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La guerrière gère la rencontre en toute diplomatie. Cela me rassure de voir qu’il ne s’agit pas simplement d’une brute épaisse dénuée de cervelle, fait déjà étonnant pour une femelle. Elle nous présente, présente notre mandataire et exprime la raison de notre venue. Les armes sont exclusivement dirigés vers moi, je reste immobile, stoïque, las, habitué. Un officier aux cheveux noirs et courts s’approche pour inspecter le document de Sibelle. Je peux voir son visage marqué des signes de mépris et d’agacement au fil de sa lecture, je le mord la lèvre pour ne pas en sourire. L’officier déplore finalement la décision de la commandante de Nessima et déclare que c’est insensé de demander de l’aide à des étrangers, à plus forte raison encore à des Eruïons. Il fait signe aux archers d’abaisser leurs armes et je me permet enfin de prendre une posture plus détendue tout en gardant mes mains bien visibles. Il nous informe que le commandant de la place forte est absent depuis deux jours, parti avec une centaines d’hommes régler le problème des raids d’elfe bruns au sud. Il me jette un regard rancunier, je devais déjà subir des regards pesants pour appartenir à une espèce immonde, voilà que je prenais également pour leurs cousins du Naora. Je me préserve néanmoins de le prévenir que je ne suis pas un Eruïons mais un Shaakt, n’étant pas certain que cela jouerait en ma faveur.
Sibelle, elle, n’hésite pas à l’expliquer et explique que c’est un bien un Elfe noir qui se tient face à lui. Je reste immobile, n’affichant même pas mon agacement par la moindre grimace. Fort heureusement cela ne change rien pour le Sindel qui considère que ça n’a pas d’importance, pour lui je suis un ennemi et son seul désir est de m’abattre. Les elfes gris sont apparemment disciplinés mais j’ai quand même des doutes concernant leurs patiences. Pour ne pas m’éterniser ici je me racle la gorge, signifiant que je souhaite m’exprimer. Il me regarde comme un insecte ce qui ne peut pas manquer de me faire sourire. Au fond le voir ainsi tiraillé entre les ordres et sa volonté m’amuse plus que je ne le pensais.
« Nous souhaitons simplement tirer au clair l’origine des mouvements nocturnes qui ont eu lieu par ici. »
Je poursuis, taquin en exprimant une volonté et non une interrogation.
« Dites nous où vous les avez aperçus et nous ne resterons pas très longtemps ici. »
Sibelle complète ma directive, souhaitant peut être rattrapé mon abus de langage. Elle use de formules de politesse et déclare que son aide serait très apprécié. Cela fonctionne à priori car le garde ne s’irrite pas d’avantage et déclare que les créatures ont été aperçus dans un camp forestier dévasté au nord.
« Est-ce qu’il était déjà dévasté avant de les avoir aperçus là-bas ? »
L’officier m’informe que non et que ce sont bien ces maudites créatures, désigne t-il, qui en sont responsables. Ils ne se contentent donc pas de simplement se déplacer, ils attaquent également. Sibelle demande si des faits particuliers ont intrigués les témoins. Il va hausser un sourcil et prendre de haut Sibelle, se moquant presque avant de fournir finalement un détail important, les créatures sont lourdement armés et porteraient des armures en métal noir. Je plisse les yeux, du métal noir, se pourrait-il qu’il s’agisse d’Olath ?
Sibelle interroge l’officier sur la hauteur des créatures et il s’avère que cela pourrait bien être des nains. Pourquoi des nains se mettrait à se battre contre des Sindels et où trouveraient t-ils assez d’Olath pour équiper toute une armée ? Je songe immédiatement â Oaxaca, dont sa cité démontre la passion qu’a la semi-déesse pour ce métal élémentaire. Mais engager une armée de nains ? Je demande à l’officier si d’autres attaques ont eu lieu. Il répond qu’à sa connaissance ce n’est pas le cas mais qu’ils ont étés vus il y a quelques semaines au abord du delta du fleuve Sithialë. Je me tourne vers Sibelle pour lui demander de sortir sa carte, craignant de prendre une flèche dans le crâne si ma main effleure mon sac. L’officier darde vers moi un regard agacé et me demande si je le prend pour un sauvage sans parole. J’ai envie de répondre que je le prends pour un idiot mais je me ravise et déclare simplement en souriant pendant que Sibelle accepte de déplier sa carte.
« Vous avez vos mesures de sécurité et j’ai les miennes... »
Je remercie la guerrière d’un signe de tête et de me pencher sur le bout de papier. Après quelques questions j’apprends que l’attaque du camp est plus récent. La présence de la carte me permet de mieux appréhender le mouvement des nains.
« Si ce sont des nains et qu’ils sont équipés d’Olath, ils cherchent sans doute à rejoindre la montagne pour y creuser des galeries. »
Sibelle précise qu’un autre groupe se dirige déjà vers le delta et qu’elle préfère se rendre au camp. J’acquiesce avant de déclarer.
« Ce sont les montagnes notre destination. »
L’officier me semble un peu perdu mais n’a pas l’air de vouloir l’admettre, il garde le silence alors que Sibelle me demande pourquoi je parle d’Olath.
« Le métal noir qui les rends difficiles à percevoir. Je pense qu’il s’agit d’Olath. Un métal d’obscurité. Olath veut dire sombre en Shaakt. »
Sibelle conclue elle aussi qu’il doit bien s’agir de Thorkin mais se pose la même question que moi, que viennent-ils faire ici ? Elle se demande si une ressource présente ici pourrait les attirer.
L’officier affiche une mine ahurie et demande ce que sont des nains. Je laisse à Sibelle le soin de lui décrire ces créatures dont elle dresse un portrait peu élogieux. Je continue d’inspecter la carte cherchant à décerner une logique dans tout ceci. Le Sindel rétorque avec un air suffisant que si il y avait des ressources dans ces montagnes elles seraient exploitées.
« Vous n’êtes pas des nains. » déclarais-je sans lever les yeux de la carte du continent.
« Ils sont imbattables en ce qui concerne le minage et l’excavation. Même par des Sindeldi. »
L’officier désigne les nains comme des sauvages incultes et après un regard noir déclare avec orgueil que personne ne surpasse les Elfes gris. Je me garde de lui répondre que je venais de revenir d’un monde ou un bon millier de Sindeldi s’étaient évaporés en une fraction de secondes, que leur capitale avait subi une attaque durant laquelle ils ont perdu leur dirigeant et qu’avant ça c’est tout un monde qu’ils ont perdu. Un orgueil mal placé, le même qui a conduit Izurith à la destruction. Un orgueil de femelle qui fait chuter dans mon estime l’officier qui n’était déjà pas bien haut. Je le vois probablement comme il me voit. Je tente de le convaincre une dernière fois de prendre cette menace au sérieux mais je sais déjà qu’il n’y a plus rien à tirer de cette conversation. Sibelle semble fatiguée elle aussi de communiquer avec l’officier, elle lui redonne son nom avant de le remercier. Elle se tourne ensuite vers moi et me demande si nous pouvons nous mettre en route ou si j’ai d’autres questions. Je secoue la tête.
« Non. J’en sais assez. »
Elle range sa carte, remercie une troisième fois le Sindel que moi je décide d’ignorer et me demande si nous prenons à nouveau la voie des airs.
Pas vraiment enjoué à l’idée de voler à nouveau mais conscient que le gain de temps est considérable, je répond.
« Nous pouvons voler tant qu’il fait jour et continuer à pied quand il commencera à faire nuit. »
Je récupère mes affaires sans gestes brusques tandis que Sibelle se transforme à nouveau. Je grimpe sur son dos et m’amuse des regards surpris des Elfes Gris avant que Sibelle ne décolle.
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