La Taverne du Chat Enroué

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Yuimen
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La Taverne du Chat Enroué

Message par Yuimen » mer. 27 déc. 2017 17:29

La taverne du chat enroué
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Enseigne du chat enroué

Cette taverne est le repaire des marins et soldats de la ville, l'ambiance est survoltée, de nombreux bardes viennent y gagner leur pitance. Deux ou trois femmes de plaisir se mettent au service des ces braves hommes de temps à autre, pour une bouchée de pain. Cela se passe dans un petit réduit de la taverne, meublé d'un vieux matelas miteux, à l'écart des yeux indiscrets mais pas vraiment des oreilles car on entend souvent tout, bien que le bruit soit couvert par l'agitation de la grande salle.

Rilok Derouanh, le tavernier, est un homme grand et imposant à la figure ronde et rouge. Il s'occupe seul avec son fils de seize ans de la taverne, et ce presque sans aucune interruption.

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Xël
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Re: La Taverne du Chat Enroué

Message par Xël » ven. 10 juin 2022 20:33

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« Alors c’est définitivement terminé ? »

Stepha posait la question avec une inquiétude visible. Comme si c’était impossible que la menace d’Oaxaca soit désormais derrière nous.

« J’imagine que ce n’est pas facile de s’échapper d’une prison divine… »

Dis-je songeur après avoir pris une gorgée de bière. Après nos retrouvailles nous sommes allés prendre une chope à la taverne du Chat Enroué. Bâtiment proche des quais, à la pierre grise et aux volets usées par le vent salé. L’intérieur n’offre pas vraiment un aspect plus propre. Le sol est d’un parquet rayé et tâché, parfois déformé par l’humidité. Les murs sont en pierre taillées, noircies par les lanternes qui éclairent la pièce d’une lumière plutôt chaleureuse, tout comme l’ambiance, qui égaie le lieu qui serait maussade sans les rires, les discussions animées et les musiciens. Nous avons prit place à une table au fond de la salle pour avoir une ombre de tranquillité mais nous sommes souvent interrompu par les clients de la taverne qui veulent s’assurer que je suis bien Xël Almaran, celui qui a survécu à ce qu’ils appellent le Charnier des Âmes.

J’avais d’ailleurs tout raconté à Stepha. Chaque moment de la bataille que j’avais vécu ou aperçu. De la lâche tentative de Sisstar lors des premiers échanges verbaux d’avant bataille au coup final porté sur la Déesse déchue ainsi que l’infiltration et le combat qui a eu lieu dans le palais de la Roseraie. Elle avait écouté avec attention, se retenant plusieurs fois de poser des questions, tantôt impressionnée tantôt horrifiée, certains passages lui ont même arrachés des larmes quand mes yeux devenaient aussi humides. Chaque souvenir était encore très clair dans ma tête, se répétant comme un chant qu’on déteste mais dont on n’arrive pas à se défaire de l’air et qui revient sans raison. Les tables les plus proches s’arrêtaient parfois de discuter pour tendre l’oreille, ne voulant pas rater une miette d’un spectacle qu’ils sont chanceux d’avoir manqué.

« Ce ne serait pas la première fois qu’elle s’échappe de sa prison. »

« Elle aurait besoin de ses Treize lieutenants pour retrouver toute sa force et entre ceux qui l’ont trahis et ceux qui sont morts pour de bon… J’imagine qu’il y a bon espoir d’en être vraiment débarrassé. »

Mais je ne pense pas en revanche que Kendra Kâr soit à l’abri. Surtout avec un type comme Herle dans la capitale. Je garde cette réflexion pour moi, vidant ma chope avant de faire signe à une serveuse pour en commander un autre pour moi et Stepha tandis que la musique s’arrête pour laisser monter une autre artiste sur la scène sous les sifflements impolis d’une table de marins. C’est une belle femme, qui doit avoir à peine dix-huit ans, à la longue chevelure rousse et aux formes agréable. Elle en joue d’ailleurs avec volupté, chaloupant le bas de son dos et décroisant et croisant ses longues jambes affinées par son pantalon et ses bottes de cuir une fois assisse. Et bien qu’elle ait attiré l’oeil et le silence de tous les clients de la salle, elle poursuit son numéro en se penchant un peu en avant pour mettre en valeur sa poitrine généreuse derrière sa chemise blanche. Elle saisit délicatement son luth de ses doigts fins avant de se redresser pour jouer les premières notes de son morceau. Des notes qui se répètent puis se déclinent pendant quelques mesures avant qu’elle entame son chant d’une voix douce et claire.

Je vais vous chanter l’histoire d’un carnage.

Ces quelques mots suffisent à me serrer les tripes et me nouer la gorge tandis qu’elle reprend après quelques notes sans chant.

Où se sont affrontés grands guerriers et puissants mages.
Qui a vu naître des héros au cœur d’or,
Mais aussi condamné,
dans les plaines inondées,
des hommes par milliers,
à la pire des mort.


Elle reprend après une nouvelle série de notes identiques à la première, ajoutant aux sons des cordes la percussion en tapant de sa paume contre le bois de son instrument.

Combats de dragons et de divinités.
Mort d’un roi et de ses proches alliés.
Bris de lames et torrents de larmes,
dans les plaines inondées,
des hommes par milliers,
Tombés dans le charnier des âmes.


La tristesse dans sa voix se mue en colère tandis que le rythme s’accélère.

Le choc des armées avant que la mort se pose.
Le rire cruel de la Reine Noire et l’espoir qui se nécrose.
Le dragon entame sa mélopée,
Dans les plaines inondées,
Et les hommes par milliers,
Maintenant y reposent.


Les héros du monde,
Impuissant face à cette onde,
Regarde avec désespoir,
Les plaines se couvrir de noir !


Elle poursuit sans pause, interprétant ses paroles avec une rage qui rend sa voix plus dur et grave.

Poussants leurs cri,
D’une rage infini,
Dans les plaines inondées,
Où les hommes par milliers,
Étaient aussi leurs amis …

Et dans une tornade spectrale,
Débute le comte à rebours finale,
Les héros affaiblis,
Accablés et meurtris,
Puisent dans leurs cœurs,
De quoi repousser la dernière heure,


Chante-t-elle en amplifiant le volume jusqu’à s’en user les cordes vocales avant de conclure son chant avec tristesse à nouveau à laquelle se mélange une sorte de sérénité alors que le rythme ralentit.

Et dans les plaines inondées,
Ils ont fait tombés,
La déesse de la terreur.


Les dernières notes se perdent dans le silence la salle alors que sa voix vibre encore. Ému, je l’observe ouvrir ses yeux finement maquillée tandis que Stepha pose une main sur la mienne en s’assurant que je tienne le coup. La musicienne me remarque et m’adresse un sourire alors que les premiers applaudissements retentissent et sont rapidement suivis par l’ensemble de la salle à l’exception d’une table.

« A POIL ! »

Hurle un gros marin aux cheveux gras, le même qui avait émis un sifflement lors de son entrée. Il se marre comme une baleine en jetant des regards complices à ses potes qui eux ont des ricanements qui me font plus penser à des mouettes. Cependant la jeune femme répond de la façon la plus cinglante et surprenante, dardant un regard furieux vers le marin elle dresse son majeur dans sa direction.

« Va chier ! gros tas de merde ! »

Sa voix n’a rien à voir avec celle qu’elle a utilisé pour chanter. Rauque, empreinte de colère, elle efface le sourire idiot de la face du gros marin qui se recroqueville sur sa chaise alors que les remarques humiliantes lui tombent encore dessus ponctués par les rires moqueurs de la salle. Il se relève et darde un regard furieux vers l’artiste avant de quitter la salle sous une nouvelle salve d’acclamations. Elle s’incline, mettant en valeur ses attributs avant de descendre de la scène pour se rapprocher du bar où de jeunes hommes s’empressent de lui proposer un verre.

« Tu veux la rejoindre peut être ? »

Dit Stepha, moqueuse, alors que je l’observais encore. Je secoue la tête et reporte mon attention sur celle qui m’accompagne.

« Excuse moi. »

Elle lâche son rire de cochons avant de reprendre.

« Je voulais te parler de quelque chose moi aussi. »

Je l’interroge du regard tandis qu’elle extirpe un livre de son sac.

« Tu m’avais parlé de ta faculté à traduire d’instinct les runes tu te souviens ? »

J’acquiesce en prêtant une oreille attentive.

« J’ai fait quelques recherches et j’ai découvert quelque chose qui pourrait t’intéresser. »

Je m’approche du livre pour distinguer ce qu’elle me désigne du bout de son doigt boudiné.

« C’est quoi ? »

J’observe le dessin de ce qui ressemble à une boussole en forme de pentagone, rien de bien spécial à priori.

« Elle permettrait de détecter les runes. »

« Et où est-ce qu’on la trouve ? »

« Aucune idée ! »

Elle hausse les épaules et referme le livre sous mon regard surpris.

« Quoi c’est tout ? »

« Bah oui c’est ce qu’on appelle une relique, ça se trouve pas dans le cul d’une vache. On l’appelle l’Arcane d’Yram le Forgerune. Moi je trouve que ça sonne nain donc si j’étais toi je chercherai du côté de Mertar. »

Je hausse un sourcil curieux, faisant réagir ma camarade.

« Ah me regarde pas avec cet air de truite ! Tu as dit toi même que les runes t’ont été utile durant la bataille alors imagine si tu trouvais un objet permettant de les trouver ! »

Elle n’avait pas tort. Que ce soit avec le Juggernaut ou contre Sirat, mes runes m’avait permis de me sauver la vie ainsi que de causer de gros dégâts. Etre capable de mettre la main sur des objets aussi puissant serait bénéfique pour le royaume. Oaxaca a beau être vaincue les dangers sont encore présents. Je la remercie et nous continuons à boire en parlant de sujets plus léger ou en écoutant les autres bardes qui viennent jouer durant le reste de la soirée.

Nous quittons finalement la taverne assez tard, un peu éméchés à force d’engloutir des chopes de blonde, pour retourner à l’académie. Mais nous faisons à peine quelques pas que nous entendons un appel à l’aide venant d’une ruelle derrière la taverne. Nous nous y précipitons sans hésiter malgré que Stepha rappelle que nous n’avons pas notre équipement.

« Lâche moi gros porc ! »

Plaquée contre un mur, la jeune musicienne se débat pour repousser le gros marin qu’elle a humilié et qui est venu se venger avec sa bande de six gaillards qui sont entrain de rouer de coups de pieds un homme à terre, peut être l’homme qui avait pensé tirer le gros lot en partant avec l’artiste. Pas de bol.

« Laissez-les ! »


Ordonne Stepha d’une voix autoritaire. Elle attire leurs attentions et je n’ai pas le temps d’agir qu’un cyclone repousse le gros marin de l’artiste. De faible puissance et mal maitrisé, il n’en reste pas moins un sort que je connais bien et qui ne vient pas de moi. La musicienne en profite et saisit la dague à sa cuisse pour entailler la joue de son agresseur, lui faisant reprendre ses esprits après la surprise d’avoir été poussé en arrière. Il la gifle avec violence, l’envoyant à terre tandis que les autres hommes s’élancent vers Stepha et moi.

« Rappelle toi Xël ! Tu n’as pas d’armure ! »

S’exclame t-elle en se mettant derrière moi. Rapidement les fluides d’air se répandent autour de mon corps, me dotant d’une aura venteuse qui me permettent d’esquiver facilement le poing du premier marin qui se prend en retour une munition élémentaire qui l’expédie contre un mur. Le second me charge avec l’épaule en avant et un portail l’envoie bousculer le troisième acolyte juste derrière lui, mettant les deux hommes au sol. L’hésitation des deux suivants me permet d’agir avant eux. Le quatrième larron se tient alors la gorge un instant avant de perdre connaissance, décidant les derniers acolytes à s’enfuir. Il ne reste que le gros marin qui joue avec sa dague pour tenter de m’intimider.

Derrière lui, la barde se redresse discrètement et tandis que son agresseur s’apprête à me lancer son arme il suspend son geste et pousse un cri qui tire vers les aigüe. La musicienne venait de lui asséner un coup de pied magistral dans les noix, si violent qu’il me tire une grimace. Il tombe à genoux et elle récidive, frappant à nouveau dans l’entrejambe en l’insultant copieusement avant de lui cracher dessus.

« Je… je pense qu’il a eu son compte. Vous allez bien ? »

Elle se redresse et me dévisage quelques instants tandis que Stepha passe derrière moi pour s’inquiéter de l’état du type qui s’est fait lyncher.

« Je le savais. Vous êtes Xël Almaran ! Le Xël Almaran ! Le plus puissant mage du royaume ! »

« Quoi ? Oui. Enfin non. Enfin c’est moi mais je ne suis pas … »

Je n’ai pas le temps de finir ma phrase qu’elle scande des vulgarités de joie tout en expliquant qu’elle suit tous mes exploits depuis le tournoi dans l’arène et que je suis une source d’inspiration et alors qu’elle démarre un monologue pour me complimenter Stepha attire mon attention sur l’état du blessé.

« C’est une jeune recrue, il faut le ramener rapidement à l’infirmerie. »

« Donnes moi une minute. »

Je ferme les yeux pour me concentrer pendant que la jeune musicienne aide Stepha à ramasser la recrue. Je visualise l’académie dans mon esprit et parcours les couloirs jusqu’à atteindre l’infirmerie et laisse mes fluides agir pour nous ouvrir un passage dans lequel nous passons tous les quatre dont une pleine d’enthousiasme.


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