La Taverne du Gars'Rock

Répondre
Avatar du membre
Yuimen
Messages : 2483
Enregistré le : mar. 26 déc. 2017 19:17

La Taverne du Gars'Rock

Message par Yuimen » ven. 29 déc. 2017 12:31

Au Gars’rock !

Comme la majorité des bâtisses de Luminion, la taverne Gars’rock est massive, à pan de bois sur un haut soubassement de pierre. La porte en bois, haute et large, reste rarement fermée. Le passage y est fréquent ; les soldats en place y sont pour beaucoup.
Une cheminée carrée, ouverte aux quatre faces, domine le centre de la pièce principale. Des victuailles pendent à proximité et les tables s’organisent autour de cette source de chaleur et de lumière. Les fenêtres pourraient également apporter de l’éclairage, mais les carreaux sont crasseux et, dans un col de montagnes, le temps d’ensoleillement est particulièrement réduit.
Au fond, un comptoir ferme l’accès aux réserves de nourriture et de boisson.

Les soldats viennent dans cette taverne pour oublier l’horreur des combats et s’accorder le droit de rire, de se détendre, de vivre. Personne n’aurait l’idée de chercher les ennuis et quiconque s’emporterait serait mis rapidement à la porte, aidé par deux clients.

Surveillant cette belle famille se trouve un couple de gérants : Rogoune et Moumer. Ils entretiennent avec la clientèle des lieux une relation de confiance, de taquinerie et de bonne humeur.

Byrnisson
Messages : 57
Enregistré le : sam. 6 avr. 2019 23:02

Re: La Taverne du Gars'Rock

Message par Byrnisson » ven. 19 avr. 2019 20:56

[Partie 1 - Chapitre I - Suite - Précédent post dans les ruelles de Luminion]

La taverne grouillait déjà de monde. Avec la fonte des neiges, de nombreux montagnards profitaient de la réouverture des routes pour descendre dans “la cuvette”, comme ils l’appellent. Ces derniers s'étaient mêlés à des groupes de soldats et bavassaient joyeusement. L’occasion pour eux d’échanger les nouvelles, ou célébrer le retour des beaux jours autour d’une partie de dés.

Au fond de la salle, un homme à la barbe fournie, chantait un air montagnard qu’une partie de la salle reprenait à tue-tête. Derrière lui, un vieil accordéoniste posait quelques accords au rythme des paroles.

« Alizé jeune bergère,
Le matin s’en alla traire.
Avec ses pis dans les mains,
Elle aperçut par-delà l’pré,
Un jeune homme bien apprêté.
Si bien que le soir en rentrant,
Elle revint bredouille à son père,
Un vague sourire sous son nez.

Hay hoooo! Alizé ma belle !
T’avise pas de repasser cette porte,
La prochaine fois que tu lambine!

Alizé belle bergère,
Le lendemain pris sa panière,
Disant s’en aller au buis.
Elle disparut quelques semaines,
Et revint un jour de pluie.
Dans sa panière pas un brin d’herbe,
Mais sous sa robe détrempée,
Pointait ventre bien rebondi ! »

La conclusion de ce dernier couplet déclencha dans la salle une salve d’applaudissements. Le chanteur, porté par ces encouragements, entrepris de retirer son gilet, dévoilant son énorme ventre et provoquant l’hilarité de son auditoire.

Dans cette heureuse atmosphère, personne ne me remarqua, cheminant timidement jusqu’au comptoir. Rogoune, le patron du bar, profitait d’une accalmie dans les commandes, les yeux rivés vers le chanteur. L’homme massif, arborait un sourire jovial : sa salle, bien remplie présageait une recette confortable et marquait le début d’une bonne saison. Lorsque son regard se détacha du spectacle, il me remarqua, planté devant lui depuis plusieurs minutes n’osant pas déranger l’homme dans ses spéculations. D’un hochement de tête, il m'invita à parler.

« Bo... bonjour, messire, enfin monsieur. J’ai, je voudrais vous proposer mes services pour ce soir. Parce qu’en fait, je voulais m’enrôler à l'académie... ou plutôt je veux, mais je, j’ai, pris la route un peu tard et... »

« Si tu souhaites me raconter ton épopée de jeune fermier qui vint à la ville, je t’invite à le faire de là-bas » me dit-il d’un ton moqueur en désignant l’estrade, sur laquelle le chanteur singeait maintenant une danse du ventre langoureuse.

« Tu veux un endroit pour dormir c’est ça ? »

Rougissant à son quolibet, j’acquiesçais néanmoins de la tête.

« Bien, tu prendras le tour de plonge ce soir. Si tu débrouilles bien, tu auras peut-être un petit quelque chose ; déduction faite de ton repas, si tu souhaites également le couvert. On devrait pouvoir te trouver une place, vois cela avec Moumer, ma femme, à la fin de ton service. Pour l’heure, dépose donc tes affaires ici, derrière le comptoir, et file en cuisine. »

Sans même adresser un remerciement, je fondis aux cuisines. Quelques minutes plus tard, un tablier crasseux endossé, je m’attaquais, désespéré à un évier dégueulant de vaisselle usée. A l'arrière des cuisines, il régnait une chaleur épouvantable. Non sans quelques regards envieux vers les commis qui s’agitaient sous les ordres du chef cuisinier, je nettoyais bientôt inlassablement, assiettes, couverts et plats à une vitesse malheureusement insuffisante.

Bras et mains gourds je peinais à faire fondre la pile de vaisselle qui s’épaississait, à mesure qu’en salle l’on débarrassait les tables. Tentant à plusieurs reprises d’accélérer le rythme je ne manquai pas de casser quelques assiettes par maladresse. Finalement, résigné, je décidai de faire aller à mon rythme, prenant de temps à autres le temps de boire et de m'asperger d'eau fraîche. Je terminai ma tâche longtemps après l'arrêt du service, épuisé, ruminant encore mon étourderie du matin. Sans elle, j’eusse certainement passé la nuit en compagnie de nouvelles recrues, commençant à tisser les liens forts qui plus tard me lieraient à mes compagnons d’arme.

Sortis des cuisines, je n’ouïs aucun commentaire sur la qualité de mon service. Je doutais fortement qu’il eut été apprécié. On me servit quelques restes puis je dus aider au nettoyage de la salle. M'armant d'une éponge, je nettoyai consciencieusement les tables. L'alcool n'avait pas coulé que dans les gorges des convives et les tables en étaient recouvertes. Enfin, tard dans la nuit, Moumer me conduit aux dortoirs où elle m’attribua une paillasse. Je sombrai instantanément dans un sommeil profond.

Le lendemain, lorsque je rejoins la salle principale, un groupe d'irréductibles ivrognes occupaient déjà l’une des tables. Lorsque m’approchant du comptoir, je voulu adresser mes remerciements et saluer Rogoune, celui-ci me lança un quignon de pain au visage.

« Tiens, voilà pour ce matin. Nous serions ravis de te reprendre à la plonge... le jour où l’on décidera de renouveler notre vaisselle. D’ici là, je te conseille d’envisager autre chose. »

J’encaissais sans dire mot. La nuit, bien que courte, avait regonflé mon moral et la perspective de pouvoir me rendre dès ce matin à l’académie me rendait étanche au sarcasme. Mordant mon quignon avec entrain, je sortis dans la rue, certain que cette fois, rien ne pourrait gâcher cette nouvelle journée.

[La suite dans les rues de Luminion]

Avatar du membre
Alfryda Bröhm
Messages : 51
Enregistré le : dim. 27 janv. 2019 16:02

Re: La Taverne du Gars'Rock

Message par Alfryda Bröhm » mer. 23 oct. 2019 23:15

Une bière, c'est tout ce qu'il me fallait en cet instant. On me l'apporte tandis que je suis assise seule à une table, dans l'auberge du coin. Hâthur et Godril ont jugés bon de rester ensemble et sont partis je-ne-sais-où, peu après le retour de Madame Anya. Je n'ai pas eu le courage de les accompagner, trop têtue pour passer pour la cruche de service. Et me voilà dans une ville en pleine panique avant la guerre, celle qui sépare les familles, remplit les cimetières et engraisse les charognards. Je ne me sens à ma place nulle part et j'y repense en portant la chope à mes lèvres. La première gorgée est aussi amère que le reste de la journée qui s'annonce, le reste ne fait que tenter de noyer mes idées noires qui s'expriment d'elles-même.

"Un siège, foutredieu... Qu'est-ce que j'ai foutu dans ma vie pour couler dans des emmerdes pareilles ? J'dois avoir le mauvais œil ou un truc du genre. J'pensais qu'tout ça arrivait qu'aux timbrés qui forniquent avec les corbeaux d'malheurs. Ou p'tet bien que c'est une maladie... Ouais, c'est ça, j'dois avoir chopé un genre de poisse en maladie, j'vois que ça."

Je n'ai pas le temps de finir mes lamentations que ma pinte est vide, m'obligeant à héler le tavernier pour qu'il m'en ramène une nouvelle. Il s’exécute en silence bien qu'il se permette un commentaire en me déposant ma commande sur la table.

"Dites-moi, j'dis ça comme ça, mais vous êtes sûre que vous n'avez rien d'autre à faire ? Je veux dire, vous connaissez la situation en ville ?"

La question est malvenue au possible, surtout pour une Thorkine en pleine boisson. Je frappe du poing sur la table, créant un moment de gêne et de silence qui s'éternise alors que mes yeux embrumés fixent la mousse qui se renverse le long du bock. Je lutte pour ne pas lui sortir une quelconque réplique cinglante et ravale un rôt d'avoir bu la première bière trop rapidement.

"...Z'avez d'quoi bouffer dans c'bouge ?"

Nom de dieu, je me serais foutu une baffe si l'alcool ne m'assommait tant. Une bière, une seule. Et ce n'est pas l'excuse de la fatigue et du ventre vide qui va me défendre lorsqu'il me foutra dehors en me bottant le cul avec ses semelles. Je relève la tête, juste assez pour le voir se redresser et souffler du nez avant de me répondre en gardant son calme malgré le manque de courtoisie dont je fais preuve.

"J'ai du pâté de canard, l'un de ceux que je sers à la garnison. Mais étant donné qu'ils ne sont pas ici pour en profiter, je peux vous en mettre une double ration."

Le nom me fait baver et je n'attends pas pour cligner plusieurs fois des yeux avant de me rasseoir sur ma chaise comme un môme bien élevé.

"Je... Oui, j'en prendrais bien, s'il vous plaît."

Un hochement de tête et le voilà déjà reparti derrière le comptoir, puis dans sa cuisine. Une nouvelle fois seule dans cette grande pièce vide de rires et de clients, à noyer dans la boisson un mal-être que je ne comprends pas. Puis soudainement, il se dévoile du plus profond de mon cœur, comme une réponse que j'ai voulu cacher depuis tout ce temps.

(J'ai peur.)

Puis vinrent les larmes, celles que l'on ne peut retenir. L'idée de mourir, de voir des proches disparaître. La vision de la poussière qui inonde l'air, des cris des victimes et d'une menace qui s'avance inexorablement vers les faibles, ceux dont je fais parti. J'essuie la preuve de ma couardise d'un revers de la main pour en sentir davantage, ne pouvant retenir le sanglot qui les accompagne. Au moins, je suis seule, dans cette grande pièce vide de rire... et de clients.

"Et voici pour vous."

Un témoin qui me verra me frotter le visage à la va-vite, tentant vainement de lui dissimuler ce qu'il a déjà vu.

"Vous allez bien ?"

"Non. *snif* Non, ça ne va pas. Je suis parti de chez moi pour vivre une vie que je n'arrive pas à réaliser et je me retrouve coincée dans une ville qui s'apprête à finir rasée par les Peaux-Vertes d'la sorcière d'Omyre. Alors si je m'attendais à finir mes jours dans pareille situation, j'aurais un peu mieux profité d'la vie."

À ma grande surprise, le tavernier s'esclaffe comme si je venais de lui raconter la meilleure blague de sa vie. Il se confond en excuses et pouffe les dernières brides de rire qui subsistent, le tout en s'installant sur le siège en face de moi.

"Dites-moi, jeune femme, vous pratiquez le mercenariat depuis combien de temps ?"

"Et bien, j'ai d'abord été trappeuse à Mertar, mais je voyage depuis moins d'un mois."

"Alors croyez-moi, vous avez encore beaucoup à voir et à apprendre. J'en ai vu des centaines venir dans mon auberge, juste pour une nuit. Des vantards qui rient au visage du danger pour finir dans le terrier d'un bestiole trop grosse pour eux. Mais vous voulez savoir le type d'aventuriers que je finis toujours par revoir, ne serait-ce qu'une fois ? Ceux qui sont conscients que la mort est derrière chaque obstacle, ceux qui se préparent de ce qu'ils n'ont pas encore vu, vécu et ressenti. Alors gardez vos craintes bien au chaud dans votre cœur et laissez-les gonfler votre torse, vous verrez qu'elles vous apprendront bien plus qu'un courage en lequel vous ne croyez pas."

Je reste abasourdi par ce qu'il vient de me dire, la bouche pendue. Il se relève et range sa chaise sous la table avant de me souhaiter un bon repas, disparaissant à nouveau. Foutredieu qu'il parlait bien. Les larmes ont cessés de couler et je me surprends à rire nerveusement en essuyant les vestiges d'une gêne qui n'est plus. Le repas sent bon, il semble m'attendre alors que je fais glisser la gamelle jusqu'à moi. Je suis seule dans cette grande pièce vide de rires et de clients, mais vivante et je compte bien le rester.


((9 Yus à retirer de ma fiche pour les deux bières et le repas chaud)))
ImageImage

Répondre

Retourner vers « Luminion »