La Milice de Lebher

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Yuimen
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La Milice de Lebher

Message par Yuimen » sam. 6 janv. 2018 11:39

Milice de Lebher

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Emblème de la ville et de la milice

Les miliciens de Lebher luttent de toutes leurs forces face aux invasions Orques qui s'étendent de plus en plus vers eux. Ils s'occupent quasiment uniquement de la défense de la ville et ne gèrent pas beaucoup l'intérieur de la cité. Il y a majoritairement des Elfes Bleus et Blancs dans les rangs, mais tout autre individu est le bienvenu du moment qu'il est prêt à affronter la mort et les Orques.


Comment s'engager ?

En jeu, vous devez contacter un milicien gradé qui vous inscrira sur une liste secrète. Il vous fournira si besoin du matériel aux couleurs de la ville et si possible un premier ordre de mission. La réponse du milicien sera faite par un GM !

N'OUBLIEZ PAS de demandez dans le SOS GM qu'un GM s'occupe de votre inscription.

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Kymil
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Re: La Milice de Lebher

Message par Kymil » jeu. 24 févr. 2022 18:22

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Pendant des jours, elle travailla dur à la boutique pour rattraper le retard accumulé par son entraînement quotidien. Entraînement qu’elle délaissa dès le lendemain de sa rencontre avec l’inconnu. Ses pensées, en revanche, étaient presque entièrement tournées vers la proposition de ce dernier, qu’elle avait décidée d’accepter. Elle irait à la milice le lendemain, mais pas sans avoir finit sa dernière création.

Elle avait imaginé un bijou en forme de sphère forgée en fins fils de métal entrelacés, dans laquelle elle plaça la perle du cœur de l’océan. A l’aide d’une longue chaine en argent, elle l’attacha et la cacha sous les tentacules à la base de sa nuque. Un trésor que nul ne pouvait maintenant voir, dont nul autre qu’elle pouvait deviner l’existence.


Le lendemain, pleine d’incertitude malgré sa détermination, elle marcha longuement jusqu’à la milice où elle reconnue de loin le blason bleu clair de la ville, orné d’une créature maritime mythique. Emmitouflée sous son manteau de fourrure, elle resta devant les portes abîmées en bois sombres. Elle fit un premier pas, se dit qu’elle n’avait rien à perdre si ce n’était du temps, et poussa les lourdes portes qui se refermèrent lourdement derrière elle.

Au milieu de la pièce immense sous les toits trônait une monumentale cheminée ouverte, aux braises hautes et aux flammes rougeoyantes. Il faisait bon dans la salle malgré sa taille et le long couloir ouvert vers l’extérieur dont on pouvait sentir les courants d’air. Aux murs étaient accrochés des tableaux et des râteliers d’armes, de lourdes armoires faisaient office de mur de séparations, plusieurs tables bordées de bancs étaient disposées au fond de la salle.
Un large et haut bureau était installé à quelques mètres de l’entrée, entouré de braseros. Derrière lui, en pleine discussion houleuse se tenaient deux elfes, un Earion solide d’apparence et un vieil Hinion au visage marqué par une vilaine cicatrice. Kymil s’approcha et leur rendit leur salut avec empressement.


« L’un de vos recruteurs m’a approché et m’a dit que vous recherchiez des gens déterminés à défendre notre peuple et notre cité. Je suis venue vous demander de me permettre d’intégrer vos rangs.
- L’un des nôtres hein ? Lequel était-ce ?
- Euh … je ne connais pas son nom, dit Kymil en réalisant la chose au même instant. Un Earion aux yeux foncés, à la peau claire tachetée comme un pelage … un peu sans-gêne, rajoute-t-elle à la fin en les voyant chercher.
- Aaaah ! c’vieux bougre oui, il est doué pour racoler. Comment y t’a convaincue toi ?
- Il ne s’agit nullement de racolage. Je l’ai rencontré alors que je participais à "la pêche aux talents". Il n’a fait que me démontrer qu’il me manquait l’essentiel pour l’armée.
- Je vois. T’inquiète pas, on lui fait suffisamment confiance pour pas remettre en doute tes motivations. Bon, j’te confie à lui. Dit l’Earion en désignant son vieil acolyte. Moi je vais … régler ce problème, ajouta-t-il d’un air grave et entendu en croisant le regard de l’Hinion. »

Modifié en dernier par Kymil le mar. 19 avr. 2022 17:08, modifié 1 fois.

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Gamemaster8
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Re: La Milice de Lebher

Message par Gamemaster8 » lun. 28 févr. 2022 19:43

Mission de milice pour Kymil

Le vieil hinion te fixa quelques instants, songeur, puis te dit d'une voie enrouée et chevrotante

"Je pense que j'ai une mission pour vous... Tout d'abord, vous devez comprendre qu'en tant qu'apprenti, on ne vous confiera pas des missions très dangereuses. Pour accéder à de tels missions, vous devrez d'abord faire vos preuves et monter en grade.... Votre première mission en sera donc une d'escorte."

Il réajusta ses lunettes et fouilla dans une petite pile de parchemin. Il les consulta une à une, puis contrarié, recommença une seconde fois. Ne semblant pas trouver ce qu'il cherchait, il se gratta la tête, puis marmonna pour lui-même.

"J'étais pourtant certain d'avoir vu cette demande d'escorte."

Il consulta les autres piles sur son bureau, en vain. Puis il se leva avec l'intention de se diriger vers une étagère remplies de dossiers, lorsque son regard se porta sur la poubelle. Il laissa échapper un juron à peine audible, se pencha et ramassa un parchemin quelque peu replié. Il le défroissa du mieux qu'il put de ses mains, puis s'assied de nouveau derrière le bureau.

Visiblement contrarié, il relut en silence le contenu de ce parchemin avant de lever son regard vers toi.

"Comme je vous disais, il s'agit d'une demande d'escorte... Par contre, cette demande est un peu particulière.... et apparemment certains ne l'ont pas prise au sérieux."

Il se leva pour t'indiquer une carte de Nosveris épinglé sur le mur.

"Il s'agit d'escorter une marchande de Lebher d'ici jusqu'au santuaire de Ratinan Dera."

Il reprit sa place à son bureau avant de rajouter:

" En principe, cette mission n'est pas très dangereuse. Cette marchande honnête n'a pas vraisemblablement d'ennemis... Elle demande d'être escorté, elle et son enfant jusqu'au temple, car elle craint que celui-ci se fasse enlever. Elle dit avoir reçu des menaces en ce sens par missive."

Il hésita quelques secondes avant de rajouter.

" Le souci,... c'est qu'elle dit depuis quelques années avoir un enfant, mais personne ne l'a jamais vu. Elle donne pleins de prétexte pour le garder dans sa demeure. La rumeur coure qu'elle n'a jamais eu d'enfant et qu'elle est devenue cinglée suite à la mort de son mari quelques années de ça."


Il sortit une plume, la trempa dans un encrier, puis te tendit la plume et le parchemin.

"Des questions ? ... Si vous acceptez cette mission, je vous demande d'inscrire votre nom ici en bas."

((( Je n'ai volontairement donné aucun détail sur la marchande en question, ni sur ceux qu'elle soupçonne d'avoir enlever son "enfant" afin de laisser pleine liberté à ton imagination. C'est aussi à toi de décider si le présumé enfant existe ou pas. )))
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À votre service, pour le plaisir de rp !

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Kymil
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Re: La Milice de Lebher

Message par Kymil » mar. 19 avr. 2022 16:44


Le vieil hinion observa Kymil avec l’intensité et l’âpreté du vieil âge. De sa voix chevrotante et son timbre assuré, il lui confia qu’il pensait avoir effectivement une mission taillée pour une apprentie.

« Vous devez comprendre qu’en tant qu’apprenti, on ne vous confiera pas des missions très dangereuses. Pour accéder à de telles missions, vous devrez d’abord faire vos preuves et monter en grade. Votre première mission sera donc une escorte … »

Disant cela, il fouilla à plusieurs reprises une pile de parchemin. Visiblement contrarié, il se plaignit de ne pas le trouver dans cette pile et chercha d’un bout à l’autre du large bureau, puis se dirigea vers les étagères avant de s’immobiliser soudainement, les yeux rivés vers une poubelle au pied du meuble. Contrarié mais obstiné, il maugréa entre ses dents et entreprit de lisser le parchemin avant de revenir vers Kymil.

« Cette demande est un peu particulière,
dit-il après avoir relu le parchemin. Et visiblement certains ne l’ont pas prise au sérieux.
Il s’agit d’escorter une marchande de Lebher jusqu’au sanctuaire de Ratinan Dera. »


Tous d’eux s’approchèrent de la carte murale immense accrochée au mur et où étaient annotées de nombreuses informations sur les sentiers et les villages connus. Même si situé à l’extrême nord de la forêt ancestrale d’Astirya, le vieil Hinion affirma que rejoindre le sanctuaire n’était pas dangereux en soit. La marchande avait demandé récemment une escorte pour elle et son enfant afin de s’y rendre car elle avait reçu une mystérieuse missive la menaçant de lui enlever sa progéniture.
A cette dernière information, l’Hinion fit une pause et pinça ses lèvres en signe d’hésitation.

« Le souci, c’est qu’elle dit depuis quelques années avoir un enfant, mais personne ne l’a jamais vu. Elle donne plein de prétexte pour le garder dans sa demeure. La rumeur coure qu’elle n’a jamais eu d’enfant et qu’elle est devenue cinglée suite à la mort de son mari quelques années de ça. »

Il jaugea la jeune Elfe face à lui, concentrée, attentive, qui lui sembla en grande réflexion tandis qu’elle observait encore la carte. Lorsqu’elle se tourna vers lui, il lui tendit une plume préalablement trempée dans l’encre et lui demanda d’inscrire son nom si elle acceptait la mission.

« C’est un long voyage, avez-vous des conseils ? Demanda-t-elle en prenant la plume en main.
- La cliente dit vouloir recourir à son propre moyen de transport, vous n’aurez à vous inquiéter que de sa sécurité. Je vous conseille d’être prête à partir avant de vous présenter à elle, sa missive date de plusieurs jours maintenant …
- Je comprends tout à fait, j’espérais avoir plus de temps.
- Ne vous précipitez pas. Votre responsabilité est sa sécurité et protection, point sa bonne humeur. Je préfère recevoir des griefs de retard que d’apprendre l’échec de l’un des nôtres.
- Très bien. Je serais prête, je ne vous décevrai pas.»

Sur le registre, Kymil écrivit son prénom et eut un instant de recul.

« Qu’y-a-t-il ? demanda le vieil Hinion au regard impérieux.
- Hé bien … la milice est réputée quant à sa discrétion, et, mon nom est-il nécessaire ?
- Je vois, dit le milicien après avoir observé la jeune elfe d’un œil plus scrutateur. Vous ne l’êtes pas non, mais sachez que ni l’un ni l’autre ne sera divulgué hors ces murs. Personne ne contrôle les effectifs de notre milice, comme nous ne nous mêlons pas des autres guildes.»

Après mûre réflexion où défiance et confiance se disputèrent, Kymil ajouta son nom et prit le parchemin de mission. Le cœur battant, elle quitta les locaux de la milice et rejoignit sa chambrée en ville aussitôt.

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Nhaundar
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Re: La Milice de Lebher

Message par Nhaundar » lun. 2 sept. 2024 15:55

IX 2 Une opportunité précieuse

IX 3 Les geôles du nord avec tout le confort


Les geôles du Nosvéris sont identiques à celles connues sur le Nirtim, à ceci près qu’il y fait un froid bien plus mordant. Pour y résister, j’ai droit à une épaisse fourrure qui a vu passer bon nombre de prisonniers, au vu de l’odeur qu’elle dégage. Même avec, la température basse est difficile à supporter. Tant qu’il me reste des forces magiques, je profite que personne ne s’intéresse à moi pour user de mes fluides de feu en élevant la température. Je ne sais pas encore quel sort va m’être réservé. Certes, j’ai effectivement sauvé la vie d’un homme, mais je sais que Lebher abat à vue d’œil shaakt, garzok, sekteg, en fait tout, ce qui pourrait servir aux desseins noirs d’Omyre et de ses cités alliées. Mange-Botte devrait être sous bonne surveillance selon les ordres du capitaine. Je n’ai plus qu’à attendre qu’on vienne me chercher.

J’ignore combien de temps j’ai à attendre et mon esprit se met à vagabonder. Bien sûr, Sylve me revient rapidement en tête, mais pour l’heure, je dois penser à moi. Garantir ma sécurité d’une quelconque façon pour m’assurer que mon Corgy géant soit bien traité. Alors je pense à autre chose et c’est cette eau étrange qui hante à présent mon esprit. Le liquide a été projeté sur moi et la manière dont il a pénétré mes pores ne laisse pas de place au doute selon moi. S’il s’agit d’une forme de poison, il tient sa source d’un sort. Une magie de l’eau dont les fluides sont à ma disposition. Mes souvenirs me permettent d’analyser grossièrement ce qui m’a affecté. J’ai le temps pour essayer de le reproduire et les ressources nécessaires. Mon cœur est toujours meurtri, cependant ma curiosité magique prend le dessus sur mes émotions, les amoindrissants.

(Voyons. Il y a eu un lancer d’eau. Puis l’eau a pénétré à l’intérieur de mon corps pour y faire…quelque chose qui m’a affaibli. Puisque je ne connais aucun sort de cet élément, la première étape commence déjà par générer de l’eau.)

Je focalise mes ressources magiques d’eau pour les rassembler dans le creux de ma main. Manipuler le fluide d’eau est différent des autres et m’amène à réfléchir sur le maniement à présent instinctif de mes fluides habituels. Celui de terre est compact. Lourd, mais facilement forgeable. Le feu a tendance à se dissiper rapidement s’il n’est pas maîtrisé et possède de grandes capacités tant qu’on parvient à le contenir. La lumière est davantage comparable à une aura diffuse. Elle est facilement travaillée tant qu’elle se nourrit des émotions positives du lanceur. L’eau, elle, s’écoule lorsque je la manipule. La guider est comme chercher à contrôler l’écoulement d’une rivière. Chaque tentative de ma part se solde par une forte opposition, comme si je luttais face à une crue soudaine et implacable. Forcer mon contrôle sur elle revient à obliger un fleuve à aller à contre-courant à la seule force de ses bras. Alors j’abandonne. Du moins, cette façon de procéder. Plutôt que d’imposer mon contrôle, je me laisse guider par le flux du fluide. Je le laisse couler en moi, formant un cycle, une boucle magique. Petit à petit, je le pousse à modifier son cours et cette fois-ci, je parviens à manipuler mon fluide comme je le souhaite. Contrairement aux autres, la magie de l’eau nécessite beaucoup de délicatesse dans son maniement. Il faut savoir la guider, sans la brusquer. La manipuler, sans la faire déborder. Chaque tentative semble nécessiter une union parfaite entre les deux, la magie du fluide et la volonté de l’utilisateur.

Continuant mon maniement, je fais passer le fluide jusque dans l’extrémité de mes bras, de mes doigts, jusqu’à ce qu’en le concentrant au bon de mon index, un filet d’eau se met à jaillir. Fluide, fin, un écoulement parfait et une clarté semblable à une source d’eau potable. Curieux, je focalise ma concentration pour perdurer cet écoulement et petit à petit, je rapproche une gamelle ayant servis à d’ancien locataire. J’arrête l’écoulement de mon doigt qui commence à me fatiguer mentalement et m’intéresse au contenu. Hormis la propreté du récipient qui laisse à désirer, l’eau à l’intérieur me paraît tout à fait propre, voir consommable. Il me faut l’approcher de mes lèvres pour en avoir la certitude. Le fluide d’eau me permet de faire couler un mince filet d’eau potable, assez pour étancher ma soif. Les autres éléments me permettent d’autres possibilités comme le feu qui me réchauffe actuellement, ou la terre pouvant modeler le sol et former une petite cheminée sur laquelle j’aime y poser ma chaussette de No-Hell durant les fêtes. J’ai hâte de savoir ce que le fluide d’eau me permet. D’ailleurs, je n’ai jamais tenté de connaître mes possibilités de la lumière.

Pour l’heure, c’est ce sort d’eau qui m’intrigue et attise ma curiosité.

(Bien ! De ce que j’en sais, il s’agit d’un fluide qui engendre un affaiblissement du corps de type poison. Commençons par la base, la projection d’eau.)

Dans un premier temps, je génère de l’eau dans ma main et la lance d’un geste de poignet. Le résultat est surprenant, je me mouille tout seul. Je n’ai littéralement aucun contrôle sur cette petite surface d’eau. C’est peut-être ça d’ailleurs le souci. Je génère donc de nouveau un liquide en usant davantage de contrôle. Par habitude avec mes boules de feu, j’ai le réflexe de générer un orbe d’eau au-dessus de ma main. Je la lance comme on le ferait avec une balle et celle-ci s’éclate contre le mur en une sorte de mini explosion d’eau. Cependant, ce n’est pas le souvenir que j’ai eu. Ca m’a semblé, bien mieux contrôlé. La boule de feu est émise par ma magie et là, ce n’est pas le cas. Avant de retenter la chose, je m’assure encore que nul n’est présent. Faire appel aux esprits pour regagner mon mana va attirer sur moi une attention non désirée et je vais devoir répéter l’opération souvent. Heureusement pour moi, il n’y a personne. Heureusement ou pas car s’ils n’ont pas de prisonnier, ils ont peut-être une justice expéditive.

Bref. Je recouvre mon mana et use de ma magie cette fois pour la lancer. Je dois noter une différence avec le feu. Il est plus facile à contrôler. L’eau est un élément plus lourd et sujet à une certaine résistance. Lancer mon orbe n’est pas évident. Ca me rappelle cette sensation de lutter contre courant…

Une idée étrange me vient. Celle de créer une sorte de courant, un sens de déplacement via mon fluide d’eau et d’en user pour propulser mon orbe. Je m’attèle à la tâche immédiatement et génère un courant en moi avant d'engendrer mon orbe. Celui-ci ondule naturellement avec le courant en moi. Me laissant porté par le courant, un peu comme les vagues qui vont et viennent, je me familiarise avec le rythme et projette l’eau lorsque je me sens en phase. L’orbe est projeté en avant avec plus de force et un meilleur contrôle de la trajectoire.

(Parfait ! Il me reste à travailler sur l’aspect poison à présent.)

Savoir projeter mon orbe est une chose, il faut maintenant comprendre comment changer l’eau en une sorte de poison. Pour cela, il me faut mieux connaître cette eau que je génère. Ainsi, je m’assois au sol, crée une petite flaque aux creux de mes mains réunies et plonge mon esprit, ma concentration dessus. Petit à petit, je perçois ce qu’elle contient, sa composition et comprends un peu mieux ce que j’ai entendu sur les éléments contenus dans l’eau, nécessaire un bon fonctionnement du corps et pourquoi, une eau totalement purifiée de ses impuretés, n’est pas bonne pour le corps. Cependant, si je veux atteindre mon objectif, il me faut changer ou altérer la composition de cette eau pour obtenir une sorte de poison affaiblissant. Alors je médite. Je laisse mon esprit vagabonder dans cette petite flaque d’eau aux creux de mes mains. Lentement, je tâche d’altérer les différents éléments qui la constituent. Cette partie est plus compliquée qu’il n’y paraît. La raison est simple, j’ignore complètement la structure de l’eau, ou du poison en l’occurrence. Cependant, j’ai un avantage de poids : le temps.

Dans cette prison, nul ne pense que je vais réussir à m’évader et si j’y parviens, encore faudrait-il que je trouve un lieu sécurisé. Entre le sauvetage du messager et son sauvetage par les soins, j’ai donc tout le temps qu’ils se décident à savoir quoi faire de moi, après s’être inquiété des informations. Donc beaucoup. Cela me laisse le temps d’apprendre qu’il est possible d’altérer la flaque, mais partiellement. Aucune de mes tentatives ne tient bien longtemps, formant le plus souvent d’une mélasse visqueuse quelques instants. Je commence même à transformer la flaque pour qu’elle irrite ma peau. En réalité, je parviens à cela sans avoir recours à une dépense de fluide, à l’image de mon petit filet d’eau au bout du doigt. Néanmoins, cette irritabilité est ma meilleure avancée. Je continue donc sur le principe et essaie plusieurs variantes. Néanmoins, je suis obligé de m’arrêter à cause des sorts à répétitions et la fatigue physique. Je me sers un peu d’eau dans le bol avant de la prendre en main…ou d’essayer.

Mon sens du toucher avec amoindri, très clairement. Je n’ai plus la même sensation tactile et une simple saisie est compliquée. Je suis pris d’un doute. Est-ce réellement une fatigue physique due à mes sorts, et ce serait une première, ou autre chose ? Je réitère la flaque d’eau et la dépose cette fois-ci sur ma jambe. La faiblesse est rapide et ressemble à une jambe après une légère absence sang, mais sur une longue durée. Pour d’autres, cela pourrait être un passage trop long à la selle.

Une réussite selon moi. Du coup, je continue jusqu’à atteindre le but désiré. Je fais chou blanc. Plus aucune variante n’arrive à la hauteur de l’originale et celle-ci, n’a pas l’effet désiré.

(Ai-je pris un chemin qui ne mène à rien ? Mes suppositions sont-elles fausses au point que je dois reprendre depuis le début ? Reprenons ce que me souviens. Un jet d’eau. Le corps mouillé. La fatigue dans le corps… J’ai pas oublié quelque chose ? L’eau…enfin le poison, ne s’est pas infiltré sans mon corps ?)

Malheureusement, je songe à la question lorsqu’on vient me chercher, me poussant à rompre le sort qui réchauffe mon espace. Il ne me reste plus qu’à recommencer plus tard, à condition de ne pas avoir la tête qui roule au sol d'ici là.

Modifié en dernier par Nhaundar le lun. 2 sept. 2024 16:06, modifié 1 fois.

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Nhaundar
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Re: La Milice de Lebher

Message par Nhaundar » lun. 2 sept. 2024 16:05

IX 3 Les geôles du nord avec tout le confort

IX 4 L’échappatoire


On ne m’emmène pas hors de ma cellule. Je dirais plutôt qu’on me dégage sans ménagement. De temps à autre, je sens le froid et la piqûre de l’extrémité de la lance dans mon dos, tandis qu’un autre homme marche devant moi pour me montrer la voie. Sur le trajet, je suis la cible des regards. Je décèle de la haine dans leur attitude. Hautaine, dédaigneuse, tout le mépris que j’ai pu voir chez les gens depuis ma fuite d’Omyre semble se concentrer ici. Pourtant, je remarque autre chose, comme une forme de curiosité, d’incompréhension. Est-ce le sauvetage que j’ai réalisé qui les met dans un tel état ? Pensent-ils qu’à cause de ma nature Shaakt, sauver autrui est contre-nature ?

Je n’ai pas le temps de me dérouiller les jambes à l’extérieur que déjà je pénètre dans un autre bâtiment, plus sécurisé celui-ci. Les hommes y sont plus nombreux et ô combien armés. Encore une fois, je passe sous le jugement des hommes et femmes présents. Ce petit manège continue jusqu’à ce qu’on m’arrête devant une porte imposante. Trois coups secs, forts, résonnent dans le couloir où je me trouve. Une voix forte ordonne d’entrer et c’est sans ménagement que l’on me pousse à l’intérieur.

Une grande pièce chauffée par une cheminée bien fournie donne une chaleur douce et agréable. Les dorures sont raffinées et les décorations militaires sont érigées en de nombreuses fois : tableaux de soldats décorés, représentations de champ de bataille et statues de buste d’hommes. Les tapis au sol aident à offrir un sentiment de réconfort. Ce qui n’est pas le cas des deux hommes déjà en places. Un homme se tient sur le côté, adossé au mur près d’une fenêtre, les bras croisés, tourne la tête dans ma direction à mon arrivée. Il me faut quelques secondes pour me remettre son visage. C’est l’elfe blanc qui avait scruté mes faits et gestes durant mon "escorte" jusqu’à Lebher. Ce même elfe qui a lancé sur moi le sort d’eau qui m’a affaibli et que je tente de reproduire. Je devrais lui poser la question sur la méthode employée pour faire pénétrer le poison dans le corps. Le second homme, un Earion, est le chef qui m’a permis de vivre assez longtemps pour subir un interrogatoire douloureux. Assis dans un fauteuil richement garnis, il semble avoir une position plus importante que je ne l’aurais cru. Les deux gardes m’encerclent, armes en mains pour me montrer qu’ils sont prêts à s’en servir à la moindre occasion.

"Qui es-tu ?" Me demande le chef que je qualifierais à présent de capitaine.

"Nhaundar Zanakfein messire." Répondis-je en me tenant aussi droit que possible, parlant haut et clair. Je n’ai après tout, rien fait de mal.

Rien pas de réaction particulière. Il cache parfaitement ses émotions par un visage fermé. Difficile de lire les traits de son visage dans ces conditions.

"Que fais-tu ici ?" Continue-t-il son interrogatoire.

"Vous m’avez fait demander messire !" Dis-je simplement.

Bien entendu, ce n’est pas la réponse qu’il souhaite, mais il reste toujours le visage figé. En revanche, j’entends sur le côté l’agacement d’un des soldats qui frappe sa lance sur le sol.

"Je répète." Reprend-il avec une légère pointe d’agacement dans la voix. "Qu’est-ce qui t’as amené sur nos terres, à te balader sans aucune crainte comme si tu étais chez toi ?"

"Il paraît que l’éclosion des fleurs de la région est magnifique en cette période de l’année !" Fais-je gaiement, cherchant une réaction.

Cependant, elle ne vient pas du capitaine, mais d’un des soldats. Forcée par un coup de pied brutal au genou, ma jambe ploie sous le choc et entraîne la seconde, m’obligeant à finir à terre avec force. On cherche à me rabaisser. On cherche à m’humilier. Cependant, je perçois enfin l’agacement du chef l’Earion qui m’interroge. Un début qui me permet de mieux le cerner ses intentions. Tapotant du doigt sur la table, il attend toujours sa réponse et ne semble pas vouloir céder en la reposant à nouveau.

"Je…je me suis égaré…messire." Fais-je tout simplement.

En portant mon regard sur lui, j’ai le temps de voir un échange fugace entre lui et l’Hinion. Un geste de la tête, hochant tout simplement, avant de reposer ses yeux sur moi.

"Es-tu envoyé par nos ennemis ?" Enchaîne-t-il calmement.

"Pas du tout messire !" Fais-je en répondant rapidement. Là encore, un échange se fait entre les deux elfes.

"Tu n’as donc aucune mission nécessitant ta présence ?" Demande-t-il ensuite.

Sa question semble directe. Suis-je ou non un ennemi ? Evidemment pas et voyant une porte de sortie, je m’y précipite.

"Bien sûr que non messire !" Fais-je toujours aussi immédiatement.

Il prend le temps d’une grande respiration avant de poursuivre.

"Tu n’as donc aucune information de valeur ? Rien qui justifierait de te garder en vie plus longtemps ?"

La question me fige sur place, envahie par mon sang qui se glace. Je me suis laissé guider sur ce terrain comme un ignare complet. Non, je ne suis pas un espion. Me garder n’a donc aucun sens tactique pour eux. Alors quoi ? Je laisse ma tête rouler sur le sol gelé de Lebher ? Après tout ce que j’ai vécu ?

"Alors ?" Force-t-il pour ne pas me laisser le temps de réfléchir.

"Je…j’ai servi dans la milice Oranaise. Je suis sûr que je peux vous être utile !" Dis-je pris par la panique.

Il regarde sur son bureau et porte son attention sur quelque chose hors de ma vue.

"Oui…j’ai lu ce document qui le…certifie !" Déclare-t-il.

"Oui ! Oui ! Celui-là même ! C’est bien la preuve de mon utilité !" Dis-je avec un espoir retrouvé.

"Ce que je vois c’est une falsification de grande qualité ! Quand bien-même il serait vrai, nous sommes à Lebher, pas à Oranan." Lâche-t-il dans un silence de mort, le bois crépitant accompagnant cet instant difficile. Puis il enchaîne en présentant divers objets en ma possession. "Tu avais sur toi des objets peu ordinaires, je l’avoue. Des babioles particulièrement inutiles." Fait-il en dénigrant mes précieux objets magiques aux pouvoirs surprenants.

"Ils ne sont utiles que puis celui qui a l’esprit ouvert…messire !" Fais-je malgré moi, prenant sa remarque comme une insulte impardonnable, avant de comprendre trop tard qu’on se joue de moi.

Si les lances des soldats sont acérées, l’extrémité opposée est, elle, particulièrement solide. Entre les mains d’un soldat aguerri, il n’est pas difficile de porter un premier coup au ventre pour me plier en deux et un second sur la nuque pour forcer ma tête à percuter le sol.

"En revanche…ceci est tout à fait remarquable." Déclare-t-il en dégainant mon épée magique. "Ce n’est pas une bonne arme de combat, mais il paraît qu’elle regorge de pouvoirs surprenants !"

(Je suis l’échange comme un simple spectateur. En continuant sur cette voie, c’est la mort assurée. Si je souhaite trouver une échappatoire, je dois créer une opportunité moi-même. Mais qu’ai-je à offrir, si ce n’est mes capacités magiques…)

Je regarde l’Hinïon qui continue de m’observer avec attention. Le visage impassible, adossé au mur il ne cesse de me scruter, de me détailler, de…m’analyser.

(C’est donc cela ! Lui aussi est un psychomancien. Il fait office de détecteur de vérité ! Et vu l’importance qu’il semble avoir, c’est lui que je dois convaincre !)

Fort de cette nouvelle information, je réfléchis à toute vitesse. L’Hinïon, la psychomancie, les pouvoirs contenus dans l’épée, la guerre avec Pohelis...

(…oui . Si mes soupçons sont fondés, ça peut fonctionner !)

Je regarde le capitaine avec toute la hauteur que je peux me permettre en étant à genoux, tandis qu’il tient toujours mon épée magique entre ses mains.

"Une épée d’une grande puissance oui. Cependant, vos hommes en sont-ils simplement dignes…messire ?"

Je perçois un mouvement de lance qui me crispe malgré-moi avant de recevoir le coup. Néanmoins, au travers de mes paupières qui font un va-et-vient particulièrement rapide, je discerne la main du capitaine qui l’arrête.

"Parce qu’un misérable Shaakt serait bien plus digne que n’importe lequel de mes hommes ?" Déclare-t-il, avec une voie encore plus froide que le climat à l’extérieur.

"Vos yeux vous trompent, messire. Vous voyez une peau noire alors c’est forcément un ennemi. N’est-ce pas ? Pourtant, j’ai au Nirtim, œuvré bien plus que n’importe lequel des miens pour fuir la réputation de ma race et sauvé la vie de nombreux êtres, jusqu’à l’Imiftil. J’ai œuvré pour la milice avec succès. Vous avez un document qui prouve qu’Oranan a bien fait l’effort de croire en moi. Une simple vérification vous assurera de mes propos. Je peux vous être d’une aide. Aussi insignifiante puisse-t-elle être, elle pourra toujours assister vos hommes sur le front de guerre !"

Le capitaine me regarde sans ciller, de ses yeux glaçant, avant de soudainement partir dans un rire moqueur.

"Toi ! Un Shaakt ? Tu proposes de nous servir sur le front ? Penses-tu sérieusement que je vais laisser une maudite peau noire user de sa magie au milieu de mes vaillants soldats ?"

"Absolument pas ! En revanche, je peux enchanter armes et armures pour qu’elles vous assistent dans votre conflit." Dis-je calmement. Mes propos semblent faire mouche, car il se tait soudain, arborant une réaction d’écoute sincère. "Je connais une magie permettant d’incorporer n’importe lequel de mes sorts dans une arme ou une pièce d’armure et des sorts, j’en connais de différents éléments. En plus d’user de sorts offensifs, je peux faire chauffer les armes de vos ennemis au point de les forcer à les lâcher. Je peux protéger vos soldats les moins équipés avec une enveloppe de pierre et de terre. Je peux user de magie curative, ou aveugler les assauts adverses quelques instants. Et je connais quelques sorts pour altérer l’esprit ennemi, en leur faisant croire qu’ils leur manquent une jambe ou un bras, en brouillant leurs sens au point que même les soldats les plus forts ne parviennent plus à tenir droit. Je suis même capable d’empêcher tout usage de magie ou technique de combat et pour vos mages, créer une onde de magie pour guider leurs sorts !"

Durant l’énumération de mes sorts, j’ai davantage porté mon attention sur l’Hinïon. Lui comme le capitaine semblent être intrigué par mes compétences et ce dernier cherche du regard la confirmation de l’aide que je peux apporter. Décroisant les bras, l’elfe blanc ouvre enfin la bouche.

"J’ai connaissance de certains de ces sorts en effet. Tout comme il en existe bien un qui permet d’incorporer des sorts comme il le prétend." Explique-t-il à son capitaine, avant de revenir à la charge. "Néanmoins. Cela demande des besoins en magie particulièrement conséquents. Un coût en potions de mana bien supérieur au gain possible. Ce n’est que de l’esbroufe, une vaine tentative de gagner du temps !" Clame-t-il en me portant un regard empli de haine, avant de se tourner vers son supérieur.

(Fichtre, il haïe lui aussi les Shaakt. Fallait s’y attendre.)

Celui-ci sourit à la réplique de son homme de main, jugeant l’entretien à son terme.

"Et si je suis en mesure de me passer de potions de mana ?" Fais-je tout simplement, balayant ainsi le seul argument qui m’est défavorable.

"Impossible !" Grogne-t-il de toutes ses dents à mon attention.

"Souhaitez-vous que je vous prouve le contraire ?" Fais-je le plus calmement du monde, contrastant avec la colère évidente qui m’est adressée, avant de chercher du regard l’avis du seul homme capable de décider.

D’un ordre simple et d’un regard autoritaire, un des soldats laisse tomber à mes pieds un brassard. Je tends la main pour le saisir, qu’un coup de pieds l’éloigne de moi pour arriver près de l’Hinïon. Je m’apprête à me relever que la voix du soldat me l’interdit, jugeant cette position trop dangereuse pour la sécurité du capitaine. Je suis donc contraint et forcé de marcher à quatre pattes jusqu’aux pieds de mon homologue psychomancien à la peau blanche. Je ramasse la protection et entreprends de monopoliser mes fluides, qu’un bruit désagréable et un froid à la gorge déplaisant se font sentir.

"Au moindre signe d’agression, ta tête aura la capacité de voler quelques instants !" Me menace-t-il, sa lame dégainée et pointée sur ma gorge.

Je lui adresse un maigre sourire et recommence à concentrer mes fluides en moi. L’ambiance est plutôt tendue et ma situation ne prête guère à l’aisance magique. Je fais donc le vide en moi avant de plonger à nouveau dans mes ressources magiques. J’use de mon savoir pour créer le réceptacle qui servira à recevoir le sort à lancer, puis focalise ma concentration pour y incorporer le sort permettant de recouvrir ses réserves magiques, grâce à l’appel des esprits ambiants. Une fois cela fait, je regarde l’objet de mon travail et le porte à l’Hinïon. Lorsque celui-ci cherche à le prendre, je l’éloigne de sa main et précise.

"Comprenez qu’il s’agit-là d’un sort pour recouvrir ses réserves magiques. Il faut donc au préalable qu’elles ne soient pas au maximum. Pourquoi ne pas faire usage de votre sort sur moi, celui qui m’a éreinté ? Je me demandais justement comment le liquide s’infiltre dans la peau. Est-ce une composition du poison particulière ou une volonté de l’utilisateur qui permet cela ?"

Ma demande semble l’irriter particulièrement, au vu du rictus de colère qui anime son visage. C’est avec un grand plaisir qu’il use de sa magie sur moi. Je vois le liquide se former dans da main, avant d’être projeté d’un simple geste du poignet. Ses doigts sont toujours dirigés vers moi, alors que je sens le poison s’infiltrer avec force au travers de ma peau, engendrant rapidement une faiblesse généralisée lorsqu’il se répand dans le reste de mon corps. Ainsi, il faut maintenir la concentration sur le poison. Ma théorie se confirme donc. Après cela, l’Hinïon se concentre sur la protection et observe avec attention l’incrustation de mon sort. Il porte un premier coup d’œil rapide, presque méprisant sur mon travail. Puis après quelques secondes d’examen, son attention est plus importante, davantage studieuse. Comme s’il avait fait une importante découverte. Il me jette un regard d’incompréhension, avant que l’ombre d’une hésitation ne se présente sur son visage et que finalement, il n’use de la magie qui s’y trouve. Entrant en communion avec les esprits, une aura s’imprègne autant en lui que sur lui, perturbant particulièrement toutes personnes qui y portent son attention. Des volutes magiques émanent de lui et s’en vont s’étaler comme des tentacules, à la recherche des esprits ambiants. Moi, je sais ce qu’il se passe, mais les esprits étant invisibles et seul le lanceur à la compréhension clair de ce qu’il s’y passe, pour un néophyte l’impression est clairement flippante.

(Ainsi, c’est cela l’effet généré par l’union du corps avec les esprits ? C’est fascinant !)

La magie se dissipe et alors que l’Hinïon garde le silence, le capitaine lui enjoint de dévoiler ce qu’il s’est produit.

"Il…" Commence-t-il en me portant de brefs regards, hésitant à poursuivre. "Il dit vrai. Il est en effet capable de se passer de potion." Cède-t-il enfin.

"On peut donc l’utiliser pour les enchantements ?" Demande simplement le capitaine.

L’Hinïon le confirme d’un simple hochement de la tête, avant de préciser qu’il faudra analyser chaque pièce individuellement, s’assurant ainsi qu’il n’y aura pas d’entourloupe. Le capitaine clos ainsi l’échange en indiquant aux gardes de me reconduire au cachot, avant de préparer le nécessaire pour ma tâche à venir. Il n’est nulle question de m’installer dans un espace confortable, mais bien de me surveiller avec attention. Pourtant, fort de mon utilité, je profite des derniers instants pour interpeller le capitaine après m’être relevé.

"Qu’en est-il de ma récompense ?" Fais-je simplement et faisant attirer à moi une véritable stupéfaction.

"Une…récompense ?" Répète le responsable des lieux. "Et en quel honneur ? Tu as encore ta tête sur tes épaules Shaakt, cela ne te suffit pas ?"

"N’ai-je pas sauvé la vie d’un des vôtres ? Un homme qui avait une certaine valeur d’après ce que j’ai pu voir. Ne pensez-vous pas qu’un tel mérite quelque chose en retour ?" Dis-je en me tenant droit.

L’Earion me regarde un instant, me toisant de toute sa stature, avant de répliquer sèchement.

"Le Shaakt marque un point." Commence-t-il, provoquant la stupéfaction des autres elfes présents. "Soit ! Je t’accorde une faveur, mais une seule ! Choisi bien. Couche confortable, nourriture décente, eau potable, pièce chauffée. Le choix est tient."

Les regards se portent rapidement sur moi. Que vais-je choisir ? De quoi manger et boire ? Certains auraient du mal à faire un choix, mais pour ma part, il n’y a qu’une seule évidence.

"Mange-Botte !" Dis-je haut et clair.

"Mange…botte ? Qu’est-ce ? Un étrange rituel Shaakt pour entretenir ses souliers ?" Déclare-t-il en provoquant des rires moqueurs.

"Non." Fais-je simplement lorsque les rires se sont assez estompés. "Mange-Botte est le nom de mon Corgy. L’énorme chien sur lequel je suis venu. La seule chose que je demande est que l’on s’occupe de lui. Qu'on s'en occupe avec soin. Il a été atteint par un maléfice qui a accru sa taille. Il n’est affilié à aucune organisation ou armé. Ce n’est qu’un chien. Géant certes, mais un simple chien, qui a besoin qu’on s’occupe de lui. Voilà ma demande, capitaine."

Ma requête le laisse sans voix. Grâce à ma magie, je peux monter la température ambiante ou remplir une gourde d’eau. Le choix de la nourriture aurait été une évidence, mais je dois penser à Mange-Botte et veiller sur lui.

"Requête acceptée !" Déclare finalement le capitaine. Alors que ses gardes me guident vers la sortie, il émet cependant une dernière remarque. "Sache cependant que ta vie n’est pas encore sauvée. Je vais présenter ce projet, les possibilités que tu offres, à mes supérieurs. Eux prendront la décision de ta réelle utilité. Emmenez-le !"


IX 5 Une demeure chaleureuse.

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Nhaundar
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Re: La Milice de Lebher

Message par Nhaundar » sam. 22 mars 2025 15:30

IX 11 Une tignasse blonde et un bonnet ridicule.

IX 12 Le retour d'un héros, les fanfares et le tapis rouge en moins.


Me voilà de retour à la milice de Lebher, mais cette fois-ci les choses sont différentes. A ma première venue, j’y étais en tant que prisonnier. Un misérable Shaakt présenté devant le capitaine, considéré comme un éclaireur trop avancé pour avoir été présent sur leurs terres. Désormais, je me présente après avoir été d’une aide décisive, dans une mission qui a viré critique avec le piège qui nous a été tendu. Sans moi, la tente de soin aurait été transformée en un bain de sang et selon Aëgis, l’expédition qui devait libérer un précieux prisonnier, aurait été un échec cuisant qui se serait répercuté en profondeur sur le moral des troupes de Lebher.

Cependant, bien que je me présente avec confiance, je n’arrive pas à m’enlever cette mauvaise impression qui se dégage de l’elfe blanc qui m’accompagne. Aëgis fait grise mine. Je mets ça sur le compte de l’échec de notre mission, mais en le regardant, on dirait qu’il souffre de toutes les misères du monde. Ai-je sous-estimé l’importance que son maître a, où y a-t-il autre chose qui accable son esprit ?

Nous arrivons devant les portes menant au bureau du capitaine. Un léger frisson parcourt mon dos au souvenir de ma première et dernière venue. Les gardes sont présents et bien qu’ils restent figés, semblant regarder droit devant eux, j’ai l’intime conviction qu’ils me regardent et me dévisagent. La présence de l’hinïon avec moi est une aide pour avancer sans craindre leurs hallebardes. Alors que les portes s’ouvrent, mon guide me met un coup de coude et m’indique du regard mon couvre-chef.

(Ho merde !)

D’un geste vif, je me saisis de mon bonnet magique et le dissimule sous ma tunique. Désormais privé de ma protection au froid, je ressens un courant d’air froid parvenir jusqu’à moi. Heureusement que l’espace où nous nous rendons soit réchauffée par une cheminée bien nourrit.

En passant, nous croisons quelqu’un dont le visage ne m’est pas inconnu. Il s’agit de l’hinïon dont j’ai sauvé la vie en arrivant, celui-là même qui a transmis un rapport concernant l’emplacement du prisonnier. Je lève une main en guise de salut, mais l’elfe blanc ne m’adresse pas un regard. Pire, la mine encore plus sombre que son homologue me guidant, m’indique que quelque chose de grave est à l’œuvre et que c’est à notre tour de l’affronter.

Nous pénétrons à notre tour dans le bureau du capitaine. Il est là, assit occupé à rédiger une note sur un parchemin. Dès mes premiers pas, la main portant sa plume se fige dans l’air et son regard se pose sur moi, me glaçant le sang bien plus que peut le faire le climat de cette région. L’homme ne cille pas en m’observant, comme s’il analysait chaque partie de mon être. Le temps me semble s’arrêter, mais ce n’est qu’une impression. Dehors, le vent soufflant et le crépitement de la cheminée sont les seuls à briser le silence terrible qui s’abat. En réalité, c’est moi qui me suis arrêté. Moi qui venais plus sereinement après mon aide, je tombe de haut devant l’homme qui peut décider de mon destin. Un mot, un seul et toute la garnison de Lebher me sautera dessus et ce n’est pas Aëgis qui me sauvera.

(Mais que se passe-t-il bon sang ?)

Je suis soudainement empli de doutes et de craintes, devant l’incertitude qui se présente à moi. D’un geste, l’Hinion qui m’accompagne me pousse à avancer en me prenant le bras sans animosité. Tandis que je fais les quelques pas qu’on me demande de faire, seule la main se pose sur le bureau, posant délicatement la plume qu’elle portait. Le regard lui, ne change en rien. Je ne saurais dire s’il a même cligné des yeux.

(Bon sang, reprends-toi !)

"Je…vous…vous m’avez demandé…capitaine…heu…Veuillez m’excuser j’ignore votre nom. Nul…nul ne m’en a informé." Fais-je bafouillant, pris par l’hésitation.

Rien. Pas un mot. Pas une réponse. Il ne cesse de me fixer intensément. Je regarde Aëgis et celui-ci parait…troublé. Profondément troublé.

"Vous êtes une anomalie." Lâche finalement le capitaine sans nom, se posant plus confortablement sur le dossier de son siège. "Un Shaakt se présente à nous. Il sauve la vie d’un de nos éclaireurs, use de magie sans relâche pour accroître les capacités de nos hommes et sauve miraculeusement nos blessés, nous évitant un effondrement du moral de la cité."

(Oui ? Et donc ? Pourquoi toute cette mise en scène ? D’où vient une telle froideur si j’ai été si utile ?)


"J’étais persuadé, comme beaucoup d’ailleurs, que ce n’était qu’une question de temps avant que votre vraie nature ne se dévoile." Continue-t-il, tandis qu’à ces mots, Aëgis s’agite quelque peu. Sa nervosité est clairement visible. "Alors que vous aviez une chance de tuer ou mutiler les blessés, de fuir pour votre vie vous soustrayant à votre captivité, vous avez opté pour un choix inattendu en protégeant les miens. De surcroît, votre adversaire était une véritable épine dans notre pied depuis un bon moment et vos actions, qui m’ont été relayées sont…surprenantes." Cette fois-ci, Aëgis redresse la tête avec plus de fierté.

Il s’arrête de nouveau. J’ignore s’il attend de moi une réponse quelconque, mais que suis-je censé dire ? Je m’apprête à bafouiller lorsqu’il me devance. Il se redresse et contournant son bureau pour venir jusqu’à moi, il énumère les événements récents.

"La disparition de notre mage le plus éminent. Le sauvetage in extremis de l’unique informateur possédant son emplacement. L’envoi des troupes jusqu’à l’endroit indiqué. Le mouvement soudain des troupes à ce qui n’était qu’un piège visant à éliminer…non…à mettre à genoux le moral et la combativité de Lebher face à Pohélis."

Désormais, il se tient face à moi. Quelques centimètres seulement nous séparent l’un de l’autre. Son visage est encore plus dure vu de très.

"Mais vous avez été là pour l’en empêcher. Un Shaakt ! Toute cette histoire n’a aucun sens. Votre présence est une erreur dans cette cité et une anomalie dans ce récit."

Le froid glaçant s’empire en moi. Je me sens particulièrement vulnérable en cet instant. Une fourmi face à une botte, attendant de savoir si elle se fera écraser ou non.

"A chaque heure du jour et de la nuit mes yeux se poseront sur vous. Il n’y aura aucun moment où vous ne pourrez vous sentir à l’aise. Plus jamais vous ne vous sentirez seul, car mon regard, braqué sur vous, vous accompagnera sans cesse. Qu’importe ce que vous comptez entreprendre, je l’apprendrai et vous subirez le jugement…adéquat. A présent…partez. Quittez ce bureau et espérez ne plus jamais y mettre les pieds. Cela sera très certainement vos derniers instants vivants."

Quelques secondes se passent durant lesquelles je n’éprouve qu’une peur terrible face au capitaine. Pourquoi un tel jugement ? Pourquoi une telle décision à mon encontre ? Encore une fois, c’est Aëgis qui m’éloigne en me tirant par le bras. Je quitte les lieux avec la lourdeur d’un regard puissant dans le dos, sans avoir pu prononcer une seule parole pour me défendre. Cela aurait été vain de toute manière. L’être qui me faisait face, avait le pouvoir de me tuer dans l’instant, une irrépressible envie de le faire, mais il était retenu par quelque chose…ou quelqu’un. Une fois dehors, le froid glaçant m’est presque imperceptible.

"Pardon pour cela." S’excuse l’elfe blanc.

"Pardon ? Pour…pour quelle raison ? Ce n’est pas toi qui m’as menacé à l’instant." Fais-je encore fébrile après le récent échange. Si on peut appeler cette entrevue ainsi.

"Parce que je savais ce qui allait se passer, mais que je ne t’ai rien dit." Lâche-t-il, empreint d’une peine immense.

"Tu savais ? Mais…mais…pourquoi ?" Dis-je accablé par l’incompréhension. Le monologue acerbe du capitaine et maintenant ça. Je suis…complètement perdu.

"Tu l’as entendu non ? Les événements récents se succèdent d’une façon trop étrange. Ils suivent un chemin qui dirige Lebher vers la destruction. Quelque chose se trame et les chefs militaires pensent à…un espion. Et tu es là." M’explique-t-il en essayant d’être le plus calme possible pour déteindre sur moi. En vain.

"Mais je ne suis pas un espion !" Dis-je presque hors de moi.

"Je le sais !" Prétend-il en posant des mains rassurantes sur les épaules et fixant son regard sur moi. "Je le sais. Tout comme ceux qui te doivent la vie cette nuit-là. C’est justement pour t’éviter un sort injuste que je ne t’ai rien révélé. Ton comportement n’aurait pas été aussi sincère qu’à l’instant. Ca n’a pas levé les doutes sur toi, mais tu as clairement évité la mort par l’attitude terrorisée de la victime innocente. De plus, ils sont persuadés de la présence d’un espion. Si les doutes sur toi se propagent dans la cité, il se croira en sécurité et commettra une erreur."

Ces mots m’apaisent de plus en plus en assimilant les informations. Mon calme revient, jusqu’à ce que je comprenne ce qui ne m’est pas révélé.

"Tu…vous…vous vous êtes servi de moi ?"

Une gêne s’installe sur le visage de l’hinïon qui peine à trouver ses mots.

"Ecoute, je sais ce que tu penses, mais c’était le meilleur moyen de te protéger. Trouver le véritable coupable t’innocentera pour de bon !"

Un silence s’installe entre nous. Je n’aime pas être manipulé de la sorte. Ces petits jeux me débectent, quand bien même, il me faut admettre que ses raisons son valables.

"Est-ce ainsi que vous traitez ceux qui vous sauve la vie ici ? Quelle étrange culture !" Dis-je ironiquement.

"Je sais que cela te fait du mal, que je t’ai fait du mal et que tu ne mérites pas un tel traitement. Cependant, je pense savoir comment me faire pardonner." Déclare-t-il avec le sourire malicieux de celui qui est sûr de lui.

"Tien donc ? Et comment tu comptes parvenir à pareil miracle ?" Dis-je sur la défensive, malgré la certitude que je perçois en lui.

Tandis que je détourne le regard, c’est tout simplement qu’il déclare :

"Ca te dirait de visiter un atelier magique ?"

Mes sourcils se dressent d’un coup. Mes yeux s’ouvrent en grands et croisent de nouveau ceux d’Aëgis, tandis qu’un sourire satisfait trahit mon excitation.


IX 13 L'atelier magique.

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Nhaundar
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Re: La Milice de Lebher

Message par Nhaundar » sam. 22 mars 2025 15:55

IX 15 Un réveil douloureux.

IX 16 Une passe d'armes dénuée d'honneur.


L’air frais de l’extérieur me fait effectivement du bien, après cette longue période d’isolation dans l’atelier magique. Ce temps n’a pas été perdu, puis que j’y ai appris bon nombre de choses sur la magie et acquis la capacité de transformer ma magie élémentaire en magie pure. J’espère avoir bientôt l’occasion de vérifier si je parviens à en user en plein combat et qu’elles en seront les effets de manière concrète.

Malgré la promesse d’Aëgis d’approfondir ma connaissance sur son sort d’eau, mon excitation diminue grandement au fur et à mesure que nous approchons de la milice. J’ai encore en souvenir ma dernière entrevue avec le capitaine qui ne s’est pas spécialement bien déroulée, contrairement à ce qu’a prétendu mon homologue blanc. Néanmoins, il n’est pas question de pénétrer dans le bâtiment, mais de bifurquer sur le côté direction un vaste terrain sableux où des soldats s’exercent à plusieurs, en duo, lorsque ce n’est pas juste en solitaire pour de rares exceptions. Nous approchons d’un groupe de plusieurs individus composés d’elfes blancs et bleus. Tous sans exceptions me regardent avec un air de mépris dans les yeux

(J’ai un très mauvais pressentiment moi.)

"Pourquoi est-ce que je sens que ça va mal se passer ton histoire ?" Dis-je tout bas à Aëgis, après l’avoir attrapé par la manche.

"Tu as peur de quelques hommes après cette brute épaisse ? Cependant, je comprends et si tu ne souhaites pas apprendre ce sort, ce sera peut-être une prochaine fois. Mais dans l’enventualité où je serais mobilisé pour une mission, cela va prendre du temps et…" Déclare l’hinïon qui sait comment me pousser dans son sens.

"D’accord. D’accord." Fais-je en l’interrompant. Ma curiosité magique prenant le dessus sur le regard que l’on me porte. "Comment cela va se passer ?" Dis-je sentant que je ne vais pas apprécier la suite des événements.

"Tu vas t’opposer à Mituläne !" Déclare-t-il ouvertement, portant son regard sur un elfe bleu qui réagit à l’appel et s’avance.

L’earion est un guerrier d’un genre particulier. Il a délaissé les protections physiques des soldats en armures pour un style léger, une tenue semblable à un mage qui offre moins de protection physique, mais plus de mobilité. Le genre de type qui fonce sur ses cibles avec adresse et rapidité. Sur son côté gauche, une rapière légère confirme mes premiers avis, tandis qu’un léger bouclier accroché sur le fourreau termine l’ensemble. Une étrange similarité se fait avec le Garzock que j’ai affronté il y a peu. Bien que ce dernier ait usé d’une énorme masse à deux mains.

"Voici Nhnaudar, tu en as certainement entendu parler. Vous allez vous opposer l’un et l’autre. L’objectif : il doit maîtriser le sort force manquée sous la tension d’un combat et toi, tu dois tout faire pour l’en empêcher. Ma seule consigne est de ne pas user de coups mortels pour l’un et l’autre. Tout le reste est permis ! On est d’accord ?" Termine-t-il en jaugeant l’attitude du guerrier.

"Le sort aquatique force manquée ?" Répète-t-il en affichant l’expression d’une confiance d’un défi déjà remporté. "Et s’il n’y parvient pas ?"

"On continue le combat jusqu’à ce qu’il l’apprenne ou qu’il ne soit plus en état se battre." Il se rapproche très près de lui avant de poursuivre plus bas, bien que je parvienne encore à l’entendre. "Pas de coup mortel, c’est compris." Dit-il d’un ton ferme et autoritaire.

(Son attitude à celui-là ne me plaît pas.)

"Tiens, bois ceci." M’invite mon camarade blanc en me tendant une potion de mana.

Je ne me fais pas prier et une fois toutes mes forces magiques remplient, je porte mon attention sur Aëgis.

"Quand commence-t-on ?"

"Maintenant !" Sourit-il en claquant fort des mains.

Sans attendre, l’elfe bleu s’équipe de son bouclier au bras gauche, porte une main sur son arme, le tout en fonçant sur moi avec une vitesse surprenante. Je me ramasse un coup de bouclier en pleine poitrine qui me soulève et m’envoie heurter le sol avant de rouler sur le sable. Comme attendu, c’est un style rapide, efficace et tout elfe bleu qu’il est, l’étrange impression d’être face à un raz-de-marée n’est probablement pas anodine.

Je me relève et dégaine mon arme à mon tour. Scrutant mon adversaire et me sourie avec un plaisir sadique, tandis que ses camarades derrière se moquent de ma faiblesse martiale.

"Alors ce sort d’eau ? Tu en avais déjà compris l’essentiel, je me trompe ?" Déclare Aëgis, adossé nonchalamment sur un rebord en bois, délimitant la zone d’entraînement.

Mituläne n’attend pas ma réponse et réduit rapidement la distance avant de m’asséner des coups de rapières.

"Je sais déjà qu’il faut générer de l’eau et…comment changer sa structure pour obtenir…le poison affaiblissant désiré." Dis-je tandis que je me défends contre mon adversaire.

Rapides, mais faibles, je parviens à parer de justesse les coups. Cependant, je décèle dans son attitude qu’il ne fait que jouer avec moi, comme on le fait avec un enfant capricieux que l’on souhaite punir.

"J’ai également appris à…comment le projeter. La seule chose qui me…manquait, c’était… la manière de le faire pénétrer…à l’intérieur même de la cible." Dis-je péniblement.

"Parfait ! Je vois que tu as compris. La dernière étape est de…" Répond-il, avant que je ne l’interrompe.

"La dernière étape consiste à…contrôler le poison une fois sur la victime et le forcer…à…pénétrer les pores." Dis-je.

Trop acculé par mon adversaire, je n’ai pas l’occasion de savoir si j’ai surpris l’elfe blanc en ayant compris par moi-même comment générer le sort et manipuler le contrôle, avec seulement les quelques utilisations qu’il a opéré sur moi. Néanmoins, sa voix me parvient.

"Si tu sais comment procéder, qu’attends-tu ?"

Il n’a pas vraiment tort, mon problème est que mon adversaire ne me laisse pas vraiment l’occasion de contrôler mes fluides.

Mais j’ai le temps de faire le point mentalement. La première étape est de canaliser une surface aqueuse et d’en altérer la composition pour générer le poison désiré. Afin de le projeter, je fais circuler le reste de mes fluides d’eau pour engendrer un courant dans mon corps, jusqu’à ce que m’harmonise avec le flux de celui-ci et qu’il me serve à projeter mon poison. La dernière étape qui m’avait échappé et que j’ai apprise en subissant à nouveau le sort, c’est qu’il faut forcer le poison à pénétrer la peau. Sans quoi, je ne ferais rien de plus qu’une démangeaison.

Ce sort d’eau me demande encore des efforts pour être capable de l’utiliser en réelle situation de combat. Néanmoins, je connais quelques parades pour palier à cela. Je monopolise ma magie avec une majorité de fluides terrestres pour générer une protection de pierre sur mon corps et éviter d’user de mes ressources d’eau pour le sort en apprentissage. La protection se génère sur mon corps et une véritable armure naturelle parcourt mon être et me rend plus résistant aux coups reçus.

Ma défense plus solide ne semble pas plaire à mon adversaire et ses coups précédents ne visant que ma défense, il adopte un assaut plus brutal en visant mon corps à défaut de ma faible garde. Bien que je sois protégé par mon armure magiquement générée, ses coups sont beaucoup plus puissants et parviennent à pénétrer au travers de la pierre qui m’englobe. Ses coups sont fluides, puissants et sa détermination à me faire mordre la poussière particulièrement sincère.

(Aller ressaisis-toi. Tu connais les bases de ce sort. Une fois maîtrisé, ce combat s’arrêtera.)

Me fiant à ma défense solide, je canalise le minimum de fluide d’eau pour lancer le sort. Je commence par générer une sphère d’eau dans le creux de ma main et altère sa composition pour obtenir le poison voulu. Puis je manipule rapidement mes fluides pour provoquer un courant d’eau au sein même de mon corps, jusqu’à ce que je m’harmonise avec le courant de mes fluides d’eau, dans le but de projeter l’eau de ma main sur l’épaule ma cible. Une fois sur elle, je continue mon contrôle pour qu’elle pénètre à l’intérieur de son corps et…rien. Mon poison ne m’obéit pas et préfère s’écouler sur les vêtements.

Une véritable surprise pour moi. J’avais pourtant compris les différentes étapes du sort et j’ai également eu la confirmation d’Aëgis. Qu’ai-je manqué ? Mon adversaire ne lésine pas sur ses assauts et multiplie les coups puissants. Au travers de ma lourde protection de pierre, des filets de sang s’échappent de mes jambes et mes bras. La consigne est respectée, peut-être un peu trop à mon goût. Je canalise le reste mes fluides d’eau pour réitérer mon action. Je génère une surface d’eau dont je modifie la structure, tout en provoquant en moi un courant d’eau pour propulser mon poison. Une fois sur la joue de l’elfe bleu, je force le liquide à pénétrer dans le corps au travers de la peau et…toujours rien. Le poison glisse de nouveau sur lui sans que je ne parvienne à obtenir l’effet voulu. Quelque chose ne va pas. Quelque chose ne colle pas et à force de réfléchir, me voilà démuni de ma protection terrestre qui se brise avec le temps.

J’ai perdu du temps, des ressources magiques dans ce duel et je fais face à un mur d’incompréhension. Réfléchissant à mon erreur de compréhension, nos lames se croisent de moins en moins et la rapière de mon adversaire trouve de plus en plus le chemin de ma chair sanglante. Je commence à être littéralement mutilé. Heureusement que ce n’est pas un duel mortel, car j’aurais déjà péri depuis longtemps. Nos regards se croisent et la satisfaction de dominer le combat est présente sur le visage de mon opposant. Ca et la trace sur la joue, là où mon poison a agi laissant une marque rongé par…rien. Il n’y a nulle trace sur son visage.

(Non c’est impossible ! Durant mon temps en geôle, j’ai pu comprendre que le poison généré était légèrement acide, laissant une légère marque de brûlure sur la peau, s’il ne pénètre pas le corps. Alors pourquoi il n’y a rien ? Ai-je mal transformé la structure de l’eau ? Ah moins qu’il n’y ait un autre facteur extérieur qui…)

Mon combat contre le Garzock me revient en mémoire. Aëgis m’avait prévenu que celui-ci était connu pour ses protections élémentaires. A cause de cela, les sorts étaient affaiblis quand ceux-là n’étaient pas simplement annulés.

(Et si mon adversaire possédait des protections contre l’eau qui empêche mon sort d’agir ? Non impossible. Le but est d’apprendre à maîtriser le sort. Aëgis ne m’aurait pas infligé un adversaire contre lequel c’est impossible. Mais le savait-il au moins ?)

Mon regard exprime la compréhension de la situation ô combien difficile et de l’impossibilité de parvenir à maîtriser le sort dans ces conditions. Une compréhension que décèle mon adversaire, saisissant à son tour qu’une fois la supercherie dévoilée, il encourra un châtiment à la hauteur de sa lâcheté. Redoublant d’efforts, il accélère la cadence. Ses coups deviennent encore plus vifs, plus précis, s’enfonçant davantage dans ma chair et m’obligent à hurler de douleur.

Qu’il n’ait pas eu l’intention d’aider un shaakt à apprendre une magie affaiblissante je le comprends. Cependant, à aucun moment l’elfe bleu n’a eu l’intention de suivre les ordres d'Aëgis. Je suis vraiment mal barré.

(Quoi qu’à la réflexion, n’est-ce pas le meilleur moment pour user de cette nouvelle forme de magie ? Si c’est bel et bien de la magie pure que j’ai générée, elle ne devra plus être restreinte par la protection élémentaire.)

L’occasion vient plus vite que je ne l’espérais. J’ai la chance de non seulement apprendre un nouveau sort, mais également de manier et d’être certain qu’il s’agit bien là d’une toute nouvelle forme de magie.

(Je dois apprendre à user un sort particulier, mais rien ne m’interdis de lancer mes sorts offensifs. Il est temps de contre-attaquer !)


Usant du pouvoir de ma puissante épée magique, je lance une première boule de feu sur ses jambes. Je pourrais ainsi l’affaiblir, sans avoir recours à trop de réserves magiques. Je sens une facilité plus grande à lacer ma magie sur un adversaire. L’artisan magique me l’a dit, avec mes runes, je serais plus avantagé face à un ennemi doté d’un équipement à chaque main. Hélas, mon adversaire est bien trop habile pour se laisser avoir. Evitant l’attaque d’un pas sur le côté, il profite d’une ouverture pour me lacérer le bras gauche. J’attends une occasion pour faire rugir encore une fois mes flammes, mais il utilise son petit bouclier pour habilement se protéger des flammes. Comprenant mes intentions, il fait de même et je n’évite un assaut sur mes propres jambes que de peu.

(Ses attaques deviennent de plus en plus dangereuses et il sait comment affronter un mage c’est est certain. Du moins, a-t-il déjà affronté quelqu’un comme moi ?)

Sans vouloir me vanter, je connais un éventail de sorts variés et je sais comment les utiliser d’une manière non-conventionnelle. Si mes flammes ne peuvent rien, je commence par manipuler ma magie de lumière pour l’aveugler. Atteint par surprise, j’enchaîne avec un usage qui a de quoi surprendre lorsqu’on ne s’y attend pas. Je matérialise un pilier de terre et le dirige vers le bas. Il brandit son bouclier dans cette direction et ne comprend que trop tard ma véritable cible : le sol composé de sable à ses pieds. Le pilier de terre envoie un énorme tas de sable qui, s’il ne fait aucun dégât, est projeté sur l’ensemble du corps de mon adversaire. Résultat, du sable dans les vêtements, la bouche et surtout, les yeux. Il porte rapidement les mains à son visage, gardant néanmoins son bouclier devant lui, mais il ignore ce qui l’attend.

Je canalise la magie en moi pour l’envoyer pénétrer dans son esprit et inverser les transmissions de ses sens. Cela m’aura coûté tout ce qu’il me reste en mana, mais à voir son comportement, il va avoir beaucoup de mal à m’atteindre à présent. Je bois d’une traite une petite potion de mana, avant d’enchaîner avec un autre sort. Appelant les esprits autour de moi, je cherche à retrouver mes réserves magiques. Il me faudra attendre le deuxième essai pour y parvenir, retrouvant ainsi la moitié de mes ressources. En attendant, mon adversaire tente de m’atteindre, mais affligé par ma confusion mentale, ses aptitudes physiques sont grandement handicapés. Je vois cependant que la colère commence à prendre le dessus sur lui. Il avait déjà de mauvaises intentions me concernant, le rendre fou de rage ne fera que l’inciter à prendre des risques qui me seront favorables si je m’en sers convenablement.

Evitant une attaque frontale, je profite que sa garde soit ouverte pour lui lacérer la jambe. Si ma lame est dangereuse avec ma magie, elle l’est visiblement moins pour trancher les membres. Ca et le peu d’expérience que j’ai avec ce type de maniement. Ma lame vient caresser sa cuisse, engendrant un filet de sang. Touché par un mage qui sait à peine manier une lame, il est également touché dans son orgueil de guerrier. Il parvient à m’atteindre au flanc par un assaut rapide. De mon côté, je préfère utiliser le même sort que le précédent et faire perdurer mon avantage.

Sa colère s’intensifie en comprenant qu’il n’est pas prêt de se défaire de mon horrible sort mental. Il se précipite sur moi alors que je fais de nouveau appel aux esprits présents. Entre ses sens altérés et la perturbation que mon sort génère, je n’ai même pas besoin de bouger pour éviter le coup et mes réserves magiques sont quasiment remplies à présent.

Le moment est idéal pour user de mes nouvelles capacités. Je me focalise sur un élément en moi et comme je l’ai fait avec ma boule de feu dans l’atelier magique, j’extrais la nature élémentaire en gardant cette sensation d’une douce herbe rafraîchissante. Car ce n’est pas mes fluides aquatiques, mais bien terrestres qui vont se manifester. J’use de toutes mes réserves magiques actuelles et désirant également accroître mon sort, j’y ajoute une touche de lumière. Je sens que mes fluides de terre se transforment et deviennent autre chose, la magie pure. Cependant, mon sort n’est pas parfait. Certes, il atteint l’elfe à la cuisse assez lourdement, réduisant sa capacité à se mouvoir de manière conséquente, mais mon sort retrouve rapidement son côté élémentaire. J’en comprends rapidement la raison lorsque je vois un phénomène lumineux qui fait ressurgir les fluides terrestres.

(J’ai extrait la nature élémentaire de mes fluides de terre, mais il n’en a rien été de la lumière que j’ai ajoutée. Ainsi, mon sort a repris sa nature élémentaire.)

C’est peut-être une bonne chose finalement, car la puissance de mon sort associé à la magie de mon arme lui ont fait particulièrement mal. S’il possède des protections contre la magie terrestre, j’aurai pu lui arracher la jambe.

Mon adversaire à terre, je n’attends pas pour agir. Il n’a fait preuve d’aucune pitié me concernant. Maintenant que j’en sais plus sur l’usage de la magie pure et que ma cible est particulièrement démunie, je manipule mes fluides pour en terminer avec de combat.

Je préfère éviter d’utiliser trop de fluides différents pour cette fois. Usant de mes fluides d’eau et de feu, j’extrais leur nature élémentaire en me focalisant sur la sensation du clapotis de l’eau et de la chaleur d’une journée d’été de mes fluides. Bien que cela me prenne du temps, la transformation s’opère me permettant ainsi d’enchaîner. Je rassemble ensuite mes fluides, guidés par ma magie d’eau devenue pure. De nouveau, un liquide se forme dans ma main, mais il a une teinte différente que précédemment due à l’effet de magie pure. Puis je transforme sa composition pour en faire un poison affaiblissant. Mes fluides courent en moi et se transforment un en un torrent puissant. Lorsque je suis en phase avec les mouvements, je projette mes fluides pour qu’ils atteignent leur cible. Continuant ma concentration, je les force à pénétrer à l’intérieur de mon adversaire et cette fois-ci, ça marche. Je parviens à faire pénétrer mon poison à l’intérieur même de l’elfe bleu qui s’en voit affaibli.

Mon sort fonctionne, mais je ne me laisse pas distraire pour autant et use de nouveau de ma magie pour recouvrir en partie mes forces magiques. Il sait que mon sort à fonctionné, que le combat est terminé et diminué par celui-ci, il n’a plus de raison de s’opposer à moi. J’en profite pour m’éloigner et retrouver l’elfe blanc.

"Ma foi, cela a été un combat particulièrement intense. J’ai pensé à interrompre le duel, tant j’étais convaincu que vous alliez vous tuer !" Déclare Aëgis en arrivant à mes côtés.

Les camarades de mon adversaire se précipitent jusqu’à lui et se murmurent les uns les autres. Je les observe tous et si je décèle de la stupéfaction sur leur visage, une profonde haine s’installe sur celui de Mituläne.

"J’ai vraiment eu peur pour toi, mais tout s’est bien déroulé au final. Je pensais que tu aurais cependant plus de facilité à maîtriser le sort ceci dit. Tu as rapidement compris et de toi-même comment il agissait. Pourquoi cela a été si long selon toi ?" Me demande l’elfe blanc.

(Parce qu’il utilisait des protections élémentaires qui ont rendu impossible le sort, sans recours à la magie pure.)

Seulement, je garde cela pour moi. D’autant plus que ce ne sont que des soupçons sans preuves concrètes. J’use de ma magie pour soigner mes blessures les plus graves et ne cesse de soutenir le regard du guerrier, sa fureur prenant le dessus sur lui. Faiblement, il repousse ses camarades et se rue sur moi. De dos, Aëgis n’a pas le temps de réagir. Je monopolise mes fluides de feu et d’eau et comme précédemment, je retire la nature élémentaire de mes sorts. Cette fois, ce n’est pas un poison affaiblissant qui s’échappe de ma main, mais un puissant jet de feu. Des flammes adoptant une couleur presque blanche au lieu de leur coloration rougeoyante habituelle, atteignent mon adversaire avant que celui-ci n’ait eu le temps de réduire la distance entre nous. Son bras armé est sévèrement touché, sans que je n’aie eu à utiliser l’effet de ma lame pour accroître la puissance de mon sort. L’earion s’effondre en hurlant, tenant son bras meurtri.

"Mais que se passe-t-il ?" S’étonne Aëgis en voyant l’éarion si près de nous avec une importante brûlure au bras.

"Dis-moi, le sort d’eau que tu appelles force manquée, il reste utilisable face à une résistance contre les sorts d’eau ?" Lui dis-je en surveillant toujours le malheureux au sol.

"Non effectivement, mais il n’en a pas et le cas échéant, il m’aurait prévenu !"
Réplique l’elfe blanc.

Je m’avance jusqu’à ma victime et laisse ma lame bien visible pour le menacer.

"Alors ? Tu possèdes des résistances contre l’eau ou pas ?" Dis-je d’une voix forte et claire.

"C’est…j’ai effectivement demandé une protection imperméable récemment. Mais force est de constater que j’ai dépensé mes yus pour rien, vu que ton sort a bel et bien agi." Déclare l’elfe bleu la tête basse.

"Non ça…ça n’a pas de sens." S’étonne l’hinïon. "Notre artisan magique est doué et en aucun cas il ne t’aurait dupé de la sorte. C’est quelqu’un d’une grande fiabilité, tant pas son travail que par son dévouement pour nos soldats. Il y a certainement une explication."

Cette explication, moi je la connais.

"Ne doutez pas de votre artisan magique, la résistance a bel et bien fonctionné. Au début, je n’ai pas été en mesure de contrôler le poison pour qu’il pénètre les pores. Il m’a fallu au préalable ôter la nature élémentaire de ma magie pour y parvenir." Dis-je avec une forme de dégoût en portant mon regard sur l’elfe bleu.

"Oter la…attend une seconde. Cela explique tout mais…tu es…un occultiste ?" S’étonne Aëgis.

"J’ai passé beaucoup de temps à déchiffrer les nombreuses explications de l’atelier magique, mais oui, je suis à présent en mesure de retirer la nature élémentaire des fluides pour utiliser la magie pure. Si telle est ta question." Fais-je tout simplement.

Les elfes, tous sans exceptions, Aëgis comme Mituläne et ses camarades me portent des regards sidérés après mon explication pourtant claire et simple.

"Quoi ? Il y a un problème ?"

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Nhaundar
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Re: La Milice de Lebher

Message par Nhaundar » sam. 3 mai 2025 22:30

IX 16 Une passe d'armes dénuée d'honneur.

IX 17 Un don rare.


Aëgis ne m’offre pas le temps d’une explication. Après m’avoir offert un mutisme complet et une vue imprenable sur leur glotte, l’elfe blanc m’attrape par le bras et m’emmène au sein de la milice. Précisément le lieu que je souhaite éviter depuis mon entrevue avec le capitaine il y a peu. Poser sur moi les doutes d’un espion pour le compte de Pohélis, dans l’espoir que le véritable espion fasse une faute, m’a laissé un souvenir particulièrement amer. Pourtant, c’est bien pour voir le capitaine que l’elfe à la chevelure dorée m’emmène. Quelle chance j’ai là. Par réflexe, j’use de ma magie pour recouvrir mes réserves magiques. Avec lui, on ne sait jamais.

D’un geste impérieux, il oblige les gardes à nous laisser passer et ouvre la porte du bureau avec une précipitation qui singe la violence. Nous pénétrons ainsi dans la pièce, en faisant sursauter le capitaine, qui voit notre intrusion d’un très mauvais œil.

(La mâchoire serrée, les veines apparentes d’une colère plus qu’apparente, l’œil qui scrute chacun de nos faits et gestes. Pas de doute, il est d’excellente humeur. On a bien fait de venir.)

Me portant de force jusqu’au pied de la table où notre charmant hôte officie, Aëgis lâche enfin une explication.

"Capitaine il faut absolument que…"

Il s’arrête un instant. Visiblement l’esprit occupé par des affrontements d’idées qui luttent. L’une d’elle prend le dessus et c’est en me laissant ici, seul avec le capitaine, qu’il disparaît du bureau d’un pas assuré sans autre explication.

(On repassera pour les réponses du coup.)

Je le vois disparaître, avant de reporter lentement mon attention sur le capitaine dont les signes d’agacements ne font que croître.

"Il fait beau temps dehors." Dis-je pour briser le silence, oubliant que des nuages gris parsèment actuellement le ciel.

Tentative vaine, le capitaine reste muet.

"Sinon ça se passe bien ? La milice...tout ça." Fais-je avec une gestuelle malhabile.

Un rictus déforme très légèrement son visage et ses yeux trahissent son envie de me foudroyer sur place. Me penchant légèrement pour espérer voir une tignasse blonde revenir, je regrette déjà l’avoir suivi en ne voyant nulle part.

"Bon ben moi je…je vais vous laisser." Dis-je en pointant maladroitement la sortie des deux mains. "Vous avez certainement des choses plus importantes à faire que d’admirer l’élégance et le charisme Shaakt à son paroxysme."

(Bon sang ce que je peux raconter comme absurdité lorsque je suis sous pression.)

Il faut cependant admettre qu’en qualité de Capitaine de milice, dont l’autorité nécessite d’imposer des ordres à ses soldats, il sait se faire obéir en imposant un malaise chez ses interlocuteurs. Je fais quelques pas dans la direction de la sortie que boucle d’or revient avec une Earionne en lui tirant le bras. Même mode opératoire d’une délicatesse digne d’un Rhox en rut.

"J’espère que tu as une bonne raison de transformer mon bureau en foire, sans quoi tu n’es pas prêt de quitter la corvée dans laquelle je vais te mettre." Lâche le Capitaine dans un souffle très agacé.

"Tout de suite." Répond Aëgis avant de se tourner vers la jeune elfe bleue. "Tu as bien tes protections imperméables sur toi n’est-ce pas ?"

"Heu…je…heu…oui. Pour la troisième fois…oui. Tu m’expliques ta…" Continue-t-elle en se faisant interrompre.

"Nhaundar. Le sort Force Manquée, utilise-le sur elle et,…" Continue-t-il avant de se faire couper à son tour.

"Tu as écouté ce que je t’ai dis ? Oui j’ai une protection imperméable ! Tu sais pertinemment que face à cela le sort n’aura aucun effet !" Clame l’Earionne.

Il ne réplique pas. Au contraire, il me regarde avec le petit sourire en coin de celui qui s’apprête à provoquer quelque chose de surprenant.

"Nhaundar, tu veux bien leur montrer ?" Demande-t-il finalement.

Je ne vois qu’une raison à ses manigances : montrer mes récents dons d’occultistes. Reste que je patauge dans le ragoût, ne comprenant toujours pas l’interêt. Pourtant, je m’exécute et usant de mes fluides pour générer le dit sort et transformant la nature de ma magie pour n’engendrer qu’une magie pure, capable de passer outre la résistance aquatique. Car c’est bien là ce que souhaite dévoiler Aëgis. Se laissant faire, la jeune elfe bleue subit le sort qui s’incruste en elle et voit ses forces faiblir.

"Mais…comment ? Cela ne…ne se peut !" S’excalme-t-elle, le souffle amoindrit par la faiblesse induite par mon sort.

Un mouvement dans le coin de mon champ de vision m’attire vers le capitaine. Celui-ci est désormais debout et a délaissé sa colère retenue pour une stupéfaction totale.

"Aëgis…c’est" Commence-t-il doucement.

"C’est bien ce que vous croyez !" Réplique énigmatiquement l’elfe blanc, avant de revenir vers l’Earionne. "Je te remercie. Tu peux reprendre ton post, l’effet va se dissiper."

"Un instant !" Ordonne avec fermeté le capitaine, avant qu’elle ne fasse le moindre pas. "Vous avez ordre de ne relater aucune information relative à ce qui s’est produit ici. A la moindre fuite, je vous envoie en repérage dans le Massif des Glaces. Me suis-je bien fait comprendre ?"

Cette seule déclaration fait trembler la jeune femme déjà affectée par mon sort. Hochant la tête, elle s’éloigne, nous laissant entre hommes. Aëgis bombant le torse pour je ne sais quelle raison, je porte mon attention sur le capitaine dont l’attitude a brusquement changé. Agacé par notre présence, il paraît me porter une tout autre attention. Comme s’il cherchait à percer mes plus profonds secrets.

"Me confirmes-tu ce qu'il s'est passé ?" Demande-t-il à boucle d’or, sans me quitter sur regard ?

"C’est cela même. Il possède les aptitudes des occultistes." Réplique fièrement l’Hinion.

"C’est une bonne ou une mauvaise chose ?" Dis-je tout bêtement. "Je n’arrive pas à comprendre ce qu’il se passe exactement."

"Lebher est une cité d’elfes bleus et blanc. Les Earions ont une affinité toute particulière avec l’eau." Commence à expliquer Aëgis. "Nombreux sont ceux qui développent cette magie. Nos adversaires l’ont vite compris et en se prémunissant avec des résistances imperméables, ils ont un avantage lors des affrontements. L’occultisme permet de passer outre les défenses magiques. C’est un don rare parmi les mages. Mon maître en était un et c’est pour cette raison qu’il a été invité ici, afin de dispenser son savoir pour former d’autres occultistes. Hélas, il a été capturé avant de pouvoir former qui que ce soit. Nul n’avait les aptitudes et connaissance pour reprendre le flambeau…jusqu’à toi."

"Et donc vous souhaitez que je forme d’autres membres c’est cela ?" Lui dis-je en résumant ses arrières-pensées.

"En effet. Nous reprendrions ainsi l’avantage et pourrions secourir mon maître !" S’exclame-t-il.

"Pourquoi pas ?" Fais-je simplement.

"Tu acceptes ?" S’inquiète Aëgis, peut-être surpris que j’accepte si facilement après la dernière entrevue avec le capitaine.

Celui-ci, malgré une posture droite et un visage presque sans faille, laisse cependant échapper un petit sourire de satisfaction.

(Non, cela ne sera pas aussi simple. Pas après ce que j’ai vécu.)

"Cependant…j’ai quelques conditions." Dis-je, clairement pour bien me faire comprendre. "Je veux la libre circulation dans la cité sans craindre de me faire lyncher en public, un accès aux ressources magiques afin de continuer mes expériences sur la magie et le droit de refouler quiconque sape mon autorité durant mes cours."

Un lourd silence se fait. Nul n’ose prendre la parole après ma tentative de marchandage. Le capitaine se fige sur place. Il est si fermé que moi-même je ne parviens pas à déterminer son état d’esprit. L’ai-je encore agacé ? Ma demande lui semble-t-elle déraisonnable ? Tout ce que j’arrive à entrevoir en lui, c’est une profonde réflexion. Reste à savoir s’il réfléchit réellement à ma proposition, ou si mon statut dans cette cité va drastiquement changer. Aëgis tout comme moi perçoit cette réflexion et prend les devant avant que la foudre ne s’abatte sur moi.

"Nhaundar !" S’offusque-t-il. "Je sais que tu as mérité ta place auprès de nous, mais tu va trop…" Continue-t-il avant de se faire interrompre.

"Entendu !" Clame le Capitaine.

"P…pardon ?" Fais-je, incertain de sa déclaration.

"J’ai dit que j’étais d’accord avec la proposition." Dit-il à nouveau.

Avec une lenteur religieuse, il se lève et s’en va chercher quelque chose dans une armoire. Il s’approche de moi en fixant intensément du regard.

"Aucun Shaakt n’œuvrera en tant que milicien. Ni les habitants, ni mes hommes ne l’accepterons. Ceci, devrait cependant répondre à vos attentes premières." Déclare-t-il en me présentant un insigne à l’effigie de l’ordre militaire de Lebher. "Pour ce qui est du reste…j’attends de voir vos premiers résultats. Si vous êtes si passionné par la magie et vos études, cela devrait vous motiver à être particulièrement productif." Il se détourne de moi, une fois l’insigne remis et retourne à son bureau en terminant. "Faites ce que bon vous semble durant vos cours. Je ne m’intéresse qu’aux résultats. Vous devez connaître les attentes de Lebher à ce sujet."

Je regarde l’insigne qui m’est conféré avec un plaisir sans précédent. Une sorte de laissez-passer me permettant d’aller et venir partout. Ce faisant, un silence s’impose dans la pièce, brisée par le maître des lieux.

"Aviez-vous un autre sujet à me faire part tant qu’on y est ?"

"Heu…eh bien…non. Enfin, je ne crois pas." Fais-je en portant mon regard vers Aëgis qui confirme d’un signe de tête.

"Dans ce cas, je vous prierais de quitter les lieux sur-le-champ. J’ai…de nouvelles instructions concernant les venues trop libres dans mon bureau." Déclare-t-il en portant son regard sur l’elfe blanc qui prend une teinte plus propice à l’appellation de sa race. "Une dernière chose avant de partir. J veux voir toutes les personnes au courant de cette histoire dans mon bureau séance tenante."

Nous partons tous sans demander notre reste et l’Earionne qui était en notre compagnie reprend son poste, non sans me jeter un regard empli d’une grande curiosité. Une fois de retour à l’air libre et à la température dramatiquement basse, j’inspire un bon coup.. Aëgis s'en va retrouver les hommes du terrain d'entraînement et revient aussitôt, suivit peu après par le groupe dont j'ai affronté l'un des membres.

"Alors, comment tu te sens ?" Me demande Aëgis.

"Je me pèle le cul !" Dis-je, en ne répondant pas à sa véritable question.

"Sérieusement !" Insiste-t-il.

"Il fait vraiment froid chez vous, je suis sérieux !" Fais-je en cherchant mon bonnet sur la tête, avant de m’arrêter la main dans le sac et levant la tête pour fixer le ciel. "C’est...une occasion inespérée. J’ignorais que les aptitudes des occultistes étaient si rares et précieuses."

"En effet. D’autant plus que tu as marchandé avec le capitaine. Je ne m’attendais pas à ce qu’il accepte je t’avoue." Réplique-t-il.

"C’est lui qui avait besoin de moi, non l’inverse et ma proposition me force à rester ici." Dis-je en reprenant mes fouilles. "J’ai simplement tenté le coup. Reste que…si je souhaite obtenir ma compensation, il me faut des résultats." Fais-je en sortant mon bonnet.

"Tu souhaites commencer quant ?" Me demande l’hinion.

"Le plus tôt sera le mieux. Tu penses pouvoir réunir des candidats potentiels demain ?" Dis-je en déposant le bonnet magique sur la tête, faisant ainsi disparaître le froid ambiant qui m’accable.

"Oui c’est fai…sable. Tu es obligé de porter cette chose sur toi ?" Grimace l’elfe blanc en me voyant avec mon bonnet qu’il trouve ridicule.

"Tu connais un meilleur moyen de braver le froid ?" Lui dis-je avec un sourire moqueur, en me portant à ses côtés.

"Cette chose est efficace contre le froid, mais également contre toute forme de sociabilité. Ne t’approche pas de moi, je ne veux pas être vue en ta compagnie avec ça sur la tête !"

J’ai une forte envie de le taquiner avec cela, mais mes devoirs m’appellent à moi. Mange-Botte a besoin de prendre l’air, faire ses besoins, de courir et cela ne se peut qu’à l’extérieur de la cité. Grâce à l’insigne du capitaine, je jouis d’une certaine forme de liberté de mouvement. Cependant, mes nouveaux droits ne me permettent pas d’aller au-dehors de la cité, en tout cas pas sans escorte. Aëgis est le seul qui acceptera de m’accompagner et aura l’autorité suffisante pour me permettre de sortir de ces murs.

"Entendu." Fais-je en enlevant mon couvre-chef magique de la tête. "Je vais avoir besoin de toi pour que ma monture se dégourdisse les pattes. Je ne le remettrai une fois hors de ces murs !"

"Mmm, d’accord." Réplique-t-il maigrement satisfait.

D’une tape sur l’épaule, je l’invite à me suivre pour rentrer dans mon ancienne cellule-maison. Celle-là même où on m’apportait une foule d’équipements pour y insérer des sorts. Maintenant que j’ai acquis plus de droits, peut-être que je peux l’appeler ma "demeure".


IX 18 L'excitation de Mange-Botte.

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Nhaundar
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Re: La Milice de Lebher

Message par Nhaundar » ven. 19 sept. 2025 21:26

IX 22 Le Maître hésitant.
IX 23 Un défi pour le maître, un test pour les élèves.


Dehors, le vent glacial du Nosvéris souffle. Je dois faire preuve d’une grande force de volonté pour ne pas m’afficher avec mon bonnet magique. S’il hôte la terrible morsure que je subis actuellement, il inflige également quelques problèmes relationnels. Pour faire simple, nul ne me prend au sérieux avec et pour mon premier jour en tant que professeur de magie, je ne peux me le permettre.

Nous arrivons sur un des terrains d’entraînement de la milice. Ce même endroit où Aëgis m’a fait venir pour bénéficier de ses "enseignements", par le biais d’un duel. Sans savoir ce qu’il va se passer, je suis content de mettre préparé au préalable. Au loin, je perçois un grand nombre de personnes qui attendent, alors que le vent souffle. Tous on l’air de grands gaillards. Aucun enfant n’est présent.

« Tous ceux que tu vois ont été sélectionnés parmi les plus talentueux. Ils ont été rassemblés pour bénéficier des enseignements du maître mage capturé. Ils ont eu droit à quelques courts, mais aucun n’a été capable du moindre progrès. » Explique l’hinion à mes côtés.

(De talentueux mages qui n’ont fait aucun progrès ? Me voilà moi, un étranger complet pour eux, qui se prétend leur apprendre une chose à laquelle un maître n’est pas parvenu. Et ils sont là, à m’attendre. Suis en retard ? Attendent-ils depuis des heures ? Quand est-ce que je devais être là ? Bon sang Aëgis pourquoi tu n’es pas venu me chercher plus tôt ?)

Les questions se bousculent en moi et le stress me gagne, creusant un nœud dans mon ventre qui ne cesse de me tordre les entrailles, sans ouvrir la bouche à l’elfe blanc à mes côtés.

(Bon sang ! Que vont-ils dire en voyant un Shaakt ?)

Cette question n’a cessé de hanter mon esprit. De toutes mes craintes, elle est celle qui a le plus de chance de faire fuir mes apprentis. Par réflexe, je cache ma tête dans mon chapeau, pliant ses rebords vers le bas et penchant la tête en avant pour dissimuler la teinte de la peau de mon visage, le reste étant camouflé derrière mes vêtements chauds.

« Tout va bien ? » S’interroge Aëgis inquiet.

« Ne t’inquiète pas pour cela. » Lui dis-je en mentant, caché par mon couvre-chef.

Je me fis à ses pas au sol à mes côtés pour le suivre, jusqu’à ce que finalement, le murmure d’un grand nombre de personnes présentes me donne une bonne idée du nombre d’âme qui m’attend et devient rapidement une cacophonie avec le temps qui passe.

« Mesdames, messieurs, un peu de calme je vous pris. » Déclare Aëgis assez fort pour faire taire les voix. « Nous sommes toujours sans nouvelle du maître occultiste si telles sont vos craintes. Cependant, si nous vous avons rappelé, c’est qu’une autre personne s’est présentée à nous. Quelqu’un en mesure de prendre la relève. »

« N’y a-t-il pas eu une opération de sauvetage ? » Lâche une voix, féminine.

« Pourquoi n’avons-nous pas été appelés et quant à lieux le prochain assaut ? » Fait une autre, visiblement soucieuse de l’état du maître mage.

« Je partage vos craintes, croyez-moi. » Reprend l’hinion pour couvrir le tumulte qui renaît. « Cependant, tant que nous n’aurons pas la possibilité de faire face aux protections élémentaires de nos adversaires, aucune opération de sauvetage n’aura lieu. Tels sont les ordres et ils sont absolus, vous le savez. Raison pour laquelle votre apprentissage est crucial. Je laisse la place à celui qui vous enseignera tout ce dont vous avez besoin. »

Il s’arrête avant que ses pieds ne reviennent vers moi. De leurs orientations, il souhaite me dire une dernière chose à l’abri des oreilles indiscrètes des hinions.

« A toi de te présenter. » Fait-il simplement, une main amicale sur mon épaule. « J’espère que tu as préparé quelque chose. »

Pas vraiment en réalité. Néanmoins, ce petit discours m’a donné le temps de réfléchir à comment je vais aborder mon problème principal. Je fais quelques pas dans leurs directions, le visage toujours caché sous mon chapeau.

« La magie est un domaine aussi puissant que complexe. Plus encore que cela, elle est un élément majeur de notre monde, capable de changer le cours d’une bataille à elle seule. A l’image d’un diamant brut, elle possède mille facettes selon comment on la regarde. Un artiste y verra sa magnificence et le potentiel de modeler son environnement. Un soldat s’en servira pour sa puissance destructrice tant pour écraser ses adversaires, que pour protéger les siens. Je ne parle pas des maîtres de la lumière, guérisseurs et garant de la vie dont il a la charge. Au travers des siècles, les mages n’ont eu de cesse de repousser les limites de la magie. L’art de l’occultisme en est un exemple parfait. La capacité de transformer la nature élémentaire de la magie en une version plus pure. »

Je m’arrête un bref instant. Caché sous mon chapeau, j’ignore comment ils perçoivent mon discours, mais aucune voix ne s’élevant, j’imagine qu’ils m’écoutent avec attention. Après tout, ce cours et leurs désirs de pouvoir retrouver leur maître dépendent de moi à présent.

« Retenez deux choses : la magie peut tout et tous le peuvent. Amis comme ennemis. Aucun de vous n’est actuellement en mesure de pratiquer l’enseignement que vous allez suivre. Néanmoins, il n’est pas exclu que vos ennemis s’en servent déjà ! Vous l’avez entendu, votre maître est dans une situation compliquée et votre apprentissage seul sera l’unique déclencheur d’une autre sortie pour le récupérer. Reste à savoir si pour réaliser ce but, vous surmonterez mon épreuve. »

Cette fois-ci, un tumulte commence à retentir. Les voix se font de plus en plus fortes et parmi elles, l’ignorance d’une épreuve préliminaire, le droit de le savoir pour se préparer et quand elle va avoir lieu. Des pas arrivent à moi par-derrière.

« Nhaundar, c’est quoi cette histoire d’épreuve ? » Fait-il inquiet.

Je lève une première main gantée pour apaiser les voix qui se taisent. Contrairement à Aëgis qui a dû élever la voix, le fait que je sois si important pour leur apprentissage semble me donner une certaine autorité. Reste que je ne dois pas la perdre.

« Voici votre épreuve. » Fais-je une fois que les voix se sont tuent. « Elle testera par-dessous tout votre volonté et votre détermination d’apprendre et ce, peu importe la situation. Bien. Qui parmi vous, accepte de suivre les enseignements… » Dis-je en ôtant mon chapeau, dévoilant mon visage et ma race. « …d’un shaakt ? »

Face à moi, je vois enfin les individus et leurs visages. Elfes bleus et blancs, hommes et femmes, me scrutent les yeux exorbités et la bouche grande ouverte, une fois ma nature dévoilée. Rapidement, les premières réactions surgissent. Insultes dans leur langue natale, des signes de mépris sans aucune discrétion, crachas au sol quand ce n’est pas dans ma direction. Puis le mouvement de foule. Plus de la moitié des personnes qui étaient venu pour mes enseignements quittent sans craindre de potentielles représailles de leurs supérieures pour ne pas rester.

Au final, juste une dizaine reste et Aëgis semble inquiet de ce retournement de situation qui joue en ma défaveur.

« Bon sang ! Je ne pensais pas qu’ils partiraient à la seule vue de ta nature. Je…je sais tout ce que tu as fait pour nous et je…je suis sincèrement désolé pour cela. » Déclare-t-il triste par cette débâcle.

« Désolé, pourquoi ? Regarde, il y en a dix prêts à m’écouter. C’est dix de plus que je ne l’espérais ! »


IX 24 L'ombre face à la mer et l'écume.
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Nhaundar
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Re: La Milice de Lebher

Message par Nhaundar » ven. 19 sept. 2025 21:36

IX 23 Un défi pour le maître, un test pour les élèves.

IX 24 L'ombre face à la mer et l'écume.


« Bien commençons ! » Fais-je, alors que je sens déjà des troubles dans les rangs après tant de départ.

D’une trentaine de personnes, me voilà avec seulement les deux tiers qui passent outre la couleur de ma peau. Du moins, pour le moment. De ces individus, je vais devoir leur apprendre l’art de l’occultisme, cette capacité à retirer la nature élémentaire de la magie pour n’en garder que sa version épurée. Face à moi toute une ribambelle d’elfe qui s’inquiète déjà ce que je vais leur faire subir et une crainte me vient. Je n’ai jamais eu affaire à un professeur. Enfin si, une fois, lorsque je souhaitais acquérir la force d’user de ma magie après tant d’années passées à la craindre. Cependant, il était davantage question de passer ce blocage qui m’accablait alors. A présent, l’affaire est différente et je ne sais même pas comment résoudre mon tout premier problème.

Me tournant vers Aëgis, je lui fais par de mes craintes en murmurant.

« Je dois les appeler comment au fait ? »

« Les appeler ? Comment ça ? » Répond-il avec étonnement.

« Comment ça "comment ça" ? Je suis leur professeur non. Je dois les appeler comment ? Mes élèves, mes apprentis, mes candidats, mes prétendants ? »

« Je…je ne sais pas. C’est vraiment important ? » Me demande-t-il, un peu perdu. « Tu aimerais quoi toi ? »

« Quoi, là, maintenant ? Un lapin. » Fais-je sans hésiter, jouant d'humour pour réduire mon stress.

« Tu veux les appeler mes lapins ? » Grimace-t-il.

« Hein ? Quoi ? Mais non ! C’est toi qui m’a demandé ce que je voulais. » Dis-je.

« Comment tu voulais les appeler, pas ce que tu voulais manger triple buse ! » S’agace-t-il avant de porter brièvement un regard aux apprentis. « Ecoute, si tu ne te sors pas les doigts du cul maintenant, tu n’auras plus personne à former ! »

« D’accord, très bien, très bien. » Fais-je en me retournant vers les intéressés.

Ceux-là semblent désorienter non seulement par la situation un peu incongrue du départ de beaucoup d’entre eux, d’un shaakt, un ennemi se présentant comme un professeur et des messes basses de ce dernier. Il me faut réagir, prendre l’initiative et montrer que je ne suis pas là pour rien.

« Bien et si nous commencions ? » Dis-je en claquant fort dans mes mains. « Montrez-moi comment se passait votre apprentissage jusque-là. »

Ils me regardent tous et tandis que certains restent figés, d’autres se déportent sur le côté. Au contraire de ceux qui sont partis, ils prennent un autre chemin.

« Mais…ils vont où ceux-là ? » Fais-je tout bas à l’elfe blanc.

« Là où ils se sont entraînés jusqu’alors. » Déclare Aëgis en désignant des cibles. Des mannequins portants des équipements. « A la demande du maître occultiste, nous avons fait installer des cibles dotées de résistances élémentaires. Il y en a pour l’eau ainsi que la terre, les éléments les plus utilisés sur le front. Ils doivent s’entraîner à lancer des sorts en supprimant la nature élémentaire, jusqu’à ce qu’ils parviennent à faire vaciller les mannequins. »

« D’accord. Et pour le reste ? » Fais-je ne comprenant pas comment la notion de nature élémentaire a été expliquée.

« Pour le reste ? Quel reste ? » S’interroge l’hinion, alors que le reste du groupe suit les autres.

« Une minute, tu ne vas pas me dire que c’est tout quand même ? » Dis-je, presque en m’insurgeant.

« Ma foi…si. En-tout-cas, je n’ai pas eu connaissance d’un quelconque enseignement supplémentaire. Le maître donnait certes des explications sur comment retirer la nature élémentaire, mais son degré de savoir sur la magie est tel, qu’il nous était difficile à cerner. Pour lui, rien ne valait mieux que la pratique. »

(La pratique oui, cependant, lancer des sorts ainsi au petit bonheur la chance, sans avoir une once de compréhension ou d'orientation claire, c’est…tirer une flèche en l’air et espérer harponner une baleine !)

Incrédule, je vois les elfes lancer leurs sorts les uns à la suite des autres sur des cibles précises, en fonction des éléments utilisés. Bien entendu, aucun ne semble avoir fait le moindre progrès.

« STOP ! Arrêtez-vous ! » Fais-je alors que je me dirige vers eux.

« Tu as remarqué quelque chose ? » Me demande Aëgis suivant mes pas.

« Disons que j’ai…une intuition. » Dis-je, tâchant de masquer au mieux mon hésitation en lui répondant.

En un sens, ce n’est pas un mensonge à proprement parler. Cependant, ma conviction sur le problème est peut-être déjà au-delà de la simple intuition. Avant de lancer des sorts sans nature élémentaire, il faut connaître la base. J’arrive au niveau des apprentis qui me regardent avec un air de mépris.

(C’est pas gagné.)

« Expliquez-moi comment vous lancer vos sorts au juste ? Comment vous transformer vos fluides pour obtenir la magie pure ? »

Je les regarde un par un, déchiffrant les expressions sur leurs visages, mais ce que j’y vois me déprime un peu. Dégoût, air hautain, le tout assaisonné d’un mépris étrangement plus présent. Comme si mon arrêt brutal de leurs exercices ressemblait à une insulte envers les précédents enseignements qu’ils ont reçus. Bien qu’Aëgis lui-même n’est pas en mesure de me les expliquer et par l’absence de réponse, j’en déduis qu’eux non plus…ou alors ils rechignent à parler à un Shaakt.

(Bien. Changeons d’attitude et piquons-les au vif.)

« Que savez-vous de l’occultisme au juste ? » Fais-je en insistant, comme si je parlais à des enfants.

« Et toi ? Qui nous prouve que tu en sais davantage ? » Lâche l’un d’eux, rapidement suivi par un autre.

(Des preuves ? Du tutoiement ? On va rectifier cela !)

Je regarde l’un des mannequins d’entraînement, m’attardant sur celui résistant aux sorts de terres. Jusque-là, il n’avait pas bougé devant leurs assauts. Devrais-je leur faire une démonstration ? Je porte une main sur la paume de mon épée avant de me raviser.

(Dois-je faire une démonstration simple ou faire usage de mes pouvoirs à leur plein potentiel. Non, probablement pas. Il y a…un je ne sais quoi dans leurs attitudes qui me dérange. Un instinct qui m’incite à ne pas trop en dévoiler.)

« Alors de deux choses voici la première. On ne dit pas toi, on dit maître ou Monsieur Nhaundar si ça vous écorche la langue. Quant à la seconde… »

Je réprime l’envie de faire usage de l’épée magique qui renforce mes capacités et lance un pilier de terre sans trop forcer sur la consommation en mana, estimant que la magie pure en elle-même suffira. Ma magie s’agglomère en une colonne qui atteint le mannequin en le repoussant fortement.

« Voilà la preuve. Je peux vous enseigner uniquement si vous êtes en mesure d’apprendre de moi et cela commence part me montrer le respect qui m’est dû. Des questions ? » Dis-je d’un air sévère. « Rien ? » Fais-je après quelques instants d’un long silence. « J’en déduis que vous êtes d’accord avec cela. Le cas échéant, vous êtes libre de partir et d’abandonner toute chance d’acquérir cette aptitude. »

Je regarde ma petite assemblée qui certes, demeure mortellement silencieuse, mais qui demeure tout de même.

(Au moins parmi ceux qui restent, je devrais avoir les plus enclins à suivre mes enseignements.)

« Bien ! Commençons à parler du sujet principal : votre paiement. » Leur dis-je sans une once d’hésitation.

Bien entendu, j’ai droit à de la stupéfaction et à des...formes de mécontentement va-t-on dire. Aucun n’aurait entendu cela et payer un shaakt paraît irréel à leurs yeux. Même Aëgis se porte à moi pour savoir ce que j’ai en tête. Je le repousse doucement avec un petit clin d’œil pour le rassurer et commence à sonder la magie chez mes charmants étudiants. Comme je le pensais, les elfes bleus ont en eux la magie d’eau et dès le premier je fais mouche.

« Toi, fais un pas en avant ! » Dis-je à un elfe dont le physique n’effraie probablement personne, pas même moi.

(Oui celui-là. Jusque-là, il n’a montré que très peu de signe à mon encontre et serais plus enclin à suivre le mouvement du groupe comme un mouton. De ce fait une fois hors du groupe, il est plus facilement influençable.)

« Tu possèdes des fluides d’eau. Montre-moi un de tes sorts. Celui dont tu es le plus fier ! »

Mon ordre le déstabilise et il cherche à savoir quoi faire en regardant les autres autour de lui.

(Un petit coup de pouce pour l’inciter ? Sauf qu’il a besoin d’être soutenu par le groupe.)

« Tu peux même l’utiliser contre moi si tu le souhaites. Tu as mon accord. Tâche simplement…de ne pas me tuer ! Je n’ai aucune protection élémentaire avec moi ! »

Cette fois-ci, le groupe paraît envieux de son occasion de lancer une magie sur le méchant et odieux shaakt que je suis. Il ne faut pas longtemps pour qu’il soit encouragé à faire de son mieux. Je le vois manier sa magie, ne ratant rien de ce qui va arriver, contrairement à Aëgis qui préfère s’éloigner. La magie fait son office et le premier sens qui m’alerte n’est autre que mon ouïe. Tournant le visage sur le côté, alerté par un bruit inquiétant, je vois une énorme vague d’eau surgir et m’emporter violemment. Je tombe à terre, perclus de douleur sur tout mon corps par ce mur d’eau qui s’est abattu sur moi et crachant l’eau qui est parvenu à s’infiltrer dans mes poumons.

« Naundar, tu vas bien ? » S’inquiète Aëgis.

« Quelle magie épatante ! » Lui dis-je, content d’avoir l’occasion d’apprendre une nouvelle magie. « Par contre, je vais avoir besoin que tu m’aides pour me relever. Ca fait un mal de chien ! »

La force déployée par l’eau a été particulièrement importante. J’ai l’impression qu’un garzock s’est évertué à sauter joyeusement sur chaque partie de mon corps.

« Tu es complètement inconscient ! » Déclare-t-il en m’aidant à me relever. « Au moins, cela prouve que tu vas bien. »

Face à mon auditoire, je fais preuve de ma magie sans aucune pudeur. Un sort pour soigner mes blessures et l’autre pour retrouver mes forces magiques, parce qu’avec tout ce que j’ai pris, mes réserves de fluides ne suffisent pas. Du sort, il ne reste plus qu’un shaakt trempé jusqu’aux os avec un air ravi.

« Parfait ! Tout simplement parfait ! Voilà comment vont se passer les choses. Je vous enseigne la voie pour comprendre et surtout apprendre l’occultisme tandis que vous, vous me montrerez un sort que j’ignore, ne m’en montrant un autre tant que le précédent n’a pas été maîtrisé par mes soins. Voilà le paiement que j’attends. C’est clair pour tout le monde ? »

Aucune réponse orale cependant, j’ai droit à des hochements de têtes. Un pas de géant en avant.

« Alors ! Depuis le début, vous lancez des sorts jusqu’à comprendre les explications de votre précédent maître, qu’aucun de vous n’est capable de me régurgiter. Je suis d’accord avec l’usage de la pratique, mais sans aucune connaissance théorique, cela revient à faire du feu en regardant fixement une brindille jusqu’à espérer qu’elle s’allume ! Votre erreur n’est pas dans cette pratique, mais de croire qu’en faisant toujours la même chose, vous obtiendrez un résultat différent. » Dis-je pour mettre en évidence la raison de leur échec jusqu’à présent.

« Voyons ensemble les bases. L’occultisme nous apprend qu’en réalité, que les sorts élémentaires sont composés de deux choses. Le sort et la nature élémentaire de fluide utilisé. »

(Même si dans mon cas, il serait préférable de mentionner le fluide majoritaire, mais mieux vaut ne pas les perdre dans les principes des arcanistes.)

« C’est bête, mais il est important de dissocier ces deux éléments : le sort et la nature élémentaire. Une fois que vous serez en mesure de comprendre comment cette nature influe dans votre magie, vous pourrez entamer le processus pour la retirer, obtenant ainsi un sort épuré de son élément, une magie pure. »

Durant mes explications, je vois des expressions étranges sur leurs visages. Un mélange de stupéfaction et de compréhension qui me déroute. Le premier exercice leur permettra d’y voir plus clair.

« L’aptitude première des occultistes est de sentir la nature élémentaire chez les êtres possédant des fluides. Première étape, vous allez méditer sur vos fluides, jusqu’à ce que vous sentiez clairement leur nature élémentaire. » Dis-je, voyant qu’une majorité semble perplexe. « Ce n’est pas une plaisanterie. Vous savez quels fluides sont en vous, votre premier exercice sera de vous familiariser à cette sensation. Ensuite, nous passerons à l’examen chez les autres utilisateurs de magies. »

Tous semblent un peu perdus, se regardant les uns les autres. Néanmoins, si cette lenteur qu’ils montrent dans l’application de mes explications me permettra d’apprendre une montagne de sort, je n’oublie pas cependant cette liberté promise une fois le premier occultiste formé.

« Allez hop hop hop ! On s’active ! » Fais-je en frappant des mains pour les réveiller.

Tous se mettent en tailleurs pour méditer et Aëgis en profite pour me parler. Il arbore cette même dualité de stupéfaction mêlée à une compréhension.

« Tu…tu es sûr que c’est ainsi qu’on apprend l’occultisme ? »

« Oui ! En-tout-cas, c’est ainsi que j’ai moi-même procédé. Ne t’inquiète pas, je compte bien achever leur formation comme il se doit. Pourquoi sembles-tu…perdu comme cela ? » Dis-je à mon tour.

« Non je te crois c’est…c’est juste que tes explications paraissent…plus clair. Elles ont plus de sens que le précédent maître. »

« Je te remercie. Comme tu le disais, ton maître avait une compréhension de la magie telle que vos perceptions à ce sujet n’étaient pas compatibles. Je suis juste un intermédiaire parfait pour transmettre de savoir. J'aurais aimé le rencontrer plus tôt pour parler de magie avec lui. »

« Oui tu as sans doute raison. » Me dit-il avant de se mettre lui aussi à méditer.

Maintenant qu’ils sont tous occupés, je vais pouvoir m’intéresser à ce sort d’eau. Je m’éloigne un peu pour ne pas les déranger avec une sensation désagréable. Au fond de moi, je sens que quelque chose se cache derrière ce maître et son enseignement. Quelque chose qui ne me plaît pas, sans parvenir à y mettre le doigt dessus.


IX 25 Chevaucher la vague.
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Re: La Milice de Lebher

Message par Nhaundar » ven. 19 sept. 2025 21:44

IX 24 L'ombre face à la mer et l'écume.

IX 25 Chevaucher la vague.


Quittant mes élèves, je jette néanmoins un dernier regard vers eux. Ils sont la voie qui me mènera à ma liberté. Reste à savoir quelle liberté. Une fois que je serais en mesure d’aller où je le désire, que vais-je faire ? Continuer à acquérir plus de savoir sur la magie sans nul doute. Mais après ? La magie et ses savoirs sont multiples et surtout, répartis dans le monde. Devrais-je un jour quitter cet endroit où j’ai eu tant de mal pour faire mes preuves ?

(Qu’importe, l’heure n’est pas à ce moment. Il reste encore du chemin avant que le premier n'arrive à mon niveau de compréhension de l’occultisme. Laissons place à cette nouvelle magie !)

Et quelle magie c’était. Une immense vague qui me fauche sans aucun état d’âme et me blesse sur toutes les parties de mon corps. Avec la puissance de mon épée, je pourrais faire mal à bon nombre d’adversaires simultanément. En effet, en analysant le sort où ce que j’ai pu entrevoir, la vague était si grande, qu’elle était en mesure d’atteindre plusieurs cibles assez proches.

(Bien, prenons le temps de détailler les différents aspects. Il s’agit-là d’une quantité d’eau telle qu’elle est en mesure de former une vague immense. Il ne semble pas y avoir de prérequis concernant l’environnement ou la cible. L’afflux d’eau provient de nulle part. Commençons par cela.)

L’étape première est de générer cet afflux d’eau massif. Contrairement à mon unique sort d’eau en ma possession, celui-ci me semble diamétralement opposé : un poison dont il faut projeter sur une cible. Des fluides dont on modifie la qualité face à une quantité massive de l’élément.

(La base : générer de l’eau en quantité.)

Me concentrant en moi, je manipule ma magie d’eau pour générer un amas de fluides hors de mon corps. Une accumulation brumeuse de fluide se condense à quelques mètres. Un nuage assez épais qui déverse une maigre pluie sur le sol, lorsque je la laisse se libérer. Pour le puissant torrent d’eau, on repassera.

(Plus encore que la quantité d’eau déversée, il y a aussi la manière dont elle est émise qui pose problème. Même si je parviens à générer assez d’eau, je ne compte pas faire pleuvoir sur mes cibles et simplement leur mouiller le cuir.)

Je retente l’expérience, mais cette fois-ci en condensant mon nuage. Il m’est assez difficile de manipuler mes fluides à l’extérieur. Tel un nuage, la moindre bourrasque lui fait prendre des directions hasardeuses. Je profite cependant d’une accalmie pour le condenser dans une forme plus simple à contrôler : un agglomérat sphérique. Enfin, ça ressemble plus à une multitude de bulles fusionnées les unes dans les autres qu’autre chose, mais ça a au moins le mérite d’être plus simple à contrôler. Une brume aqueuse se forme, relativement petite et aux effets différents. Lorsque je libère l’eau qui s’y trouve, elle se déverse de façon plus importante, comme si une fontaine presque invisible déversait sans discontinuer ses réserves.

(Intéressant. Je suis presque sûr que l’eau semble plus importante que la maigre pluie précédente. Il semblerait que condenser mes fluides permette d’accroître la quantité d’eau obtenue. Je ne suis pas sûr du résultat, mais à l’image de certains de mes sorts, renforcer la quantité de fluide au lancement du sort devrait me rapprocher du résultat final.)

Attendant d’avoir un vent calme, je mobilise la dernière parcelle de fluide d’eau en moi et le mélange à un autre élément pour accroître mes capacités. Je manipule mes ressources magiques pour former un nuage beaucoup plus important que le précédent. Quand je dis beaucoup plus grand, ce n’est pas une parole en l’air. Un nuage immense se dresse au-dessus de moi et dans les environs. Il faut que je me dépêche avant que les éléments ne jouent contre moi. Je condense mon nuage pour le réduire au même amas difforme, notablement plus gros que le précédent.

Cette fois-ci, une énorme quantité d’eau apparaît lorsque je libère les fluides de mon emprise. Une masse énorme d’eau jaillit de cette dernière tentative à tel point qu’elle ne semble pas s’arrêter. Bon…jaillit, c’est vite dit. Il faut imaginer un nuage qui déverserait l’équivalent d’une grosse rivière en un même point et tremperait le sol.

(D’ailleurs, je devrais peut-être m’éloigner, je vais finir par être complètement trempé à force.)

Déjà, des éclaboussures m’arrivent et la sensation de froid est assez importante dès que le vent de la région me rappelle à sa présence. Je pourrais bien entendu mettre mon bonnet magique pour palier au froid en revanche, comme le souligne régulièrement Aëgis, je perds en crédibilité et j’en ai cruellement besoin avec mes élèves. Je m’éloigne donc et réchauffe l’atmosphère avec mes fluides de feu, je regagne mes ressources magiques avec ma communions spirituelle et c’est parti pour un nouveau tour.

Pour la quantité d’eau, on est bon. Il me faut à présent trouver le moyen d’exercer une force assez importante, pour former un mur mobile particulièrement violent. Cela nécessite donc de manipuler ma formation magique pour donner de la force et surtout une direction. Il serait dommage que je me prenne mon propre sort alors que ma vie est en jeu. Bref, je forme et déforme ma magie, je multiplie des idées, des variantes et au bout de tous mes efforts, j’obtiens finalement : une espèce de grosse tumeur flottante dans les airs, délivrant sans discontinuer un torrent d’eau au sol.

(Super ! J’arrvive à faire pleuvoir à grosses goutes !)

Tel est le résumé de mes nombreux efforts et de ma capacité à maîtriser la magie. Je ne suis peut-être pas aussi…Haaaaaa ! Un de mes élèves est venu vers moi, me surprenant tant j’étais accaparé par mes vaines tentatives.

« C’est pour ? » Fais-je, un peu agacé d’avoir été surpris de la sorte.

« Que…que devons-nous faire une fois que nous avons senti nos propres éléments ? » Me demande-t-il, non sans cacher une certaine gêne.

« Il s'agit de vos natures élémentaires. » Dis-je en précisant le terme. « Déjà ? » Je suis assez intrigué par cette réussite. Un bref regard vers les autres me laisse à penser qu’ils sont soit très en retard, soit il me ment pour en savoir plus. J’ai tendance à douter de la véracité de ses propos. « Et qu’avez-vous senti au juste ? »

« Ce que j’ai…senti ? » Répète-t-il, avec une pointe d’inquiétude sur le visage. Restant muet, il se voit forcé de répondre. « C’était...une grande étendue d’eau, comme un lac. Un lac de caverne, souterrain. J’ai également senti une fleur. »

« Une fleur ? » Fais-je surpris. L’encourageant à continuer.

« Oui une...une fleur, un hortensia pour être précis. D’un rose parfait et à la senteur exquise. »

Je le regarde, tâchant de définir s’il ment ou s’il omet certains aspects. J’y vois plusieurs émotions qui se mêlent, sans parvenir à les définir correctement. Néanmoins je ne décèle aucun mensonge ou demi-vérité dans ses propos. Je dirais qu’il est honnête dans ses paroles, mais pas dans sa démarche, sa venue à moi. Il ne semble pas mentir, mais sa sensation diffère de la mienne. Il posséderait donc deux éléments, eau et terre tout comme moi, mais nos perceptions de nos natures élémentaires diffères.

Curieux, je laisse ma perception magique sonder son corps et effectivement, j’y vois un lac. Une eau calme, empreint d’une sérénité telle qu’elle n’est pas troublée par le vent. D’où la sensation de lac souterrain. Je perçois également un autre élément au travers d’une charmante fleur rose. Comme expliquée, son parfum envahi mes sens comme si je la respirais moi-même. Il ne m’a pas menti. Au travers de cette curiosité, que la nature élémentaire de nos fluides possède un reflet qui nous est propres et donc différent d’un être à l’autre, il a progressé rapidement, très rapidement.

« Excellent ! Vous voilà prêt pour la seconde étape. Maintenant que vous êtes familier avec votre nature magique, vous allez devoir travailler votre sensibilité avec autrui. » Le voyant perplexe, je lui donne un exemple concret. « Essayez de savoir quels sont les fluides qui composent ma magie. »

J’aurais très bien pu lui laisser croire que je n’en possède qu’un, mais entre ma démonstration contre le mannequin et mes tentatives claires d’apprendre un sort d’eau, je ne vais pas nier posséder ces fluides-là. Il me regarde un instant avant de fermer les yeux et de discerner les fluides dont je me sers.

« C’est étrange. Je vois…ou plutôt je sens une herbe rafraîchissante. La sensation agréable de sa caresse. Je perçois également le clapotis de l’eau. Une rivière coule à mes côtés. »

(Il l’a perçu ! Il a certes vu mes fluides, mais il a effectivement perçu la nature de ma propre magie ! Bien qu’il n’ai senti que deux d’entre eux, cela pouvant s’expliquer qu’il n’a su détecter que les fluides semblables aux siens. Mais ce résultat est incroyable aussi vite !)

Gardant une attitude d’enseignant, je dissimule l’excitation qui fait naître un feu en moi. Ma liberté est à portée de main à présent.

« C’est un très bon début je le reconnais. Tu as sans nul doute un instinct inné pour sentir la magie. Il te faut cependant continuer de t’exercer. Tu n’es qu’à la moitié du chemin pour comprendre la magie pure. Continue sur cette voie et entraîne-toi sur tes camarades. Lorsque tu seras prêt, reviens me voir. »

Il s’éloigne avec la satisfaction de la réussite, mais pas que. Quelque chose que je ne parviens pas à cerner rôde sur son visage. Des traits, proches du rictus au niveau du nez, sont perceptibles. Je ne parviens pas à en comprendre l’origine cependant, j’ai l’impression qu’il est comme moi, travailleur et désirant ardemment la réussite. Il est resté contrairement à beaucoup de ses pairs, montrant son ouverture d’esprit en recevant les enseignements d’un shaakt. Ce petit me plaît.

D’ailleurs en parlant de petit, voilà que le jeune Eyoïm vient vers moi, sortant d’un coin loin des regards. Fils d’un soldat dont j’ai sauvé la vie, le jeune garçon était presque mon seul lien avec le monde lorsque j’étudiais l’occultisme seul. Il a été témoin de mes premiers résultats, le balbutiement de mes nouvelles aptitudes, ce qui a d’ailleurs engendré sa fuite soudaine. Ayant senti ses fluides aériens, je sais qu’à l’instar des siens qu’il n’a pas fait naître l’élément aquatique dont sont fière les elfes bleus. Au contraire, si cela devait se savoir, il pourrait subir le mépris de son entourage.

« M…monsieur, je…je… » Balbutie-t-il tandis que je comprends sans mal ses intentions au travers de son visage.

Le regard fuyant, les lèvres qu’il se mord et les tics au niveau de ses joues, il a les expressions de ceux qui regrettent un geste trop hâtif. Je pense plutôt que son père lui a reproché d’avoir agi ainsi. Cependant, je perçois également de la crainte, beaucoup de crainte. Son secret a été percé et il a peur des conséquences si l’information venait à fuiter.

« Rassure-toi. Je ne suis pas comme les tiens et nul autre que moi n’est en mesure de déterminer la nature des fluides. »

Je n’ai pas besoin de parler pour que je comprenne qu’il est instantanément soulagé. Plus léger, il laisse le poids de ses émotions s’éloigner de lui. Un fardeau beaucoup trop dur à supporter pour un si jeune enfant.

« Et donc, vous…vous allez former des oscultismes ? » Me demande-t-il.

« Occultistes ! » Dis-je en articulant. « En effet. Le capitaine m’a promis que si j’en formais un, j’aurais le droit de me déplacer plus librement dans la cité et au-dehors. Pourquoi cette question ? »

« Non rien…comme ça. » Répond-il en scrutant mes apprentis oscultistes comme il le dit, avant de revenir sur le sujet après quelques secondes de silence. « C’est compliqué à réalisé ? La magie pure je veux dire ? »

« Ce n’est pas une question de difficulté, il faut…minutes. Tu ne nous aurais pas espionnés par hasard ? » Dis-je, remarquant qu’il aborde un point abordé avec uniquement mes élèves. D’un geste timide de la tête, il confirme mes doutes et s’excuse.

« Oublie ça, je n’ai rien à cacher. Sentir la nature magique n’est pas compliqué en soit. Ce qu’il faut, c’est écouter sa magie comme on sent la caresse du vent sur la peau. C’est davantage une question de sensibilité. Tu veux essayer ? »

« C’est que… » Commence-t-il timidement. « Je n’ai pas de magie à vous montrer, comme la vague d’eau. »

« Au contraire ! Tu as été présent lorsque j’ai travaillé cette sensibilité. C’est en quelque sorte grâce à toi si j’ai développé cette capacité. Tout ce que j’ai besoin, c’est de ton accord. »

« Moi aussi je pourrais être un osc…occultiste ? » Me demande-t-il avec une profonde envie dans la voix.

« Chacun peut l’être. Ce qu’il faut, c’est prendre le temps d’écouter son corps. Si tu nous as entendus, je pense que tu sais déjà comment procéder non ? »

Après un hochement de tête, il se met en tailleur sur le sol et commence à méditer, comme je l’ai fait à ma première fois. Si la méditation elfique permet une efficacité accrue du repos du corps, sa variante plus orientée sur les fluides que le repos, permet de sonder son être en profondeur.


IX 26 L’enfant et l’hérésie.
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Nhaundar
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Re: La Milice de Lebher

Message par Nhaundar » ven. 19 sept. 2025 22:02

IX 26 L’enfant et l’hérésie.

IX 27 Quand la vague piétine la brise.


Me voilà au lendemain de notre accord avec Aëgis. Pour l’instant, aucun des élèves dont j’ai la charge n’a réussi à percevoir la nature des fluides d’Eyoïm. Un seul a détecté les miennes, et uniquement celles qu’il possédait lui-même. Il s’agit justement de Nymaros, l’élève le plus prometteur. J’ai encore du temps devant moi pour travailler avec le jeune elfe.

Tôt ce matin, les élèves ont regagné leur zone d’entraînement habituelle. Ayant modifié leur méthode d’apprentissage par rapport à celle de leurs anciens précepteurs, l’idée de changer également de lieu m’a traversé l’esprit. Adapter le cadre à la nouvelle méthode pourrait s’avérer bénéfique. Cependant, vu les progrès déjà réalisés, je n’ai pas jugé cela nécessaire. Nous avons donc droit au charme du Nosvéris : un vent froid et humide, des nuages couvrant le ciel et cette magnifique teinte grisâtre si caractéristique. Quelques élèves viennent me demander de l’aide pour surmonter leurs difficultés, tandis que d’autres cherchent à confirmer leurs premiers succès.

Après de longues explications et quelques corrections de compréhension, tous reprennent leurs exercices. Je préfère qu’Eyoïm reste à mes côtés. Ce n’est sans doute qu’une question de temps avant que le plus doué d’entre eux ne parvienne à déceler la nature fluidique chez les autres. Tant qu’il est près de moi, il ne risque rien. Cette proximité m’offre aussi l’occasion de lui confier quelque chose.

« Eyoïm, j’ai des aveux à te faire, » dis-je timidement avant d’enchaîner. « J’ai parlé de ton secret à Aëgis, il est au courant pour… tu sais… »

Il se raidit, pris de panique, mais dès que j’évoque Aëgis, son expression se détend.

« Je sais pour tes ancêtres et, même si j’ignore encore comment, je vais faire tout mon possible pour t’aider à développer les aptitudes qui font votre réputation. Mais je suppose que tu avais une idée en tête en t’intéressant à l’occultisme, non ? »

Il baisse la tête timidement, puis acquiesce.

« Je pensais qu’en parvenant à faire comme vous, je pourrais éviter les problèmes. Je suis désolé de vous avoir trompé. »

« Ne t’excuse pas. Quand j’ai compris cela, je suis parvenu à la même conclusion. C’est pourquoi je compte mener cette mission jusqu’au bout avec toi. » lui dis-je en croisant le regard reconnaissant du jeune elfe. « De son côté, Aëgis t’enseignera son art. Qu’en dis-tu ? »

« C’est vrai ? Vrai de vrai ? » S’exclame-t-il, les yeux brillants d’étoiles.

« Il me l’a confirmé lui-même hier soir. Pourquoi un tel enthousiasme ? » Fais-je, curieux.

« Maître Aëgis n’est pas qu’un simple aéromancien. S’il possède des facultés magiques uniques, il est aussi un bretteur hors pair. Apprendre de lui est un grand honneur. » Répond-il humblement.

(Il est donc si respecté que ça ? Je n’e parlais pas de ses prouesses martiales, mais je dois avouer qu’il s’est admirablement battu contre le Garzock la dernière fois.)

« Content de te voir si enthousiaste. Tant que ton esprit reste dans cette direction, tu ne peux que réussir. Je devrais prendre exemple, moi aussi. » Lui dis-je avec un mince sourire.

« Pourquoi cela ? » me demande le garçon.

« Je rencontre une difficulté dans l’apprentissage d’un sort. Je n’arrive pas à générer suffisamment de force pour projeter une grande quantité d’eau. » Fais-je en résumant sommairement ma difficulté.

« Projeter de l’eau ? Vous avez pensé à appuyer dessus ? » Répond-il innocemment.

« C’est plus facile à dire qu’à faire. Puisque je dois maintenir l’eau en suspension dans l’air, appuyer dessus ne ferait que déformer l’amas aqueux, et je ne sais toujours pas comment orienter le jet dans la direction voulue. »

« Bah… faut faire ça dans une outre ? » Dit-il dans la plus grande simplicité.

Je doute qu’il comprenne vraiment, mais je préfère lui parler franchement, ça renforcera sa confiance.

« Comment t’y prendrais-tu, alors jeune elfe ? »

« C’est simple ! » Commence-t-il, comme s’il m’expliquait une évidence au haut de ses quelques dizaines d’années. « On met l’eau dans une outre, on dirige l’ouverture dans la direction voulue, et on frappe d’un coup sec. »

Il mime le geste pour que l’image s’imprime dans mon esprit. Et pourtant, intangible, cette idée me frappe comme une masse.

(Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? Au lieu de laisser mes fluides aqueux en suspension, je dois leur donner une enveloppe à comprimer ! Cela donnera bien plus de force à ma magie.)

Je me relève prestement en m’exclamant.

« Tu es un génie, Eyoïm ! Je dois immédiatement essayer ! Je…heu…je vais essayer ton idée un peu plus loin. Il ne faudrait pas que tu finisses trempé à cause de moi. »

« Aucun souci, juste…une fois que j’ai senti la nature de tes fluides, quelle est la prochaine étape ? »

Je le regarde bouche bée, un instant retenu dans le temps par cette déclaration.

« Tu…tu l’as déjà senti ? »

(Non impossible, il n’a pas déjà réalisé cette étape, je ne lui ai pas expliqué la façon de faire. Mais…n’a-t-il pas tout entendu la dernière fois ?)

Il me répond d’un simple hochement de tête, détaillant avec précision les fluides qui font partie de moi, signifiant bien plus qu’il ne le croit. Je le regarde intensément, comme si je tentais de percer les mystères qui se cachent derrière cette réussite.

« Si tôt ? Tu as pourtant bien moins pratiqué que les autres. Serait-ce à cause des explications du précédent mentor qui n’ont pas altéré ta vision de l’occultisme, ou bien…l’absence de travail fait-il de toi un diamant brut, apte à être poli selon ta pratique ? »

Il me regarde sans rien dire, ne comprenant pas le sens de mes paroles quand nous sommes interrompus et pas n’importe qui : mon élève le plus prometteur, en excluant le jeune elfe.

« Je pense être prêt cette fois-ci. » Dit-il attendant mon approbation pour aller plus loin.

D’un hochement de tête et avec un sourire déjà étiré d’une oreille à l’autre grâce à Eyoïm, ma satisfaction grandit encore lorsqu’il me donne la même réponse que son camarade, pourtant bien plus jeune.

« Excellent, tout simplement excellent ! » Fais-je en tapant des mains en poursuivant. « Une avancée possible dans ma magie et deux apprentis prometteurs au lieu d’un ! » Je rassemble mes affaires tout en poursuivant très enthousiaste. « Votre prochaine étape à tous les deux sera de vous focaliser sur votre magie et d’en retirer votre nature fluidique. Les sorts sont forgés de magie à laquelle la nature fluidique se mêle à elle. En la retirant, vous parviendrez à générer la magie pure des occultistes. Essayez sans plus d’explications, vous semblez aussi doués l’un que l’autre. Moi, je dois pratiquer quelque chose plus loin. A tout à l’heure. »

Je m’éloigne quelque peu de mes élèves, trop enthousiaste face à tant d’avancées. Deux de mes élèves sont déjà sur la bonne direction pour devenir également des occultistes. Bon, un seul en vérité, mais ma liberté est à portée de main. En plus de cela, je me dois d’essayer une nouvelle méthode pour parvenir au terme de cette magie.

Une fois en place, je mobilise mes fluides pour former l’amas aqueux en suspension et use de l’idée d’Eyoïm pour modeler une enveloppe pour enfermer le tout. Afin de donner une puissance à l’eau que je mobilise, je compresse mon enveloppe. J’exerce une pression de plus en plus forte, jusqu’à ce que la forme optimale se dessine d’elle-même. Une sphère aqueuse enferme les fluides à l’intérieur. Cette forme me demande le moins de ressources mentales, car de toutes les formes, elle possède la forme géométrique optimale. Mon grimoire traitant des éléments primordiaux et leurs applications, je me souviens avoir lu que les systèmes physiques tendent à évoluer vers un état de moindre énergie. Pour un même volume, cette forme possède la surface la moins grande réduisant l’énergie pour la maintenir. Un exemple simple est la goutte d’eau, qui sans intervention extérieure, va naturellement s’arrondir pour maintenir son état.

Me voilà ainsi avec une sphère d’eau compressée. Il ne me reste plus qu’à générer une ouverture dans ma sphère pour laisser la vague d’eau se former. Agissant ainsi, une importante quantité d’eau se déverse dans une direction précise cependant, il n’y a pas de vague à proprement parler, m’arrêtant net. Du moins, rien qui ne puisse emporter un individu. Il me faut donc conserver mon contrôle également sur cette eau. La première partie, la sphère d’eau, génère la quantité et la puissance nécessaire pour le sort. La seconde étape nécessite de contrôler l’eau pour lui donner la forme voulue.

Je réitère ma sphère aqueuse, la comprime et avant de déchaîner les eaux, je lie tout le liquide à mon contrôle pour maîtriser forme et direction. Une fois cela fait, j’ouvre ma sphère. Une étendue d’eau émerge et façonnée par mon contrôle, une vague immense, puissante est générée. Elle s’abat sur une cible imaginaire, avant de perdre soudainement toute sa puissance.

(Mais…que se passe-t-il ? Tout a semblé s’arrêter net.)

Ma magie toujours active, je constate que s’il y a bien eu une vague, elle a manqué de quelque chose. A mes pieds, de l’eau sur le sol et non loin, ma sphère toujours présente, avec cependant une différence subtile. L’eau présente est restée sous le niveau de l’ouverture, se déversant naturellement par l'afflux d'eau généré magiquement. Comme dans un récipient penché, le liquide à l’intérieur ne dépasse pas le niveau maximum imposé par l’ouverture. Or, ce n’est pas un vulgaire récipient. Un s’agit d’une sphère comprimée et afin que mon sort arrive à son aboutissement, je dois continuer de comprimer ma sphère jusqu’à épuisement.

Un constat indubitable qui nécessite cependant d’en faire l’expérience et j’avoue que de maîtriser une nouvelle magie m’excite grandement. Je reprends donc du début en formant ma sphère dans laquelle mes fluides sont comprimés jusqu’au maximum. Mon esprit s’en va s’immiscer à l’intérieur pour contrôler forme et direction, avant que je ne libère mes fluides en générant une ouverture. Tout en contrôlant le torrent afin qu’il obtienne la forme voulue, je continue de comprimer ma sphère pour nourrir l’effet de mon sort. J’obtiens ainsi une puissante vague qui s’abat, de la même façon dont j’en ai été victime.

J’exulte intérieurement de joie. Mes efforts montrent leurs fruits et je me tourne vers Eyoïm qui m’a permis de trouver la solution. Ma joie se mue en une sidération totale. Le jeune elfe est encerclé par plusieurs des siens et cela ne ressemble pas à des félicitations pour ses progrès. Je me rapproche, d’abord au pas, puis en accélérant à mesure que les détails me parviennent. Je vois une paire de jambes hors du sol qui se débat, tandis que les elfes qui occultent de leur corps la scène semblent abattre leurs bras.

C’est un passage à tabac.

Le feu de la colère s’embrase dans mes entrailles. J’ai déjà vécu une scène similaire. Ma sœur qui cherche à me brûler avec ma propre magie. Si j’en ai réchappé, j’ai été brisé de l’intérieur, incapable d’user de mes dons durant des dizaines d’années.

Je discerne trois elfes qui frappent. Je mobilise mes fluides pour former une colonne de terre qui s’abat, percutant un d’eux qui entraîne un second. Rapidement, les regards se tournent dans ma direction, mais déjà une autre colonne de terre se génère. Dans l’axe du jeune Eyoïm, je vise la jambe d'un troisième agresseur. Mon sort atteint sa cible et au vu de l’angle pris par le genou, il ne risque pas de courir dans l’immédiat. Il tombe au sol, me laissant enfin voir Eyoïm, retenu par un dernier elfe bleu, mais pas n’importe lequel, mon élève le plus doué : Nymaros.

Ma colère se tait un instant. Même s’il est responsable de cet acte de barbarie, j’ai aussi ma part dans tout cela. Rien ne serait arrivé si j’avais accepté de former Eyoïm. Rien ne serait arrivé si je m’étais trompé en venant ici, nécessitant de former de nouveaux occultistes pour être enfin libre. Ou simplement, rien ne serait arrivé si j’avais attendu pour m’exercer à ma magie. Mes émotions bouillonnent à nouveau. Ma colère s’intensifie en une rage, autant pour l’éarion que pour moi-même, au point où mon visage fait trembler Nymaros, qui lâche le jeune elfe. Il recule, tentant d’articuler quelque chose, mais aucun son ne me parvient. Seul le crépitement de mes fluides de feu envahit mon esprit et une boule de feu ravageuse se dirige vers son visage. Se protégeant contre mon sort, ce sont ses bras qui prennent la majorité des flammes, tandis qu’il tombe sous le coup de la douleur.

Je rejoins Eyoïm lorsque le reste de mes élèves arrivent, accompagnés de soldats alertés par les cris de douleur. J’enserre Eyoïm dans mes bras, constatant de nombreuses marques de coups sur son visage et ses bras. Je commence à pointer ma main, comme je le fais lorsque je lance une magie sans mes armes, en direction de Nymaros, dont le visage a été en partie atteint par les flammes. Cependant, je suis rapidement arrêté. Un premier coup de poing ganté par le fer me percute en plein estomac, coupant net la respiration et un second achève momentanément ma compréhension de la réalité en me frappant au visage. Les soldats m’attrapent avant que je n’ai le temps de faire quoi que ce soit et m’emportent de force.

Ma conscience revient brièvement, juste assez pour voir que mes élèves restent auprès des victimes, Eyoïm compris. Mes émotions me scindent en deux parties distinctes. L’une voudrait se venger du passage à tabac et l’autre tente de garder son calme, sachant que cela est non seulement néfaste pour moi, mais surtout ne changera pas ce qu’il s’est passé. D’autant plus que je vais devoir faire preuve d’un sang-froid exemplaire, car les hommes me traînent vers une destination que je connais que trop bien : le cachot.


IX 28 La mascarade du haut-sang.
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Re: La Milice de Lebher

Message par Nhaundar » ven. 19 sept. 2025 22:39

IX 27 Quand la vague piétine la brise.

IX 28 La mascarade du haut-sang.


Envoyé au cachot sans ménagement, j’ai l’impression de revenir à mes débuts. A mon arrivée, j’ai également été mis au arrêt, sans avoir la chance de me défendre. Après tout je comprends assez bien la situation, Lebher est en guerre avec Pohélis et un elfe noir qui se balade sur ses terres suffit à vouloir l’éplucher vivant. J’ai beau tenter de m’apaiser rien n’y fait, tant le maeltröm d’émotion en moi me trouble. Aurais-je dû garder Eyoïm près de moi pour empêcher les autres de découvrir son secret ? Aurais-je dû trouver une autre voie plus pacifique ou même, aurais-je dû laisser simplement tomber, laissez faire ces éarions et détourner facilement les yeux ? Cette nuit, si je n’ai pu trouver un sommeil réparateur, m’a au moins confirmé sur une chose : Non. Il est évident que si la situation devait se répéter, j’interviendrais. Le mieux aurait été de protéger le jeune elfe avec ma magie, plutôt que de me servir d’elle pour engendrer plus de violence. Alors oui, ce qu’ils ont fait est punissable, mais j’en ai fait tout autant.

Le silence règne dans les cachots. Je suis le seul résident et la tranquillité n’est perturbée que par ma respiration et les quelques gestes que j’opère. Cela me permet de percevoir les nouveaux arrivants. Au loin, bien après la porte close qui enferme les nombreuses cellules, des bruits de pas se font entendre. Lourd, imposant et implacable. La porte s’ouvre dans un grincement sinistre, dévoilant pas moins de trois soldats bien armés. Sans ménagement, ils me menottent et me traînent hors de ma cellule direction le bureau du capitaine de la milice, celui-là même qui, en plus d’être responsable d’un elfe noir, craint que ma présence ne soit une menace pour la sécurité de la cité. Les choses ont changé il y a peu en promettant de former des occultistes, mais j’ai récemment prouvé que j’étais plus apte à frapper mes élèves que de les former.

Mes charmants guides me conduisent jusqu’à son office, avec la délicatesse d’un Brok'nud énervé. Rejoignant les gardes qui surveillent le passage, d’un hochement de la tête ces derniers ouvrent la porte, laissant entrevoir le capitaine à son bureau et cette phrase arrivant à son terme.

« … j’exige donc un châtiment à la hauteur d’une telle infamie ! » Clame une voix que je ne connais pas.

En sa compagnie, des élèves victimes de ma magie, d’Eyoïm ainsi que d’une nouvelle tête. Un éarion assez distingué qui a justement insisté sur le jugement à prononcer. Près de Nymaros, le bras en soutient à celui-ci, c’est en le dévisageant que je remarque des traits similaires entre les deux hommes dont une génération semble les séparer.

(Voilà donc le paternel.)

Je regarde les différents visages présents. Le paternel montre l’attitude hautaine et distinguée des nobles. A mon approche, je décèle dégoût et mépris lorsqu’il pose son regard sur moi. Les autres, dont son fils, se présentent le dos droit, malgré les stigmates de la veille et si je remarque une absence totale de honte sur leur visage, je perçois des petits sourires en coin.

(Saloperie de noble ! Parce que je suis un elfe noir, ils se permettent tout, se cachant derrière papa pour couvrir leurs arrières. Je n’aime pas cette satisfaction sur leurs visages, c’est comme s’ils étaient persuadés qu’ils n’avaient rien à craindre.)

Au moins, Eyoïm est présent et pourra témoigner de…Mon visage se fige en voyant le jeune elfe. Guéris de ses blessures, il affiche une honte claire sur lui et je comprends. Je comprends qu’entre l’absence de blessure, ce mépris pour lui-même et la proximité avec ses agresseurs de la veille, il ne risque pas de plaider pour ma défense. Si en plus le paternel a eu l’occasion de plaider avant mon arrivé, tout est déjà scellé avant même que je n’ai le temps de me défendre.

Je suis placé sans ménagement, devant le capitaine dont le regard exprime une sévérité implacable à mon encontre. Il me fixe et le temps semble s’arrêter à ce moment-là. Une éternité s’est écoulée lorsqu’il parle enfin de toute son autorité.

« J’ai eu vent de graves accusations te concernant. Tu aurais usé de magie non seulement sur des membres de la milice, mais également un de tes élèves et de surcroît, le fils d’un haut dignitaire de Lebher. As-tu quelque chose à dire pour ta défense ? »

Je suis résigné. Je sais d’avance ce qu’il m’attend, peu importe ce que je vais dire, peu importe la vérité. Seulement, la vérité est la seule chose qu’il me reste. Admettre un mensonge, serait revivre les sévices qui m’ont tant coûté étant jeune. Peut-être aurais-je pu changer ma manière d’intervenir, mais certainement pas cette prise de position protectrice envers le jeune elfe.

« Je n’ai fait que défendre une victime. Rien de plus. »

« Une victime ? Quelle victime ? » Rétorque le patriarche. « Regardez mon fils, regardez ses camarades ! Je sais que ce…shaakt avait promis d’en faire un occultiste, mais force est de constater qu’il s’est joué de vous. Sa seule motivation était de malmener le devenir de la milice, à défaut de pouvoir le faire auprès de ses semblables à Pohélis. Il ne fallait pas en attendre davantage de ces gens-là. »

(Ces gens-là ? Je sais que les miens portent sur tous nos semblables une réputation dont la majorité mérite. Mais j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour prouver ma bonne foi.)

« Je n’ai fait que protéger le jeune Eyoïm et vous le savez ! » Dis-je en voulant me défendre, mais la réponse en est presque attendue.

« Le protéger ? De qui, de quoi ? Ce jeune homme n’a aucune blessure, regardez. » Prétexte-t-il en désignant l’intéressé.

Son attitude de victime m’agace et c'est en m’emportant que je réplique.

« N’importe quel soigneur en aurait fait de même ! »

« Il suffit ! » Hurle le capitaine à mon attention, avant de calmer sa voix. « Toutes les personnes présentes ont été soumises à un isolement, afin de juger avec impartialité une telle violence dans l’enceinte même de la milice et sur un membre de la famille Elquadoren! »

« Un isolement ? Si tel est le cas comment en a eu vent monseigneur Elle-couille-dorée pour être présent ? Sauf s’il a corrompu des gardes pour cela. » Fais-je, jouant sur le nom pour l’insulter en écorchant un peu le nom.

Je n’ai pas le temps de voir sa réaction qu’elle me frappe en plein visage, ou plutôt sa magie d’eau que je reçois de plein fouet.

« Misérable larve noire, je t’interdis de te moquer de moi de la sorte ! Tu aurais mieux fais de te trouver un terrier à lapin comme tes semblables pour t’y cacher ! » Crache-t-il. « Saches que contrairement à toi, ma famille est aussi noble d'âme que de rang et fait partie des plus illustres de la cité. Nombreux sont ceux qui veulent s’attirer mes faveurs en évoquant les crimes qui odieux nous visant. »

(Si vraiment les informations de ce qui s’est produits ont fuité, Aëgis devrait être là lui aussi. Non seulement il me connaît mieux que quiconque dans cette cité, mais il est le second du capitaine. Or, lui-même n’est pas présent. Preuve que cet isolement ne vaut que pour moi.)

« Monseigneur Elquadoren, je comprends votre réaction, mais je vous demande de ne rien faire tant que le jugement n’a pas été prononcé. » Fait remarqué le capitaine avec tact et diplomatie, là où moi je n’ai que mépris.

« Il m’est déjà difficile de partager le même air que cette…chose. N’en demandez pas trop. » Se targue le noble en voulant démontrer que l’autorité du capitaine ne semble pas s’appliquer à lui.

Le capitaine se tourne d’ailleurs vers moi pour répondre à une question qui l’interpelle.

« Je ne vais pas m’attarder sur l’insulte proférée à l’encontre des nôtres. Il y a déjà bien à faire avec la présente situation. Revenons à cette fameuse agression sur le jeune Eyoïm, si effectivement une telle chose a eu lieu, quelle en a été la raison ? »

Sur son visage, je vois l’ignorance non feinte. Il ne sait pas qu’Eyoïm porte en lui les fluides d’air et non d’eau, susceptible de recevoir la honte des siens. En portant mon regard sur le côté, je remarque de monseigneur à la couille dorée ne retient pas un mince sourire. Ou plutôt, il fait exprès de me le laisser le percevoir. Lui connaît la vérité. Comme je l’ai sous-entendu, il a déjà eu l’occasion d’échanger avec son fils. Révéler le secret du jeune éarion, ne serait d’aucune utilité. Ils nieraient agir de la sorte. Au mieux, je ne ferais que propager l’information en la rendant publique. Ne pouvant répondre, je tourne la tête et préfère garder le silence.

« Il garde le silence car, aucune raison n’a justifié son comportement. Peut-être voyait-il en ce jeune homme, une sorte d’animal domestique à rester tout le temps près de lui. Un sentiment d’appartenance que la proximité de mon fils et ses amis ne lui a pas plus. » S’amuse le noble en lançant des accusations totalement inventées.

Je ne préfère même pas lui offrir le plaisir de lui montrer la colère qui m’envahit en ce moment. Je garde les yeux devant moi, serrant les poings devant une telle injustice. Parce qu’il est de sang noble, il profite de sa position pour écraser ceux qui lui déplaisent, sans jamais craindre les conséquences, comme si le monde lui appartenait par droit de naissance.

D’un hochement de tête, mon juge reporte un regard de réprobation, avant de se tourner vers les témoins. Tous maintiennent la même version, à savoir qu’ils étaient réunis ensemble, lorsque je les aurais attaqués sans aucune raison. Tous, excepté Eyoïm, le dernier à parler.

« Bien que tu ne fasses pas partie de la milice, j’espère que malgré ton âge, ton père a su t’inculquer nos valeurs entre deux missions. Je t’écoute. » Invite le capitaine.

Tous les regards sont posés sur lui et tous portent en eux des attentes différentes. Le sourire de la complicité des agresseurs protégés derrière l’influence de la noblesse, l’attente du capitaine pour juger de la situation une fois tous les témoignages en mains et moi, je guette le seul qui peut me sortir de cette impasse. Il reste muet. La tête basse, ses mains agitées transpirent l’hésitation. Nymaros, celui qui a certainement détecté la nature de ses fluides et a poussé ses camarades à ce lynchages, le pousse légèrement en avant pour le pousser à parler.

« Ils…ils disent vrai. » Lâche-t-il finalement, sans regarder personne dans les yeux, achevant ainsi mes maigres espoirs.

« Ha ! C’est bien ce que je pensais. Cet elfe noir n’est qu’un furoncle dans notre belle cité. Nul doute qu’il sera châtié pour son acte. Même ce jeune homme ne parvient pas à lever la tête tant il souffre d’un tel déchaînement de violence. »

Le capitaine porte un bref regard sur les "victimes", avant de revenir à moi.

« Ainsi donc nous avons les quatre témoins qui définissent la culpabilité de l’accusé, qui n’a, en aucune manière justifiée la raison de ses actes. Finalement, cela va être plus rapide que je ne le pensais. Nhaundar, vous avez été des plus utiles en des temps troubles et ceux qui ont survécu par vos actes s’en souviendrons. Il est cependant inacceptable que des personnes sous ma responsabilité agissent de la sorte. Qu’il soit noble ou non, la vocation de la milice de Lebher est de protéger ses habitants, pas de recourir à la violence par pur caprice. » Détaille le capitaine, annonçant ainsi les arguments du verdict qu’il s’apprête à rendre. « Vous êtes déclaré coupable de vos actes et serez mis à mort demain matin. Gardes, emmenez-le ! »

Sans plus attendre, les soldats autour de moi m’attrapent, tandis que les véritables coupables jubilent. Ainsi, ma vie va s’achever. Il y a tant de choses que j’aurais voulu vivre et découvrir. De nombreuses formes de magie, des objets aux pouvoirs surprenants, des lieux mystiques perdus dans le temps. Ma seule consolation est d’avoir agi de la bonne manière, en protégeant Eyoïm, même alors qu’il m’a donné le coup de grâce. J’espère seulement que ses agresseurs le laisseront tranquille et qu’il parviendra à devenir ce qu’il a toujours souhaité. Je ne serais juste plus de ce monde pour le voir…

« Non attendez ! Il est innocent ! » Clame la voix du jeune éarion.

…ou pas.

D’un ordre du capitaine, les gardes s’arrêtent et tous les regards se tournent à nouveau vers Eyoïm. Je le vois, malmené par le patriarche et entouré de son fils et ses amis.

« Que se passe-t-il ? » Interroge le capitaine.

« Peut-être me suis-je trompé. L’animal domestique était certainement ce shaakt et l’enfant craint de perdre son chien rien de plus. » Tente le noble en voulant conserver la sentence.

« C’est faux, il…aïe, vous me faites mal ! » Hurle le jeune éarion.

« Monseigneur Elquadoren, lâchez cet enfant ! » Tonne le capitaine.

Caché par le corps du noble, je discerne cependant qu’il tentait de restreindre Eyoïm d’une main et le lâche avec regret.

« Eyoïm, tu as déclaré avoir vu cet elfe noir s’en prendre à ces trois personnes. As-tu menti ? » Demande le capitaine avec l’autorité de celui qui n’accepte pas qui lui mente.

Eyoïm me regarde un bref instant, pose son regard sur le patriarche Elquadoren et s’en revient croiser le regard de mon juge avant de répondre.

« Non capitaine ! »

« Ha, vous voyez. » Se rassure le noble.

« Il s’est effectivement pris à eux, mais pour me protéger ! Ces hommes m’ont roué de coups. » Continue-t-il en pointant ses agresseurs.

« Te protéger ? Mais pour quelle raison mon fils et ses amis auraient-ils agi de la sorte. » Demande le patriarche.

« Monseigneur Elquadoren, merci de me laisser conduire l’interrogatoire. » Corrige poliment le capitaine, avant de se tourner vers Eyoïm. « Réponds à la question. »

Ce n’est pas une question, c’est une voie sans gain pour le jeune éarion. A présent, soit il revient sur ses propos, soit il dévoile la nature de ses fluides, sans être certain que cela joue en notre faveur.

« Je… » Hésite-t-il.

Il porte un regard vers moi et nos yeux se croisent. Je ne suis pas si vieux que cela, mais j’ai malgré tout vécu plus de choses que je le pensais. Tout ce temps, après m’être enfuis d’Omyre m’a été un cadeau précieux, je le comprends à présent. Je suis résigné. Dans cette cité, il n’y a rien de bon pour moi. Je ne fais que lutter en vain contre les préjugés qui me harassent. Mais ce n’est pas le cas d’Eyoïm. Il est jeune et malgré ses pouvoirs sur l’air, il possède sans conteste des capacités d’occultistes. Il sera un atout pour Lebher. Dès qu’il développera des aptitudes de mono-élémentalistes, il écrira une nouvelle page de l’histoire de sa famille.

De la tête, je lui fais signe de ne pas répondre et tourne de moi-même pour reprendre le chemin vers ma dernière chambre.

« Je suis un aéromancien. » Déclare timidement Eyoïme.

« Qu’as-tu dis ? » Fait répéter le capitaine.

« Je suis…un aéromancien ! » Déclare-t-il haut et fort.

Il commence à expliquer que c’est la raison du passage à tabac et détail la façon dont la scène s’est déroulée. Je le regard dépité, de voir son avenir changer par cette déclaration qui sera balayé d’un revers de main par ses agresseurs. D’ailleurs, ces derniers le regardent avec un air menaçant. Peut-être n’aiment-ils pas voir leur plan être déjoué par un simple enfant, ou un éarion n’ayant pas bénéficié des dons de l’eau.

En tout cas, Nymaros semble en proie à une véritable colère. Il se retient, c’est évident. Son père l’a également remarqué et pose une main ferme sur lui pour l’empêcher d’agir. Il ne manquerait d’un rien pour qu’il cède selon moi.

(Et si je le manipulais ? J’ai déjà été capable d’indiquer de brèves instructions comme si cela venait de ma cible elle-même. Peut-être…peut-être puis-je enlever les brides qui le retiennent.)

Je concentre ma magie psychique, comme je l’ai fait dans les ruines en instillant une idée. Cette fois-ci, je me concentre sur ses désirs, ses envies, jusqu’à ce que je perçoive une partie de lui qui retient tout cela. Comme un barrage qui l’empêche son être de céder, j’y créé une brèche pour laisser ses désirs s’immiscer insidieusement.

Le résultat ne se fait pas attendre, cédant à son mépris, il s’avance vers Eyoïm pour l’injurier.

« Tu n’es qu’une sale vermine, un rejeté des eaux ! »

« Tais-toi est-ce bien compris ? » Grogne son père.

Malgré cette faille, il ne cède pas totalement. Il faudrait pourtant un rien afin que sa colère prenne le pas sur lui. Le toucher dans son ego éventuellement.

« Rejeté des eaux ou pas, il est parvenu au même résultat que toi avec moins de temps et d’explication. Si tu es doué, lui il a un véritable talent ! » Fais-je en exagérant.

« Lui, meilleur que moi ? » Rage-t-il, atteint par mes mots dans son égo.

Il s’élance vers le jeune éarion et s’apprête à le frapper. Je mobilise ma magie pour protéger Eyoïm dans une armure de pierre. Le coup de poing percute la protection et se brise dans un craquement d’os et de hurlements de douleur.

« Rhaaa, j’aurais dû en finir avec toi la dernière fois ! »

« Pardon ? Ai-je bien entendu ? » Tonne soudainement la voix du capitaine.

« Si vous me permettez capitaine, c’est… » Commence le patriarche, avant de se faire couper la parole.

« Vous avez ma permission de sortir, oui. Je vais régler cette affaire moi-même. » Coupe poliment, mais fermement le capitaine.

« Capitaine ! Comment… ? Etes-vous en train d’admettre la possibilité que mon fils, mon propre fils, se fasse réprimander en faveur d’un sale shaakt, qui l’a d’ailleurs outrageusement violenté ? » S’indigne-t-il.

« Je rendrais la sanction méritée lorsque les faits me paraîtront plus clairs. Puisque vous avez été présent, je puis vous faire parvenir une missive une fois que l’affaire sera jugée. » Dit-il en invitant le patriarche à sortir.

« Capitaine, je suis le patriarche de la famille Elquadoren et à ce titre, j’exige de recevoir le respect qui m’est dû ! » Clame-t-il sans se laisser démonter.

« Nous ne sommes pas dans une cours de nobles, où l’influence détermine le rang, mais à la milice de Lebher. Ici, les actes ont des poids et des conséquences. Je connais les anciennes coutumes contre ceux qui ne possèdent pas les fluides d’eaux en eux, mais il s’agit de pratiques d’un autre temps et elles n’ont pas leur place ici, pas avec moi ! Si tel est le cas, mieux vaut que la vérité soit révélée maintenant, plutôt que de faire venir d’autres témoins. Au vu de la sensibilité de l’affaire, je pense que nous pouvons élargir la recherche de témoin. Avec tous les miliciens dans les environs et les membres présents pour leur apprentissage, je ne doute pas de déterminer le vrai du faux dans l’histoire. » Il termine en fixant le patriarche dans les yeux. « Les affaires de la cours n’ont pas leur place ici et inversement. »

Je discerne dans ses traits, qu’il met l’accent particulièrement sur sa dernière phrase, comme s’il cherchait à faire passer discrètement un message. Le patriarche plisse les yeux, comme s’il jaugeait les propos du capitaine. Finalement, il pose une main ferme sur son fils.

« Alors, est-ce vrai ? As-tu molesté un jeune éarion pour son absence d’eau dans sa magie ? »

« Quoi ? Mais…père, je… » S’offusque son fils en regardant son père avec des yeux implorants, avant de se faire couper la parole par celui-ci.

« Est-ce vrai ? » Répète-t-il.

« Je…je…oui. » Avoue-t-il enfin.

Un soulagement déferle en moi comme une douche bienfaisante. Plus encore que le jeune Eyoïm qui s’est mis en travers pour me protéger, les aveux de Nymaros me lavent à présent de toute culpabilité.

« Par Mourra, c’est… » S’indigne faussement le patriarche. « Je suis déçu, terriblement déçu. Capitaine, je sais qu’il s’agit-là d’une affaire qui ne concerne que la milice, mais permettez au moins que j’inculque à mon fils le déshonneur qu’il vient de répandre sur notre famille. »

Le capitaine hésite un instant, mais finit par accepter la demande. L’influence des puissants est un poison insidieux, capable de se glisser dans les plus impénétrables obstacles.

« Si je puis me permettre, j’ai eu vent de ce…shaakt et ses capacités. Pour un être doté de telles capacités, il aurait très certainement pu calmer la situation, sans avoir recours à la violence. J’espère que vous saurez le punir justement, tout comme vous le ferez pour mon fils en temps voulu. »

(Ba voyons.Comme si j’allais devoir rendre des comptes pour avoir protéger…)

« Tout acte à l’encontre d’un membre de la milice est répréhensible et vaut une sanction à la hauteur de la situation. Vous pouvez tous disposer, sauf vous. Nous n’en avons pas terminé. » Répond-il en me désignant des yeux.

(Quoi ?)

« Dans ce cas, nous allons prendre congé avec mon fils. » Termine-t-il en empoignant fermement l’intéressé à l’épaule.

En partant, il me jette un regard des plus malveillants à mon attention. Bien que tout se passe dans le cadre de la milice, je sens que toute cette histoire n’est pas terminée. Tous quittent l’office, gardes compris. Je reste seul face au capitaine et à son autorité qui me terrifie lorsque je suis seul en sa compagnie.

« J’ai dit que vous étiez une épine dans mon pied. Je me suis trompé sur votre compte. Car si tel était le cas, j’aurais pu vous arracher d’un coup sec. » Clame-t-il froidement. « La violence au sein de la milice est interdite et punie fermement. Surtout que je sais que vous auriez pu agir autrement qu’en employant la force. »

« Je dois… » Dis-je avant d’être coupé.

« Silence ! » Hurle-t-il si fort, que bon nombre de personnes à l’extérieur doivent l’avoir entendu. « Les actes de violences sont interdits et au vu de la situation, je ne peux me permettre aucun laxisme. Nous avions un marché vous et moi : former des occultistes. En plus de cela, votre peine sera…de faire de même avec le jeune Eyoïm. » Termine-t-il sur un ton sec, mais beaucoup moins autoritaire.

« Pardon ? C’est…c’est tout ? » Dis-je stupéfaits.

« Je peux vous rajouter des corvées supplémentaires si vous jugez votre peine trop légère. »

« Non, non, c’est…merci. J’accomplirais ma peine avec assiduité capitaine. » Fais-je en m’inclinant.

« Ne me remerciez pas. Son père, le soldat à qui vous avez sauvé la vie il y a peu, est un vieil ami à moi, nous avons fait nos classes ensembles. Je ne supporterais pas que mes miliciens agissent comme ils l’ont fait. Comment se passe la formation ? »

« Plutôt bien. Plusieurs de vos hommes devraient être prêts à passer à la prochaine étape. Eyoïm en revanche, semble posséder une très bonne sensibilité magique. Il a commencé la formation plus tard et pourtant, il a déjà dépassé Nymaros qui était l’élève le plus prometteur. »

« Bien, très bien. » Réplique-t-il, mais je vois bien qu’il est tracassé par quelque chose. « Faites attention à vous. La famille Elquadoren est influente, très influente. Vous pourriez bien avoir des problèmes les jours à venir. En attendant, pourriez-vous me rendre service ? »

« Oui, tout ce que vous voudrez capitaine. » Dis-je, près à le satisfaire.

« Quittez mon bureau et n’y revenez plus pour m’annoncer une de vos nouvelles frasques. »

« Je… » Fais-je en souriant, avant de terminer. « Je ne puis vous promettre l’impossible. »

« Barrez-vous de mon bureau. » M’ordonne-t-il, las.

J’obtempère et quitte son office pour retourner respirer à nouveau l’air de la liberté.


IX 29 Quand l’ombre perd sa lumière.

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Nhaundar
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Re: La Milice de Lebher

Message par Nhaundar » ven. 19 sept. 2025 23:08

IX 30 La bataille des ténèbres.

IX 31 Le rideau du haut-sang.


Lorsque j’ouvre à nouveau les yeux, mon environnement est différent. Tout est d’un bleu profond. Je perçois quelques formes verticales, mais celles-ci sont floues, comme tout le reste d’ailleurs et la lumière qui parvient dans la pièce où je me trouve ne m’aide pas, tant elle m’éblouit. Par réflexe, je cherche à couvrir mes yeux, mais force est de constater que je n’y parviens pas. L’effort me paraît insurmontable. Néanmoins, les formes floues paraissent s’agiter et s’approchent de moi. A ma gauche, un bref moment d’ombre se présente, avant que la lumière se mette à briller davantage, m’obligeant à l’immense effort que représente le mouvement de la tête sur l’autre côté, la où se trouve la seconde silhouette. La lumière atteint la forme d’un bleu plus doux que ce qui m’entoure. En revanche, un brouhaha, une cacophonie, que dis-je une explosion auditive retentit.

(Mais dans quel cauchemar ai-je atterri ?)

Une partie de mon environnement bleu semble disparaître, laissant à la place un halo de lumière agressif. Cette torture ne cessera donc jamais ? Une nouvelle silhouette apparaît et se rapproche de moi. Un son étrange retentit…non, c’est une voix, un murmure. Suite à cela, les deux silhouettes agressives s’éloignent et me laissent avec la dernière venue. Plus douce, plus calme que les précédentes, elle se porte sur moi lentement. Une pression se fait sentir sur ma tête et ma poitrine. Quoique cela pourrait tout aussi bien être mes épaules et mes jambes que je ne ferais pas la différence. Une lumière surgit de nulle part. Son éclat, désagréable dans les premiers instants, disparaît peu à peu et avec, le mal qui m’atteint. Petit à petit, mes forces reviennent : mes mains sentent la présence d’un lit, mon esprit sent que je suis allongé, mon ouïe capte les murmures et ma vue s’éclaircit. Face à moi, une hinionne dans la force de l’âge, possédant la douceur d’année de pratique auprès de patients. Elle m’examine plus en détail avant de s’éloigner. Derrière elle, je comprends que je suis dans une pièce aux motifs bleus des éarions et lorsqu’elle s’enlève lentement, pour me laisser me remettre, Aëgis, ainsi que le capitaine de la milice sont présents.

« Et la prochaine fois, ne hurlez pas ! Faites au moins ça pour ceux qui souffre. » Dit-elle doucement, mais avec une certaine autorité au capitaine éarion, qui réplique d’un timide hochement de tête.

Aëgis se désintéresse de la conversation pour se porter à mon chevet, demandant des informations à la soigneuse.

« Comment va-t-il ? »

« Il va mieux. » Réplique la soigneuse, avant de préciser. « Il peut parler, mais n’exagérez pas cependant. A votre demande je l’ai remis temporairement sur pied, mais d’ici quelques heures l’effet du sort disparaîtra et il sombrera à nouveau, tant que son corps n’aura pas récupéré. » Elle repose ses yeux sur le capitaine et précise. « Je vous surveille. Un problème, et vous dégagez. À coups de pied au cul, s’il le faut ! »

« Bien madame. » Déclare timidement l’intéressé, visiblement tendu.

Celui-ci respire alors qu’elle disparaît par la porte où elle est venue. Les deux elfes arrivent vers moi en quête d’information.

« Comment tu te sens Nhaundar ? » M’interroge l’elfe blanc.

« Je dirais…perdu. Ca résume bien mon état dans l’immédiat. Que…qu’est-ce qui s’est passé, où suis-je ? »

« Vous êtes… » Commence par répondre l’éarion, avant de reprendre plus bas. « Vous êtes dans l’aile médicale de la milice. Au vu des derniers événements, j’ai préféré vous avoir dans ma sphère d’influence. »

« Votre sphère d’influence…mais de quoi vous parlez ? » Dis-je, complètement paumé.

« Tu ne te souviens de rien ? » Me demande à nouveau l’elfe blanc qui, après un signe négatif de la tête, regarde un instant le capitaine avant de revenir à moi. « Alors qu’on attendait le retour de la famille Elquadoren pour répondre des actes de leur fils, son absence nous a alertés. On a repéré des marques de lutte à quelques pas de chez toi, tandis que ta demeure était vide. En suivant la trace, on a fini par te trouver gisant au sol dans une maison abandonnée, assez loin de chez toi. A tes côtés, se trouvaient les cadavres de deux éarions inconnus. On t’a rapidement emmené ici pour soigner tes blessures, mais tu avais perdu beaucoup de sang. Cela fait trois jours que tu es alité. »

« Trois jours ? » Fais-je surpris, des bribes de souvenir me revenant ici et là.

« Trois jours... » Grogne doucement le capitaine, mais on sent bien la colère dans ses mots. « Trois jours et toujours pas de nouvelles de Nymaros. »

(Nymaros.)

Ce nom résonne en moi et avec, le souvenir douloureux qui en découle.

« Vous pouvez oublier. » Dis-je, ma déclaration attisant la curiosité de mes invités.

« Pourquoi cela ? »

« Cela me revient. Lui et deux hommes m’attendaient près de chez moi. Il a prétendu… » Je m’arrête un instant, la tête sur le côté, le temps que ma mémoire se souvienne un peu plus. « Je crois qu’il devait partir…que son père l’envoyais…je ne sais plus où, le temps qu’on l’oublie. »

« L’oublier ? Ha ca ça ne risque pas ! » Grogne le capitaine avant qu’Aëgis ne lui demande calmement de retenir sa fureur.

« Nos pisteurs ont fait état d’une course-poursuite dans les maisons alentours. Pourquoi ne pas avoir usé de magie, du moins pas avant la fin ? » M’interroge l’elfe blanc.

« Ma magie…je…je l’ai perdu…je…ils ont utilisé un poison contre moi. Je crois que c’est celui que tu m’as mentionné il y a peu. » Dis-je difficilement.

« De la brise-magie ! » Déclare Aëgis en croisant le regard fulminant du capitaine. « Tu es parvenu à prendre le dessus malgré l’absence de magie ? »

Mes souvenirs me reviennent encore. Je me rappelle des faits suivants la perte de magie.

« Je me suis souvenu de ce que tu m’as dit à ce sujet, que le poison ne durait qu’une quinzaine de minutes. Il m’a fallu gagner autant de temps que possible. J’avais…quelques sorts incrustés dans mes équipements que j’ai pu utiliser pour les tromper. Cela m'a permis de m’enfuir dans la maison pas loin et pour le reste, les elfes noirs voient bien mieux que vous autres dans l'obscurité. J’ai continué à fuir, jusqu’à ce qu’ils me rattrapent et c’est à ce moment-là, j’ai pu retrouver ma magie. Nymaros a pris la fuite et les deux elfes ont tout fait pour que je ne parle plus jamais. Je crois qu’ils y seraient parvenus sans votre intervention. »

« Ces hommes, portaient-ils ceci sur eux ? » Demande l’éarion en partant vers la porte. Après avoir ramassé des effets personnels disposés à l’extérieur de ma chambre, il me présente plusieurs équipements assez différents. Dans le lots, certains font resurgir les souvenirs des combats acharnés.

« Oui, ils avaient exactement ces choses sur eux. » Fais-je en désignant les protections de mes agresseurs. « Ces enfoirés, ils m’auront fait dépenser bons nombres de potions hors de prix. »

« Ta vie vaut bien quelques potions non ? » Réplique Aëgis en souriant.

« J’ai évoqué des inconnus, or ce n’est pas vraiment le cas. Pas plus que les équipements prélevés à des miliciens, et mélangés à ceux des agresseurs, pour m'assurer que malgré la perte de sang, l'identification soit sans équivoque. Je connais l’un de ces hommes, il est sous les ordres directs de la famille Elquadoren. Il n’agit pas sans l’aval du patriarche. C’est clairement une tentative d’assassinat, au sein même de notre cité ! » Rage-t-il, avant que l’hinion ne l’enjoigne à nouveau à la retenue. « J’ai déjà préparé le nécessaire, votre témoignage n’en est que la dernière pierre à l’édifice. Nul ne porte atteinte aux miliciens ou à ceux qui y sont affiliés… »

Un étrange sentiment de fierté m’atteint, en entendant ainsi le capitaine protéger ses hommes, moi compris.

« …Cela est un priviliège qui m’est réservé ! » Dit-il, en brisant cette fierté fraîchement naissante. « Concernant la dépense de ressources, vous n’aurez qu’à vendre tout ceci. Nous avons déjà récupéré le nécessaire pour garantir le lien avec la famille Elquadoren. » Termine-t-il en désignant les affaires des hommes de main.

De loin, je vois en plus des protections qu’ils possédaient, les armes qu’ils ont maniées. Cette vue me rappelle le souvenir de l’acier contre ma chair et fait parcourir un long filet glacial dans le dos.

« Si je puis me permettre, je doute que le patriarche admette l’assassinat. » Prétend Aëgis. « Tout au plus, s’il reconnaît l’implication de son homme, il privilégiera l’action individuelle pour venger son fils. Il faudrait mettre la main sur ce dernier, mais depuis le temps, il est au mieux, au fond d’une cale hors de notre portée. »

« Je le craint également. » Admet le capitaine. « Néanmoins, je dois consigner ceci pour le porter à mes supérieurs et faire en sorte que cela ne se reproduise plus. » Il se tourne vers moi, terminant. « Quant à vous, remettez-vous vite sur pied. Vous avez du travail si je ne m’abuse. »

(Notre accord. Former des occultistes est donc ce qui le préoccupe le plus, avant ma propre sécurité. Mes apprentis. Eyoïm !)

« Eyoïm ! Il faut le prévenir immédiatement ! » Fais-je en cherchant à sortir de mon lit.

« Du calme. » Répond Aëgis en me forçant à rester allongé. « Cela fait des jours que tu dors rappelle-toi. Nous avons déjà envoyé des soldats et il est en de bonnes mains. Il s’inquiète pour toi d’ailleurs. »

(Ce n’est qu’une question de temps avant qu’on ne découvre son secret et il s’inquiète pour moi. Quel gentil garçon.)

« Je vous laisse. J’ai fort à faire avec ces récents troubles et mes supérieurs souhaitent s’entretenir avec moi. » D’un bref salut, le capitaine fait demi-tour et s’en va vaquer à ses occupations.

Un bref instant plus tard, l’hinion à mes côtés se permet de commenter son attitude et ses paroles.

« Ne te fais pas de fausses idées. Il peut paraître se moquer de ta situation, mais il ne veut simplement pas montrer qu’il s’inquiète pour toi. En revanche, si on te pose la question, je nierai ces dernières paroles comme un arracheur de dents. » Déclare-t-il avec un clin d’œil.

« Plaît-il ? Aurais-je un moyen de pression sur toi ? » Dis-je taquin.

« Je dirais plutôt les divagations d’un convalescent. » Me répond-il en souriant. « Je te laisse. Tu as besoin de temps pour te reposer et aucune magie à ma connaissance n’est capable d’un tel prodige. »

Je commence à lever une main pour une demande, mais je suis rapidement interrompu avant que le moindre mot ne sorte de ma bouche.

« Et non, pas de lecture. Du repos pur et simple pour le moment. Je repasserai lorsque tu n’auras plus besoin de la magie pour parler. » Déclare-t-il en quittant à son tour la pièce.

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