat qui m’a dit s’appeler Athan. Nous accompagnons le forgeron pour apercevoir deux adultes malmener Hiolde et Calas, son compagnon Humoran au pelage sombre.

" Petite… Tu ne devrais pas traîner avec ce genre de… truc. " Lâche l’un d’eux avec un mépris et un dégoût non dissimulé.

" Mêlez-vous de vos affaires ! " Rétorque la rouquine sans se défaire de sa hargne habituelle.

" Justement ! C’est nos affaires que ce genre d’engeance rôde dans nos rues ! " Répond le second.

Calas se roule sur le ventre en se tenant l’estomac, toussant pour reprendre son souffle. Kazuto intervient. Il s’éclaircit d’abord la gorge avant de s’exprimer.

" Peut-être que vous devriez vous en prendre à quelqu’un de votre taille. "

Les deux brutes se retournent. Loin d’égaler la taille ni la carrure du forgeron ils semblent tout de même costauds, des bûcherons sûrement vu la hache qu’ils trimbalent. Les cheveux longs, bruns et frisés, les deux portent une moustache qui descend sur les côtés de la bouche jusqu’au menton. Ils froncent les sourcils en nous apercevant. L’un d’eux rétorque sans se démonter.

" Vous devriez vous tenir tranquille. On n’aime pas trop les gens dans votre genre par ici. "

" C’est-à-dire ? " demandais-je, faussement curieux.

" Je parle de vos yeux bridés et de votre teint couleur pisse. "

Les deux hommes s’esclaffent, fier d’eux, révélant leurs sourires à moitié édentés. Calas veut en profiter pour se redresser sans les provoquer, il détourne le regard mais ça ne l’épargne pas d’un coup de pied dans le dos qui le remet à terre.

" Coucher! Sale bête ! "

" Ordures ! " S’exclame Hiolde.

Je m’avance, accompagné du forgeron, pour donner une bonne leçon à ces sales types. Ils lâchent leurs haches, se préparent pour la bagarre. Nous sommes interrompus par Athan qui s’interpose.

" Ça suffit ! Vous deux je vous ai déjà mis plusieurs fois en garde, tenez-vous tranquille ! "

Dit-il aux bûcherons avant de se tourner vers nous.

" Et vous en tant qu’étrangers, évitez de semer le trouble ! "

Nous poussons tous les deux un souffle nasal agacé alors que les bûcherons crachent sur le sol avant de poursuivre leur route. Hiolde se précipite à la rescousse de son ami qui s’efforce de la rassurer.

" C’est quoi le problème avec ces deux cons ?! " déclarais-je, irrité, au soldat qui est intervenu.

" Beaucoup de personnes ici on des problèmes avec les étrangers surtout les Ynoriens. Une vieille rancune stupide datant de l’époque où le royaume de Kendra Kar a fait la guerre contre eux. Mais c’est encore pire quand vous êtes … enfin vous voyez ce que je veux dire. "

Dit-il en jetant un regard vers Calas qui se remet debout. Ce jeune Humoran fait pourtant preuve d’un courage sans faille, il a sauvé la vie de la rouquine et également la mienne. C’est tout simplement scandaleux.

" Ce n’est pas mérité. " Dis-je simplement.

Le soldat se contente d’incliner la tête avant de poursuivre.

" Je sais mais je ne peux rien faire. Les deux-là sont à la tête du plus grand camp de bûcheron du duché, ils ont bien plus de relations que moi. Vous devriez hâter votre départ avant qu’ils décident de vous faire payer votre intervention. "

Je pousse un souffle méprisant.

" Nous n’avons de toute façon pas de temps à perdre… "

Mon forgeron acquiesce avant de lancer un dernier regard mauvais en direction des deux brutes.
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Oljyn
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Re: Fort-Gamerian

Message par Oljyn » ven. 15 mars 2019 18:13

Nous avions décidé de rester une nuit de plus, juste le temps de passer une dernière nuit dans un bon lit avant de s’aventurer dans la forêt. Nous étions prêt, nous avions des vivres, refait le plein de bandages et acheté de quoi miner le gravilay et bivouaquer dans les bois. Logés dans une petite auberge du centre-ville, nous sommes sur le point de nous coucher quand tout à coup, alors que le soleil venait de se coucher, on frappe à la porte de notre chambre. Pas le temps de se redresser, celle-ci s’ouvre avec fracas. La fameuse revanche de notre intervention ? Nous le pensons moi et le forgeron car nous bondissons sur nos deux pieds, prêt à en découdre mais c’est la rouquine qui apparaît dans le cadre de la porte. En pleure, le visage rougit et la lèvre ouverte, elle nous supplie de venir avec elle. Nous enfilons notre tenue en vitesse avant de la suivre à travers la ville. Toujours en larmes, elle essaie de nous expliquer entre deux sanglots qu’ils sont revenus chez lui pour lui faire du mal à lui et sa mère.
Nous sortons de la ville et longeons le fleuve en direction des bois. Un peu à l’écart de la civilisation, au centre d’une clairière, une fumée blanche s’élève dans les cieux. Un petit cabanon est en train de brûler devant un groupe d’hommes hilares. Au sol se trouve le corps malmené du jeune Humoran, roué de coups, la queue et les oreilles tranchées. Il bouge encore, il reste digne, ne verse pas une larme ni même un gémissement. Il y a aussi une femme, humaine, en larmes, suppliante. Deux hommes la maintienne à genou pour l’humilier, ils lui coupent les cheveux de manière grossière à ras du crâne, touchant parfois la peau de leurs poignards.
Le feu du brasier me permet de tout voir comme en plein jour. L’un des hommes est un bûcheron que nous avons croisé dans la journée. Le second que nous avions rencontré en même temps se pavane au milieu des autres en expliquant, fièrement, qu’ils auraient dû faire ça dès l’installation de cette femme et de son rejeton hideux. Mon sang est bouillant, ma colère grandit à chaque mètre parcouru. Les autres enfants de la bande sont là aussi, maintenus par les gros bras de la bande de forgerons. Ils crient, hurlent, supplient mais ils n’obtiennent que des rires gras et des imitations grotesques. Seul Millie et Joe ne sont pas là. Sans m’en rendre compte, je prends de la vitesse, ma mâchoire se serre à m’en faire souffrir. Hiolde tombe à genoux en hurlant sa peine. Son cri me déchire le cœur et me submerge d’avantage d’une colère incontrôlable. Ma vitesse augmente encore, à côté de moi résonne les pas du forgeron qui arbore le même visage que le mien. Le cri de la rouquine attire l’attention. Le groupe de bûcherons se tournent vers nous. Trop tard pour les deux plus proches de moi et de Kazuto. Nous les percutons comme des chevaux au galop, l’épaule en avant, je sens les côtes de celui que je touche se briser comme du bois sec. En plein centre du torse, il est projeté comme un vulgaire mannequin de paille. Celui du forgeron ne s’en tire pas mieux car son bras est plié dans le mauvais sens tandis que l’épaule n’a plus l’air d’être à sa place. Mon regard se braque sur le bûcheron qui se pavane au milieu des autres, il se permet un sourire provocateur. Je jure qu’il ne va plus sourire longtemps. Calas tourne sa tête ensanglantée vers nous, son regard nous priant de ne pas s’en mêler. Il n’est qu’un enfant et il fait preuve de bien plus de courage que ces raclures.

" Voici les deux samaritains ! C’est bien que vous soyez venus, ça nous évite de venir nous chercher. " Déclare celui qui semble être l’investigateur de cette horreur.

Moi et Kazuto nous ne sommes pas là pour discuter, nous sommes là pour distribuer des gifles et nous nous apprêtions à la faire avant d’être interrompu.

" Harold ! " Hurle quelqu’un derrière nous. " Cette fois tu vas trop loin ! "

Athan accoure en compagnie de son frère Joe. Les visages furieux et rougit d’effort. Le jeune soldat du fort semble choqué par ce qu’il voit et darde un regard noir vers celui qui se pavane et qui se trouve probablement être le fameux Harold, chef des bûcherons. Celui-ci rétorque en ricanant.

" Ah et en voilà un autre à qui il faut donner une leçon. "

" Tu ne devrais pas me menacer, je suis un représentant de notre duc et je vais faire respecter sa loi. "

" Tsah ! Tu penses que le duc s’enquiert du sort d’une femme n’ayant pas eu la décence de tuer cette horreur qui a grandi dans son ventre. Elle aurait dû elle-même se donner la mort après… "

" Ferme là ! "

Le coupais-je d’un hurlement de rage avant de le charger, Kazuto à ma suite malgré les protestations d’Athan. Un bûcheron me fonce dessus, le regard ivrogne, une barbe et des cheveux sales. Je me baisse, évite un crochet, saisit mon adversaire aux cuisses avant de me redresser pour le déséquilibrer et le faire tomber derrière moi. Je progresse les poings levés désormais alors qu’Athan nous ordonne de nous arrêter. Je ne l’écoute plus, je suis lancé, un gladiateur qui s’avance dans l’arène, déterminé à faire payer ces ordures. Un second bûcheron m’approche, des cheveux noires noués en tresses qui lui tombent jusqu’aux hanches, il envoie son pied en avant pour me frapper le ventre. Je me mets sur le côté, saisit sa cuisse avec mon bras et jette mon corps contre le sien. Nous basculons et tombons à terre. Je lui arrache un hoquet de douleur quand mon genou tombe sur son entrejambe. J’écrase mon poing contre son nez à deux reprises, emporté par la colère, je n’aperçois pas un troisième coupeur de bois qui me frappe la joue. Je tombe sur le sol et ressens l’instant d’après un pied frapper mon dos. J’entends et je vois les enfants se débattre, donnant du fil à retordre à coups de pieds et de dents aux gaillards qui les maintiennent. Le forgeron vient à ma rescousse en abattant son poing sur le crâne d’un de mes agresseurs. Deux autres s’étaient joints à lui pour venir me rouer de coups de pieds. J’attrape les jambes de l’un pour le mettre à terre pendant que mon forgeron se jette sur le second. Je m’occupe du mien, j'agrippe sa jambe et la tire pour ne pas qu'il se redresse, il se débat, projette son pied dans mon torse alors que j'essaie de prendre le dessus. Je tombe à la renverse, les yeux pointés vers le ciel zébré de fumée. Un visage barbu, luisant de sueur interromps ce court moment contemplatif, il dresse une hache au-dessus de son crâne chauve, prêt à l'abattre sur mon torse. Je dois mon salut à Athan qui force le bûcheron à détourner son outil de travail pour parer son épée. Il ne suffit que de quelques mouvements au soldat pour qu'il prenne le dessus sur son adversaire. Qu'est-ce que peux faire un bûcheron contre un soldat entraîné ? Il est désarmé et subit une blessure à la jambe qui le met hors combat. Un instant de flottement passe. L'utilisation d'armes provoque une tension supplémentaire qui efface les sourires niais des visages de chaque bûcheron. Les prises sur le groupe de gamin s'est affermi, les plus agités sont mis brutalement à terre et maintenue de manière douloureuse. Les seuls sons audibles sont les gémissements de douleur du bûcheron blessé à la cuisse, les sanglots de la femme rasée et le crépitement du brasier qui ne décline pas.

Les bûcherons saisissent leurs haches et se regroupent, seul ceux qui surveillent les enfants et celui que nous avons rencontré dans la journée et qui se tient à côté de la femme en larmes ne bougent pas. A mes côtés se tiennent Athan avec son épée, Kazuto qui a ramassé la hache d'un bûcheron hors combat, Joe qui malgré un regard réprobateur de son frère s'empare d'une hache au sol pour faire face aux sept coupeurs d'arbres qui se tiennent devant nous. Je dégaine mon sabre, conscient que mes poings ne suffiront plus. Nous nous élançons les uns contre les autres en criant notre combativité.

" Avez-vous tous perdu la raison ?! "

Le manche de mon sabre se met à rougir, il devient brûlant, me forçant à le lâcher en secouant ma main pour la rafraîchir. Il en est visiblement de même pour tous les bûcherons face à nous. Une femme au regard perçant, tenue militaire et visage courroucé s’approche d’un pas rapide, suivie de quelques autres soldats et villageois qui accourent avec de quoi éteindre les flammes.

" Aviez-vous l’intention de mettre le feu à la forêt Harold ? "

Elle darde un regard meurtrier sur le chef des bûcherons qui bien qu’il lance un regard mauvais à la femme ne se permet pas de lui répondre. Elle jette ensuite un regard réprobateur vers Athan qui s’était mis au garde à vous, l’air peu fier.

" Et vous Athan ? Quel est le protocole en cas d’incendie criminel et d’agression ? "

Il ne répond pas, conscient que celui-ci n’est sans doute pas de se jeter dans une rixe qui dégénère. Les villageois s’activent pour éteindre l’incendie avant que celui-ci ne se propage. Certains viennent en aide à la femme en sanglot, tremblotante. Les soldats qui accompagnent la femme au regard de braise s’empressent d’arrêter les bûcherons qui ne se sont pas enfuis. En apercevant Millie un peu à l’écart derrière la troupe de villageois je me rends compte de la similitude entre les traits de son visage et de ceux de la femme autoritaire. Elle se tourne soudainement vers nous :

" Vous deux ! "

Nous nous redressons sans faire les fiers, comme deux enfants qui s’apprêtent à se faire gronder.

" Je vous suis reconnaissante d’avoir ramené ma fille à la maison et c’est la seule raison pour laquelle je ne vous jette pas aux cachots. Cherchez vos affaires et quittez cet endroit dans l’heure. "

" Mais ils n’ont rien fait de mal ! " s’offusque Maurice qui nous avait rejoint pendant que le reste de la bande s’était rassemblé autour de Calas pour lui venir en aide.

" Leur présence va attiser le désir de revanche de ceux qui se sont échappés, je ne veux plus voir ce genre de choses ici. "

Nous inclinons la tête, acceptant avec raison de partir au milieu de la nuit dans une forêt inconnue. Elle incline la tête à son tour avant de crier ses derniers ordres.

" Occupez-vous du jeune Humoran et de sa mère ! Jetez les agresseurs aux cachots, le duc décidera de leur sort ! "

Les soldats s’exécutent tandis que nous retournons vers l’auberge pour rassembler nos affaires.
Modifié en dernier par Oljyn le lun. 24 juin 2019 11:13, modifié 1 fois.

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Re: Fort-Gamerian

Message par Oljyn » lun. 24 juin 2019 10:54

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Équipés, parés, nous rejoignons l'orée de la forêt éclairés par nos lanternes. Nous remarquons un groupe qui attend entre les arbres. Il s'agit des enfants. A l'exception de Calas qui devait recevoir des soins et Hiolde, sans doute à son chevet.

"On tenait à vous remercier. "

Annonce Maurice qui semble encore ému par les évènements. Tous à l'exception de Millie ont encore les yeux rougies par leurs chagrin et les joues marqués par leurs larmes. La jeune mage s'avance vers nous avant de me déclarer:

"J'ai remarqué que vous possédiez des runes. Quand vous arriverez dans une ville possédant une boutique magique vous devriez les faire identifier. Mon père savait le faire, ma mère le pourrait sans doute mais je pense que si elle vous revoit vous allez finir avec le feu aux fesses."

"Ta mère c'est..." Commence Kazuto.

"Oui. La femme qui a fait cesser la bagarre, elle commande les armées du duc et elle maîtrise la magie du feu."

"Je comprends mieux maintenant." Avouais-je.

Le don que possède cette jeune fille lui vient sans doute de sa mère. Un talent inné, héréditaire, qui lui permet, si jeune, d'être aussi douée.

"Merci." Conclut-elle avant de s'écarter pour laisser apercevoir un sentier qui mène au cœur de la vieille forêt.

"Soyez prudent surtout."

Déclare Joe. L'un après l'autre, ils nous souhaitent bonne chance, nous remercient, nous demandent de faire attention.

"Peut-être que dans quelques années, quand nous serons plus grands, nous nous recroiserons lors d'une aventure." Ajoute le petit William.

Moi et mon forgeron nous sourions avec affection avant de déclarer à l'unisson.

"Surement."

Dernières accolades avant de nous tourner vers les bois pour y disparaître pour entamer ce qui doit être la partie la plus dangereuse de notre voyage.


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Re: Fort-Gamerian

Message par Oljyn » mar. 24 mars 2020 14:55

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Nous avions réussi à fabriquer un brancard rudimentaire avec ce qu’il restait dans le campement en ruines avant de traverser la forêt pour revenir à Gamerian. Donald était dans un état lamentable quand nous sommes finalement arrivés au château en demandant de l’aide sous le regard inquisiteur de la pyromancienne en charge de la sécurité de la ville. Nous l’avions prévenu au passage qu’un camp de braconnier venait d’être mis en pièce par un Minotaure. Ce à quoi elle répondit d’un froncement de sourcil et d’un air grave avant de nous conduire à l’infirmerie où nous avons pu leur laisser Donald entre la vie et la mort.

Après avoir parcouru tout le chemin en sens inverse sans nous arrêter, nous étions aussi dans un sale état. Les yeux cernés, le souffle court, les épaules douloureuses, les cuisses courbaturées et les chevilles égratignés par les ronces. Nous nous étions endormis à même le sol du couloir pour ne nous réveiller que le jour d’après dans des lits de l’infirmerie.

A notre réveil, on nous a appris qu’Oranan se trouvait désormais dans un état critique, assiégé par les armées d’Omyre. Athan, le jeune soldat avait dû assister Kazuto pour m’empêcher de partir sur le champ tout en m’affirmant qu’aucune attaque n’avait encore été lancée contre la capitale Ynorienne. Il me mit tout de même au courant qu’une défaite avait eu lieu dans la forêt au nord de l’Ynorie et qu’une autre bataille à Luminion s’était soldée par une défaite de l’armée d’Oaxaca qui n’était pas parvenu à franchir la ville. Faute de temps et au vu des derniers événements, moi et le forgeron nous savions que le concours s’arrêtait ici pour nous. Après quelques jours de rétablissement Kazuto m’avait informé qu’il rentrait chez lui à Gasansary et il m’invita à venir y vivre le temps qu’un passage jusqu’à Oranan soit à nouveau ouvert. J’avais décliné l’invitation, j’avais quitté le foyer pour l’aventure. Rentrer sans même ramener mon forgeron m’attirerait le regard foudroyant de mon grand père. Oranan était une ville forte qui avait déjà résister à de nombreux sièges de la reine d’Omyre. Ses soldats sont compétents et son armée puissante. Je ne m’inquiétais pas plus que ça pour eux. Si je ne pouvais pas rentrer à Oranan, je pouvais toujours rentrer à Tulorim et me forger une nouvelle réputation là-bas pour faire taire ce grincheux de grand-papa.

" C’est décidé alors, tu ne viens pas avec moi ? "

" Non. Je vais rentrer dans ma cité d’origine. Je suis sûr que ça ira pour Oranan même si la situation semble difficile. De toute manière je ne peux rien faire. "

Il incline la tête et me tend la main.

" Prends soin de toi Oljyn. Tu es un bon gars. Je suis content de t’avoir rencontré. Même si tu es vraiment une escorte de..."

"De merde oui je sais."

Le coupais-je avant d'empoigner sa main et de la secouer vivement alors qu'il ricane de son commentaire ressorti en de nombreuses occasions.

" Au plaisir de te revoir l’ami. "

C’est comme ça que nous nous quittons après nous être castagner devant les portes d’Oranan, après avoir bastonné des brigands qui s’en prenaient aux fermiers du Val d’Abondance, après avoir sauvé ses miches du camp de ces même brigands où j’ai moi aussi pris une raclée, après avoir sauvé un gosse de la noyade et m’être fait rosser par une créature souterraine, après avoir botter les fesses de bûcherons racistes et nous être fait remettre en place comme des gamins par une femme maniant la magie de feu et, enfin, après avoir savaté un Shaakt du Tonnerre d’Omyre et survécu à l’attaque d’un monstre légendaire, nos chemins se séparent.

A mon tour, après m’être assuré que canard s’en tirerait, de préparer mes affaires pour débuter mon voyage vers le sud-ouest, vers le port le plus proche. Bouhen.


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