Tout se passa très vite. J’obtins rapidement la petite clé dénichée par Eden sur les corps puants, et parvins à m’en servir pour ouvrir le cadenas maintenant fermée la petite niche dans le mur, qui révéla une ancienne armoire à clés, dont il ne restait plus qu’un seul élément : une clé brillante ornée d’un « B ». Pour Belmont, sans aucun doute. La clé de l’entrée du manoir, fort à parier. Je n’eus guère le temps de me satisfaire de ma découverte que le jeune mage noble me héla pour l’obtenir à son tour, afin de la transmettre à Fromritt au plus vite. Ce dernier était littéralement en train de défoncer la porte du manoir, trop pressé de se mettre à l’abri de cette immense et monstrueuse créature qui chargeait vers le corps de garde, que je quittai en même temps que le mage. Et nous fîmes bien : l’instant d’après, le portail pourtant chargé de morts-vivants explosa sous la pression de cette horreur immonde, cette abomination géante et difforme. L’être de chairs alla s’encastrer avec violence dans le corps de garde, alors que le guerrier parvint à ouvrir la porte, nous laissant nous engouffrer dans le manoir sans demander notre reste.
Nous arrivâmes donc, pression descendante, mais adrénaline encore bien présente, dans le hall de la bâtisse. Un endroit orné de statues, pourvu d’un escalier central, le tout en marbre grisé. Deux pièces attenaient l’endroit : l’une principale, munie d’une large entrée, menant vers une salle dallée de pierre, et une autre, plus mineure, avec une entrée étroite, menant vers une pièce dont le sol était couvert de parquet.
Mathias n’attendit guère pour nous donner encore une meilleure vision de l’endroit, sortant une carte détaillée du manoir. Avec une emphase malvenue, il présenta les lieux comme si nous étions des visiteurs intéressés par l’histoire de sa propriété, interrompant toutefois lui-même son délire vantard par la nécessité de trouver au plus vite ses documents précieux, dans les appartements privés.
Chacun y alla alors de son petit commentaire, à commencer par Eden, qui sembla subitement vouloir se justifier de ses méfaits matérialistes. Et de la pire manière qui put être : en disant avoir obéi aux ordres comme un larbin sans réflexion, et justifiant ses entreprises douteuses de pilage de cadavres à l’excès par la trouvaille miraculeuse de cette petite clé. Ce qui ne rendait pas leur honneur à tous ceux qu’il avait dépouillé et déshabillé plus tôt, loin de là. Je secouai la tête, las de cet enfant, qui poursuivit cependant sur une idée pas stupide : visiter les pièces adjacentes pour nous assurer de leur sécurité. Le terme de « nettoyer » me fit un peu tiquer, surtout avec sa mauvaise manie de pillage, mais l’idée générale était correcte et défendable.
Adam émit à son tour quelques hypothèses sur la façon de rejoindre le site d’excavation, situé selon lui sous les appartements. Une belle observation que Mathias lui accorda, précisant toutefois qu’il aurait le loisir de nous communiquer une voie d’accès sûre une fois qu’il aurait récupéré ses actes de propriété. Il nous interrogea alors sur notre connaissance des créatures croisées jusque là, ce maudit machin criard et ce géant bouffi terrifiant. Je secouai la tête par la négative. De telles horreurs étaient absentes de mes pourtant nombreuses rencontres de l’angoisse des aventures passées. Mais très vite, nous fûmes attirés par des gesticulations d’Eden qui prenait à cœur son rôle d’éclaireur. Il venait d’indiquer de sa main cinq, puis deux. Parlait-il du nombre de compagnons qu’il espérait avec lui pour nettoyer la pièce ? Cinq pour se débarrasser de deux morts ? Ou un langage codé alphabétisé, ce qui donnerait… EB. Non, aucune signification claire. En tout cas, il semblait motivé pour qu’on l’y rejoigne. Et c’était ce que je comptais faire, mais pas de manière aussi directe. J’avais repéré une seconde entrée à la bibliothèque sur le plan de Mathias, dont je m’approchai pour lui murmurer mes intentions :
« Rejoignez-le, et si des ennemis sont à combattre, engagez le combat sans moi : je vais tâcher de contourner par le hall principal pour les prendre ensuite en tenaille. L’effet de surprise sera garanti. Mais il faut que j’y aille seul. »
Et je devais surtout voir si l’entreprise était possible : le manoir ne semblait pas exempt de morts-vivants. Je me dirigeai donc vers la double-porte menant vers le hall principal et y jetai un œil, histoire de déterminer si le chemin vers la bibliothèque, gauche puis gauche, était sauf. Le but n’était pas d’avertir plus d’ennemis que nécessaire. Même si à terme, cette information serait utile, puisqu’il nous faudrait de toute façon passer par ce vaste hall pour rejoindre le reste du bâtiment.
Ainsi donc je jette un œil vers ce hall principal. Une vaste pièce, bien plus que celle où nous étions rentrés, qui servait sans doute aux grandes réceptions du manoir. Richement décorée, luxueuse à souhait, elle pourrait faire le bonheur d'Eden s'il était muni d'un sac sans fond, avec ses lustres en joailleries et ses colonnes de marbre. Les morts étaient hélas aussi de la partie, nombreux, maculant le sol de leurs cadavres immobiles. L'odeur âcre du sang baigne les lieux, rappelant un instant la nauséeuse ambiance du corps de garde... A espérer qu'une créature ignoble comme il y avait là-bas n'est pas à l'origine de ce nouveau massacre. Aucun mouvement perceptible cependant. Aucun mouvement, aucun être vivant ou à moitié mort ici... à première vue du moins. Je peux donc espérer mettre mon plan à exécution, mais non sans doigté. D'un pas léger, furtif, félin, je longe le mur à la gauche de la double porte, sans faire le moindre bruit, surveillant le moindre mouvement suspect, jusqu'à arriver à la porte formant ma cible, menant vers la bibliothèque, sur le plan du moins. Je tâche de l'entrouvrir avec délicatesse et discrétion, afin d'observer l'intérieur de cette nouvelle découverte, et visualiser le spectacle qu'a tenté de nous décrire Eden de ses gestes farfelus. Il ne me restera ensuite plus qu'à attendre leur initiative, leur attaque, pour intervenir une fois les éventuels ennemis de la pièce attirés par eux, pour les prendre à revers et profiter ainsi d'un bel effet de surprise.
[- explication d'un plan de contournement à Mathias.
- passage furtif dans le hall principal pour rejoindre la bibliothèque par la seconde porte
- ouverture furtive de celle-ci pour voir ce qui s'y passe
- attente de l'intervention du reste de l'équipe au sein de cette bibliothèque]