Chapitre 11 - De retour chez l'elfe noire
VI.12 Les enchères
Encerclant la shaakt comme une personne hautement précieuse, la troupe arrive au pied d’un bâtiment, non loin du vieux clocher. Une importante bâtisse sur laquelle est écrit « Corporation des chasseurs de trésors » et le slogan : « Vous cherchez, nous trouvons ! ». L’elfe noir qui sert d’homme de main principale s’écarte du groupe pour leur faire tous face.
"Bien vous savez pourquoi nous sommes ici. Restez à l’extérieur et surveillez le périmètre. Si vous voyez une menace arriver, n’engagez pas le combat. Ezraël !" Appelle Naegrim alors qu’une femme habillée comme une ermite et équipé d’un arc s’avance.
"C’est toi qui supervisera le groupe. Tu nous préviendras au moindre problème. A vos postes !"
Tous s’activent et se positionne dans le diverses ruelles autour du bâtiment, tandis que le shaakt vient chercher Relonor et l’emmène à l’intérieur en compagnie de la dame. L’enchanteur ferme la marche et son homologue prenant la tête du groupe, présente des documents qui leur permettent de passer les accès gardés et comme attendu, tous doivent se délester des armes et boucliers potentiellement dangereux. Finalement, les trois individus arrivent à l’étage où les attendent de nombreux autres petits groupes similaires. Nobles et marchands, en plus de leurs gardes personnels, sont présents et n’attendent que l’opportunité de dépenser leurs fortunes pour des broutilles. En plus de ce petit monde, de nombreuses pièces sont exposées comme un crâne avec un orifice unique pour l’œil d’un cyclope, la peau d’un dévoreur des sables, les écailles bleues aux reflets irisés d’un Drakarn et d’autres encore.
"Dame Istavari comme d’habitude vous êtes un ravissement pour les yeux." Déclare un homme à la bedaine bien portante.
"Toujours aussi flatteur comte Erdial !" Lui répond-elle en une révérence qui doit laisser entrevoir une partie de sa poitrine.
D’autres échanges commencent à base de politesses, de compliments, de rires forcés venant d’une blague qui n’a rien de drôle. Tout pue la duperie verbale et les faux semblants des mondanités, une chose que Relonor exècre fortement, au point même où sont homologue à la peau noire le rappelle à l’ordre.
"Hey tu fais quoi là ?" S’énerve-t-il en lui attrapant le bras.
"Tu crois peut-être que t’es là à regarder les oiseaux passer ? Tu es censé garantir la sécurité de la dame, ne l’oublie pas !"
(Et si je te coupais la langue, tu ferais comment pour lui lécher les bottes à ta dame ?)
"Heu…oui…désolé. C’est que…" Temporise Relonor alors qu’il refoule l’envie de lui arracher les tripes.
"C’est ta première fois que tu fais office de garde du corps, j’me trompe ?" Interroge Naegrim.
"Je vois que tu es plus perspicace que tu n’en as l’air !" Complimente faussement l’enchanteur.
(Crétin !)
"Il est vrai que je n’ai pas pris la peine de voir tes compétences dans ce domaine." Commence-t-il avant d’expliquer en chuchotant ce qu’on attend de lui et surtout comment il doit procéder.
"Bien entendu tu dois toujours rester dans la même pièce que la dame, ça va de sois, mais ce sont les comportements des autres que tu te dois d’observer. Fais attentions aux comportements de chacun individuellement et en groupe. Ceux qui se distinguent de la masse sont soit des assassins amateurs soit des professionnels, la différence se fait sur leurs capacités à ne pas se faire repérer. Tout bon assassin qui se respecte peut se cacher comme un arbre au milieu de la forêt, cependant il n’est pas aussi efficace si la forêt entière est contre lui. Un groupe entier qui se voue à l’élimination d’une cible est d’une efficacité terrible. Chacun à son rôle et pendant que tu observes celui qui fait office de leurre, aidé par le reste du groupe, tu ne remarques pas la véritable menace avant qu’il ne soit trop tard !"
"Pourquoi tout ce blabla ? On ne devrait pas avoir ce problème puisqu’on est limité à deux gardes pour une même personne !" S’étonne Relonor.
"En es tu sûr ?" Ricane son nouveau mentor.
L’enchanteur observe les différents gardes du corps présents avec un regard différent. Les attitudes globales ne révèlent rien de particulier, jusqu’à ce qu’il remarque quelques regards qui s’échangent.
"Ils se sont mis d’accord ?" Demande-t-il, même si en l’état c’est plus une remarque flagrante.
"C’est ce qu’il me semble être, oui. Mais ils n’attaqueront pas maintenant, pas ici. Le bâtiment a une certaine réputation et si des clients venaient à se faire trouer la peau, ça ferait mauvaise publicité !" Répond Naegrim.
"D’où l’intérêt de laisser des hommes dehors." Comprend Relonor.
"Exact ! Dehors ils contrôlent le secteur et nous, on s’occupe de comprendre qui s’est allié à qui et contre qui." Un bruit derrière se fait entendre et un nouvel intervenant fait irruption.
"Et merde !" Grogne le garde en chef.
Le nouveau est un homme brun, svelte et richement vêtu. Il est accompagné de deux gardes. L’un est un elfe blanc qui, d’après sa morphologie est un épéiste, tandis que l’humaine qui l’accompagne a la tenue privilégiée des magiciens. Relonor se tourne vers son supérieur pour y voir une contrariété non dissimulée.
"C’est quoi le problème avec ce type ?" Chuchote-t-il.
Alors que riche humain se déplace juste devant les deux elfes noirs, des regards d’amusements pour l’un et de colère pour l’autre s’échange entre l’homme et Naegrim qui reste muet jusqu’à ce qu’il s’éloigne à nouveau.
"Ce type est une plaie !" Commence-t-il.
"Il y a une rivalité connue entre la maîtresse et cet homme. Il n’aurait pas dû être là !"
"C’est-à-dire ?" Interroge Relonor. Cependant, pour toute réponse Naegrim pose discrètement son doigt sur son oreille.
(L’hinïon ! Je vois. S’il ne veut pas me répondre et que cet homme ne devrait pas être là, cela peut vouloir dire qu’ils se sont assurés de son absence. Hors, c’est visiblement un échec.)
"Veuillez me pardonnez de mon retard, j’ai eu un léger…contretemps !" Explique-t-il alors que son regard insiste trop sur la shaakt.
"Remerciez le ciel d’être présent ! Vous pourriez bien ne pas avoir cette chance la prochaine fois !" Réplique-t-elle avec un faux sourire aimable.
"N’ayez crainte ! Contrairement à d’autre, je sais m’entourer de personnes compétentes." Dit-il en portant ses yeux sur Naegrim qui reçoit le regard courroucé de sa maîtresse.
L’ambiance devient électrique et un rien pourrait y mettre le feu. Je scrute les gardes alentours et me prépare à me battre à tout moment, mais l’irruption d’un individu stoppe la montée en pression.
"Je vois que la tension est palpable !" Crie fortement un homme pour se faire entendre de tout le monde.
L’humain parait distingué. Bruns, les cheveux courts, il possède une petite barbichette qui lui donne un air de chèvre. Sa veste rouge souligne ses boutons jaunes et or et son pantalon noir colle particulièrement aux jambes. Le tout se termine avec une paire de botte de la même couleur et des gants blancs.
"Puisque tout le monde est présent, nous allons commencer. Veuillez me suivre je vous prie !" Continue-t-il.
Rapidement, moi et Naegrim suivons de près la dame Istavari. Comme moi, je porte un regard particulier sur l’humaine et l’hinïon. Les membres éminents de chaque groupe s’installent tandis que leurs gardent se postent autour d’eux et les enchères commencent enfin. Au début, ce ne sont que des babioles dans valeurs qui sont proposées et quelques-uns profitent de l’occasion pour dégoter ces pièces à bas prix puisque personne n’en veut. Au fur et à mesure du temps qui passe, les enchères prennent de plus en plus de valeurs, faisant monter les prix de plus en plus. Jusque-là, ni la shaakt, ni l’humain n’ont émis la moindre offre.
"Voici notre dernière pièce !" Annonce l’homme qui gère cette séance.
Une femme apporte une boîte en bois qui, lorsque le commissaire-priseur l’ouvre, dévoile un étrange bijou mauve.
"Le talisman d’Azakaël ! Une pièce particulièrement rare ! Vous savez comme moi la réputation de cet objet, sinon vous ne seriez pas là aujourd’hui. Nous commencerons les enchères par…" Explique-t-il avant de se faire interrompre.
"Deux cents yus !" Fait un premier.
"Trois cents yus !" Surenchère un second.
"Cinq cents !",
"Mille !"
Les intervenants se passent le relais les uns les autres, espérant obtenir l’objet au meilleur prix. Montant qui ne fait que grimper et alors que ni le riche humain, si la shaakt n’ont fait la moindre offre, celle-ci fait taire tour le monde en proposant un montant ahurissant.
"Cinq mille yus !"
Le silence est pesant. Plus personne n’ose surenchérir de peur de s’endetter pour sept générations. Même le commissaire-priseur peine à cacher sa surprise. Cependant son professionnalisme reprend vite le dessus.
"Une offre à cinq mille yus ! Je pense que nous avons trouvé le nouveau propriétaire pour ce bijou. Pardonnez-moi ma dame, mais je dois néanmoins demander aux autres s’ils souhaitent surenchérir." Triomphante, celle-ci fait un geste de bienveillance de la main à l’intéressé pour lui accorder ce souhait.
" Cinq mille yus une fois ? Cinq mille yus deux fois ? Cinq mille yus tr…"
"Dix mille yus !"
La proposition venant du rival de l’elfe noire, est comme coup de tonnerre qui ne cesse de faire échos dans la pièce. La surprise est énorme pour les membres présents et la contrariété palpable pour dame Istavari et son second.
"Quinze mille !" Répond-elle passé un bref moment.
"Dame Istavari, pour une telle somme je me dois de vous demander si vous avez apporté des garanties. Le seigneur Goron a déjà effectué le nécessaire à son arrivée. Qu’en est-il de vous ?" Demande le commissaire-priseur.
La shaakt ne répondant rien, l’humain est obligé de réitérer sa demande.
"Heu…madame ? Avez-vous…"
"Non !" Tonne-t-elle avec un ton ne laissant place à aucune remarque sur ce sujet.
"Dans ce cas. Dix mille yus une fois ? Dix mille yus deux fois ? Dix mille yus trois fois ! Adjugé au seigneur Goron ! Une très belle acquisition que vous venez faire là mon seigneur !" Applaudit l’homme, avec le sourire de celui qui va toucher un beau pourcentage aujourd’hui.
"Voilà, les lots d’aujourd’hui sont terminés. Je vous remercie de votre participation et vous invite dans la salle de restauration où des mets ont été disposés à votre attention."
Furieuse, dame Istavari serre les poings sur sa tunique et tente de réprimer ses émotions présentes. Lorsque le seigneur Goron quitte la salle, elle le suit à son tour pour l’interpeller. A sa venue, les gardes de Goron s’interposent immédiatement pour faire barrage.
"Nous avons à parler vous et moi !" Dit-elle avec une froideur dans les yeux qui me glace le sang.
"Je comprends que vous soyez déçu de la tournure des évènements, mais c’est le jeu des enchères, on ne peut pas gagner à tous les c…" Répond-il avant de se faire interrompre.
"Vous savez très bien de quoi je veux parler ! Je suis sûr qu’un…compromis est possible !" Lâche-t-elle avec toute la peine du monde.
"Un accord ? Venant de votre part ? Voilà qui est bien incongru. Pourquoi pas ? Je suis curieux de savoir à quel point vous le voulez ! Pourquoi ne pas nous isoler vous et moi dans une pièce à l’abri des regards et des oreilles ?" Propose-t-il.
Naegrim esquisse un geste dans sa direction, mais la shaakt l’arrête avant que les gardes du seigneur ne s’en occupent.
"Entendu." Accorde-t-elle.
Tous deux s’isolent pendant que nous sommes quatre à nous regarder les uns faces aux autres, jaugeant l’adversaire probable du regard. La discussion dans la chambre se termine vite. Soit aucune des parties n’a accepté de se soumettre à l’autre, soit l’elfe noire s’apprête à payer un lourd tribu. Elle ressort aussi furieuse que précédemment sans attendre que nous la suivions. Naegrim se précipite à sa hauteur et je l’imite, en surveillant nos arrières. Nous quittons le bâtiment et à la vue de l’expression affichée par la dame, nul dehors ne tente le moindre commentaire.
Chapitre 13 - l'usurier.