Le Temple de Valyus

Répondre
Avatar du membre
Yuimen
Messages : 2483
Enregistré le : mar. 26 déc. 2017 19:17

Le Temple de Valyus

Message par Yuimen » mer. 27 déc. 2017 16:21

Le temple de Valyus


Bâti près des remparts, le temple est formé d’un cylindre surmonté d’une coupole immense en marbre blanc incrusté de lapis-lazuli. Au sommet trône une statue de Valyus brandissant une épée pointée vers le ciel et qui attire les éclairs à chaque orage. De la base de cette statue, les incrustations de lapis-lazuli zèbrent telles des éclairs le marbre immaculé et lisse de la coupole. Lors des orages, certains disent que ces zébrures luisent d’une lumière blanche bleutée comme les éclairs.

Il n’y a qu’une seule entrée. Celle-ci est triangulaire et forme un "A". De même, au sol se dessine le bas d’un « V » dont les deux bouts de branches sont de part et d’autre du "A" de l’entrée. A côté de l'entrée est posée une écuelle dans laquelle brûle un feu perpétuel entretenu par les prêtres du temple. Sur le dessus de l’entrée repose une boule d’où émanent de petits éclairs orangés.

Une fois le seuil franchi, l’immensité du temple vous saisit, car le cylindre et le dôme ne forment qu’une seule énorme pièce. Des bancs disposés en plusieurs cercles concentriques sont utilisés par les fidèles tandis que les prêtres officient dans le cercle central, debout et s’adressant à l‘assemblée. Au niveau du début de la coupole se trouve une plateforme annulaire. Du côté intérieur de cette plateforme partent quatre branches de marbre en quart de cercle aplani de trente centimètres de large. Une branche par point cardinal. Mais ces arches ne se rejoignent pas au centre, elles se stoppent deux mètres avant. Dans le vide laissé entre elles flotte une sphère gris acier d’un mètre de diamètre d’où émane un puissant champ électrique et, parfois, des arcs électriques. D’aucuns disent que c’est la manifestation de Valyus lui-même et que celui qui la touchera sans être foudroyé sera l’élu du Dieu de la Foudre et du Tonnerre.

Pour accéder à cet anneau, on doit emprunter une rampe en pente douce qui fait le tour complet du temple à partir de la droite de l’entrée.

A gauche de l’entrée, on trouve une rampe en pente douce descendante qui mène à la partie du temple construite par les Nains. Celle-ci est plus austère, c’est une pyramide inversée. La rampe fait également le tour complet, par paliers, pour arriver au fond. S’y se trouve une grande statue, au socle triangulaire, de Valyus protégeant de son bouclier des enfants Nains. Seuls trois bancs droits sont disposés autour de la statue, un pour chaque côté du triangle. Partout sur les murs sont sculptés des boucliers avec, pour insigne héraldique, des éclairs. Mais c’est au plafond que se trouve le plus impressionnant. De véritables éclairs parcourent sans cesse le marbre du plafond, mais sans le tonnerre.

La statue est entièrement en lapis-lazuli et semble rayonner d’une douce lumière bleutée qui éclaire l’immense pièce d’une lueur tamisée très sereine.

Il n’y a pas de mobilier, pas d’objet de culte ou de breloques traînant de ci de la, la partie construite par les humains est même éclairée à la bougie. Le temple est épuré de tout mais est perpétuellement occupé par six prêtres. Une trentaine d’entre eux se relaient nuit et jour pour cela. Ils habitent dans un petit bâtiment voisin qui passe inaperçu.

Avatar du membre
Akihito
Messages : 304
Enregistré le : mar. 29 janv. 2019 14:26

Re: Le Temple de Valyus

Message par Akihito » mar. 5 nov. 2019 00:54

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XXXVI.2 : Un Nouvel Elu

Bâti près des remparts, le temple les dépassait bien d’au moins une dizaine de mètres. Il avait une forme assez singulière pour un temple, un long cylindre de marbre blanc incrustés de pierres précieuses bleues. Akihiko supposa que c’était des saphirs, la seule pierre de cette couleur qu’il connaissait. Ces pierres remontaient lentement vers son sommet et à mesure que Akihiko levait la tête pour suivre les ramifications bleutées, son émerveillement ne fit que croître. Les éclairs de saphirs grossirent, se rassemblèrent pour n’en former qu’un qui recouvrait l’entièreté du dôme qui coiffait le temple. Une statue d’un métal noir brillait à son sommet, sans doute faite en Keraunos. Elle représentait un Valyus triomphant, valeureux, brandissant son glaive vers les cieux comme s’il leur lançait personnellement un défi. Faisant le tour du bâtiment, il confirma que le dôme était bien intégralement composé de saphirs et il s’arrêta finalement en compagnie d’Anthelia devant l’entrée de temple, une grande ouverture triangulaire dont les bords étaient faits en Keraunos, les veines dorées étant là parfaitement visibles. Telle une image miroir, les deux branches de l’ouverture s’élançaient sur le sol pour former un autre triangle en forme de V. A sa pointe trônait un brasero allumé, dégageant une chaleur réconfortante en cette matinée printanière un peu fraîche.
Le fulguromancien se tint devant l’entrée, immobile. Sans qu’il ne s’en rende compte, quelques larmes avaient commencé à perler aux coins de ses yeux.

« C’est… Magnifique. » murmura-t-il avec émotion. Plusieurs fidèles passèrent devant lui et le regardèrent avec un sourire satisfait, le voyant se frotter les yeux pour chasser les larmes d’émerveillement qu’il avait laissé couler. Il se reprit et entra dans le bâtiment. Il vit sur les parois de l’entrée la loi de Valyus écrite à l’aide des veines dorées, une prouesse qu’il ne pensait pas possible. Sur la paroi de gauche figuraient les Préceptes de Valyus et sur la droite, les Interdits. Il posa sa main sur le précepte qui lui parlait le plus, celui qu’il avait décidé d’en faire sa Voie lorsqu’il avait retrouvé la Kizoku Rana. « Tu protégeras les tiens des périls et des offenses. » Une maxime qu’il avait toujours suivie jusqu’à présent et qu’il refusait d’abandonner. Les petites décharges électriques qui secouèrent sa main ne le dérangèrent pas le moins du monde et il les accueillit le temps de son recueillement, avant de reprendre sa progression dans le temple. Son amie ne le dérangea pas et se contenta de le suivre, consciente de l’importance qu’un tel lieu pouvait avoir pour l’enchanteur.
Le cylindre qu’était le temple s’avérait entièrement creux et les mêmes éclairs de saphirs descendant de la coupole parcouraient les murs. Plusieurs cercles concentriques de bancs garnissaient le sol descendant en pente douce vers le centre de la pièce où, visiblement, les prêtres officiaient puisqu’un autel y était présent. Une dizaine de fidèles parsemaient les rangs en cette matinée, plongés dans leurs pensées ou discutant à voix basse avec l’un des prêtres. Sur la gauche et la droite de l’entrée partaient deux escaliers : l’un descendait et s’enfonçait sous le temple, l’autre s’élançait vers le haut et rejoignait une coursive de marbre blanc dont quatre arches jaillissaient, se rejoignant au centre. Enfin, elles ne se rejoignaient pas tout à fait : entre leurs pointes se trouvait une imposante sphère de métal grisâtre, flottant dans les airs sans soutien apparent plusieurs mètres au-dessus de l’autel. Résistant à sa première envie d’aller voir cette sphère qui l’intriguait fortement, il décida de prendre l’escalier de gauche éclairé par des torches. Après une volée de marches descendant sous la salle principale, il trouva une salle d’une forme bien différente mais tout aussi impressionnante. Le sol avait été creusé de sorte à former une pyramide inversée. Le plafond, quelques mètres au-dessus de leurs têtes, étaient couverts par un nuage noir dont des éclairs secs les parcouraient, comme ce fameux soir sur le bateau. Époustouflé par cette performance qu’il ignorait possible, il descendit progressivement la rampe s’enroulant le long de la pyramide creusée, le nez en l’air. Il manqua de percuter un thorkin qui remontait mais Anthelia l’attrapa par l’épaule juste à temps, l’empêchant de rentrer dans un de ses confrères fidèles de Valyus. Il s’excusa poliment de son étourderie et dans un geste de main, le nain lui répondit que ce n’était pas grave avant de reprendre son ascension.
Cela eu le mérite de faire prendre conscience à Akihiko des bords de la pyramide, couvert de symboles runiques thorkines comme il avait pu en voir à Mertar, notamment sur la Grand’Place. Il arriva enfin en bas de la pyramide, composé de trois bancs accolés aux trois côtés de la pyramide et entourant une statue que Akihiko avait remarqué dès son entrée mais qu’il n’apprécia que maintenant. Une base triangulaire, pointant vers lui. Des statues en pierre taille réelle de trois enfants thorkines, visiblement apeurés. Et, devant eux, une statue de trois mètres de haut entièrement en saphir, représentant un Valyus dans toute sa gloire. Légèrement ramassé sur lui-même et protégeant les enfants thorkins de son écu, la seule touche de couleur qui dénotait était les yeux en améthystes du dieu de la Protection. Son casque et sa cotte de maille, connue pour avoir été selon la légende laissés sur Yuimen à son départ, l’habillaient. Akihiko ignorait si la gemme avait été taillée d’un seul bloc ou s'il avait fallu en assembler plusieurs pour parvenir à cette magnifique statue, mais toujours est-il qu’il sentit naturellement ses genoux fléchir et il s’agenouilla face à la statue. Son moment de recueillement fut interrompu par le son de sandales descendant progressivement la rampe. Il se releva et vit derrière Anthelia la silhouette d’un kendran de cinquante ans et encore bien bâti, vêtu d’un chasuble bleu revêtu par-dessus sa toge blanche. Un prêtre du temple qu’identifia rapidement Akihiko et ne sachant trop comment saluer un prêtre de la foudre, il décida de s’incliner à l’ynorienne.

« Un fidèle Ynorien ! Voilà qui est peu courant, nota le prêtre d’une voix profonde.

- Bonjour monsieur, pardonnez-moi mais j’ignore quel est l’usage pour m’adresser à un prêtre de Valyus, pourriez-vous m’éclairer sur ce point ?

- Mmmh, et bien la plupart des fidèles nous appelle « Votre fulgurance ». Au début, cela faisait peu pompeux pour moi, mais je m’y suis habitué alors faites de même si vous le désirez.

- Très bien votre fulgurance. Je suis Akihiko Yoichi et je viens effectivement d’Oranan. Ce temple est… Incroyable.

- Il ne fait que refléter la grandeur de notre dieu, dit non une certaine fierté le prêtre. Je suis le prêtre Maxime, enchanté Akihiko. Et vous, vous êtes… ?

- Anthelia Marine, votre fulgurance. Je ne suis pas une fidèle de Valyus, je ne fais qu’accompagner mon ami.

- Bien, bien. Et que fait un Ynorien si loin de chez lui ?

- Je suis en quête d’un puissant manieur de foudre, un dénommé Frans qui réside à Shory. Etant moi-même un détenteur des fluides de foudre depuis mon enfance, j’espère qu’il pourra m’aider à progresser dans cette voix.

- Un fulguromancien qui plus est ! C’est toujours un plaisir d’accueillir un mage comme vous. Mais venez donc vous installer ; les offices ne commencent que dans une heure et les fidèles sont rares le matin. Prenons place sur les bancs. »

Les trois prirent alors place sur l’un des bancs et parlèrent alors de leur voyage, les péripéties qu’ils avaient rencontrées, quand le prêtre leur raconta de son côté la vie au temple, les rites et les pratiques qu’il officiait.

« Et donc, ce ne sont pas des saphirs toutes ces pierres bleues ?

- Et non : mais pour un néophyte comme vous, la confusion est parfaitement normale. Ce sont des lapis-lazuli.

- Je dois bien admettre que la différence m’échappe…

- Les saphirs ont une couleur plus sombre et plus pure. Les lapis-lazuli sont eux plus clairs et transparents, en plus d’être moucheté de taches d’or. Rapproche-toi, tu pourras voir, intervint Anthelia alors que Akihiko se penchait pour voir ce qu’il en était.

- C’est vrai, j’en vois. Comment tu sais tout ça toi ?

- Eheh, j’ai mes petits secrets. Mais dites-moi Prêtre Maxime, où le temple a pu se procurer autant de lapis-lazuli et surtout une de cette taille ?

- Vous me posez une question à laquelle je n’ai pas la réponse, hélas.

- Oh c’est vrai, j’allais presque oublier la raison de notre venue ici. Votre fulgurance, vous connaissez le prêtre Silverberg ?

- Oh… Vous parler du prêtre qui enchanta les bottes de foudre de Porem ? répondit le prêtre avec un ton soudainement las et ennuyé.

- Euh… Oui, lui-même.

- Vous êtes aussi à leur recherche n’est ce pas ?

- C’est ça.

- Alors abandonnez. Vous n’êtes pas les premiers et vous n’êtes sûrement pas les derniers à vouloir les retrouver, et je ne saurais compter le nombre de personnes qui viennent nous voir dans cet unique dessein. Ca me peine de savoir que c’est aussi votre cas, vous étiez pourtant sympathiques.

- Mais, non.. ? Ce n’est pas le cas ! J’ai pour but de les retrouver c’est vrai, mais je reste un fidèle de Valyus et…

- Oui, oui… répondit le prêtre Maxime en agitant la main. J’ai aussi entendu cette excuse nombre de fois. Alors si vous voulez bien m’excuser maintenant, j’ai l’office de la matinée à préparer.

- Mais… »

Akihiko tenta de protester mais déjà l’homme se levait, sourd à ses explications. Il remonta alors longuement la rampe pour retourner dans la salle principale sans leur accorder le moindre regard. Abasourdi, l’enchanteur resta quant à lui les bras ballants.

« … SI je m’attendais à ça…

- Ca m’embête de le dire, mais il a raison. Enfin, c’est compréhensible qu’il en ai assez de toutes les personnes qui sont avides de trésors et qui viennent les harceler.

- Mais je ne suis pas motivé par la richesse ou la gloire ! protesta vivement Akihiko.

- Je le sais bien. Mais à ton avis, tu penses que tu es le seul à avoir ce discours ? Que ce soit vrai ou non ? »

(Elle a raison Akihiko. C’est un mensonge facile à monter de toutes pièces.)

(Je… Tu as raison. Mais c’est blessant quand même.) admit-il à contre-cœur avant de répéter la même phrase à la tatoueuse.

« Bon… Et bien tant que nous sommes là, autant que cela serve à quelque chose. Pourquoi ne pas monter sur la coursive avec les arches dans la salle principale ? Je dois avouer que cette grosse boule m’intrigue.

- Celle qui flotte ? Je suis curieux de la voir de plus près moi aussi, allons-y. »

Les deux jeunes gens remontèrent la pente en laissant leur regard vagabonder sur le plafond orageux qui hypnotisait leur regard. Ils quittèrent la salle souterraine pour revenir dans la lumière qui entrait par la grande porte principale. La salle était plus remplie que lorsqu’ils étaient arrivés, quarante minutes plus tôt. Le prêtre Maxime les vit remonter et leur jeta un regard navrant, comme s’il les estimait désormais avec un mélange de mépris et de déception. Cela vexa Akihiko qui serra le poing avant de poursuivre vers l’escalier menant aux arches. Arrivé en haut, il remarqua que les arches portaient chacune une lettre devant leur base et au bout de leur avancée de pierre : un N, un S, un O et un E. Une rapide déduction lui indiqua qu’il s’agissait des quatre points cardinaux. Les lettres étaient, comme tous les objets métalliques employés dans le temple jusqu’alors, en Keraunos et posant la main sur la lettre du nord, il sentit le faible chatouillement du métal. Un détail dans son affirmation le fit tiquer.

(Tous les métaux… Sauf cette boule. En quoi peut-elle être fait ? Ca ne ressemble à aucun métal que je connais.)

(Tu as toujours ce sort, que tu avais utilisé dans les montagnes de Mertar pour chercher la Faerunne.)

(Bonne idée !) approuva Akihiko en concentrant ses fluides dans ses mains, laissant d’un air distrait Anthelia passer devant lui après qu’elle ai annoncé vouloir s’approcher pour la voir de plus près. Et alors que Akihiko était sur le point de terminer son sort, un craquement suivit d’un cri de douleur rompit sa concentration. Ouvrant les yeux, il vit Anthelia se tenir le poignet droit en grimaçant de douleur. Il se précipita alors vers la jeune femme et s’agenouilla à ses côtés.

« Anthelia ! Qu’est-ce qui t’es arrivé ?! Tu es blessée ?

- J’ai juste voulu toucher cette foutue boule et voilà ce que je récolte. Bordel, ce coup de jus est sacrément douloureux.

- C’est cette boule qui t’a frappé ? Si j’avais su… Tiens, prends ma gourde.

- Non ça va aller, je vais b-

- Discute pas, la coupa Akihiko. Ta main est cloquée, je refuse de la laisser comme ça. Pour une fois, c’est toi qui vas m’écouter. »

Jugeant la blessure assez légère, il lui fit boire sa potion de soin la plus faible qui allait suffire selon lui. Il la regarda boire les quelques gorgées de la potion et apprécia de voir les meurtrissures diminuer à vue d’œil. L’aquamancienne s’essuya d’un revers de la main une goutte de potion coulant sur son menton et accepta volontiers de sa main intacte celle tendue par Akihiko pour l’aider à se relever.

« Merci.

- Y a pas de quoi. Tu as été touchée en posant la main dessus ?

- Non même pas. J’ai à peine pu l’approche à moins d’un petit mètre avant que je prenne l’éclair. Et crois-moi, je ne vais pas recommencer de sitôt.

- Mmmh… C’est étrange, pourquoi mettre un truc aussi dangereux resterait aussi accessible ? »

La jeune femme secoua la tête, n’ayant aucune réponse à lui donner. En bas, les fidèles les regardaient avec un air indifférent sur le visage. Visiblement, l’événement n’avait pas l’air de les surprendre. Akihiko fut tenté d’aller demander à l’un d’eux ce que tout cela signifiait, mais il se ravisa. Il voulait d’abord voir par lui-même avant de demander l’aide de quelqu’un. Il se concentra de nouveau en entrelaçant ses doigts, paumes ouvertes. Il sentit le flux de ses fluides se percuter, se mélanger au creux de ses mains. Puis, finalement, ils se mélangèrent pour former une sorte de résonance autour de sa main, pulsant d’ondes magnétiques. Il sentit tout le fer contenu dans son équipement, il sentit les différentes armes de jet qui étaient dans les divers rangements de la tatoueuse. Mais encore une fois, il ne sentit ni la présence de la Faerunne contenue dans sa cotte de maille ni la Kizoku. Encore que… Il la sentait très vaguement, mais il mit ça sur le compte du fait qu’il connaissait leur présence, ce qui rendait normale leur détection. Il orienta donc sa main vers la sphère et essaya de percevoir quelque chose, si c’était un métal qu’il connaissait.
La sphère sembla réagir à son champ magnétique, mais elle ne lui livra aucune information. Il parvint bien à déceler la faible présence d’un métal qu’il connaissait, mais l’alliage noyait et brouillait complètement sa perception du métal concerné. Il abaissa la main, se résignant à percer le secret de cet étrange métal. Baisser la main lui fit sentir un autre métal qu’il n’avait pas remarqué au début. Une longue tige d’acier qui courait sous ses pieds, enchâssée dans le marbre blanc de l’arche. Intrigué, il remonta la tige et arriva là où était insérée l’autre lettre de Keraunos. Il ne pouvait être sûr de si les deux se touchaient, mais la présence de l’acier n’avait rien d’anodin. Pour être sûr de son affirmation, l’enchanteur alla sur les différentes arches et sentit sur chacune d’elle l’acier au sein de la pierre. Une curieuse installation qui pointait vers la sphère…

(Cela n’a pas pu être fait au hasard.)

(Peut être est-ce seulement un rôle de soutien pour renforcer la structure ?)

(J’en doute. Tu as vu l’épaisseur de l’arche ? Assez solide pour qu’un homme marche dessus, je ne vois pas pourquoi ils se seraient embêtés à les renforcer pour rien…)

(Parce que tu es un bâtisseur toi maintenant ?) ironisa la Faëra en lui envoyant une pique.

(C’est pas le moment.) grommela l’homme en chassant de ses pensées la Amy encombrante. La sphère recelait bien des mystères : peut-être qu’en l’analysant avec ses dons d’enchanteurs, il parviendrait à percer son secret ? Il n’était pas sûr qu’elle en recèle un mais qui pouvait bien le savoir ? Personne, avant qu’il n’essaye. L’enchanteur déploya ses sens, à la recherche des vibrations magiques qu’il ressentait en présence des objets enchantés comme cela avait été le cas avec le sarcophage de foudre. Rapidement, il sentit les pulsations vibrantes d’énergie se répandre depuis la sphère, comme la chaleur se répandant autour d’une flamme. Il sentit la présence d’une grande puissance de foudre au sein du globe métallique, une puissance si phénoménale, si immense qu’elle dépassait de loin la force d’un éclair frappant le sol. Heureusement, la majeure partie de cette énergie semblait… Tourner. Tourner sur elle-même, dans un mouvement chaotique qui rappelait à Akihiko ses propres sorts où il faisait tourner ses fluides pour générer du magnétisme. Évidemment, c’était là d’une toute autre ampleur. Ressentant la pulsation magnétique, il tenta d’analyser son mouvement. La rotation se faisait de l’intérieur vers l’extérieur, comme si la foudre voulait sortir. Et elle y parvenait en partie, créant une sorte de zone fortement électrisée tout autour de la sphère. Mais elle était ensuite repoussée, et plus particulièrement…
Akihiko fronça les sourcils. Le champ magnétique n’était pas particulièrement sphérique comme la boule dont il sortait. A l’endroit où il se trouvait, sur l’arche, le champ était légèrement enfoncé. Baissant les yeux, il vit la lettre N en Keraunos et fit le lien. C’était ce métal émettant son propre champ électrique qui repoussait quelque peu le champ. Et il devait en être de même pour les autres lettres des arches. Et c’était donc ce métal qui maintenait la sphère ?

« Ca semble logique… murmura à voix haute l’enchanteur.

- Tu as trouvé quelque chose ?

- Mmh. La sphère émet une intense force de répulsion contre le métal. Et comme elle est entourée en quatre points, ces forces s’annulent et lui permettent de rester en l’air.

- Hem… Je ne te comprends pas.

- Pour faire un comparatif, c’est comme si tu étais coincée entre deux murs, et que tu te maintenais au-dessus du vide en appuyant avec tes mains et tes pieds contre la paroi. Tu ne tombes pas tant que tu en as encore la force parce que tu te bloques contre les parois. Là, c’est pareil. Sauf que ce sont les morceaux de Keraunos, le métal élémentaire de foudre, qui servent d’appui.

- Je vois… Enfin, je comprends pas ce qui exerce cette force de répulsion comme tu dis, mais je saisis le concept. »

(Bien joué Aki.) le félicita Amy alors qu’il se repenchait sur le globe de métal. Le mystère de sa suspension dans le vide résolu, il fallait désormais comprendre pourquoi on ne pouvait pas le toucher. Très clairement, c’était le champ magnétique qui délimitait la zone dans laquelle les arcs électriques frappaient. Et si le champ magnétique de la Keraunos repoussait celui de la sphère, il pourrait le repousser lui aussi en créant son propre champ ? La théorie méritait d’être essayée. Les fluides se rassemblèrent dans sa main et après un instant de concentration, il les fit tourner comme un tourbillon dans sa main, créant un champ répulsif. Il approcha alors lentement la main du champ magnétique de la sphère et ce dernier se plia, s’enfonça sous l’approche de cette nouvelle force.Il sentit la sphère frémir, se déplacer légèrement sous la présence d’une force qui déstabilisait son équilibre. Mais la force interne de la sphère était trop puissante pour être affecté pour si peu et à mesure que la main nimbée de champ magnétique approchait, celui du globe entourait progressivement le bras de Akihiko.
Un sentiment d’urgence prit le fulguromancien qui retira vivement le bras : un craquement plus tard vit l’arrivée d’un arc électrique qui fonça sur la main de Akihiko, mais malgré son réflexe il n'eut pas le temps de retirer son bras assez vite. La foudre pénétra sa protection, se glissa sous sa peau, traversa son corps et dans un flash, atteignit son crâne. La dernière sensation que Akihiko ressentit fut la sensation de vertige et de chute qui s'ensuivit, avant que le noir ne vienne complètement obscurcir sa vision.



Avatar du membre
Akihito
Messages : 304
Enregistré le : mar. 29 janv. 2019 14:26

Re: Le Temple de Valyus

Message par Akihito » mar. 5 nov. 2019 01:16

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XXXVI.3 : Un Nouvel Elu

Un temps indéfini plus tard, les sens de Cherock réintégrèrent peu à peu son corps. Il ouvrit les yeux et des taches colorées obstruaient encore sa vision, la rendant flou avant de s’éclaircir petit à petit. Il voyait au-dessus de lui la coupole de lapis-lazuli, loin au plafond. Une mèche blonde passa devant ses yeux et prenant attention à ce qu’il y avait au-dessus de lui, il vit le visage inquiet de la tatoueuse penchée au-dessus de son visage. Des yeux qui… Brillaient ? Il grogna en tentant de se relever alors que la tatoueuse poussait un soupir de soulagement en passant le coin de son pouce sur le côté de ses yeux, retirant ce que Cherock estima des poussières dans les yeux. Il sentit alors la vive douleur dans sa main gauche et inspecta sa paume : le cuir avait complètement été troué en son centre et il pouvait voir la chair brûlée en dessous. Une douleur cuisante qui se propageait dans ses os et paralysait sensiblement ses muscles vu qu’il ne sentait plus grand-chose dans son bras et qu’il le bougeait avec difficulté.

(Bordel, ça m’apprendra à m’approcher de trucs suspects sans me renseigner…)

(Je ne te ferais pas de remarques sur ce coup-ci, je ne t’ai empêché de rien faire. Excuse-moi…)

(Pas la peine, j’ai été stupide moi aussi- Ouch !)

Rassurée de voir Cherock reprendre ses esprits, Anthelia avait serré son poing et l’avait abattu sur le haut de son crâne. Contrairement à Amy, elle ne se priva pas de faire la leçon à Cherock.

« Bons dieux Cherock, ça t’arrive de réfléchir ?! Tu as bien vu que je m’étais fait frapper ! T’es suicidaire ou juste débile ?!

- Je pencherai pour la seconde option, grimaça l’intéressé en se frottant la tête. J’étais absorbé par cette boule, j’ai manqué de prudence.

- Cette boule, comme vous l’appelez, est la Sphère de l'Élu. »

Cherock tourna la tête et vit s’approcher le prêtre qu’ils avaient rencontré plus tôt, le dénommé Maxime. A voir son regard, il n’avait pas l’air d’apprécier la situation.

« Votre Fulgurance, s’inclina le genou à terre l’enchanteur, déséquilibré par sa tête qui tournait à la suite de son redressement brutal. Pardonnez-moi si j’ai fait quelque chose de mal, ce n’était aucunement dans mes intentions.

- Vous n’avez rien fait de mal. Mais vous avez été bien imprudent. Nul ne peut prétendre toucher cet artefact, excepté un Élu de Valyus.

- Un Élu de Valyus ?

- Oui. Une personne désignée comme étant choisit par Valyus en personne pour accomplir de grandes choses en son nom. Son représentant foulant la terre des mortels. Seule cette personne est capable de pouvoir poser la main sur cette sphère sans en subir les mêmes affres que vous, à savoir se faire foudroyer par la Sphère.

- Mais, disons que j’y arrive, cela fera de moi un Élu de Valyus ? demanda avec curiosité Cherock.

- Théoriquement, oui. Mais pourquoi s’y intéresser ?

-Contrairement à ce que vous semblez penser, Votre Fulgurance, je ne suis pas motivé par des pulsions égoïstes ou avides. Et ma foi envers Valyus n’a rien d’un mensonge. »

Le prêtre sembla surpris par la déclaration de Cherock. On pouvait lire sur son visage le doute et l’envie de croire à ces paroles, mais il se résigna bien vite et retourna à son ancienne posture de méfiance vis-à-vis du fulguromancien. Il s’éloigna en leur disant que si jamais l’envie leur prenait de recommencer à vouloir toucher la sphère, il devait en avertir un prêtre pour qu’il s’assure de la sécurité l’acte.

« Ne vous éloignez pas alors, je compte bien recommencer.

- Mais t’es cinglé ma parole ! C’est le choc électrique qui te fait délirer ? s’exclama Anthelia.

- Je suis pas cinglé. Tu te souviens quand je disais que pensais que mes pouvoirs de mage étaient un don de Valyus ? Il est temps de vérifier ça. Puis mine de rien, j’ai ma fierté qui a été mise à mal par cette boule, je ne compte pas repartir aussi pitoyablement.

- Je refuse.

- Anthelia, crois-moi bien qu’après ce coup de jus que je viens de me prendre, je vais être prudent.

- Même, je suis contre l’idée que tu te mettes en danger pour une raison aussi futile, s’obstina la jeune femme en appuyant de ses deux mains sur les épaules de Cherock pour l’empêcher de se lever.

- Ce n’est pas futile. C’est important pour moi.

- Hermherm, si vous voulez vraiment tenter votre chance, pourriez-vous arrêter de vous chamailler comme deux enfants ? intervint le prêtre Maxime d’un air ennuyé après être revenu sur ses pas.

- Tout de suite. Anthelia, ne t’inquiète pas et fais-moi confiance. S’il te plaît.

- Tsss… Très bien, fait comme tu veux. Mais si je vois que quelque chose ne va pas, je viens te chercher par la peau du cou et tu auras plus à craindre de moi que de cette maudite boule de fer. On se comprend bien là-dessus ?

- Ne t’inquiète pas, » répéta Cherock alors qu’il décollait tout doucement l’une après l’autre les mains d’Anthelia. Il adressa un signe de tête au prêtre qui lui rendit une moue dubitative, puis il s’avança vers la Sphère de l'Élu. Tendant de nouveau la main, il analysa une nouvelle fois l’orbe métallique, les différentes arches qui l’entouraient. Il ne décela rien de plus que ce qu’il n’avait déjà identifié et soupira. A la vue de son échec et du peu qu’il s’en souvenait, il ne pouvait pas générer des champs magnétiques assez puissants pour contrer ceux émis par la Sphère. Alors, quelles options lui restaient-ils ?

(Forcer le passage ? Non, trop dangereux. Je me ferai incinérer par la foudre et par Anthelia. Puis, d’autres que moi ont déjà essayé. Détourner l’éclair ? Je ne suis pas sûr d’être assez rapide pour ça, même en étant préparé. Mmmh…)

L’absorption de la foudre sur le bateau lui revint soudainement en tête. S’il avait pu appeler et faire sienne la foudre contenue dans les nuages, pouvait-il en faire de même avec celle contenue dans la sphère ? Cela valait le coup d’essayer. Il ferma les yeux et visualisa ses réserves de fluides. Elles étaient presque pleines, absorber plus de fluides était dangereux et risquerait bien d’endommager son corps. Aussi décida-t-il de les diminuer quelque peu, et son regard se posa sur la manchette de Rana qui dépassait sous ses protections de Faerunne. Un bijou qu’il savait désormais médiocre, mais qui avait une grande valeur pour lui malgré tout. En enchâssant un sort dans cette manchette, ce serait en quelque sorte comme si sa mère veillait sur lui. Aussi décida-t-il d’y transférer le sort qu’il pensait le plus adapter à sa mère, le Cercle Protecteur. La paume contre le bijou, il sentit le métal s’électriser alors que les inscriptions formant son cercle se gravaient en motifs de foudre dessus. Il conclut par le symbole de la rune Maîtrise qu’il connaissait pour sceller et stabiliser le tout. Rabaissant sa manche, il sentit que ses réserves de fluides étaient plus basses et donc aptes à emmagasiner une partie de la foudre.
Il ferma de nouveau les yeux et écarta les bras. Devant lui, une énergie de fluide de foudre phénoménale, qui n’attendait qu’à être puisée. Une fois de plus, il se concentra pour sentir la foudre en face de lui, sauvage, sans maître, et l’appela à lui. Il ne se passa rien puis, au bout d’une longue minute, une timide étincelle perça à la surface de la Sphère. Puis une seconde. Puis une troisième, une quatrième. Patiemment, il sentit ces étincelles se regrouper pour former un petit arc dansant. Le petit arc dansa, dansa encore et encore à la surface de la sphère, avant qu’au bout de longues minutes, l’arc ne quitte la surface et se scinde en deux petits filins de foudre qui vinrent chacun se loger dans une des paumes de Cherock. Ce lien bref et direct avec la sphère à travers la foudre eue l’effet d’un coup de poing dans le ventre de l’enchanteur. Il ressentit brièvement l’énergie faramineuse contenue dans l’orbe de métal et il se sentit comme écrasé, subjugué par cette puissance titanesque. Comme lorsque, lors de ses nuits sans sommeil, il laissait son regard vagabonder dans l’immensité de la nuit. C’était un sentiment similaire : la prise de conscience de son infinité faiblesse face à l’artefact contenant une foudre potentiellement millénaire ou même issue de Valyus lui-même.
Il absorba la foudre en lui et cette dernière remplit petit à petit les réserves de fluides qu’il avait entamées une dizaine de minutes plus tôt. Cela lui avait apporté deux informations : la première, il pouvait sans aucun souci recharger ses fluides en prenant le temps d’assimilation nécessaire. La seconde, c’est que même en offrant un de ses sorts les plus puissants à chaque habitant de la ville dans un transfert magique, il n’était pas sûr de diminuer de manière ne serait-ce que perceptible l’énergie contenue dans la Sphère de l'Élu.

(Non, ça me donne également une autre donnée : le débit de sortie de la foudre de l’orbe est infime, sinon il nous aurait réduit en tas de petites cendres fumantes Anthelia et moi.)

Cherock observa de nouveau l’orbe. Il ne pouvait pas épuiser ses réserves ; il ne pouvait pas contourner son champ magnétique ; et il ne pouvait pas non plus réagir assez vite pour contrer la foudre. Il ne restait donc qu’une solution : la plus simple, la plus efficace, mais la plus dangereuse.

(Affronter les éclairs de la Sphère de front.)

Le fulguromancien jeta un œil derrière lui. Anthelia l’observait les bras croisés sur sa poitrine, jouant nerveusement avec une des mèches de ses cheveux. Elle le fixait mais eue un mince sourire en le voyant se retourner, parfaitement indemne. Le prêtre Maxime avait quant à lui quitté sa posture ennuyée pour en prendre une bien plus concerné par ce qui se déroulait devant ses yeux. Il scrutait Cherock avec un regard interrogateur, comme si c’était la première fois qu’il voyait un tel phénomène. L’intéressé eu un sourire amusé. Il voulait du nouveau ? Il allait être servi.
Le fulguromancien fit de nouveau face à la Sphère de Valyus. Puisque la foudre allait le frapper quoi qu’il n'arrive s’il approchait la main, il devait empêcher cette dernière de sortir. Lorsqu’il approcherait la main, un arc électrique allait venir le frapper et c’était là qu’il allait devoir agir : repousser l’énergie de foudre de la sphère, sortant avec un débit réduit, avec sa propre foudre. Il disposait de réserves limitées, aussi allait-il devoir procéder prudemment pour ne pas épuiser ses réserves inutilement.

(D’abord, attirer la foudre.)

Il s’apprêtait à lever la main pour la faire pénétrer dans le champ magnétique de la Sphère de Valyus quand il se rendit compte que sa main tremblait. Et elle tremblait de plus en plus à mesure qu’il approchait sa main. La peur de se faire foudroyer. L’anticipation de la douleur. Le souvenir vif de se réveiller après être tombé inconscient. Des sensations qui le firent douter du bien-fondé de son action. N’était-il pas cinglé, comme le suggérait Anthelia ? À vouloir confronter une puissance aussi démesurée ?

(Allez Cherock, je crois en toi moi aussi. Tu peux y arriver ! Tu vas pas te faire avoir par une boule qui fait des jolies étincelles quand on s’approche un peu trop près !)

(Merci du soutien Amy.) sourit l’enchanteur en sentant son poignet arrêter de trembler dans sa main droite. Il leva la main, inspira un grand coup et plongea sa main dans le champ magnétique. Instantanément, il vit l’éclair d’une blancheur bleutée presque aveuglante se former, se rassembler à la surface métallique en unique point avant de fondre sur sa main dans un craquement de l’air. L’enchanteur projeta sa propre foudre, jaune elle, percuter celle de la sphère avant de se faire misérablement disperser. Ressentant l’urgence de la situation en voyant l’énergie blanche traverser de part en part son éclair jeune, il injecta d’un coup d’un seul bien plus de foudre, doublant la dose. La foudre jaune réussit cette fois à se maintenir, mais elle continuait de reculer inexorablement et la main de Cherock avec, pour ne pas laisser la foudre le toucher. Grognant sous l’effort, il activa tout son système interne pour pomper toute la foudre contenue dans son corps pour arrêter définitivement la foutue avancée de la foudre bleutée. Des étincelles parcoururent le bras de Cherock, descendant de son épaule en sautillant pour dépasser son coude, atteindre son poignet et renforcer le flux de foudre partant du creux de sa paume. L’avancée de la foudre s’arrêta enfin et en fournissant un dernier effort, Cherock parvint à repousser la confrontation des deux fluides à mi-distance entre les deux « opposants ». Alors, lentement, Cherock commença à approcher la main, réduisant la distance le séparant de la surface métallique tant désirée.

(Cherock !)

(Pas maintenant, j’y arrive là !)

(Non Cherock, arrête ! Tu n’auras pas assez de fluides !)

Il arrêta momentanément sa progression pour sonder son corps, dans le but d’estimer les ressources qui lui restaient. Le visage de l’enchanteur perdit toutes ses couleurs. Ses réserves étaient dangereusement basses !

« Putain ! » jura Cherock en retirant brusquement sa main du champ magnétique de la Sphère de l'Élu. L’arc de foudre blanche suivit sa main en se séparant de l’orbe et pour éviter de prendre l’éclair de nouveau de plein fouet, il leva la main et projeta son propre éclair dans les airs, vers la coupole. La foudre jaune emmena avec elle la blanche et les deux explosèrent en l’air, délivrant une pluie d’étincelles jaunes, bleues ou blanches qui apeurèrent puis ravirent les fidèles présents dans la salle, leurs visages tournés vers l’homme à l’origine de tout ça. Cherock, lui, recula en grimaçant. Il l’avait échappé belle, nul doute qu’une telle énergie aurait provoquée de sérieux dommages à sa main s’il l’avait encaissé de plein fouet. Il recula pour rejoindre Anthelia qui s’approcha de lui, dans une complainte muette et le regard inquiet. « Arrête », semblaient dire ses yeux verts assombris par l’inquiétude qui la rongeait visiblement. Le prêtre Maxime, lui, regardait Cherock avec un œil neuf. Disparu le mépris, Cherock semblait avoir retrouvé ses lettres de noblesse aux yeux du clerc.

« Voilà une formidable déclaration de puissance. Je crois que je vous dois des excuses messire Cherock, il semblerait que vous ne soyez pas un de ces chasseurs de trésors sans foi ni loi.

- Je vous… Remercie de votre considération… Votre fulgurance, haleta en réponse Cherock en laissant toute la tension retomber.

- Vous avez fait montre d’un talent remarquable avec la Sphère de l'Élu. Même si vous n’avez pas réussi à la toucher, vous avez été bien plus loin que l’écrasante partie des personnes qui vous ont précédés. Vous pouvez être fier de vous.

- Et pourtant… Je peux faire mieux.

- Pardon ? s’insurgea Anthelia en comprenant là où voulait en venir son ami.

- J’y retourne. »

Sans laisser ni au clerc ni à la tatoueuse le temps de dire quoi que ce soit, Cherock s’en retourna sur l’arche. Là, il s’assit en face de la boule, en position de tailleur et posa les mains sur ses genoux, paumes ouvertes vers le haut. De nouveau, il appela à lui la foudre de la Sphère. De nouveau, les arcs blancs se regroupèrent et formèrent un long fil de foudre vibrante d’énergie qui flotta jusqu’aux paumes du fulguromancien. Et de nouveau, il se retrouva face à la mer de foudre que contenait l’orbe métallique. Un réservoir sans fin de foudre, dans lequel il puisait avec avidité pour contrer cette même énergie. Mais ses réserves étaient au plus bas cette fois-ci : une dizaine de minutes n’allait pas être suffisant. Aussi resta-t-il une longue demi-heure, agrégeant les fluides de la sphère a ses propres fluides fatigués. Cherock fermait les yeux, mais il entendait bien que la foule en dessous de lui avait fini par remarque son petit manège. Il entendit ainsi plusieurs personnes se presser sur la coursive reliant les arches, dans son dos. Il n’en tint pas compte et se concentra sur sa tâche. Afin de se faciliter le processus, il avait fait en sorte qu’au lieu d’incorporer les fluides par vagues, en faire un transfert continu était moins fatiguant. C’était donc deux liens de foudre partant de la Sphère de l'Élu qui venaient s’enfoncer dans le creux de ses paumes. Les deux fils pulsaient d’une énergie magique dense, bleutée, offrant sans doute un spectacle d’une beauté singulière aux personnes l’observant. Ces dernières ne mirent pas longtemps à taire leurs murmures, trop occupés à observer le curieux jeune homme blond au manteau sombre interagir avec un artefact aussi vieux que le temple, si ce n’était plus.
Enfin, Cherock coupa les liens et se releva, provoquant de nouvelles messes basses dans l’assistance. Il passa une main dans son dos et prit le marteau de Valyus qui y pendait, avant d’en poser le bout du manche sur le marbre blanc de l’arc dans un poc qui rebondit sur les murs du temple. Cette fois-ci, il comptait y aller à fond dès le début. Il n’avait pas le luxe de pouvoir gaspiller ses fluides, sa précédente tentative le lui avait appris. Il avait pensé à prendre sa gourde pour y boire les potions de mana qui s’y trouvait, mais il renonça : si c’était une tâche qui pouvait s’accomplir à grands renforts de potions de récupérations magiques, nul doute que quelqu’un aurait pu réussir avant lui. Non, ce qu’il fallait, c’était de la puissance brute à opposer à la foudre que déversait l’orbe de métal.
Le fulguromancien se mit donc en marche et s’arrêta au bout de l’arche de marbre blanc, là ou le Keraunos soutenant la Sphère se mêlait à la pierre noble.

(C’est le moment où jamais.)

Raffermissant sa prise sur le manche de l’arme magique, Cherock fit circuler ses fluides dans tout son corps, en incluant le Marteau runique comme s’il en était une extension. Les différentes runes à sa surface se mirent à luire et amplifièrent sa magie de manière significative. La foudre du fulguromancien tourna plusieurs fois dans son corps, ramassant la moindre parcelle de magie présente dans celui-ci. Sa magie n’était plus qu’un flux de fluide, tourbillonnant dans son corps à une vitesse folle. Lorsqu’il sentit que sa magie ne pourrait plus emmagasiner d’énergie, le jeune homme poussa un cri en enfonçant son bras dans le champ magnétique de la Sphère de Valyus.
Tous les poils de son bras présent dans le champ se hérissèrent alors qu’une sensation de picotement recouvrait progressivement sa peau mais il n’en eu cure : du centre de sa paume sortirent trois éclairs jaunes qui fusèrent à la rencontre de l’arc blanc et bleu de la Sphère, l’éclair de Valyus le plus puissant que les limites de son corps lui permettaient. Le premier éclair toucha l’arc blanc, mais commença à être repoussé. Le second arriva en renfort et fusionna avec le premier, permettant de ralentir l’avancée de la foudre blanche. Enfin, le troisième éclair jaune intégra lui aussi les deux autres fusionnés, ce qui permit de repousser à mi-distance des deux adversaires. La confrontation du faisceau de Cherock contre la foudre de la Sphère créa un petit maelström de fluides foudroyant à leur point de rencontre, produisant un crépitement qui claquait dans le silence du temple. Mais Cherock n’en avait pas fini là : le flux de magie de foudre qu’il avait fait circuler dans tout son corps et son marteau vint se déverser dans les trois éclairs qu’il maintenait en un faisceau, déversant un torrent de magie élémentaire. Lentement, Cherock approcha la main de la surface métallique.
Cinquante centimètres… Quarante centimètres…
L’enchanteur tenait bon. Son flux de foudre continuait d’alimenter son faisceau, lui permettant de repousser l’arc électrique de la Sphère qui continuait de projeter le sien avec la même intensité, sans faiblir. Il serra les dents et poursuivit son approche.
Trente centimètres… Vingt centimètres…
Il sentait désormais qu’une bonne partie de son corps était entrée dans le champ électrique. Ses cheveux se dressèrent, ses poils se hérissèrent, sa peau le démangea. Son bras, lui, commençait à le lancer douloureusement. Maintenir une cadence aussi élevée de magie était une première pour lui. Il pouvait sentir ses canaux transportant sa magie sur le point de rompre sous la pression, mais il poursuivit son sort. Plus de la moitié de ses fluides étaient d’ores et déjà partis : soit il continuait en acceptant les conséquences si son sort ne marchait pas en dépit de ses efforts, soit il abandonnait. Et la seconde option n’était pas envisageable : il n’avait que rarement abandonné dans sa vie, ce n’était pas maintenant que ça allait commencer !
Dix centimètres…
Une chaleur. Cherock pouvait sentir une chaleur sur sa main tendue. D’où pouvait-elle bien venir ? Malgré la concentration que cela lui demandait pour maintenir le sort, il parvint à trouver l’origine de ce phénomène : le maelström de fluides blanc et jaune était désormais si près de sa main que les étincelles qu’il générait touchait la main du fulguromancien. La sensation, étrange au début, devint rapidement douloureuse. Il était pourtant si près du but… ! Dans un ultime effort qui fut accompagné d’une flopée de jurons, Cherock rassembla ce qui lui restait de fluides en haut de son épaule et les déversa d’un coup dans son sort. Il outrepassa les limites de son corps qui cira grâce alors qu’il sentait les fluides de foudre dévaler son bras, propageant une sensation de brûlure dans tout son bras. Les fluides se matérialisèrent sous la forme d’arcs jaunes bondissants sur sa peau avant de rejoindre les trois éclairs partant de sa main. Ils s’enroulèrent autour de ces derniers, leur conférant la force des dernières ressources magiques du fulguromancien. Dans un claquement crépitant, Cherock poussa son poignet en avant, réduisant la distance entre sa main et la surface métallique. Allait-il toucher cette foutue Sphère de l'Élu ? Tout ce qu’il savait, c’est que le maelström de fluide se trouvait désormais coincé entre sa paume et le métal et que le dénouement de cet assaut de foudre se jouait sur cet ultime instant.


Avatar du membre
Gamemaster7
Messages : 137
Enregistré le : sam. 14 sept. 2019 21:19

Re: Le Temple de Valyus

Message par Gamemaster7 » ven. 8 nov. 2019 10:58

Intervention pour Cherock


Une fois de plus, le mage s'était laissé emporter par ses pulsions suicidaires, se confrontant à une puissance qui dépassait allégrement ce que tout être sain d'esprit aurait accepté d'affronter et risquant inconsidérément sa vie pour… quoi au juste ? Prouver au monde qu'il était capable de réussir là où tous avaient échoué ? Attirer, peut-être, l'attention du Dieu sur ses exploits, tout reclus qu'il était sur son île volante et servi par une multitude de fidèles si considérable que l'on pouvait douter que même lui soit en mesure de suivre leurs faits et gestes ? La question restait posée.

Quoi qu'il en soit, à force de lutter, Cherock parvint à poser la main sur la sphère. Peut-être, à cet instant précis, pourrait-il fugacement songer qu'il aurait été préférable d'essayer de la poser sur sa chère tatoueuse, cette main. Quelle qu'eusse pu être sa réaction, même virulente, les dommages auraient sans nul doute été moins considérables. Car toutes les précautions du mage ne lui épargnèrent pas l'insoutenable violence du choc foudroyant qu'il subit alors, lequel le projeta en arrière avec une brutalité inouïe sur plus d'une dizaine de mètres tandis que crépitaient dans la salle nombre d'éclairs susceptibles de foudroyer le plus résistant des êtres.

Sonné, le bras et la main ayant eu l'audace de frôler la dangereuse sphère brûlés avec une extrême gravité, Cherock eut néanmoins une chance indécente dans son malheur : il avait survécu, les Dieux seuls savaient comment et pourquoi, et il restait encore vaguement conscient malgré l'intolérable douleur. Néanmoins, le prix à payer pour cet acte fou serait lourd : il lui faudrait des semaines de soins quotidiens pour récupérer l'usage de son bras, et il en garderait de terribles cicatrices. Risibles en comparaison, mais douloureuses tout de même, s'ajoutaient à cela les multiples contusions subies lors de son vol plané. Le jeu en avait-il valu la chandelle ? Au mage d'en juger.

Avatar du membre
Akihito
Messages : 304
Enregistré le : mar. 29 janv. 2019 14:26

Re: Le Temple de Valyus

Message par Akihito » lun. 11 nov. 2019 22:49

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XXXVII : Le prix de l’inconscience

Une douleur insoutenable. C’est ce qui réveilla dans un hurlement l’enchanteur qui sentit une main fraîche se posa sur son front, avant que la douleur ne disparaisse en même temps que sa conscience. La douleur revint et réveilla de nouveau ses sens, et il hurla de nouveau. Il sentait la peau de son bras le brûler comme il n’avait jamais senti ça auparavant. Il avait mal, bien plus mal qu’il ne l’avait jamais ressenti, bien plus mal que ce qu’il avait subi entre les mains des fous furieux de la secte à Mertar. Les larmes coulaient sans discontinuer de ses joues et ses pensées n’étaient qu’une confrontation sans fin des divers messages douloureux que pouvaient bien lui envoyer les parties de son bras. Akihiko ne savait même pas si Amy était là : son esprit n’était qu’un chaos sans nom. Une nouvelle fois, il sombra dans l’inconscience.
Durant un temps qui lui semblait sans fin, Akihiko erra entre les songes, consolateurs, et l’atroce et douloureuse réalité. L’un de ses rêves, le dernier qu’il fit, s’avéra particulièrement étrange. Comme tous les autres, il se trouvait dans une plaine vallonnée qui s’étendait à perte de vue, peu importe où il pouvait poser son regard. Il ne portait qu’un pantalon noir et était chaussé des bottes qu’il avait vu dans la boutique de Lilo. Il se mit à marcher dans une direction et ses foulées s’allongèrent, encore et encore, jusqu’à ce qu’il se mette à courir. Il courrait, mais ne ressentait ni le poids de son corps, ni la fatigue. Il finit par croiser un troupeau de chevaux sauvages qui s’enfuirent à son arrivée, mais il les rattrapa. Sans la moindre difficulté, il traversa le troupeau lancé au galop en se faufilant entre chacun des équidés, voyant les muscles puissants rouler sous leur peau brune, blanche ou noire. Il les dépassa et poursuivit sa folle avancée à travers la plaine, avalant les kilomètres avec une rapidité déconcertante. Mais là où les arbres et le paysage ne faisait que défiler dans ses songes précédents, celui-ci vit une fin à sa course : il arriva au pied d’une immense étendue de sable, un désert d’après ce qu’il savait. L’air se fit plus chaud, le soleil se fit plus dur. Mais il ne s’en soucia pas et relança sa course, s’élançant vers un long pic noir qui se découpait à travers l’horizon.
Le sable se soulevait et volait sous ses foulées qui, malgré le terrain peu avantageux à une course effrénée, étaient toujours aussi rapides. Il gravit des dunes de plusieurs dizaines de mètres, couru sur leurs crêtes et sauta de toute leur hauteur. Une roulade dans le sable amortissant sa chute plus tard, il recommençait à avaler la distance qui le séparait de son objectif. Pourquoi allait-il là-bas ? Il ne le savait pas. Il le faisait, c’était tout. Ses pas le guidaient et le poussaient vers ce pic rocheux. Et le jour ne faiblissait pas : le soleil était encore à la même position, malgré le temps qui s’écoulait et les heures de courses. Une clameur se fit alors entendre, ainsi que des rugissements bestiaux. Il gravit la dune qui le séparait de ce bruit et fut alors témoin d’un spectacle incroyable. Deux titanesques armées s’affrontaient, l’une composée d’impressionnants lézards dorés dotés d’ailes membraneuses, volant et piquant depuis le ciel pour lacérer de leurs quatre serres une autre armée composée elle d’hommes à tête d’oiseaux, munis d’ailes de plumes. Les dragons étaient moins nombreux ; mais de leur bouche sortaient des trombes d’éclairs, foudroyant sur place les malheureux hommes volants qui tombaient tout autour du pic noir, s’écrasant sur le sol. Au sol, un combat de géants se déroulait : l’un était un homme à la peau verte portant une armure de cuir, mesurant dans les sept ou huit mètres de haut, affrontant à l’aide d’une lance de bois précieux un autre titan tout aussi grand que lui. Le visage du second était caché par un heaume blanc et son corps était recouvert d’une cotte de mailles brillantes. Armé d’un bouclier et d’une épée faite de foudre pure, il confrontait l’agilité de son adversaire à sa puissance et sa résilience brute. Le combattant armé de sa lame de foudre tourna alors son regard vers l’enchanteur qui regardait le combat apocalyptique se dérouler devant ses yeux. Il leva son arme vers le ciel, et un éclair en parti. Puis, avec un fracas de fin du monde, il s’abattit sur Akihiko. La douleur qui en résultat fit s’arracher les cordes vocales du jeune homme qui se tint le bras gauche, semblant avoir encaissé toute la puissance de la foudre. Autour de lui, le sable s’éleva dans les airs, se condensa et une silhouette féminine se forma. Tendrement, elle enveloppa l’enchanteur à genoux de ses bras et son cri mourut doucement dans son étreinte. Oubliant tout simplement la présence des deux géants, il se laissa aller dans ces membres de sable compact et doux.
Akihiko ouvrit les yeux. Au-dessus de lui, se trouvait un plafond de pierres blanches, enchâssées les unes dans les autres. La lumière du jour perçait à travers une fenêtre sur sa droite, dans le mur auquel était collé le lit dans lequel il se trouvait. Les brumes de son esprit finirent par se libérer et une douleur lancinante dans son bras gauche, comme dans son rêve, lui brûlait le bras. Où était-il ? Que faisait-il là ? Que lui était-il arrivé ? Il ne savait rien de tout cela. Il voulut utiliser son bras pour repousser la couverture qui recouvrait son corps, mais une désagréable et TRÈS douloureuse sensation de craquement l’empêcha de commencer son action, lui arrachant un grognement de souffrance aiguë. Un bruit répondit : celui d’une chaise ou d’un tabouret qui se tire, d’un objet dégoulinant d’eau sortit de son récipient, des pas rapides dans sa direction. Il n’eut pas le temps de voir qui se dirigeait vers lui qu’une serviette humide s’écrasait sur son visage fiévreux, obstruant sa vue de force. Les pas s’éloignèrent alors et une porte s’ouvrit avec force avant de se claquer. Akihiko, lui, ne comprenait pas.

(Tu as vraiment été un sacré abruti. Et je l’ai été encore plus de t’encourager dans ta folie.)

(Amy… ?)

(Je ne veux rien entendre. Prends un peu de plomb dans le crâne, par tous les dieux.)

Et pour la première fois depuis qu’il avait passé son contrat avec la Faëra, la présence de cette dernière quitta complètement son esprit. Ses appels restèrent sans réponse, peu importe ce qu’il pouvait bien dire. De son autre main qui ne le faisait pas souffrir, il dégagea sa vue pour voir arriver le prêtre Maxime accompagné d’un homme, visiblement un autre prêtre, mais de Gaïa cette fois-ci. L’homme, un kendran un poil bedonnant et au visage rond coiffé d’une joyeuse touffe de cheveux, s’avança vers lui.

« Eh bien jeune homme, on commençait à se demander si vous alliez vous réveiller.

- Qu’est-ce… Que… Où… articula difficilement l’enchanteur, se rendant compte que sa gorge était si sèche qu’elle aurait aussi bien pu être du parchemin que cela n’aurait pas été étonnant.

- Tenez, buvez. Vous avez vraiment eu de la chance.

- Merci… Mais qu’est-ce qui se passe ? Où est-ce qu’on est ?

- Vous ne vous souvenez de rien ? Après tout, avec le choc que vous avez dut encaisser… intervint le prêtre Maxime, faisant naître de nouvelles questions, bien plus inquiétantes, dans l’esprit de Akihiko.

- Valyus tout-puissant, qu’est ce qui s’est passé ? Vous allez me le dire ?! Aaah… »

Akihiko avait commencé à s’énerver, frustré de ne rien connaître de la situation dans laquelle il était. Mais ses mouvements brusques avaient fait réveiller une douleur forte dans son bras, coupant court à ses protestations et faisant instantanément monter les larmes à ses yeux. Ses cotes le firent aussi souffrir, mais une douleur qu’il connaissait pour le coup : il devait s’être abîmé plusieurs côtes, si elles n’étaient pas tout simplement cassées.

« Monsieur Akihiko, calmez-vous. Ou vos blessures vont se rouvrir.

- Mon bras… Qu’est-ce qu’il lui est arrivé ?

- Vous… Souhaitez vraiment le voir ? demanda incertain le prêtre de Gaïa.

- Oui. Je veux savoir à quel point mon corps est meurtri.

- Très bien… »

Sous l’œil du prêtre de Valyus, il fut redressé dans son lit avec la plus grande des douceurs. De là, il put avoir un aperçu plus précis de la pièce. Une petite chambre avec à sa gauche, une chaise en face d’une table sur laquelle une bassine reposait. La couverture sous laquelle il se trouvait était tâchée de sang, là où se reposait son bras. Bras qui était bandé dans son intégralité, mais dont les bandages blancs avaient pris par endroit une inquiétante teinte rouge ou jaune. Le prêtre apposa ses mains sur son bras et une douce lumière en émana, faisant refluer la douleur. Puis, lentement, il enleva les bandages. L’expression de Akihiko se mortifia et il réprima difficilement l’envie de vomir et de hurler qui envahirent sa gorge. Il détourna le regard, mais fini par se résoudre à faire face à la réalité et regarda de nouveau. Son bras -Pouvait-il encore appeler ça un bras ?- était recouvert de croûtes sur pratiquement tout son bras. Des croûtes noires, formant de véritables plaques sous lesquelles il apercevait difficilement sa peau claire. Certaines d’entre elles suintaient d’un liquide jaune pestilentiel quand d’autres se contentaient de « juste » saigner. Le moindre mouvement qu’il effectuait faisait s’entrechoquer les plaques, lui arrachant une douleur féroce. Il tenta de faire bouger ses doigts sous la demande du guérisseur, ce qu’il refusa d’abord catégoriquement, redoutant la souffrance qui en résulterait irrémédiablement avant de se plier à ses injonctions sévères. Il s’aperçut alors qu’il n’avait plus le moindre contrôle sur son bras.

« Votre bras a sévèrement été touché… Cela fait trois jours que nous le soignons quotidiennement. Mais vos blessures sont graves. Cela mettra des semaines avant que vous n’arriviez à réutiliser votre bras. Et je préfère être honnête avec vous : il est possible que vous n’en retrouviez jamais le plein usage.

- Putain de bordel de… »

Alors que le guérisseur appliquait ses mains sur les blessures, résorbant comme il pouvait les dommages potentiellement irréversibles de sa blessure, le prêtre Maxime lui raconta les événements qui l’avaient mené jusque-là. Contre toute attente, il était parvenu à toucher la Sphère de l’Élu. De son point de vue, le prêtre avait aperçu le bras de l’enchanteur s’ouvrir de plus en plus, sous l’effet de la magie utilisée dans des proportions trop extrêmes pour son corps. Lorsqu’il avait touché enfin la surface métallique de l’orbe, le crépitement de la foudre s’était tu, laissant le temple dans un calme souverain, simplement perturbé par le sang gouttant des plaies ouvertes du bras gauche de Akihiko. Dans un flash de sa mémoire qui lui revenait avec les mots du prêtre, il se souvint des vivat de la part des fidèles qui avaient commencé à s’élever avant que le maelström de foudre, qu’il pensait comprimer entre sa paume et la sphère, ne deviennent incontrôlable de nouveau. Dans un craquement terrible, la foudre explosa comme le tonnerre et le projeta avec une violence inouïe en arrière. Il se rappela percuter le mur du temple et ses souvenirs s’arrêtèrent là, probablement parce que l’impact l’avait assommé. Le prêtre lui raconta alors qu’ils avaient fait appeler en urgence un prêtre alors qu’un des fidèles qui possédaient des fluides de lumière tentait vainement de le soigner, sans grand résultat. Le prêtre arrivé, il essaya à son tour de le soigner mais ne fut capable que de stabiliser ses blessures et ses côtes fracturées par l’impact. On l’emmena ensuite dans cette chambre, présente dans le bâtiment accueillant les prêtres de Valyus lorsqu’ils n’officiaient pas. Là, le prêtre de Gaïa était venu régulièrement tenter de résorber la blessure et au bout du deuxième jour, parvint à sauver son bras de l’amputation.

« Le deuxième jour…

- Vous êtes resté inconscient trois jours entiers. Enfin, vous avez eu des phases de réveil mais la douleur vous faisait délirer et pousser des hurlements assez effrayants, je dois bien l’admettre.

- Je suis profondément embarrassé… Si je n’avais pas été aussi téméraire… Tout ça pour quoi ? Assouvir une curiosité ? Prouver que j’étais quelqu’un ? Qui sème la foudre récolte la tempête… Ahah… ironisa Akihiko alors que le prêtre arrêtait finalement ses soins et regardait avec un air démotivé la blessure qui ne s’était que peu résorbée.

- J’imagine que je n’ai pas besoin de vous dire que vous devez rester tranquille et ne pas solliciter votre bras. Je repasserai demain, dit-il en bandant de nouveau le bras avec des bandages propres, dont le contact fit se serrer les dents de Akihiko pour ne pas lâcher un autre hurlement.

- Je ne sais pas comment vous remercier…

- Oh, votre amie s’en est chargée. C’est elle que vous devrez remercier, » répondit le prêtre avant de le saluer et sortir.

(Anthelia…. ?) commença à s'inquiéter Akihiko avant que le prêtre Maxime ne reprenne toute attention.

« Est-ce que vous êtes encore en état de parler ? Ou vous préférez que je vous laisse vous reposer ? Nous avons besoin d’aborder quelques points, suite à ce qui s’est passé.

- Non, allez-y votre Fulgurance. Au point où j’en suis… Autant recevoir toutes les mauvaises nouvelles d’un coup.

- C’est plus une bonne nouvelle, dans votre malheur, sourit pauvrement le prêtre Maxime en tirant à lui la chaise de bois. Vous rappelez-vous ce que je vous avais dit sur la Sphère de l’Élu ?

- Que celui qui pouvait la toucher sans en subir les conséquences se verrait digne d’être appelé « Élu de Valyus » ?

- Précisément.

- J’imagine que je ne mérite pas ce titre alors.

- Eh bien… Peut-être que si.

-… Pardon ? demanda incrédule l’enchanteur.

- En fait, toucher la Sphère n’est pas impossible, lorsqu’on comprend comme vous comment l’approcher et que l’on a la puissance suffisante. Survivre à son contact en revanche… D’autres ont essayé avant vous et ont touché la Sphère de l’Élu, en combattant la foudre ou en usant d’autres stratagèmes. Mais ils ont tous, invariablement, fini foudroyés et en sont morts. Sur le coup. Mais vous… Vous, vous avez réussi à vous en tirer.

- Mais à quel prix…

- C’est bien là le problème. Vous avez réussi à toucher la Sphère de l’Élu, certes, mais vous en êtes presque mort. Comment devons-nous interpréter cela, nous autres membres du clergé de Valyus ? Certains pensent que cela n’est dû qu’à la chance si vous en avez réchappé. D’autres pensent que c’est un signe indéniable, puisque vous êtes le seul à avoir réussi ce tour de force, mais que vous manquez encore d’un peu de maturité avant de pouvoir prétendre au titre d’Élu. De la maturité spirituelle, j’entends.

- Un peu de plomb dans le crâne et de la vrai maturité ne me ferait pas de mal non plus… Et vous, que pensez-vous que je sois ?

- Je pense… commença le prêtre en réfléchissant plusieurs longues secondes avant de rouvrir finalement la bouche. Je pense que votre survie n’est pas liée au hasard. Vous chercher les bottes de foudre, vous avez une maîtrise très avancée des fluides de foudre et vous êtes ressorti vivant de votre contact avec la Sphère de l’Elu. Cela fait beaucoup pour que tout ceci ne soit qu’une coïncidence.

- Je… Non. Je dois être un bien piètre Élu de Valyus dans ce cas…

- Seul l’avenir nous le dira. Nous sommes assez nombreux à penser que vous êtes potentiellement un Élu pour que nous puissions justifier votre séjour ici jusqu’à ce que votre état vous permette de bouger. Alors, profitez de ce repos. Et si vous avez toujours la force et la volonté de rechercher ces fameuses bottes… Je vous dirais quelque chose que ceux qui les ont cherchées avant vous n’ont jamais su. Peut-être cela vous permettra-t-il de mettre la main dessus… Et peut-être que cela renforcera votre image d’Élu auprès des prêtres qui doutent toujours de vous. »

Sur ces dernières paroles, le prêtre inclina la tête à son encontre alors qu’un Akihiko déboussolé balbutiait un remerciement et un au revoir. La porte se referma derrière lui, ne laissant plus que Akihiko seul avec lui-même. Le jeune homme était perdu au sein de ses pensées. Le fait qu’il était peut-être un Elu de Valyus le rendait à la fois fier et à la fois cynique. Quel bel Élu il faisait ! Foudroyer pour son arrogance, foudroyer pour son inconscience. Mais la douleur qui rôdait dans son bras et qu’il ressentait toujours encore un peu malgré les soins prodigués et les sorts pour l’apaiser était un rappel qu’il était encore en vie. Ce qui, selon les dires du prêtre, était une première. Mais alors, comment pouvaient-ils savoir si un Élu pouvait toucher la Sphère sans en souffrir si personne ne l’avait fait ?

(Une légende, c’est une foutue légende !)

Akihiko enrageait. Il ne savait pas si sa survie à cet artefact était un bon signe ou juste celui d’une chance inouïe. Cette indécision le minait. Et en plus de tout cela, il avait soif. Fort heureusement pour lui, le verre de terre cuite était atteignable pour sa main valide et il parvint à le récupérer pour le vider en de longues gorgées qui calmèrent la douleur dans son bras. Le breuvage, un peu amer, avait visiblement des propriétés anti-douleurs qui étaient le bienvenu. Vit le pichet, lui en fer, poser sur la table et l’idée de pouvoir apaiser la souffrance qui rampait dans son bras était des plus séduisantes. De son bras toujours valide, il en dirigea sa paume vers le pichet et voulut faire appel à sa magie pour l’attirer à sa main. Les fluides commencèrent à circuler dans son corps et un sentiment d’urgence l’étrangla alors que la carafe se dirigeait vers lui. Une peur, viscérale. La peur de reproduire ce qui s’était passé sur son bras. De l’abîmer au-delà de l’imagination. Cette terreur le tétanisa et coupa brusquement son sort, ce qui fit s’écraser le récipient au sol dans un vacarme. Il tourna le regard vers sa main droite, tremblante. La simple idée d’utiliser la magie, d’utiliser ses fluides, lui était insupportable. Cette menace latente de détruire de l’intérieur son corps l’empêchait de faire appel à ce don naturel qui avait grandit avec lui durant toutes ces années.

(Il… Il me fait peur.)

Akihiko avait peur de son propre corps. Un frein invisible l’empêchait d’utiliser sa magie et de la faire sortir de son corps.

(Pourquoi… Pourquoi ?)

Les larmes se remirent à couler le long de ses joues. Mais ce n’était plus des larmes de douleur, c’était des larmes de tristesse. Il prenait conscience pour la première fois que son corps abritait une puissance destructrice qui pouvait belle et bien se retourner contre lui. L’avait-il vraiment domptée ? Était-elle vraiment une partie de son organisme ? Devait-il sceller cette magie dans son être et ne plus jamais l’utiliser ? Et si…
Akihiko se posa des dizaines de questions, mettant à rudes épreuves ses facultés mentales. Le sommeil ne vint jamais le gratifier de son repos, pour le laisser se torturer avec ses doutes.

Et la porte s’ouvrit, doucement. Akihiko tourna un regard épuisé et bouffi par les larmes qu’il avait versées. Le visage de la tatoueuse passa dans l’embrasure de la porte et ses yeux se posèrent sur l’enchanteur.
Sa gorge se serra. Elle avait le même regard que lui.



Avatar du membre
Akihito
Messages : 304
Enregistré le : mar. 29 janv. 2019 14:26

Re: Le Temple de Valyus

Message par Akihito » jeu. 14 nov. 2019 12:05

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XXXVIII : Une dette éternelle

Anthelia pénétra dans la petite chambre et referma la porte derrière elle. Pour n’importe qui, elle aurait fait peine à voir avec ses yeux gonflés, ses cheveux emmêlés et son teint blafard. Elle portait la même tenue que lorsqu’elle l’avait rejoint avant de partir au temple de Valyus, il y a trois jours de cela. Tout dans son apparence exprimait une fatigue extrême dont Akihiko se savait la cause. C’est pourquoi le seul mot qui put franchir ses lèvres fut le prénom de la jeune femme.

« Anthelia-

- Ferme la. Juste… Ferme la, la coupa Anthelia dont la voix chevrotante était révélatrice de l’émotion qui la saisissait alors. Est-ce que tu as la moindre idée du souci que j’ai pu me faire ? Je t’avais dit de ne pas continuer. De renoncer à toucher cette foutue boule. Cette PUTAIN DE SPHÈRE DE L’ELU DE MES DEUX ! Alors comme ça, toi quand tu vois une boule de métal qui flotte et qui balance des éclairs à tout va, tu te dis « Tiens, et si j’allais toucher ce truc potentiellement mortel ? Qu’est-ce que je risque après tout ? » ?! VOILA ce que tu risques ! Comment crois-tu que j’ai réagi quand j’ai vu ton corps voler à travers le temple pour s’écraser contre le mur ? Après t’être pris un foutu éclair ? Je croyais que t’étais mort bordel, MORT ! »

Anthelia avait progressivement haussé le ton, un ton qui prenait aussi des accents de rage. Elle s’était approchée de Akihiko sur le côté de son lit, le pointait du doigt et faisait des va-et-vient dans la petite pièce.

« Mais qu’est-ce que tu crois ? Que les dieux en ont quelque chose à faire de nous ? Que toucher un bout de fer qui flotte dans un temple te garantira le regard de ton cher Dieu ? Celui qui t’a « donné » tes pouvoirs ! GRANDIOSE ! Quelle divinité prévoyante envers un de ses disciples ! Et c’est quoi déjà le domaine de Valyus déjà ? La protection ? MAIS OUI ! Ça coule de source ! Au moins ça apprend la prudence aux enfants, à pas se frotter à ce qui les dépasse ! Mais toi visiblement, tu as sauté ce passage ! Tu fonces tête baissée dans toutes les emmerdes possibles que tu croises ! Un Drakarn au corps-à-corps, sauter dans la mer affronter des saloperies de serpents de mer complètement désarmé, et maintenant te faire foudroyer par une grosse boule ! Si tu veux mourir Akihiko, dis-le-moi ! Ça m’évitera de me faire un sang d’encre pour toi ! Tu te souviens de ce que je t’avais dit sur le bateau ? Que si jamais tu me faisais encore une fois une peur pareille, je t’en collais une ? Bah là, t’as EXPLOSÉ ton précédent record ! PUTAIN ! »

La jeune femme leva la main avec la ferme intention de lui imprimer la forme de ses doigts sur sa joue. Mais son regard glissa sur le bras visible de Akihiko, dont les tissus blancs tout juste changés commençaient déjà à se teinter de rouge par endroit. Les larmes de rage qui ne faisait que briller dans les yeux verts de la jeune femme finirent enfin par tracer deux sillons scintillants sur ses joues alors qu’elle baissait lentement la main. Dans un autre sursaut de colère, elle attrapa Akihiko au col de sa tunique et rapprocha son visage du sien. Le brusquement changement de distance surprit l’ynorien qui ne tenta pas de se défaire pour autant. Ces côtes le faisaient souffrir par la tension qu’exerçait le tissu tendu, mais il ne s’en plaignit nullement. Anthelia, en face de lui, avait souffert elle aussi. Et par sa faute. Le souffle de la belle tatoueuse était chaud, mais les traînées humides de larmes sur les joues de l’enchanteur rendaient une sensation de froid en ces endroits.

« Akihiko… Si je t’ai suivi, ce n’est pas pour que tu fasses s’arrêter mon cœur de battre en voyant les risques inconsidérés que tu prends ! C’est censé être le foutu contraire ! Tu me l’avais PROMIS que tu ferais attention ! Promis, putain… » La voix d’Anthelia se brisa et elle baissa la tête, cachant son visage derrière une cascade de cheveux dorés. Il ne le voyait pas, mais il sentait les larmes de la jeune femme imbiber le tissu de sa tunique. Elle releva la tête et la rage avait désormais quitté son regard. Seule restait une tristesse mêlée de soulagement, du moins c’est ce que Akihiko y lisait. « Alors maintenant, on fait quoi Akihiko ? Hein ? Tu comptes me promettre que tu feras désormais plus attention ? Ou quelque chose du même tonneau ? Et je devrais te croire sur parole ? Mais que vaut ta parole maintenant, « Monsieur Le Héros » ? Elle vaut pas tripettes. Si tu veux que l’on continue ce foutu voyage ensemble… Si tu as une quelconque estime pour moi, il va falloir que tu trouves autre chose que des foutues paroles. Sinon… Sinon, tu te trouveras une autre personne pour t’apprendre le tatouage, car nos routes se sépareront. »

La menace eue l’effet d’une immense pierre tombant au fond du cœur de Akihiko. Bien des raisons le poussaient à vouloir voyager et continuer de côtoyer la jeune femme, et au-dessus de tout ça se rajoutait désormais une émotion dont il ne parvenait toujours pas à déterminer les limites. Mais en voyant Anthelia en pleures et s’énerver après lui pour avoir été folle d’inquiétude, ce sentiment s’était précisé. Il en avait parlé avec Amy, en supposant, admettant à moitié qu’il aimait peut-être la magnifique blonde au tempérament bien trempé qui l’accompagnait depuis presque un mois désormais. Ces suppositions n’avaient plus lieu d’être. Malheureusement, la douleur de son bras, la douleur du spectacle devant ses yeux qui le déchirait, tout cela empêcha les mots de sortir. Il ne put que réprimer le sanglot qui allait arracher sa gorge s’il le laissait éclater, le laissant former une boule dans cette dernière. Anthelia se redressa et vit les deux rivières lumineuses coulées des yeux de Akihiko, en réponse aux siennes. La lueur dans son regard vacilla et dans un énième juron, elle plongea sa main dans sa sacoche. Elle en tira une étrange cane rouge et blanche, les deux couleurs s’emmêlant tout du long. Elle faisait une trentaine de centimètres de long et Anthelia en cassa une bonne partie entre ses deux mains, avant d’enfourner la plus petite partie dans la bouche de Akihiko.

« Mange ça. Je reviendrai demain écouter ce que tu as à me dire… Si tu as quelque chose à me dire à propos de tout ça. »

Et sans un mot de plus, elle se retourna et sortit de la chambre d’un pas rageur, claquant la porte derrière elle aussi violemment qu’elle l’avait ouverte. Akihiko, lui, avait encore le bâton au goût sucré dans la bouche. Choqué par ce qu’il venait de se passer, il manqua presque de s’étouffer avec la sucrerie qui restait enfoncée dans sa bouche. Avec sa main intacte, il parvint à le retirer de sa bouche avant qu’il ne la recrache d’une manière autrement moins ragoûtante. Il l’examina avec un regard triste, incapable de comprendre le comportement de la jeune femme et la raison pour laquelle elle avait décidé de lui enfoncer ce truc dans la bouche. En désespoir de cause, il le remit dans sa bouche et recommença à le mâchouiller. Il avait un goût vraiment très fort en sucre, avec une touche acidulée de fraise qui devait venir de la partie rouge. Un tel apport de sucre lui allait bien dans son état, il n’avait probablement pas mangé quoi que ce soit pendant le moment qu’il avait passé inconscient. Et, sans qu’il ne sache pourquoi, il avait commencé à se détendre. Sucer ce bâton de sucre avait au moins le mérite de lui faire penser à autre chose qu’à la douleur qui irradiait autant de son bras que de ses côtes ou maintenant, son cœur. Épuisé par toutes ces émotions et ces coups au moral, il finit par se rendormir sans qu’il ne fasse attention.
Il se réveilla, bien des heures plus tard. L’obscurité régnait dans la pièce car la nuit était tombée et seule une douce lueur lunaire filtrait à travers la fenêtre. Une pellicule de salive sucrée recouvrait ses lèvres et il les lécha par réflexe. Les brumes du sommeil se dissipèrent et, étrangement, il se sentait plutôt bien. Certes, son cœur était toujours dans un chaos sans nom après la tempête du nom d’Anthelia qui n’avait pas fait de quartier. Mais le reste de son corps ne lui lançait plus de signaux douloureux. Vraiment aucun. Il décida de prendre des inspirations de plus en plus grandes pour tester quand la douleur de ses côtes allait se manifester. Mais cette souffrance ne vint pas. Comme si ses côtes s’étaient ressoudées le temps de son repos, ce qui était proprement impossible. Il se les tâta avec précautions, avant de réaliser qu’aucune douleur ne le lançait au contact de ses doigts.

(Qu’est-ce que c’est que ce… ?)

Il n’y comprenait plus rien. Comment pouvait-il avoir guéri aussi rapidement ?! Même les soins du guérisseur n’avaient fait que consolider ses côtes. État-il revenu pendant son sommeil ? C’était la seule raison possible qu’il voyait.
Un détail attira alors son attention. Son bras ne le faisait plus souffrir, lui non plus. Il sentait bien une vague douleur et une démangeaison courir sur sa peau, mais ce n’était en rien comparable à la douleur qui avait pu envahir ses sens lorsque sa peau à vif lui faisait ressentir les pires sensations qu’il n’avait jamais connu. Se redressant sans peine dans le lit maintenant que ses côtes répondaient miraculeusement à ses sollicitations, il tendit une main tremblante vers son bras bandé. Une hésitation et une peur toute naturelle l’étreignirent alors qu’il s’apprêtait à effleurer son bras, à la recherche de la douleur qu’il devait ressentir. Il prit son courage à une main et toucha très légèrement son bras. Il ne ressentit qu’une gêne sous la pression de son index, ce qui le perturba. Grandement. Ses gestes se firent plus audacieux et il testa les limites de ses blessures, ne s’arrêtant qu’au moment où la gêne se mua en douleur, ce qui arriva bien plus tardivement que ce à quoi il s’attendait. Le constat, même sans lumière et caché sous un bandage, était sans appel : sa blessure avait elle aussi guérie. Mais l’œuvre du guérisseur ne pouvait qu’être écartée. Il avait très sérieusement affirmé qu’il mettrait des semaines à retrouver l’usage de son bras, s’il en retrouvait toute son utilité. Non, une autre force était à l’œuvre. Il ne pouvait en être autrement.

(Ce serait cette sucrerie… ?)

Cela paraissait fou. Une sucrerie aux vertus curatives tellement sidérantes qu’elles permettraient de guérir en quelques heures ce qu’un guérisseur n’arrivait qu’à résorber misérablement après trois jours de travail acharné ? C’était complètement fou. Mais à moins d’une raison encore plus folle, il ne voyait pas comment il pouvait expliquer ce phénomène. Il tâta son lit, à la recherche d’un éventuel résidu de ce met réparateur. Il finit par mettre la main sur ce qu’il en restait collé à la couverture. Il avait dû le cracher pendant son sommeil et le sucre mouillé avait collé à la matière laineuse de la couverture. Il extirpa le morceau autour duquel plusieurs fils étaient restés accrochés. Il tenta de l’analyser avec ses pouvoirs. Il n’aurait pas su dire si c’était à cause de sa peur nouvelle pour sa magie ou par la nature même du bonbon, mais il ne détecta rien de magique dans le morceau de sucre. Le meilleur moyen d’en être sûr était donc de manger ce qu’il restait. Il enfourna donc le morceau dans sa bouche sans prêter attention aux fils qui y étaient encore attachés. Il les recracha du bout de la langue et laissa fondre le sucre dans sa bouche, attentif aux changements qui pouvaient peut-être intervenir dans son corps. Il sentit un profond sentiment de bien-être l’envahir alors que les mystérieuses propriétés du bonbon se répandaient dans son corps. Il passa un temps indéfini à ingérer la sucrerie et à étudier ses effets, même bien après que le sucre et son goût ai quitté son corps. Il ne savait pas comment. Il ne savait pas pourquoi. Alors que le soleil commençait à poindre et à teindre le ciel des lueurs orangées de l’aube, Akihiko leva le bras gauche. Il mit sa main au niveau de son visage et, tout doucement, replia et déplia chacun de ses doigts. Il les pinça, se pinça avec, tâta tout son bras, allant même jusqu’à faire claquer la peau. À la recherche de la souffrance d’un bras consumé par le feu céleste. Et rien. Rien ne vint. Il se mit à se demander s’il n’avait pas rêvé tout cela, mais son incapacité nouvelle à user de la magie le frappa de nouveau. Enfin, pas tout à fait. Il sentait qu’il pouvait utiliser sa magie, en utiliser les applications les plus basiques. Mais il ne pouvait pas la pousser à sa puissance maximale habituelle. Dans un pauvre sourire, Akihiko se rendit à l’évidence que son corps avait bel et bien peur de sa propre magie. Mais tout comme il avait pu miraculeusement récupérer son bras, réapprendre à se servir de sa magie ne serait pas un problème s'il y mettait du temps.

(Et tout ça, c’est grâce à Anthelia…)

S’il ne pouvait pas affirmer à coup sûr que c’était là l’œuvre de sa sucrerie, il en était néanmoins persuadé. Anthelia l’avait sauvé de nombreuses semaines de souffrances et de probablement la perte de son bras. Il prenait la pleine mesure de la valeur de ce morceau de sucre, capable de soigner en une poignée d’heures les plus graves blessures. Et pourtant… Pourtant, malgré la colère qu’elle avait ressenti à son égard et ses remontrances, elle avait tout de même utilisé un remède aussi précieux pour le guérir, lui. Il ressentit une profonde gratitude pour ce geste, mais aussi une profonde gêne. Il n’avait pour ainsi dire rien fait de concret pour la jeune femme et ne se contentait que de lui demander des services ou lui causer du souci en se mettant en danger, danger dont c’est elle qui l’avait toujours sortie. Certes, il n’y était pour rien pour le Drakarn et n’avait fait que se battre pour sa survie et celle de l’équipage. Mais pour le reste…

Akihiko avait une dette. Une dette colossale envers la tatoueuse. Et il ne faisait qu’empiler les emprunts sur sa bonne volonté et sa gentillesse, les uns après les autres. Il fallait que ça change. Et peu importe le temps que cela prendrait, mais il s’assurerait rembourser cette dette. Il eut un maigre sourire.

(Tout comme je dois rembourser ma « dette » auprès d’Amy…)

Elle lui manquait. Ne pas avoir cette petite voix qui lui chuchotait des conseils, qui le taquinait ou qui se mettait faussement en colère avec ses facéties, c’était un vide en lui. Il avait l’impression qu’une partie de son esprit était partie, tellement elle avait « occupé » ses pensées.

On toqua alors à la porte et le prêtre Maxime entra, un bol fumant d’une mixture qui devait être de la purée d’avoine. Il s’immobilisa en voyant Akihiko debout et, sous la surprise, lâcha le plateau qui tomba à terre.

« Monsieur Akihiko ? Mais qu’est-ce que vous faite debout ?! Vous devez rester alité !

- Tout va bien votre Fulgurance, je ne ressens plus aucune douleur. Je suis gu-

- Balivernes ! s’emporta le Kendran. Le guérisseur a dit que vous aurez pour plusieurs semaines pour ne serait-ce que vous remettre de vos blessures !

- C’était le cas. Mais j’ai reçu un remède des plus… Puissants. Mais voyez par vous-même : je ne suis plus souffrant.

- C’est… Inconcevable. Restez là, je vais faire quérir le guérisseur immédiatement. »

L’homme déguerpit de la chambre comme une tempête, laissant Akihiko seul qui en profita pour ramasser le plateau tombé au sol. Pour la nourriture, il nettoya comme il put ce qui était tombé au sol et enfin à l’écoute de son estomac, dévora ce qui n’avait pas été salit. La bouillie d’avoine n’avait rien de particulièrement savoureux en temps normal, mais pour Akihiko qui n’avait pas mangé depuis plusieurs jours, c’était tout à fait délicieux. Il finit son bol en un temps record et attendit sagement le retour des deux prêtres. Le guérisseur arriva quelques minutes plus tard et n’en cru pas ses yeux. Il tâta le corps de Akihiko, le sonda avec ses pouvoirs de Lumière et enfin, défit les bandages qui enserraient son bras. Ils révélèrent une peau absente de toute croûte noirâtre, de sang ou d’autre plaie ne serait-ce qu’ouverte. En lieu et place, une cicatrice qui serpentait tout le long de son bras et remontait même sur son épaule. Elle parcourait la peau en des ramifications qui partaient çà et là de la ligne principale ondulant le long de son membre, en des sortes d’épis de blé. En soit, une longue tige de blé filiforme venait de s’imprimer sur son corps.


Image


« C’est une cicatrice typique des personnes frappées par la foudre. Les marques laissées sont celle des vecteurs de notre sensation qui, sous l’intense chaleur, ont surchauffé à leur tour. Mais ça n’explique pas comment vous avez fait pour guérir…

- J’ai utilisé un remède qui n’est, malheureusement, disponible qu’en un unique exemplaire que j’ai utilisé. Je ne le gardais qu’en cas d’extrême urgence, et ce moment est arrivé.

- Et où avez-vous trouvé ce remède ? Comment pouvons-nous l’obtenir ? Est-il possible de le créer ? »

L’enchanteur répondit évasivement au barrage de question que le guérisseur lui posait. Il n’aimait pas mentir, mais préférait que l’existence de la canne à sucre d’Anthelia reste un secret. Si on savait qu’elle en possédait encore, nul doute que cela ne ferait qu’attirer l’attention de personnes peu scrupuleuses. Mieux valait donc rester discret. Bien que déçu par les réponses de l’ynorien, le guérisseur continua de faire ses dernières vérifications avant que le constat ne tombe : il était bel et bien guéri, jusqu’au bout des ongles. Il prit donc congés en spécifiant bien à Akihiko que s’il trouvait par hasard encore un peu de ce fameux remède, il pourrait aller le trouver. Il se ferait une joie de lui racheter. Akihiko en prit note dans un sourire avant de se tourner vers le prêtre Maxime. Il allait lui demander de lui en dire plus sur ce qu’il comptait lui dire à propos de bottes quand le visage d’Anthelia passa dans l’embrasure de la porte. Son teint était bien plus clair et son apparence, bien plus présentable. L’appréhension se lisait sur son visage, si bien qu’elle n’osait pas rentrer dans la pièce visiblement. L’enchanteur se tourna vers le prêtre du Dieu de la Foudre.

« Excusez-moi votre Fulgurance, pourriez-vous nous laisser seuls quelques instants ? Nous avons quelques menues choses à régler.

- Oui bien entendu ! Mais n’oubliez pas, vous êtes sur une terre consacrée ici, ne faites rien d’inconvenant, dit le prêtre en appuyant sur la dernière phrase avec un air entendu.

- Bien sûr. Je n’oserai pas manquer de respect à ce lieu. » lui assura d’une voix toute aussi basse l’enchanteur avant que son interlocuteur ne hoche la tête d’un air satisfait en sortant de la pièce. Ne restait plus que Akihiko et Anthelia, au pied de la porte, ne sachant quoi faire.



Avatar du membre
Akihito
Messages : 304
Enregistré le : mar. 29 janv. 2019 14:26

Re: Le Temple de Valyus

Message par Akihito » ven. 15 nov. 2019 11:16

Dans le chapitre précédent...

Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre

Chapitre XXXIX : Anthelia.

Akihiko regarda Anthelia, qui le lui rendait son regard tout en s’avançant dans la pièce. La jeune femme avait une bien meilleure mine que la veille : ses traits n’étaient plus tirés, ses cernes en partie disparue et sa longue chevelure dorée avait été coiffée et cascadait désormais dans son dos. Elle portait son pantalon de cuir brun foncé et sa tunique crème, dévoilant ses avant-bras à la peau de pêche légèrement brunie par le voyage passé. Ses yeux se posèrent sur son bras et une lueur surprise passa dans ces derniers. Peut-être qu’elle ne s’attendait pas à un résultat aussi spectaculaire. Akihiko en profita pour se rapprocher et leva la main pour la poser sur la joue de la jeune femme, qui tressaillit, prise au dépourvue.

« Akihiko ? On dirait que ton bras va mieux…

- Oui, mais ne fais pas l’innocente. C’est ta sucrerie qui est à l’œuvre de cette guérison hein ?

- C’est… Vrai. Mais je t’avoue que je n’y croyais qu’à moitié. C’est la première fois que je l’utilise et ça me semblait trop beau pour être vrai.

- Et bien, qui que soit la personne qui te l’a donné, il ne s’est pas moqué de toi, dit le jeune homme dans un sourire.

- Tout ça c’est bien gentil, mais tu ne crois pas que tu as quelque chose à me dire ? Et pourquoi tu me caresses la joue comme ça ?

- Je voulais que la première chose que ma main touche après sa guérison, ce soit toi. »

Juste après avoir dit ces mots, il fit glisser sa main derrière le cou d’Anthelia, l’attira à lui et l’étreignit avec son deuxième bras. Il sentit la jeune femme trembler dans ses bras au début, avant de peu à peu se calmer et timidement, passer ses mains dans son dos. La sensation de la peau de ses avant-bras nus sur celle de son dos lui rappela qu’il n’avait pas pris la peine d’enfiler une tunique après son réveil, mais il n’en eue cure. Sur le moment présent, ce genre de détail ne comptait pas. Il passa ainsi une longue minute silencieuse, une main dans le creux du dos de la tatoueuse et l’autre dans ses cheveux. Le seul bruit qu’il entendait, c’était le souffle de la jeune femme sur son torse. L’ynorien commença à lui caresser les cheveux en même temps qu’il commença à parler.

« Je suis désolé. Je sais, ce sont encore des excuses pour mon comportement inconscient, mais je tiens avant tout à te dire que j’avais pris la pleine mesure de ma stupidité. Mon bras en gardera la marque comme un éternel rappel. Un rappel qui est aussi le symbole de la dette que j’ai envers toi. Tu… N’as sûrement pas idée de la douleur que c’était. Et endurer ça pendant des jours et des jours… Ca aurait été dur. Peut-être trop dur pour moi. »

En même temps qu’il parlait, il sentait la jeune femme se détendre dans ses bras, pour se serrer plus fort contre lui. La mention de la souffrance de sa blessure le fit frémir involontairement, cependant il continua de parler.

« Pour moi, tu t’es fait beaucoup de soucis et ça t’as visiblement fait du mal. C’est quelque chose que j’ai du mal à accepter. Tu es l’une des dernières personnes que j’ai envie de rendre triste et comme tu l’as dit, je me suis « surpassé » cette fois. Et te faire une autre promesse n’aurait pas de sens. Du moins… Elle n’a pas de sens si je ne fais rien pour te prouver que cette fois, je suis sérieux. »

Il se recula légèrement pour regarder Anthelia dans les yeux. Elle leva son visage vers lui et une fois encore, Akihiko se rendit compte à quel point il la trouvait belle. Il plongea son regard dans les deux lacs émeraude qui lui servaient d’yeux à la recherche d’il ne savait quoi. Du courage d’avouer ses sentiments ? Lui qui n’avait jamais fait une chose de la sorte ? Comment devait-il s’y prendre ?
Finalement, la solution s’imposa à lui. Il y avait une première fois à tout et il se poser trop de questions n’allais que le faire douter. Il sourit tendrement à la femme qu’il tenait dans ses bras.

« Après tout, il serait stupide de vouloir faire souffrir la femme que l’on aime, hein ? »

Pour la première fois depuis plusieurs jours, la jeune femme sourit, un sourire éclatant de joie. Ses bras remontèrent pour se placer derrière la nuque de Akihiko pour attirer son visage au sien et il se laissa faire. À vrai dire, il cessa de penser. Il laissa simplement ses émotions prendre le contrôle de son corps et le laissa poser ses lèvres sur celles d’Anthelia. C’était une sensation… Étrange. L’intimité du geste était quelque chose de parfaitement inconnue à l’enchanteur, mais qu’il accueillit avec joie. Akihiko eu la même impression qu’en présence de l’Astrium de la boutique de Lilo : des sens décuplés qui sentait l’odeur de la jeune femme envahir son esprit, entendait le silence les envelopper, ressentait la vie palpiter sous le tissu et la peau en dessous avec son corps pressé contre celui d’Anthelia. Tout semblait passer à travers ses lèvres d’une douceur qu’il n’avait jamais cru possible et dont il brûlait encore plus de connaître le goût. Il remarqua qu’il avait naturellement fermé les yeux et ne les rouvrit que lorsqu’il mit fin, à regret, à ce premier baiser. Anthelia avait des yeux où brillaient une joie sans limites, elle sourit encore plus avec les joues rougit et attira une nouvelle fois le jeune homme à elle. Akihiko ne se fit pas prier et embrassa de nouveau la femme qui avait ravi son cœur.

Un temps infini plus tard, les deux amoureux se séparèrent pour de bon, quelque peu haletant. L’ynorien ne la laissa pas pour autant filer et la serra de nouveau contre lui. Après la journée de la veille qui avait été un calvaire comme il n’en avait jamais vécu, celle-ci commençait avec une félicitée fort appréciable. Il sentait inexorablement le coin de ses lèvres se relever tellement il était heureux.

« Cette réponse te convient, Anthelia ?

- Mmmh, peut mieux faire. Mais pour un débutant, vous vous y prenez plutôt bien pour embrasser une femme, Monsieur le Héros, dit la jeune femme en riant, sa tête se secouant contre sa poitrine.

- J’ai besoin d’un peu d’entraînement, c’est vrai. Mais j’ose espérer que tu sauras m’apprendre tout ça ?

- Avec plaisir ~ »

Elle déposa un léger baiser dans son cou avant de se séparer de son étreinte pour le jauger du regard. Akihiko se rappela alors qu’il était torse-nu et sentit la gêne lui monter aux joues, d’autant que le pantalon qu’il portait ne cachait pas grand-chose de la réaction de ce qui se trouvait en dessous. Anthelia enfonça donc le clou, malicieuse.

« Mmmh.. Voilà qui promet d’être intéressant pour la suite.

- Eh ! Si tu pouvais me dire où étaient mes affaires au lieu de te moquer de moi, ça m’arrangerait !

- Je sens que je vais bien m’amuser.. Je vais les chercher. » dit-elle dans un clin d’œil avant de sortir de la pièce. Akihiko se laissa tomber sur le lit et fixa le plafond, son sourire ne quittant pas son visage. Sourire qui s’agrandit encore en voyant une petite lueur dans un coin de la pièce, une lueur qui grossit et prit l’apparence d’une petite femme blonde qui fonça sur sa poitrine pour disparaître dans son médaillon de Faerunne, seul objet qu’ils lui avaient laissé. Un vent de fraîcheur souffla dans son esprit.

(Amy ! Valyus m’en soit témoin, ce que je suis content de te voir !)

(Désolée pour ma réaction d’hier… Je suis aussi fautive que toi, pour t’avoir encouragé à te mettre en danger…) répondit la Faëra, ses cheveux teintés de bleu.

(Ce n’est pas important. L’essentiel c’est que j’aille bien et que tu sois toujours avec moi.)

(Mmmh. Mais maintenant, je vais vraiment devoir te partager avec l’autre…)

(J’ai beau être avec Anthelia désormais, il y aura toujours ce lien entre nous et j’y tiens autant que celui que je viens de nouer avec elle.)

(Pfff… Arrête d’être poète, ça ne te va pas.)

Elle avait beau se plaindre et se moquer de lui, leur discussion arracha un sourire à la Faëra.

(Je suis contente pour toi Aki, vraiment. L’amour est un beau sentiment.)

(Merci.)

Anthelia arriva et il put remettre son équipement avec un certain soulagement. À force de porter sa cotte de maille constamment, il se sentait vraiment vulnérable quand il ne la portait pas. Il constata cependant avec regret que la manchette que sa mère lui avait offerte il y a bien longtemps n’avait pas survécut à la décharge de foudre. Sûrement sa qualité médiocre ne lui avait pas permis de résister au courant, et elle avait fondue en plusieurs endroits. À regrets, il la rangea dans sa besace de voyage. Il ressentit de nouveau le poids familier de la Kizoku à sa taille et celui, plus marqué, de son marteau dans son dos. Il fit rouler son épaule gauche pour vérifier que la douleur et les désagréments de la blessure étaient tous partie. Ce fut le cas. Il se tourna vers Anthelia, pour apercevoir derrière elle le prêtre Maxime. Il s’inclina à son encontre.

« Votre Fulgurance, je ne saurais vous remercier pour votre accueil et votre bienveillance à mon égard. Je ne sais comment vous remercier.

- Ce n’est rien, vous êtes après tout un fidèle de Valyus et sûrement un de ses Elus. Il est normal que je vous vienne en aide. Mais si vous souhaitez tout de même vous faire pardonner… J’ai bien ma petite idée.

- Dites-moi tout.

- Comme j’ai pu vous le dire hier, j’ai peut-être des informations à propos du prêtre Silverberg. Remettre la main sur les bottes qu’il a enchantées profitera autant à vous qu’à nous, puisque cela renforcera votre position d’Elu. Votre guérison proprement miraculeuse a déjà fait son petit effet ceci dit.

- Les bottes… » réfléchit Akihiko en se grattant la barbe naissante qu’il n’avait pas eue l’occasion de raser pendant ses jours d’inconscience. Il jeta un regard à la jeune femme qui lui sourit.

« Si tu y vas, compte sur moi pour te chaperonner et t’éviter de t’enfoncer dans un énième problème. Et crois moi que cette fois, tu m’écouteras.

- Si j’ai l’autorisation de ma dame… répliqua Akihiko en riant. Je ne peux rien vous promettre votre Fulgurance. Mais je peux essayer de mettre à leur recherche, avec votre aide.

- Appelez moi Maxime s’il vous plaît. Et ce serait même à moi d’utiliser « Votre Fulgurance » pour m’adresser à vous. Vous ne voulez pas ? Bon… Comme vous voulez. En revanche ma chère, ce que je vais révéler sont des informations que nous ne souhaitons pas que les membres hors du clergé soient informés. J’espère que vous comprendrez…

- Parfaitement, votre Fulgurance. Akihiko ne me dira que ce que j’ai besoin de savoir. Je t’attends dehors, dit elle en hochant la tête et sortit de la pièce après avoir salué le prêtre.

- Bien… Pour commencer, que savez-vous à propos du prêtre Silverberg ?

- Pas grand-chose pour tout vous dire. C’était un prêtre de Valyus et un enchanteur très puissant, qui a vécu il y a plusieurs siècles, à une époque où le royaume était encore en guerre contre la Fédération de Wiehl. Il a enchanté des bottes créées par la tailleuse Trish mais lorsqu’elle mourut, il refusa d’enchanter quoi que ce soit d’autre venant d’elle. On raconte que c’était une de ses amies proches.

- Et auriez-vous entendu des rumeurs sur sa prétendue liaison avec la tailleuse ?

- Oui, acquiesça Akihiko.

- Ce ne sont pas des racontards. Le prêtre Silverberg entretenait en effet une relation avec cette jeune femme. Mais à l’époque, le mariage n’était pas très bien vu pour un prêtre de Valyus, et la famille de la tailleuse n’aurait pas vu non plus d’un bon œil qu’elle se lie à un prêtre.

- J’ignorais que le mariage était aussi mal vu pour un membre du clergé.

- C’était le cas à l’époque : désormais, même s’ils sont toujours rares, les mariages de prêtres ou de prêtresses sont célébrés comme tous les autres. Toujours est-il que le prêtre et la tailleuse ne pouvaient vivre leur amour au grand jour. Lorsqu’ils ne pouvaient se voir, ils correspondaient par lettres. C’est d’ailleurs ainsi que les prêtres de Valyus découvrirent la liaison : sur son lit de mort, l’enchanteur demanda qu’on l’enterre avec les lettres de sa bien-aimée. Nul ne sait ce qu’elles contenaient, mais cette dernière volonté fut respectée.

- Et c’est pourquoi le culte a toujours nié cette relation. Pour protéger l’image du Prêtre Silverberg.

- Il y a bien d’autres raisons mais c’est la principale en effet, approuva le prêtre.

- J’imagine que ces lettres indiquent peut-être l’emplacement de ces bottes. Mais l’idée de profaner la tombe de cet homme me répugne au plus haut point, je préfère abandonner qu’avoir à faire cela.

- Vous n’y arriveriez jamais, même si vous le désiriez : sa dépouille se trouve au Mausolée des Valeureux, à l’extérieur de la ville. Un endroit où tous les grands héros de Kendra-Kâr reposent pour l’éternité. Les gardes sont partout et les sarcophages de pierre, tous scellés magiquement. Profaner un cercueil du Mausolée reviendrait à se retrouver avec la moitié de la garde de la ville aux trousses, et une bonne partie de la population. Je ne sais pas si ces informations ont pu vous aider… »

Akihiko se pencha en arrière, le regard braqué vers le plafond. Beaucoup de monde était au courant de l’hypothétique lien entre les deux personnages. Ils avaient donc dû épuiser toutes les pistes à ce sujet. En revanche, ce qu’ils ignoraient sans doute tous, c’était la correspondance des deux amants. Et si Silverberg s’était fait enterrer avec les lettres reçues de Trish…

« ... Et que sont devenues les lettres adressées à Trish par le prêtre ? A-t-il été aussi enterré avec ces dernières ?

- Pas que je sache, secoua négativement le kendran.

- Auriez-vous une idée de l’endroit où elles seraient alors ?

- Mmmh… La tailleuse était une jeune femme à la santé fragile, elle ne quittait presque jamais son manoir familial, à la sortie ouest de la ville. Ce serait l’endroit le plus probable si elles n’ont pas déjà été détruites.

- Vous savez d’autres choses sur cette jeune femme ? Sur ce manoir ?

- Malheureusement, rien de bien utile. La lignée de la famille Jiila, celle de la tailleuse, s’est éteinte il y a quelques décennies. Le manoir a été abandonné, pillé plusieurs fois sans doute. Mais je n’en sais pas plus.

- Je vais aller y faire mes propres recherches dans ce cas. Je vous remercie pour ces précieuses informations votre fulg- Maxime. dit l’enchanteur en se levant et en s’inclinant devant le prêtre.

- N’hésitez pas à revenir me voir si vous souhaitez plus d’informations. Je vous aiderai dans la mesure de mes connaissances et de mes capacités. »

Ils sortirent de la pièce pour retrouver une Anthelia adossée au mur, attendant patiemment en enroulant une mèche autour de son doigt. Elle leur emboîta le pas et le prêtre les dirigea vers la sortie. Akihiko passa dans une salle commune de pierre blanche chichement meublée d’une grande table de bois clair entourée de chaises et avec contre le mur du fond, un tableau représentant le dieu Valyus. Une dizaine de portes semblable à la sienne étaient visibles entre les quelques longs canapés garnissant les murs et plusieurs prêtres y étaient installés, plongés dans divers ouvrages ou simplement se reposant, les yeux fermés. Deux d’entre eux discutaient à voix basse à la table et formaient le seul bruit de la pièce. Ce qui rendit mal à l’aise Akihiko : vu les hurlements de douleur qu’il avait poussés pendant qu’il était alité, il avait dû franchement bouleverser la quiétude de cet endroit. Quoi qu’il en soit, les prêtres qui ne somnolaient pas regardèrent tous dans sa direction. Ils avaient l’air plus curieux qu’autre chose et détaillèrent du regard celui qui était supposément un des Elus de leur dieu. Akihiko s’inclina à leur intention, pour les remercier de leur hospitalité, puis suivit le prêtre Maxime. La double porte battante donna sur la rue bordant le temple, qui se dressait dans toute sa magnificence à une vingtaine de mètres de là. Le regarder le fascina mais l’idée de la Sphère de l’Elu présente à l’intérieur lui provoqua des démangeaisons dans le bras. Il remercia encore une fois le prêtre et prit congé, s’enfonçant dans la rue avec la jeune femme à ses côtés. Cette dernière en profita pour glisser sa main dans celle de son amant, ce qui le fit sourire.

« Bien, alors où allons nous maintenant ?

- J’ai une piste, il faudrait aller à faire un tour au manoir de la tailleuse Trish, à l’ouest de la ville.

- Mmmh. Selon Elyë, il y a des brigands qui s’y sont installé. Je ne sais pas si c’est prudent d’y aller…

- Aujourd’hui ? Non, c’est hors de question bien sûr. Je ne suis pas encore tout à fait sûr d’avoir récupéré, et j’ai encore cette protection à aller chercher chez Argaïe… Merde ! Le bateau ! Il a dû partir avec tout ce temps perdu, pesta Akihiko.

- Ne t’inquiète pas pour ça : je suis allée voir le Capitaine Croane pour lui expliquer la situation. Il a accepté d’attendre quelques jours de plus, par égard pour toi et ce que tu as fait avec le Drakarn. Oh, et j’ai vu Sam au passage. Il est encore un peu faible, mais il guérit bien avec l’aide de Vulin.

- Ah, voilà une autre bonne nouvelle ! Donc, programme de la journée : on passe récupérer ces protections et après, repos à l’auberge. Ça te convient ?

- Parfaitement. Tu vas pouvoir reprendre ton apprentissage du tatouage et on pourra passer à l’étape suivante.

- L’étape suivante… ?

- Ahah, tu verras ça le moment venu ! » dit la jeune femme en plantant un baiser sur sa joue, refusant d’en dire plus.



Avatar du membre
Akihito
Messages : 304
Enregistré le : mar. 29 janv. 2019 14:26

Re: Le Temple de Valyus

Message par Akihito » dim. 5 avr. 2020 01:57

Dans le chapitre précédent...


Interarc : Apprendre des meilleurs.

Chapitre I : Mission du prélat.


Akihito suivait Frans à travers les rues de Kendra-Kâr, l’observant de dos. Il avait un peu de mal à se dire qu’il était tombé par pur hasard sur celui qu’il cherchait. Amy lui rappela que le monde ne tournait pas qu’autour de lui et que chacun était libre de ses choix ; ce n’était pas parce qu’il voulait rencontrer Frans à Shory qu’il allait forcément s’y trouver. Elle posa en exemple sa brève rencontre avec Tanaëth Ithil qui s’était terminée de façon bien brusque. L’enchanteur ne put que lui donner raison.

Anthelia, elle, marchait silencieusement à côté d’Akihito. Puis elle prit finalement la parole tout en jetant des coups d’œil fréquent à l’homme qui les avaient rejoints subitement.

« T’es sûr que c’est lui Aki ?

- Aucun doute là-dessus oui.

- Quand même, ça ne te semble pas un peu bizarre qu’il t’invite comme ça, sans raison apparente ? Tout ça me parait bien trop facile. »

Le concerné les entendit et tourna un regard azur vers eux.

« Tout simplement parce que comme je l’ai dit, j’ai besoin d’aide. Et quand je vois que votre ami porte non seulement les bottes de Foudre, mais également le Marteau runique de Valyus, je n’ai aucun doute sur sa capacité à être une personne capable.

- Attendez, vous connaissez ces artefacts ?

- Évidemment ! Même si je n’ai jamais eu pour projet de les chercher, j’ai toujours tendu l’oreille durant mes voyages concernant tous les objets ayant un rapport de près ou de loin avec mes fluides. Les reliques du Kirin, la plume photonique, la lance foudre… Et bien sûr, celles-ci.

-J’avoue que je ne m’y attendais pas, murmura Akihito.

- J’ai beau faire confiance aux prêtres de Valyus, je ne choisis pas mes apprentis et mes assistants sur les simples recommandations de personnes. J’aime me faire mon propre avis. Ah, nous y voilà. »

Levant les yeux, Akihito retrouva avec plaisir la vue de l’impressionnant temple de Valyus. Ses pierres blanches, ses pierres bleues, son double V en Keraunos… Et en rentrant dans le temple, la Sphère de Valyus. Sa vue fit instinctivement reculer d’un pas Akihito qui sentit une douleur lancinante lui prendre dans le bras. Le choc était encore vif, de même que la douleur. Il n’allait pas s’approcher de sitôt de l’étrange boule métallique. Autour de lui, il entendit des murmures : on le pointait du doigts, on le fixait. « Fol oiseau » revint plusieurs fois et bien qu’un surnom aussi peu glorieux ne lui plaise pas vraiment, il n’était pas vraiment en mesure de protester. Il avait mérité cette appellation.

La main d’Anthelia se glissa dans la sienne et il se calma rapidement. La tatoueuse avait senti son trouble et à sa manière, le réconfortait. De sa main plus blanche que la sienne remonta une douce chaleur jusqu’à son épaule, chassant sur son chemin la douleur fantôme. Il serra sa main de façon reconnaissante avant de poursuivre sa route à la suite du fulguromancien qui déjà s’engageait dans la partie souterraine du temple. Arrivé dans la pièce creusée, les nuages au-dessus de lui se mirent à s’agiter sur son pas ; éclairs, grondements, le plafond semblait sur le point de s’ouvrir en deux pour déverser sa fureur. L’enchanteur le vit poser sa main sur l’orbe attaché à sa ceinture et instantanément, les nuages retrouvèrent leur « calme » habituel. Il hocha la tête d’un air satisfait avant de continuer sa descente. Encore une fois, peu de personnes étaient présentes, si ce n’étaient deux silhouettes en face de la statue de Valyus. À mesure que Akihito approchait, il reconnut la première : il s’agissait du prêtre Maxime. Le second portait lui une tenue plus ornée que le prêtre à ses côtés : en plus de la chasuble bleue, ce dernier arborait en sus un mantelet de mailles dorées qui recouvrait ses épaules par-dessus des habits de prêtre. Arrivé devant ces hommes de foi, Frans mit un genou à terre rapidement suivi par Akihito et Anthelia. Le prêtre Maxime prit à ce moment congé tout en offrant un sourire chaleureux à Akihito avant de remonter lentement les marches, les laissant en présence de l’autre homme.

« Votre Fulgurance. J’ai pu retrouver le dénommé Akihito Yoichi.

- Bien, bien. Relevez-vous. »

Celui que Akihito soupçonnait très fortement d’être le prélat parla d’une voix grave et stricte et il se releva en même temps que ses compagnons. Pour quelqu’un occupant une position aussi élevée, Akihito le trouvait étonnement jeune. Il avait beau avoir dépassé la quarantaine, il semblait moins âgé que le prêtre Maxime qui était pourtant sous ses ordres.

(Comme quoi, la valeur n’attend pas le poids des ans.)

« Voilà donc celui qui a semé le désordre dans mon temple il y a quelques jours.

- Oui, votre Fulgurance…

- Mais vous avez également réussi un exploit rarement observé, bien que vous ayez aussi payé le prix fort. J’espère que tout cela valait la peine, ajouta-t-il sur un ton plus sec et Akihito se contenta d’acquiescer, penaud. Le prêtre Maxime disait également que vous vous étiez mis à la recherche des bottes réalisées par notre illustre prédécesseur. Qu’en est-il ?

- Je les ai retrouvées, votre Fulgurance. Ce sont les bottes que je porte en ce moment même.

- Bien. Vous ne verrez aucun inconvénient à les restituer au temple, dans ce cas. »

Akihito se figea. Restituer les bottes ? Après tout le mal qu’il s’était donné pour les retrouver ? Ca ne lui plaisait pas du tout.

« Je… Ne suis pas sûr de vous suivre.

- C’est pourtant simple. Les bottes ont été enchantées par le prêtre Silverberg qui fut en son temps également le prélat de ce temple et même, l’Exarque du culte. En ma qualité de successeur, il est de mon devoir de les récupérer. C’est bien pour ça que vous êtes venus, non ? »

Akihito jeta un regard aussi surpris que furieux à Frans. Mais à son grand étonnement, ce dernier semblait tout aussi surpris de cette demande à ses sourcils froncés.

« Je suis venu car le magicien Frans disait que je pouvais l’aider dans une de ses missions que vous lui conf-

- Il y a aussi cela, mais l’un n’empêche pas l’autre.

- Je me vois contraint de refuser dans ce cas.

- Pardon ? »

Le regard de l’homme se durci. Visiblement peu habitué à ce qu’on refuse de lui obéir, surtout venant de la part d’un fidèle de Valyus, il fixait Akihito qui lui ne broncha pas.

« Le prêtre Silverberg souhaitait que ces bottes soient retrouvées par quelqu’un de méritant. S’il avait choisi d’en faire autrement, il les aurait laissés à la garde du Temple. Or, ce n’est pas le cas. Avec tout le respect que je vous dois, votre Fulgurance, je ne peux tout simplement pas vous céder ces artefacts.

- Jeune homme, je suis le prélat de ce temple. Fait attention à tes paroles. Donne-moi ces bottes et je ferais en sorte d’oublier cette histoire.

- Vous ne les aurez pas.

- Petit impertinent ! »

Brusquement, la main de l’homme de foi se mit à crépiter d’éclairs et il foudroya du regard l’enchanteur qui activa à son tour ses fluides. La foudre parcourut ses veines, déversant un flot d’énergie dans tout son corps. Frans tenta de calmer le prélat, mais ses mots furent ignorés par ce dernier qui parla d’une voix vibrante de colère.

« En vertu du précepte 2 de la Loi, je te laisse une dernière chance de te repentir en me donnant ces artefacts sur-le-champ. Auquel cas, je ferai usage de la force.

- Je me contenterai d’appliquer les interdits de Valyus dans ce cas. Je ne vous laisserai pas offenser la mémoire et les choix du prêtre Silverberg et je refuse d’abandonner mon honneur en vous rendant ces bottes que j’ai obtenus en surmontant bien plus d’épreuves que je ne l’aurais souhaité. Si vous souhaiter les récupérer, il faudra le faire sur mon corps. »

Il appuya sa phrase en sortant de sa besace l’ultime lettre de Silverberg qu’il avait conservée avec lui et qui indiquait l’emplacement des bottes. Le prélat, bien que furibond, fut sensible aux paroles d’Akihito et désengagea temporairement sa magie pour prendre la lettre des mains d’Akihito. Frans se contentait de regarder les deux belligérants, incapable de comprendre comment ils avaient pu en arriver là. Anthelia, elle, attrapa Akihito par la manche.

« Non mais t’as perdu la raison ?! chuchota-t-elle furieusement. Qu’est-ce qui t’as pris de lui dire ça ?! »

Il ne répondit pas, trop concentré sur l’instant qui se déroulait devant lui. Il n’y avait pas été de main morte c’est vrai, mais il ne regrettait pas son coup d’éclat. Il pensait sincèrement être dans le vrai en agissant ainsi. Amy aussi appuyait ses propos. Bien qu’il se mette encore dans une situation délicate, elle était totalement d’accord avec lui. Finalement, le prélat releva les yeux de la lettre et les plongea dans les pupilles bicolores du jeune homme en rangeant la lettre soigneusement dans sa manche. Sa colère apparente laissa place à un sourire qui n’avait rien d’amical et l’Ynorien n’était pas sûr d’aimer ça.

« Tu as du cran pour me tenir tête ainsi, Akihito Yoichi. Tu penses donc être digne de ces bottes ? Très bien. Tu vas, comme prévu, accompagner le magicien Frans jusqu’à Bouhen. Si tu ne fais ne serait-ce qu’une seule chose qui te rendrait indigne de ces artefacts, il te les reprendra et les ramènera ici à son retour. Par la force s’il le faut.

- Ca me va.

- Et vous Frans ?

- Raaah… Il faut croire que je n’ai pas vraiment le choix si vous êtes chacun d’accord avec ça. J’accomplirai cette tâche, votre Fulgurance.

- Bien. Dans ce cas, je n’ai plus qu’à vous souhaiter un agréable voyage ? »

Le prélat se drapa dans son aube et remonta les escaliers, après un dernier regard hautain. Frans, lui, passa la main ses cheveux grisonnants avant de regarder celui qu’il devait dès à présent surveiller.

« Vous ne me rendez pas la tâche facile, vous.

- Désolé si je vous ai mis dans l’embarras, mais je refuse tout simplement de faire ce qu’il me demande. Être un prélat de Valyus ne lui donne pas le droit de disposer des fidèles comme bon lui semble.

- Je sais, je sais. Et si je partage en partie votre position, ce n’est pas pour autant que j’aurais été aussi… Franc, avec le prélat Luka.

- Bon, et si on partait là tout de suite, mmh ? Avant que votre prélat ne pète les plombs de nouveau et ne juge que taper sur Akihito est une solution plus simple, » intervint Anthelia avant de pousser Akihito vers la sortie. Ils sortirent en vitesse du temple et s’installèrent un peu à l’écart, sur un des bancs de pierre qui garnissaient les environs de ce quartier exclusivement religieux. Là, Frans leur expliqua les tenants de la mission : le prélat du duché de Luminion avait réussi à mettre la main sur une grande quantité de Keraunos, le métal de foudre, avec la coopération des Thorkines de Mertar. Le prix avait été presque indécent, mais ils avaient enfin consenti à leur laisser le précieux minerai. Le convoi avait donc rallié les différents centres de prélats, à commencer par le prélat de Shory où le magicien Frans avait été réquisitionner pour escorter le bateau qui allait mener sa cargaison jusqu’à Kendra-Kâr avant de finir par Bouhen où se trouvait le dernier prélat. Malheureusement, l’activité pirate s’était fortement accrue entre Shory et Kendra-Kâr et bien que Frans parvînt à repousser tous les assaillants, le navire fut fortement endommagé. La décision fut prise que le dernier transfert allait se faire par la voie terrestre, quitte à prendre quelques jours de retard. Et en sus, je suis plus libre d’utiliser ma puissance les deux pieds sur terre qu’en pleine mer. Des orages qui se mut en tempêtes, j’en ai connu une ou deux.

« Donc tout ce qu’on a à faire, c’est escorter ce convoi ?

- Exactement. Et pour éviter d’attirer l’attention, nous ne serons que nous trois. Une simple charrette attirera moins d’yeux curieux, et les malheureux qui s’y risqueront risquent d’avoir une mauvaise surprise.

- Comme un mage de foudre d’un niveau exceptionnel ?

- Et son nouvel apprenti qui n’a pas l’air de plaisanter non plus. On va aller récupérer la charrette que nous a préparer le temple et partir tout de suite, ils ont prévu les provisions, donc pas de quoi s’inquiéter là-dessus aussi.

- Et pour ce qui est de l’entraînement ? demanda Akihito, curieux de savoir comment cette partie allait se dérouler et flatté d’être qualifié « d’apprenti ».

- On ferra ça sur le chemin. Vous me montrerez ce que vous savez déjà faire puis on avisera.

- Sérieusement… Ce sont les fluides de foudre qui grillent le cerveau de tous leurs détenteurs ? » se plaignit Anthelia alors que les deux fulguromanciens se mettaient déjà en chemin. Elle attrapa Akihito par le col de son manteau pour le faire se tourner vers lui. « Et n’oublie pas que tu dois aussi t’entraîner sur tes tatouages toi.

- Je n’oublie pas Theli, t’inquiète pas pour ça.

- Ouais, y a intérêt. »

Elle le lâcha puis ils rattrapèrent le mage grisonnant qui observait leur petit manège avec un sourire en coin.

« Des tatouages, hein ? »


Répondre

Retourner vers « Kendra Kâr »