XII Comme une impression de déjà-vu.
XIII Rires et palourdes.
Après être sortie de la chambre, je suis acclamé en héros. Bien que cette nuit-là, certains ont trépassé, nous en sommes sortis victorieux, loin des chaînes qui nous étaient promises. J’ai pu récupérer l’intégralité de mes effets personnels, avec ma bourse de yus. Je laisse volontiers l’argent que possédaient les pirates aux marins. Ce n’est pas ce qui les réjouira, mais j’ai cru comprendre qu’ils voulaient utiliser la majeure partie pour des funérailles décentes à tous ceux qui sont tombés durant la mutinerie, mais aussi l’abordage. Parmi les rescapés, nous avons la chance d’avoir un adepte de la magie blanche. Il n’est certes, pas aussi doué que les guérisseurs, ou même un certain poisson volant, mais c’est lui qui m’a permis de rester en vie, comme d’autres rescapés et c’est aussi lui qui a pris discrètement soin des blessures durant notre captivité. Lorsqu’il a appris que j’avais une nouvelle mission, en lien avec les pirates, il s’est assuré que tout le monde soit hors de danger, avant de soigner mes blessures les plus graves.
C’est ainsi, qu’après avoir vogué sur l’eau, loin de notre destination prévue, nous accostons au port dans l’après-midi. Du moins c’est ce que je crois, car le temps semble passer différemment si loin au nord. Bien qu’il n’y ait pas de problèmes particuliers à notre arrivée, j’ai une très forte sensation d’être surveillé.
"Lebher a été en conflit ouvert avec Pohélis. Même si Oaxaca ne règne plus, la crainte d’une guerre soudaine est toujours présente et les espions ennemis redoutés." M’explique Cadmis.
Après un long voyage, rendu sans fin avec notre vie misérable à bord, les marins n’ont qu’une envie.
(Allez taquiner les femmes du coin ?)
(Non...oui ! Bon, mettons deux envies, comme manger un repas correct !)
Nous nous rendons à deux dans la fameuse auberge citée dans la missive. Le silence se fait lorsque nous pénétrons dans les lieux. Faite de bois, l’auberge possède un charme unique avec sa décoration faite d’éléments marins. Les murs sont peints d’un bleu sombre, soulignant la profondeur de la mer et les nombreuses algues dispersées ici et là, donnent l’impression d’être sous l’eau. Même la carte de la région donne l’impression d’examiner les fonds marins. Cité sur le pied de guerre, de gros coquillage font office de boucliers, tandis que des tridents croisés prennent la place des lames. Bien que les regards méfiants nous soient jetés de temps à autre, l’accueil chaleureux des propriétaires nous fait beaucoup de bien.
"Bonjour. Désirez-vous le plat du jour ?" Propose-t-elle agréablement.
"En réalité, j’aurais voulu goûter de la palourde sèche. Vous en avez ?" Fais-je en retour.
(Bon les dés sont lancés, voyons voir ce que cela va donner.)
"Pardon, vous avez dit de la palourde…sèche ?" Répète-t-elle.
Sa réponse m’inquiète un peu, mais je préfère réitérer, des fois que le message ne soit pas bien passé.
"Oui, c’est cela. De la palourde sèche !" Fais-je plus fort pour que toute l’auberge m’entende.
Un instant de silence s’installe, avant que l’hilarité de tous les clients et la confusion de la gérante ne prennent la place.
"C’est que, une palourde sèche, ce n’est qu’un vulgaire coquillage en somme !" Nous explique l’éarionne tout bas.
(Pfff hahaha, quelle bonne blague ! Je crois que toute cette histoire n’était que du flanc mon Jojo !)
C’est en cherchant à me cacher le visage de la main que je demande finalement le plat du jour, ainsi que deux chambres pour quelques jours. Face à moi, Cadmis est toute aussi honteuse.
(Se serait-on trompé ?)
Le temps passe, sous les rires plus ou moins étouffés. Nous dégustons une mixture à base de poulpe bien meilleur qu’elle en a l’air. De temps à autre, les clients viennent vers nous en posant une main sur mon épaule pour rire de moi et un homme, un peu plus discret que les autres, fait de même et se penche vers moi avant de me murmurer.
"Près du vieux cimetière, dans une heure !"
Il s’éclipse, avant de me permettre de jeter un regard sérieux, lourd de sous-entendus avec ma complice. Nous terminons le repas avant de partir, pour ne pas éveiller les soupçons.