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par Hatsu Ôkami » jeu. 24 oct. 2019 23:53
Comme si cela n’avait aucune importance, Gaëlle balaya la question financière d’un revers de la main, surprenant Hatsu en précisant que l’argent n’avait aucun intérêt pour elle. Visiblement au courant de la présence de l’armée ennemie, comme Hatsu l’avait supposé, elle fut cependant intéressée par les détails qu’Hatsu s’empressa de lui donner, décrivant du mieux qu’elle pu ce qu’elle avait vu. Gaëlle et ses hommes étaient apparemment indépendants dirigés par un certain Tar Ithil, qui que cela puisse être et ne répondant qu’à Sithi, nom qui ne lui était pas inconnu sans qu’elle ne sache pourquoi ni dans quel contexte elle avait bien pu l’entendre. Savoir qu’un rassemblement de guerriers allaient, selon les dires de la commandante, apporté son aide au duché pendant la guerre la rassura quelque peu, tout en accentuant son dilemme. Passerait-elle pour une lâche à leurs yeux si elle choisissait de partir ? Probablement. Elle répondit au sourire de la commandeure qui assura que les ennemis d’Oaxaca seraient toujours les bienvenus en ces lieux, lui indiquant qu’une chambre lui serait allouée et l’emplacement des cuisines. Hatsu la remercia chaleureusement et la regarda s’éloigner avant de s’installer en tailleur à quelques pas de l’autel, inspirant profondément.
Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas était aussi anxieuse dans un lieu dédié à Rana. Même si le lieu débordait de calme et de sérénité, l’angoisse la prenait toujours aux tripes, comme un poison vicieux s’insinuant dans son corps chaque seconde un peu plus. Rester et se battre ? Fuir en espérant échapper à la marée verte ? Allait-elle-même faire une quelconque différence ? Elle savait que non, elle n’était qu’une chasseuse, pas une soldat. L’esprit chargé de doutes, elle passa de longues minutes sans parvenir à voir un semblant de solution et de frustration, jura avant de s’allonger sur le sol froid de la pièce, observant le plafond immaculé. Elle ferma les yeux quelques instants en soupirant. Une litanie soudaine s’échappa de ses lèvres, restes de ses doutes et de sa foi en Rana.
« Ô Déesses des Vents
Toi qui guide mes pas depuis les premiers instants,
Je t’en prie, prêtes l’oreille,
Que ta sagesse me donne conseil
Que ta force guide mes pas,
Ai-je ma place dans ce combat ?
Dois-je lutter ou fuir ?
Survivre ou périr ?
Je sais que jamais tu n’abandonneras,
Je t’en prie, guide moi, Rana »
Toujours les yeux clos, elle sentit un fin courant d’air, mais, allongée sur le sol, elle n’était pas sûre d’avoir rêvé ou non et attendit de longues minutes sans que rien ne vienne Ni réponse, ni conseils, ni solution Elle le savait, mais l’infime espoir demeurait malgré tout et, quelque peu dépitée, elle se laissa aller.
Le léger bruissement d’un arbre et la caresse paresseuse des rayons du soleil semblèrent réveiller la jeune femme qui se redressa, les yeux encore embués. Elle regarda autour d’elle sasn reconnaitre l’endroit. Elle était au bord d’un petit plan d’eau où se jetait une cascade dont elle ne parvenait pas à apercevoir le sommet. Tout autour, de grands arbres d’un blanc d’ivoire saisissant, aux grandes feuilles d’un rouge éclatant. Subjugué par le calme et la vision de l’endroit, elle sursauta lorsqu’un rire amusé se fit entendre. Elle se releva d’un bon et regarda autour d’elle tandis que le rire recommençait, attirant son regard vers le plan d’eau où sur un rocher, une femme se tenait. La peau aussi blanche que ses cheveux, les yeux d’un bleu azur et le faciès fin et délicat, elle semblait emplie de cette sérénité qui faisait tant défaut à la jeune ynorienne. Elle observa la femme se relever et, sans qu’elle comprenne comment, celle-ci lévita jusqu’à elle, traversa le plan d’eau sans recevoir une goutte et atterrit à quelques pas de l’archère qui recula instinctivement. L’étrange femme pencha la tête sur le côté avant de sourire. Sa voix, douce et mélodieuse, semblait être une simple brise.
- Bonjour Chasseresse. Il semble que Loup se décide enfin à faire appel à nous, il était temps… où est-il d’ailleurs ?
Comme pour lui répondre, la silhouette de l’esprit lupin apparut entre les arbres, avançant d’un pas tranquille, presque paresseux, rejoignant les deux femmes avant de se laisser caresser par l’étrange femme blanche sous le regard abasourdi d’Hatsu.
- Loup ? Mais qu’est-ce que… ?
- Oh je vois… tu joues encore les cryptiques Loup ? Il serait temps de cesser cette obsession du secret.
(Chasseresse pas prête !)
- Soit, tu n’en démordra pas visiblement, viens plutôt t’installer avec moi, jeune Hatsu. Nous avons à discuter.
Elle s’assit dans l’herbe et l’ynorienne, toujours étonnée, mit quelques instants avant de faire de même, caressant distraitement le museau de Loup qui vint poser sa tête sur ses jambes sous le regard amusé de l’inconnue.
- J’imagine que tout cela te surprend. Avant toute chose, sache que tu n’es pas folle. Tout ceci n’est pas réel, mais pas seul fruit de ton imagination. Mon nom est Shomoë, et je suis la quatrième Chasseresse, connue sous le nom de Chasseresse des Vents... Enfin connue, par mes descendantes.
- Que… une Chasseresse ? Mais alors…
- Je suis ton ancêtre, oui.
- Mais… vous n’êtes pas morte ?
La question, honnête, fit rire Shomoë et ricaner Loup.
- Si, jeune Hatsu, je suis bien morte.
- Je ne comprends pas.
- C'est complexe...Je ne suis qu’une… image, un souvenir de Loup, qu’il partage avec toi. Je n’ai ni corps, ni esprit et ne suis là que pour une chose : te conseiller. Si j’ai bien compris, tu en appelais à Rana. Et, de mon vivant, j’avais une vénération totale pour elle, au point de passer ma vie à chercher les reliques qu’elle avait laissées en cadeau. C’est pour cela que j’ai cette apparence, ces reliques ont eu cet effet sur ma personne, même si je n'ai jamais pu toutes les rassembler, à mon plus grand regret. Mais trêve de souvenir, intéressons-nous à ton cas. Tu doutes…
Ce n’était pas une question, mais Hatsu acquiesça en silence.
- Une guerre se profile et je ne sais pas comment agir. Je n’ai pas envie de fuir comme une lâche mais… j’ai peur. Peur de mourir, peur de voir ceux que j’aime périr et… et je n’arrive pas à savoir si je dois me battre maintenant ou rentrer chez moi pour m’assurer qu’ils vont bien…
- Je vois… Fuir ou rester te battre. J’ai vécu le même dilemme que toi, à une époque. Nous étions deux contre nombres d’ennemis. Mon compagnon, qui était autant un rival qu’un ami et un amant, me força à fuir et donna sa vie pour protéger les terres des Hommes face au peaux-vertes. Ai-je combattu ? Oui, Ai-je fui, également ? Oui. Est-ce que je le regrette ? Non, parce que la vie que j’ai menée n’a pas été entachée par un échec, mais par la fierté d’avoir été aux côtés de cet homme qui s’est sacrifié. Tu as le droit de douter, Hatsu, tu as le droit d’avoir peur. Mais demande-toi si ce combat vaut la peine d’être mené ou si un autre plus important doit t’en éloigner.
- Je comprends…
Elle resta un long moment silencieuse, pesant le pour et le contre, caressant toujours la tête d’un Loup tout aussi muet qu’elle. Finalement, elle plongea ses sombres prunelles dans cette azurés de Shomoë. Si elle devait agir, ce serait pour arrêter l'ennemi, et non pour fuir. Si elle pouvait défendre Luminion, elle pourrait protéger sa famille et contrecarrer les plans d'Oaxaca.
- Je vais me battre. Je refuse qu’Omyre puisse obtenir ce qu’il souhaite.
- Voilà qui est bien parlé jeune femme ! Tu m’as l’air d’être une descendante tout à fait digne.
- Puis-je savoir… quel était le nom de cet homme ? Celui qui s’est sacrifié ? Comment était-il ?
- Oh, c’était un homme grand et fort, à la longue chevelure brune bouclée. Il était incroyablement doué pour se battre, même s’il avait plus de mal avec la magie. Son nom était Matler.
Elle resta bouche bée quelques secondes, puis l'espoir lui redonna la parole.
- Matler ? Vraiment ?Vous l’avez connu ? Savez-vous où est son carquois ?
- Son carquois ? Ce truc hideux ? Ce fut une infamie de traquer cet écureuil pour récupérer sa peau. Je n’ai jamais compris pourquoi il voulait cet écureuil là en particulier, il en était presque obsédé. Et non, je ne sais pas où il est, navrée. Le cherches-tu ?
- Oui ! Je pensais qu’il me serait utile… Je ne savais pas qu’il avait une telle histoire.
- Oh tu as encore beaucoup à découvrir. Notre famille est ancienne et les Chasseresses ont toujours agit dans l’ombre, vivant aux côtés des légendes de Nirtim. Ne soit pas si surprise, voyons ! Si tu trouves ce carquois, sache que tu rendrais hommage à un héros, jeune Hatsu. Montres t’en digne.
- Je ferais de mon mieux alors.
- Je n’en doute pas. Puisse les vents t’être favorables.
Et, comme pour donner sens à ses paroles, une brise se leva, obligeant Hatsu à fermer les yeux. Lorsqu’elle les rouvrit, elle était toujours allongée sur le sol de la petite salle vouée à Rana. Elle se sentait étrange bien que reposée. Elle finit par comprendre, s’apercevant qu’elle avait cessé de douter et qu’un sentiment de sérénité l’enveloppait. Elle inspira profondément et se redressa, jetant un œil à ses affaires.
(Nous allons chasser, Loup.)
(J’ai hâte, Chasseresse.)
Armoiries des Ôkami:
l'Or pour la fortune, le Loup pour la noblesse d'âme et la flèche pour le passé guerrier.