Je file droit vers le campement à quelques mètres de là et me cache à nouveau derrière un arbre. Lorsque j’enfile et noue ma cape, l’effet est une fois de plus saisissant. A contrecœur, j’avale la plus petite des potions censée me redonner un coup de fouet et une bonne rasade de potion de soin. Le goût est immonde, la sensation à l’intérieur de mon corps plus encore ; et de devoir en passer par là ravive la rage qui m’étreint en repensant que tout ceci n’aurait pas eu lieu d’être. S’ils s’étaient sagement laissé égorger les uns après les autres, je n’aurais pas dû boire ces trucs abjects et pas naturels. Cependant, force m’est d’avouer que les effets sont plus rapides que les onguents et emplâtres de plantes médicinales. Si je fais l’impasse sur le frémissement déplaisant sous ma peau, mon bras gauche et mes doigts sont moins douloureux, assez pour ne plus être une gêne.
Ma vision des sous-bois est maintenant nettement meilleure, je distingue la haute silhouette élancée de Faëlis maniant un sabre, celle plus large de Kerenn qui terrasse ses adversaires avec une franche sauvagerie et celle plus malingre de Kassar se débattant tant qu’il peut. Tina est toujours là, affaiblie mais déterminée. Un peu plus loin face à nous se trouve une ombre massive et droite dont le seul mouvement notable est celui de la corne de son casque, à la recherche sans aucun doute d’une proie inattentive. Mes derniers mouvements ont quelque peu changé la donne, car même lui semble m’avoir perdu du vue, lui comme les autres gardes restants.
Une occasion comme celle-là ne se représentera pas, je dois la saisir et ce peu importe les risques ou ces nouvelles sensations qui m’envahissent. Je dois leur faire face et retrouver celle qui avançait sans crainte, celle qui se sentait vivante face au danger, celle qui se délectait de faire mordre la poussière aux plus forts qu’elle. Ma survie, je la dois à mon art, pas à de la couardise. A partir de maintenant, c’est lui ou nous et je ne laisserais personne d’autre faire ma part, je ne suis pas revenue pour devenir faible !
Je me faufile avec prudence dans ce sombre décor et m’approche discrètement de Zarnam. Il ne s’est pas placé là par hasard. Légèrement en hauteur, il profite d’une vue dégagée et une partie du chemin à parcourir est rocailleux, sans arbres et difficile d’accès pour un pas imprudent. L’effort est grand pour ne pas presser le pas, j’ai l’impression de me traîner ; une fausse impression certes, mais qui pèse sur mon sang-froid. Chaque seconde passante, il peut d’un geste tout réduire en cendres, j’en ai la certitude. Cromax nous a prévenus, et dans la bouche d’un être aussi impressionnant, le mot puissant n’est pas à prendre à la légère.
Mais j’y suis, il est là, à portée. Son regard fixé ailleurs, au loin, je suis invisible. Je peux, je vais porter le premier coup qui renversera le cours de la bataille. Je resserre les liens de ma cape et mes doigts autour de ma dague fétiche. Un pas, deux pas … un projectile fond sur lui, rapide et direct, une flèche envoyée de l’un des nôtres … c’est parfait, me dis-je alors en prenant appui sur un rocher.
Enfiévrée par la tournure des événements et le retournement de situation, je bondis haut et loin pour lui tomber dessus. Mon pied a à peine quitté le rocher que je vois la flèche passer à quelques centimètres du corps de Zarnam. Ce n’est pas grave ! Et pourtant, il ne bronche pas, même pas un sursaut de surprise … est-il si confiant ? Pourquoi est-il si confiant ?
Il bouge la tête, juste ce qu’il faut et sans brusquerie aucune pour que je puisse voir son regard. Des yeux ronds et noirs dont la lueur sadique me glace le sang se posent sur moi. Depuis combien de temps me sait-il là, depuis combien de temps se joue-t-il de nous ? Le simple mouvement de sa bouche me donne l’impression qu’il se nourrit de l’effroi qu’il procure, je me sens désarmée, impuissante, dévorée de tout courage ou volonté. Je pousse un cri rageur, tant contre ma stupidité que pour contrer l’épouvante de faire face à un tel monstre. Une aura aux reflets verts remonte soudain le long de son corps et une pellicule semblable à de la terre argileuse se forme et grossit autour de son corps à une vitesse folle, comme si la terre elle-même le protégeait. Mon cri alimente mon courage s’étiolant face aux yeux pourfendeurs de l’ennemi, il surpasse ma peur mais pas la perte soudaine de toute assurance de victoire. Ma dague plonge vers cet amas solide. Toute ma force, ma vitesse et mon poids ne suffisent qu’à briser une petite parcelle de son bouclier naturel.
Tandis que je recule, incapable de comprendre ou d’appréhender l’ampleur de la merde dans laquelle je suis, je l’entends se gausser de nous, j’entends son dédain et ses plaintes à affronter tant de si frêles et naïves créatures, victimes de la traîtrise du trop volubile Cromax.
Ses bras nus, relevés si lentement qu’on le dirait gêné dans ses mouvements, s’entourent alors d’une lumière qui crépite. Toute la conscience, le savoir ou l’agilité du monde n’aurait pu me permettre d’échapper à ce qui suit. Un éclat aveuglant me tétanise et tout mon corps se cambre lorsque ce qui ressemble à un véritable éclair me traverse le corps. Mon propre hurlement est chargé du choc et de la tension qui me traversent. La douleur est telle que mes muscles se mutilent en se contractant. Une deuxième vague me traverse et je sens alors mon cœur devenir fou, tout mon être est parcouru de tremblements incontrôlables tandis que ma gorge hurlante se mutile de toute la détresse de mon âme. Cela ne dure qu’une seconde, peut être moins mais quand cela s’arrête, mes yeux continuent de trembler, mon cœur tape si fort que je peine à trouver mon souffle et mes membres sont comme hantés par des convulsions douloureuses.
Cet homme est inhumain.
Luttant contre une peur bien plus primale que celle de mourir, je recule en rampant sous le rire sardonique du cornu. Cette enflure de mage se croit surpuissant parce qu’il contrôle le feu, la terre et la foudre. Oui, c'est un monstre qui les contrôle et qui sait que cette seule vérité lui fait gagner la moitié de chaque combat. Et il a oublié de quoi sont capables ceux qui n’ont que leur corps et leurs mains pour survivre, ceux qui ont des idées au lieu de sortilèges.
((Alors bordel, trouve en une … et vite))
Une boule de feu est en train de prendre forme entre ses mains, et ce n’est qu’une question de temps pour qu’il l’abatte sur moi, là, sans effort car je lui suis offerte sur un plateau. Seul le vent pourrait s’enfuir assez vite et assez loin pour en réchapper.
Mais …
Nul besoin d’aller loin, quand on peut disparaître de sa vue. Je vois Faëlis tenter une nouvelle attaque rapide et aussitôt un nouveau plan se dessine. D’une main, je fouille l’intérieur de mon manteau et y trouve mon salut.
« Faëlis, crié-je d’une voix cassée,
tenez-vous prêt ! »
D’un murmure intimiste, je nomme ma dague au pouvoir sombre devenu pourtant indispensable et disparaîs aussitôt. L’expression du cornu est édifiante, un régal dont je ne savoure malheureusement pas toute l’essence en raison de mon état mais, cela à au moins l’avantage de me ragaillardir. Alors qu’il cherche encore du regard une trace de ma présence, je m’approche de lui, plus discrète que jamais et, ce coup-ci je ne laisse rien au hasard. Au lieu de lancer le metsubushi, je lui écrase directement dans sa face au moment même où je redeviens visible. Son corps a beau être recouvert de cette couche de protection, ses yeux, son nez et sa bouche eux, ne le sont pas. Il grogne et hurle de colère, ses mains ensorcelées ne pouvant même pas retirer la poudre irritante de ses yeux.
Un coup d’œil vers Faëlis m’incite à croire qu’il m’a entendue et comprise, car il ajuste déjà son arc et prend le temps de viser cette fois. Nous avons gagné quelques précieuses secondes qui ne seront pas de trop pour venir à bout de sa protection. Je m’acharne dessus à plusieurs reprises au même endroit tout en évitant son bras lancé à l’aveugle, il jure et grogne de plus belle. Quelques secondes, il ne lui en faudra guère plus pour reprendre le dessus, ça doit tenir, il ne se laissera plus berner une seconde fois. Pressée par le temps, poussée par la rage de lutter contre une magie sordide, et talonnée par la peur qu’il puisse à nouveau se servir du même sortilège ; je puise dans toutes mes forces une dernière fois. Ma dague s’enfonce dans un interstice et je sens le contact particulier de la chair. Il pousse un hurlement qui me fait dresser les poils du corps, une sorte de complainte rageuse, longue et hargneuse.
Nous avons en partie échoué une fois encore. Ni ma dague ni les flèches de Faëlis n’ont touché de points vitaux. Il rugit et me toise, moi le vicieux petit caillou dans sa chaussure, et il ne sourit plus, plus du tout. J’aurais à cet instant préféré ne pas avoir ma cape, ne pas voir son regard, ne pas voir cette substance noire surnaturelle suinter le long de son corps. Quelque chose en moi de l’ordre de l’instinct me dit que ce n’est pas son bouclier qui fond, mais rien en moi n’est apte à comprendre ce qui se passe, hormis que ça pue. Mes membres, pourtant, ne bougent pas, tétanisés par l’effort précédent et la lueur assassine dans son regard.
Lorsque la souillure noire touche le sol et s’y enfonce, l’air se charge d’une lourdeur lugubre suivi d’une multitude de crissements et de craquements provenant des entrailles de la terre. Coupée de tout entendement, j’observe des mains squelettiques sortirent de terre, prolongées par des bras et des corps décharnés.
Cet homme est un monstre.
M’en éloigner est la seule chose qui m’anime. Mes jambes me portent avec l’énergie de l’horreur. J’entends le pas des créatures derrière moi, moins rapides mais assurément plus endurantes. Je cours sans but ni plan, quand soudain, la terre tremble. Encore lui, me dis-je en luttant pour garder le cap. L’horreur se démultiplie lorsque la terre s’ouvre littéralement sous mes pieds. Je bondis sans réfléchir de souches en cailloux saillants, le cœur au bord des lèvres et l’espoir au fond de mes chausses et soudain, la fatalité de ma situation m’assaille : je n’y arriverais pas. Je pousse pourtant sur mon pied d’appui de toutes mes forces, je bats des bras tel un oisillon en chute libre, et je hurle comme une damnée ne voyant que l’abysse. Je m’écrase littéralement juste au bord, mes mains s’agrippent aux branches, à la terre, mes pieds raclent et creusent la paroi, je mords même un bout de racine à portée … mais je glisse, toujours un peu plus. Mon souffle me manque pour hurler et mes yeux un instant se perdent sur la poignée de ma dague qui disparaît de mon champ de vision lorsque je tombe.
Seule éclaircie de cette nuit merdique : ma chute est courte et sans heurt à l’arrivée, juste un gros tas de terre meuble au fond d’une faille de moins de trois mètres au jugé. Deux abominations suintantes sont tombées en même temps que moi, sans heurts elles aussi, et une troisième dandine au dessus de nos têtes.
((Putain de nuit !)) Me dis-je en mettant la main sur le pommeau de mon cimeterre.
((Putain j’enrage !!)) Pesté-je violemment en réalisant qu’il n’est plus là.
« Y’en a marre ! Vous me faites chier, tous autant que vous êtes ! Et vous là, les osselets ambulants, j’vais vous défoncer, ça va pas traîner ! »
Ce disant, j’enfile mes gants ornés de plaque de métal et enseveli mon aversion pour ces choses sous une montagne de rage. Un doute effleure mes pensées lorsqu’ils se décalent l’un de l’autre dans cet espace exigu : sont-ce eux qui ont ouvert le sol sous mes pieds ? J’espère pas …
Habituée au manque de place, je lance les hostilités avant que ne s’éteigne la flamme enragée qui brûle en moi. Si je laisse mon esprit perturbé divaguer sur ce qui m’arrive, je n’en sortirai pas.
Ces monstruosités ne ressentent pas la douleur. A chaque coup porté, ils ripostent aussitôt, rapides, imprécis mais puissants. L’un d’eux soudain se jette sur moi alors que je me redresse à peine d’une roulade d’esquive. Prise au dépourvu, je me décale contre le mur et tente d’accompagner sa charge pour le déstabiliser d’un mouvement de hanche.
Mais son corps est bien différent de celui d’un vivant. Désarticulé, il se tord d’une manière inattendue afin de suivre mon précédent mouvement. Mes doigts glissent sur des lambeaux putrides de peau et se coincent entre deux os de son avant-bras. Le dégoût de ce toucher répugnant me soulève l’estomac et me fait perdre mes moyens. Ma force seule ne suffit plus à le faire choir et nous tombons au sol ensemble. Un roulé-boulé spongieux et incontrôlé à la fin duquel je finis au pire endroit : entre les deux. A peine ai-je réalisé ce détail qu’une main griffue attrape ma capuche et me soulève du sol. Le corps cambré par l’horreur de sentir ses doigts pourris traverser le tissu et agripper mes cheveux ; je me débats frénétiquement, hurlant d’une angoisse indescriptible à l’idée de crever au fond de cette fosse de la main de ces abominations purulentes. Je me retrouve dans une position étrange ; presque parallèle au sol à force d’éloigner mes jambes de cette chose mais je sens le cordon d’attache se resserrer autour de mon cou à chacune de ses tentatives de me ramener à lui. L’autre se relève …
Un frisson me parcourt face à l’étendue de la pitié que je m’inspire à cet instant. Si je ne suis finalement capable que de ça, alors à quoi bon lutter. Ai-je passé tant d’années à vouloir qu’on me prenne au sérieux pour le perdre au moment fatidique ? Est-ce ainsi que j’ai vécu mes précédentes dernières minutes ? A me laisser submerger par mes émotions, à me perdre en réflexion digne des plus faibles ? Je dois reprendre ma vie en main et cesser de regarder en arrière, de penser au passé ou de comprendre le présent. Je ne suis pas un érudit, encore moins un penseur, je suis une tueuse, froide et implacable …
Eux ne sont que des pantins, des osselets ambulants qu’on m’envoie pour gagner du temps !
Je défais le nœud à mon cou et m’arrache de la prise sur mes cheveux en pivotant sur moi-même brusquement. Les doigts du squelette toujours accroché à la capuche, je m’en sers comme point d’équilibre en tenant les deux bouts de la cordelette. Avec une rapidité que je me reconnais enfin, je place un coup de pied dans le thorax du pantin à peine relevé qui recule et perd l’équilibre ; d’un coup sec sur la cordelette, je retrouve mes appuis, me redresse et contourne ma prochaine victime tombée à genoux, entraînée par l’élan de mes mouvements à l’autre bout de ma cape. Je me surprends à retrouver mes sens lorsque je passe la cordelette devant son visage et l’étrangle avec, je me surprends même à sourire lorsque je pose mon pied entre ses omoplates décharnées. Je tire sur mes bras et pousse du pied jusqu’à sentir les os du coup se démanteler et sa tête sauter comme un bouchon.
Prête à en finir avec le deuxième, j’aperçois indistinctement derrière lui une forme tomber dans la faille. Encore un autre. S’il le faut …
Je fonce vers lui et frappe la première avec la ferme intention de ne lui laisser aucune chance de riposter. Concentrée sur mes coups, je fais fi de son apparence. Au contraire, je me sers de l’art du Kata du Tigre pour viser les articulations les plus fragiles, plus facilement que jamais. Entendre et voir ses os se briser sont un régal pour mes sens. Il tombe littéralement en morceau sous mes coups de poings.
« Suivant, dis-je à l’attention du troisième qui s’avance, avant de me raidir et de lâcher un grognement menaçant en voyant mon cimeterre entre ses os.
C’est à moi ça.»
J’inspire un grand coup et souffle longuement. Encore un. Je dois rester concentrée et économiser ce qui me reste de forces, car après lui, la partie difficile recommencera. Je me baisse pour esquiver son attaque circulaire et ramasse le fémur parmi les morceaux à mes pieds. Je frappe une première fois sur le plat de la lame et donne un violent coup de pied dans son genou. Il titube et trébuche sur une racine au sol ; j’en profite aussitôt pour me jeter sur lui. Du talon, je m’assure que mon cimeterre reste au sol et le frappe, encore et encore, avec mon gourdin improvisé, me déchargeant de toute la frustration accumulée, de toutes ces maudites émotions qui m’ont perverti depuis mon Réveil, de toutes ces peurs qui m’entravent ; jusqu’à ce que son crâne ne soit plus que fine particule de poussière d’os.
Je m’en tire pas trop mal, finalement. Des contusions surtout, une lèvre ouverte et les doigts de ma main gauche me font un mal de chien. La remontée n’est pas aisée mais j’y parviens sans me blesser en sus.
Je retourne rapidement sur mes pas, à couvert et guette les mouvements et positions de chacun. Le corps de Zarnam est à nouveau nu, sans son étrange armure de terre. Il nous faut une nouvelle diversion, sans cela il recommencera à se protéger et se servir de sa magie pour au mieux, nous tenir à distance et au pire, nous cuire ou nous foudroyer à distance. Un mouvement sur le côté me permet de distinguer Faëlis, un genou à terre en train de se relever et Zarnam le voit, lui aussi.
Les mages seuls savent comment, il recommence à être entouré par une lueur. Cette fois, nul crépitement au bout des bras, nulle substance noire ou aura verte … ses deux mains nimbées d’une lueur orangée ondulent lentement, tandis que ses yeux sadiques lorgnent l’elfe blanc. Je m’active aussitôt sans réfléchir, tant pis pour la diversion prévue, car sans l’elfe, le combat est perdu d’avance. Je cours le plus près possible en prenant garde de n’être point visible par ce monstre et prends le risque d’être vue au dernier moment, lorsque des mains jointes, je pointe mes gantelets vers lui, l’esprit aussi vide que possible et focalisé sur le jet d’eau puissant qu’ils sont capables d’expulser.
Zarnam tombe à la renverse sous la puissance du jet, interrompant du même coup sa concentration et son sortilège.
Il grogne et hurle des mots parfaitement outranciers mais se redresse sans mal et frappe le sol de son poing. Sans ma capuche, je ne m’aperçois qu’un temps plus tard qu’il ne s’agit pas d’un témoignage de sa rage mais bel et bien d’un sortilège, encore. J’entends la terre gronder à nouveau autour de moi et m’écarte aussitôt, mais mes premiers pas de course sont emportés par la secousse. Je n’ai plus la force de penser, de réagir ni même de crier tandis que sous mes pieds la terre se gonfle et me crache comme un morceau de viande avariée. Éjectée vers l’avant, ma tête rebondit contre une grosse branche et je tombe lourdement sur le ventre.
Je me redresse avec le plus grand mal, prise de vertiges, la tête et le corps engourdis par la douleur qui m’assaille. Trop mal en point pour m’en plaindre, je bois une gorgée de la potion censée contrer l’étourdissement et une bonne rasade de potion de soin. Après tout, je ne suis plus à un dégoût près.
((Avec toutes les cochonneries que je m’envoie, j’vais pisser un arc en ciel.))
Les échos du combat qui se poursuit là-bas m’arrivent par vague ; un flot de hurlements et de cris qui résonne dans mon crâne douloureux. Me relevant, je maudis le monde et tous ceux présent, alliés comme ennemis. J’avance à tâtons, cherchant mon équilibre de mes bras quand tout à coup, en guise de réponse à mes prières blasphématoires, j’entends le claquement d’une mâchoire à nue derrière moi. Il en restait un, il en reste un. Mes muscles se contactent et mes doigts se resserrent sur la poignée de mon cimeterre. Je me retourne vivement lorsqu’il s’agite, faisant claquer ses os comme une mauvaise composition musicale ; le coup circulaire du cimeterre passe au-dessus de son épaule et lui emporte la tête. Une douleur terrible, pourtant, m’arrache un cri suraigu alors que l’élan du pantin d’os me fait choir à terre. Plantée sous mon épaule, se trouve ma dague. Cette fichue dague, oubliée sur les rebords de cette maudite faille.
« Ça aussi c’est à moi, putain d’voleurs. » Dis-je en me sentant sombrer.
Trop faible pour m'en émouvoir, je ressens alors la magie du collier de Pragatt'. Une expérience qui m’a fait devenir folle la première fois qu’il s’est activé. Mais je n’ai jamais eu la force de m'en débarrasser ; souvenir d’un homme délicieusement malhonnête. Grognant et gémissant, je retire la dague de la plaie et serre les dents pendant que j’avale une autre potion de soin, l’esprit emmuré dans mon dégoût tandis que je sens ma peau frémir.
Quand je trouve enfin la force de me relever et garder l'équilibre malgré les vertiges, je constate surtout le profond silence qui m'entoure.
Parvenant tant bien que mal jusqu’à Faëlis, je distingue un peu plus loin la large silhouette dénudée et sanguinolente de Zarnam, accrochée aux portes de sa forteresse, tel un trophée aux tripes à l’air. Un merveilleux retour de flammes que je savoure sans m’en cacher, regrettant seulement de ne pas avoir entendu les derniers râles de ce monstre.
Kerenn se retourne vers nous, fier et hautain comme à son habitude. Prophétisant qu’il ne sera pas toujours là pour sortir nos petites fesses des embrouilles, il nous conseille de savoir finir le boulot tout seuls.
« Il a raison, dis-je d’un air très sérieux malgré ma voix brisée et mon apparence de cadavre ambulant.
C’est vrai qu’elles sont petites. »
((note hrp : fin du premier combat (gardes) : 1 moyenne potion de soin + un moyen élixir d'énergie .
fin du deuxième combat (zarnam + squelettes) : 1 metsubushi + 1 potion robustesse + 1 grande potion de soin ))