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par Hatsu Ôkami » dim. 26 avr. 2020 11:50
Lentement, elle observa la silhouette inconnue qui se trouvait dos à elle. Elle n'avait jamais eu l'intention de faire du mal à qui que ce soit, mais une telle présence la rendait nerveuse et elle préférait être certaine de ne pas laisser un potentiel danger hanter les lieux. Contre toute attente, une voix rauque, indubitablement masculine, lui répondit, après s'être redressé. Il la prenait visiblement pour une voleuse, la faisant tiquer. Elle n'en était pas et n'en serait jamais une, mais la confusion, au vu de la situation, était compréhensible. Elle hésita à la laisser se retourner ainsi, et un coup d’œil à Kraska ne l'avança guère, le Garzok fixant la silhouette avec attention. Elle finit par répondre.
- D'accord, doucement, et pas de gestes brusques. Et je n'ai que faire de votre bourse, rassurez-vous.
Elle ne voulait pas qu'il pense qu'elle en avait après lui, elle voulait simplement s'assurer que les habitants ne craignaient rien. A sa grande surprise, ce fut un Humoran qui se tourne vers elle, tenant dans ses bras un poupon endormi. Il remercia la jeune femme qui échangea un regard éberlué avec son compagnon de route qui haussa les épaules, pas beaucoup plus avancé qu'elle concernant la présence d'un nourrisson indubitablement humain dans les bras d'un tel colosse. Qui aurait cru que des mains griffues puissent tenir aussi délicatement une chose aussi fragile ? Il se présenta sous le nom de Sirat et cherchait apparemment un abri pour la nuit. Hatsu baissa son arme avant de ranger sa flèche et de s'incliner poliment, s'excusant de la méprise qui venait d'avoir lieu.
- Navrée pour ce moment, mais la région étant ce qu'elle est, nous préférons être prudents. Je me nomme Hatsu et voici Kraska. Et nous ... sommes en voyage, pour résumer simplement.
Elle ne voulait pas trop en dire et se garda bien de parler plus longtemps de cela, changeant de sujet en proposant plutôt de partager leurs vivres pour se faire pardonner. Elle ne l'avait pas attaqué à vue, heureusement. Il accepta avec plaisir, avouant sans le vouloir être affamé, son estomac s'en chargeant pour lui. Aidée de Kraska, la jeune femme installa leurs affaires et, rapidement, un foyer s'alluma sous la petite marmite de voyage qu'elle emmenait partout. Elle s'étonna elle-même de la facilité avec laquelle elle et Kraska montaient en un temps record leur camp. Ils ne voyageaient pourtant pas ensemble depuis des mois, mais ils savaient parfaitement s'adapter aux gestes de l'autre pour être efficaces. La force de l'habitude, probablement. Elle tiqua lorsque Sirat posa une question concernant leur voyage, mais Kraska la devança.
- Elle cherche un objet et, comme je lui dois la vie, je l'accompagne.
Elle retint de justesse un grognement. Elle allait devoir lui dire de ne pas balancer ce genre d'information à n'importe qui. Elle n'était peut-être pas la seule à la recherche de cet artefact, et Talabre n'avait probablement pas dit son dernier mot à son sujet, elle ne voulait pas que quiconque puisse lui donner une indication sur sa direction. Mais elle ne pouvait rien dire face à l'humoran et se contenta d'un ton sarcastique à l'intention de son compère.
- Dis comme ça on dirait que c'est une corvée.
Le visage de Kraska se fendit d'un sourire moqueur et elle lui renvoya une moue faussement exaspérée, augmentant encore un peu l'amusement du Garzok. Elle l’appréciait réellement, grand guerrier vert. Loin des brutes sans cervelle que dépeignaient les récits, il était fier et, bien qu'un peu bourru, honorable et combatif et un compagnon de route, certes peu bavard, mais agréable. Elle reporta néanmoins son attention sur l'humoran, et plus précisément le poupon dans ses bras, qu'elle désigna.
- Et vous ? C'est plutôt inhabituel de voyager avec un bébé.
Surtout dans une région aussi inhospitalière. Et seul, de surcroît. Elle se méfiait encore un peu de cet individu. Il ne semblait pas agressif, mais elle ne dormirait que d'une oreille cette nuit, elle le savait. Si l'explication sur l'enfant, trouvé lors de son voyage, la laissa dubitative, elle n'en montra rien. En revanche, que Sirat parle aussitôt de relique la fit se tendre légèrement et elle plissa les yeux.
- Qu'est-ce qui vous faire dire que c'est une relique ?
Il balaya sa question en déclarant qu'on ne venait pas dans un lieu aussi dangereux en risquant sa vie pour un objet quelconque, ce qu'elle admit volontiers, le trouvant étonnamment perspicace. Il lui demanda également si elle savait où l'enfant pouvait être en sûreté et s'il y avait des gens dans ces ruines. Elle examina l'enfant et réfléchit en ajoutant quelques herbes à la mixture qu'elle était en train de préparer. Son choix se porta naturellement sur Luminion.
- Dans ces ruines... il y a quelques personnes, mais je doute que ce soit un bon foyer pour un enfant de cet âge. Le mieux serait de l'emmener dans la ville humaine la plus proche, mais vous devrez traverser les montagnes.
Cela ne l'enchantait guère, visiblement. Il était lucide sur le sort d'une orpheline en ces temps troubles. Hatsu également, mais elle voyait mal les gens d'ici, possédant déjà bien peu de ressources, s'occuper d'un enfant si jeune. Sirat voulut néanmoins en savoir plus à ce sujet. Sur ces parias qui habitaient les ruines d'une si ancienne cité. Kraska répondit, étant visiblement sur la même longueur d'onde que la jeune archère.
- Des locaux qui fuient la guerre et la persécution de la Sombre Impératrice. Des gens biens, mais avec peu de ressources. L'accueillir leur sera difficile, je le crains.
L'argument ne freina pas Sirat qui parla de destin, comme quoi il était destiné à déposer l'enfant ici après l'avoir sauvé, persuadé que cette vie ici l'endurcira. À ses paroles, Hatsu resta perplexe, tout comme Kraska à qui elle jeta un regard entendu. Les deux compagnons n'étaient guère convaincus par les paroles sibyllines de l'humoran, mais aucun des deux ne le fit savoir. Après tout, Hatsu ne remettait jamais en question les croyances des autres. Elle croyait en Rana, et elle s'en tenait à ça. Elle reporta son regard sur Sirat qui lorgnait sur la marmite. Elle touilla la mélasse et servit finalement une généreuse portion à l'humoran avant de servir Kraska et elle-même. Elle en garda un peu pour l'enfant, consciente qu'il aurait sans doute faim à son réveil. Sirat dévora son repas à toute vitesse, visiblement affamé et proposa une gourde de cervoise que la jeune femme refusa poliment, au contraire de Kraska qui accepta la chose avec avidité.
- J'avoue c'était risqué de votre part de me faire confiance, si vous acceptez de m'accompagner pour rendre cet enfant je veux bien vous aider dans votre parcours. Les montagnes sont dangereuses et votre ami n'a pas l'air pas au mieux de sa forme. Et je dois encore juger si cette famille sera acceptable pour cette jeune demoiselle.
Vexé, Kraska cessa de boire la gourde pour fixer l'Humoran un instant avant de répondre.
- Une égratignure, je suis plus que capable. Enfin, c'est elle la patronne.
Cela fit lever les yeux au ciel à l'archère qui jeta un regard en coin au Garzok qui ne réagit pas. Elle prit une cuillère de son repas, le savourant lentement, avant de répondre à sa proposition, prenant le temps d'y réfléchir un instant.
- Si vous y tenez, vous pouvez venir, mais qu'avez-vous à y gagner dans l'histoire ? Je n'ai pas d'argent à vous offrir, pas plus qu'une quelconque récompense si ce n'est ce que nous dénichons en route, hormis la relique que je ne céderai à aucun prix.
Elle était prête à se battre à ce sujet, mais, encore une fois, Sirat surprit la jeune femme par sa réponse. Il lui tendit l'enfant qui gazouillait. Surprise, elle reçut le poupon et le manipula comme si elle avait peur de le briser, le tenant doucement en y jetant un air perdu. L'Humoran se leva et en profita pour s'étirer avant de répondre, donnant encore comme argument que c'était ce qu'il devait faire, ajoutant qu'une aventure simple comme celle-ci lui ferait du bien. Cela laissa la jeune ynorienne perplexe, une fois de plus. Elle reporta pourtant bien vite son attention sur le bébé qui avait trouvé très amusant de tirer sur une mèche qui était passée à sa portée. Tenant à sa masse capillaire, la jeune femme lui donna plutôt un doigt que l'enfant prit et suçota avec ravissement.
- Soit, si vous voulez, vous pouvez venir, un peu d'aide ne sera pas de trop, nous ne savons pas vraiment dans quoi nous nous embarquons. Par contre...Je ne suis pas une nourrice, ne comptez pas sur moi pour m'en occuper. Enfin, je peux bien le nourrir j'imagine.
Sirat ne sembla pas gêné à ce sujet, persuadé qu'il était que les habitants d'ici s'en occuperaient à sa demande. La jeune femme était peu convaincue et commença à nourrir le nourrisson qui sembla apprécier la mélasse. L'Humoran s'interrogea sur leur destination et, toute occupée à nourrir avec précaution le petit être dans ses bras, elle ne prit pas la peine de faire attention à ses mots.
- Plus ou moins. Une passe où elle aurait été aperçue pour la dernière fois. C'est maigre, mais j'ai bon espoir de trouver un indice sur place.
Comme elle le soulignait, c'était maigre et Sirat fut parfaitement d'accord avec cela. Malgré tout, elle ne comptait pas abandonner. L'humoran semblait particulièrement à l'aise avec l'idée de fouiner un peu au hasard dans une région dangereuse. L'idée qu'il soit un de ces aventuriers, vivant sur les routes, d'aventures et de quêtes, la fit sourire, elle qui lisait avec avidité les récits de ceux qui se vantaient de parcourir le monde.
- Vous semblez avoir l'habitude. Vous partez souvent à l'inconnu ?
- C'est l'essence même de ma nature, je me laisse guider par le flux du monde, par Zewen
- Je peux comprendre de s'en remettre à une puissance divine, bien que les laisser dicter ma vie ne me tente pas. C'est par ce biais que vous êtes arrivé ici ?
-Ce n'est pas une question d'ordre, nous ne sommes rien, à peine un grain de poussière dans un univers qui se meut continuellement. Nous appartenons à cet espace, il serait étonnant de vouloir en sortir. L'univers a une histoire, nous ne pouvons que faire qu'un avec lui...
Il disait cela en passant sa main au-dessus des flammes et Hatsu le regarda avec un visage aussi neutre que possible, pas bien certaine de savoir quoi répondre à cela. Peut-être qu'il le sentit, peut-être s'en rendit-il lui-même compte, mais il s'excusa et invoqua la fatigue. Elle sourit et proposa de prendre le premier tour de garde et Kraska le deuxième, ce qui lui laisserait le temps de se reposer. Soulagée, elle put enfin rendre l'enfant à Sirat. Elle n'était guère à l'aise avec et, même si le bambin était adorable, elle était loin de posséder un quelconque instinct maternel. Elle leur souhaita une bonne nuit, tapota l'épaule de Kraska en lui disant qu'elle le réveillerait et alla se poster à la sortie de l'habitation en ruine, emmitouflée dans son manteau et sa couverture. Elle allait prendre le temps de penser, cette nuit.
Armoiries des Ôkami:
l'Or pour la fortune, le Loup pour la noblesse d'âme et la flèche pour le passé guerrier.