Alors que je m'adressais pourtant clairement à Sirat et Sirius, c'est Sibelle qui prit la parole, m'expliquant qu'elle n'avait pas de talent dont elle n'avait déjà parlé. Était-ce une tentative maladroite d'épargner son compagnon de mes questions une nouvelle fois ? Je n'aurais su dire. En tout cas elle enchaîna aussitôt avec une suggestion de plan impliquant de mettre le navire en sécurité puis de rejoindre le camp par les airs et l'explorer à pieds. Je n'étais pas très convaincue par l'assurance dont elle faisait preuve, je redoutais qu'elle nous cause plus de tort qu'autre chose. J'appréciai donc tout autant quand l'humoran insista sur le fait qu'il nous fallait avancer prudemment. Nous étions pour le moment tous d'accord sur le fait de mettre le Masamune, puisque tel était manifestement le nom du navire, à l'abri dans un premier temps. Et que l'exploration du campement demanderait la plus grande précaution.
« Tout à fait d'accord. » répondis-je
« Si on s’approche de ce camp désert, je pourrais me lier à la terre et plonger dans le temps. Cela pourra nous en apprendre un peu plus sur le camp adverse et leur disposition. » ajouta Sirat.
Je haussai un sourcil, attendant qu'il élabore.
« De quel genre de pouvoir s'agit-il ? »
« Zewen offre bien des choses à ses serviteurs, voir et comprendre le temps en fait partie. Zewen est tout. Zewen et le Livre du Destin ne sont qu’un. Le livre contient tous les faits passés, présents et à venir. Ce petit cadeau à ses zélé n’est donc pas grand chose pour lui. »
Il avait le regard perdu au loin et un air distant qui donnait à son explication une tournure aussi mystérieuse que dramatique. Je serrai la mâchoire et pris une profonde inspiration puis soufflai doucement pour ne pas m'énerver.
« C'est-à-dire ? Quels sont concrètement vos pouvoirs ? »
Il sembla revenir de loin quand il reprit la parole.
« Hé bien, je peux voir dans le passé en me liant à l'élément de terre. Je pourrais ainsi déterminer s' il y avait des soldats et ce qui leur est arrivé ou tout autre chose du moment que cela c’est passé à l’endroit que j’interroge. Dans une certaine mesure je peux faire naître le désir en vous, je peux corrompre votre esprit, brouiller vos sens ou vous désinhiber si cela vous intéresse tellement. »
Il tendit une main ouverte en ma direction, comme pour m'inviter à expérimenter ce dont il parlait. Je restai interloquée et perplexe, ne bougeant pas d'un cil, attendant un tintement à mon oreille qui ne venait pas. Il était parfaitement sérieux. Et ses pouvoirs étaient aussi étranges qu'hétéroclites. Sibelle en profita pour glisser à l'oreille du guerrier qu'elle sera là pour le protéger lorsqu'il serait en transe et Sirius quant à lui était absorbé dans l'examen de la côte depuis sa longue vue. Aucun d'eux ne semblait le moins du monde perturbé par ce que Sirat venait de raconter.
Avant que la discussion ne s'attarde sur les curieuses capacités de l'humoran et comme je n'avais pas bronché ce dernier laissa retomber sa main puis revint mine de rien sur l'organisation de notre mission. Sirius rangea sa longue vue, nous fit remarquer que le petit deux-mâts à quai pouvait potentiellement être source d'information également et, contre toute attente, répondit enfin à ma question.
« Sans vouloir te décevoir, moi, j'suis juste un pirate. J'ai ce bateau, je sais me démerder quand y'a baston, j'ai un ou deux bibelots qui me protègent contre la magie d'eau et c'est tout. Après, sans vouloir me vanter, je suis sans doute le meilleur nageur que vous puissiez trouver dans cette partie du monde. Quoique, si tu veux du fantastique… »
Il s'empara d'un fantastique harpon entièrement sculpté de minutieux détails qu'il me semblait avoir déjà vu à ses côtés.
« Ce bidule m'a sauvé les miches plus d'une fois. Pas bien lourd, super solide, de l'ondyria de bout en bout. J'crois que c'est une sorte de relique. Il a un pouvoir... transformatif. Sur moi, il me permet de nager mieux que la plupart des créatures marines. Mais il fonctionne aussi d'une autre manière. »
Alors qu'il posait le bout de l'arme sur le pont, le navire tout entier émit un mugissement indéfinissable qui s'arrêta aussi net qu'il avait commencé lorsque le pirate rompit le contact entre l'arme et le navire.
« Mais j'ai jamais testé. Je sais même pas si le Masamune supporterait. »
Je le fixai avec des yeux ronds.
« Euh… c'était quoi ça ? Quelle autre manière ? »
Sirius se contenta de hausser les épaules et j'eu momentanément envie de l'éviscérer. N'avait-il donc absolument aucune information à partager avec nous sur les étranges pouvoir de son arme ? Tout comme Sirat il semblait en savoir bien plus qu'il n'en disait et je fulminai intérieurement. Ou alors, hypothèse bien plus sombre encore, ni l'un ni l'autre n'en savait plus que ça et allaient comme deux enfants jouant avec des pouvoirs qu'ils ne maitrisaient absolument pas et comprenaient encore moins. Je regrettais sincèrement qu'il n'y eu pas une autorité extérieure pour mener cette équipe au combat, quelqu'un qui aurait sû s'imposer, se faire respecter, les faire parler, et nous unir tous derrière un plan savamment mis au point. Hélas, ça n'aurait jamais été possible, pas avec trois tête de broc qui ont problème avec toute forme d'autorité. Je soupirai et me pinçai l'arrête du nez entre deux doigts le temps de réfléchir et de lâcher prise sur le chaos de notre équipée.
« Donc on met le Masamune à l'abri, on rejoint le port par les airs discrètement, on inspecte ce bateau abandonné et le début du camp qui est en partie désert… Je vous accompagnerai sous forme d'oiseau pour surveiller les environs et vous alerter de tout ennemi à proximité… Et après ? Je pourrais éventuellement aller jeter un oeil à cette porte que j'ai aperçue à l'arrière. Si quelqu'un a un nécessaire de crochetage je pourrais même tenter ma chance avec sas serrure si elle est fermée. Et je pourrai facilement prendre la fuite si besoin est. Il nous faudra bien trouver un moyen d'entrer, et je ne pense pas que la grande porte soit la meilleure idée si on a une autre option. »
Pas de réponse. Un hochement de tête imperceptible et déjà Sirius était parti donner ses ordres. Bientôt, le navire était à l'abri d'une crique que j'avais repéré plus loin et Sibelle fût montée par nos deux équipiers. Changée en faucon, je les guidai dans la pénombre, à bonne distance devant eux, jusqu'aux quais déserts. Là, Sirat s'agenouilla puis plaqua les mains au sol et s'absorba dans la transe que Sibelle avaient mentionné plus tôt. Restée sous sa forme d'hypogriffe, elle monta la garde comme promis. Toujours sous ma force de faucon moi-même je décrivis un cercle autour de mes trois compagnons en quête d'éventuels intrus - bien que fûmes les réels intrus. L'humoran reprenait ses esprits quand des cliquetis se rapprochèrent. Deux Garzoks modérément équipés menaçaient de venir dans notre direction. Alors même que j'allais mettre en garde mes compagnons ceux-ci avaient déjà repéré la menace grâce à Sibelle. Revenant vers eux, je vis Sirat prendre une étrange posture, Sirius se saisir de son arbalète et Sibelle tourner le dos à la scène et ramasser ses ailes pour se faire discrète. Prête à intervenir à tout instant je fis un nouveau demi-cercle à bonne distance pour surveiller les deux orcs qui s'approchaient dangereusement. L'un d'eux eu finalement un visuel sur l'étrange équipée et mon coeur manqua un battement mais il balaya le camp du regard sans s'arrêter sur quelque détail que ce soit et les deux soldats poursuivirent leur médiocre ronde. Je n'aurais su dire s'ils étaient profondément stupides, aveuglés par l'alcool ou la fatigue ou si l'humoran leur avait jeté un sortilège mais en tout cas nous nous en étions bien sorti. Je repris de la hauteur, histoire d'éviter si possible une nouvelle situation similaire et m'assurai qu'aucun autre Garzok n'était en mouvement. Seul le camp Lykior au loin bourdonnait de la même agitation que je lui avais vue plus tôt.
Je redescendis enfin vers les autres et repris mes traits elfiques en me posant à leur côté. L'hiniönne en profita pour interroger Sirat à voix basse sur ce qu'avait donné sa transe. Il évoqua le départ des troupes bien avant notre arrivée ainsi que différents noms, des ennemis qu'il avait su reconnaître, dont un en particulier qui me fit tiquer : Azra. Je ne l'avais que brièvement rencontré des années auparavant à Kendra-Kâr mais l'expérience avait été parfaitement désagréable et je n'étais nullement surprise de le savoir dans le camp d'Oaxaca. Hélas je ne connaissais pour ainsi dire rien d'utile à son sujet et Sirat en savait sûrement tout autant voire bien plus que moi. Je fus toutefois surprise d'apprendre qu'il avait été en Aliéanon également, tout comme un certain Ezak qui se trouvait peut-être avoir un lien avec le baron D'Arkasse qui habitait d'ordinaire le château Vendrak. J'aurais volontiers questionner l'humoran sur les personnes qu'il venait d'évoquer mais elles étaient vraisemblablement occupées à assaillir le port d'Oranan à présent et connaissant la limite de ce qu'acceptait de partager notre ami félin je décidai d'épargner ma salive. Il était de passer à la suite du plan. Sibelle me devança pour une fois et valida ma suggestion de reconnaissance à la porte arrière du château tout en proposant de fouiller le camp pendant ce temps. Je n'y voyais pas d'inconvénient, tant qu'ils restaient prudents. Je demandai presque à Sirius s'il avait un bibelot magique quelconque pour trafiquer les verrous à tout hasard mais me ravisai. Si elle était fermée il vaudrait de toute façon mieux que nous décidâmes ensemble de la marche à suivre plutôt que je m'attaque à cette porte au risque de faire réagir qui que ce soit qui pourrait être à l'intérieur. Je partais simplement en reconnaissance.
« Bon, je vais explorer les possibilités que nous ouvre la porte arrière. »
Aussitôt, je repris ma forme de petit rapace et filai au-dessus du camp plongé dans les ténèbres. Les sens aux aguets, je rejoignis la fameuse porte, me posai, me retransformai en elfe et observai le sol autour de moi, à la recherche d'une trace qui m'indiquerait si l'entrée était fréquentée. Puis avec la plus grande des délicatesses tentai d'ouvrir le panneau de bois.
Utilisation de l'aptitude rp de pistage pour détecter s'il y a eu du monde qui est passé par là récemment, avec l'aptitude rp de vision nocturne et de marche silencieuse. Puis tentative d'ouverture de la porte.