L'Ancienne Tour en Ruines

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Yuimen
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L'Ancienne Tour en Ruines

Message par Yuimen » mer. 27 déc. 2017 17:53

L'ancienne tour en ruines



Image


C'est dans la forêt de Bouhen, dans une clairière, que se trouve cette ancienne tour en ruine. Construite en grosses pierres lourdes, sans mortier apparent, elle est à demi-effondrée sur le dessus. Elle n'aurait pu être qu'une ruine, trace d'une antique civilisation parmi tant d'autres, s'il n'y avait pas ces runes rouge sang qui brillent faiblement la nuit tout autour du bâtiment.

Ce que signifient ces runes ? Nul être vivant ne saurait le dire, la langue a changé depuis, sauf peut-être quelques érudits qui trouveraient la solution dans un antique bouquin de magie noire. Il s'agit en réalité d'un sort lancé par deux frères, l'un prêtre sombre, l'autre prêtre, frères ennemis qui ont renié leurs Dieux pour tenter de vaincre la mort. Armés de runes de Zewen et de leurs magies respectives, ils ont bâti cette tour pour en faire leur caveau qui les protègerait de la mort.

Le temps a passé, la magie des deux frères a lamentablement échoué, ils sont morts tous les deux, à un âge honorable, mais normal pour des humains. Cependant, le sort est toujours là... C'est lui qui empêche la tour de mourir, ce qui explique que, bien que mal construite, elle soit toujours là, solide, imperturbable malgré le temps qui passe, la porte en chêne est comme neuve, les pierres aussi.

Elle a servi depuis de temple secret à Phaïtos, à Thimoros, de repaire pour des brigands et même de halte pour les Sektegs de la région. Certains racontent qu'on y entend des murmures la nuit, et qu'on y voit des lumières. Mais il y a de fortes chances que ça soit simplement des Faeras perdues ou des Aldrydes, voire des jeunes Lutins frondeurs et téméraires qui viennent ici défier l'autorité de leurs parents en osant s'aventurer hors du terrain de Bouh-Chêne, qui n'est jamais qu'à une poignée de kilomètres de là.

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Maâra
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Re: L'Ancienne Tour en Ruines

Message par Maâra » lun. 14 janv. 2019 15:22

Précédent: dernière maj
Sa main passe le voile sans effort. Elle l'imaginait glacial mais il n'en est rien. Passer à travers ce voile magique lui semble presque anodin, facile … sans doute trop. En approchant du cercle de runes, elle ressent une brusque densité, comme un étau qui l'empêche d'avancer. Elle déplie et étire ses doigts mais le joyau reste intouchable, trop loin de quelques minuscules centimètres. Le cercle de runes éloigne la mort en figeant le pilier dans le temps mais il est clair que n'importe qui de vivant ne peut le traverser. Son essai n'aura cependant pas était vain car elle sait qu'elle peut atteindre les runes ... quant à savoir quoi faire de cette information, elle ne le sait pas encore.

Un hurlement la fait soudain sursauter et la ramène à l'urgence de leur situation.
Sur la rive opposée se joue un nouvel acte de l'influence perverse de ces lieux maudits. Arken et le dernier mercenaire se battent ensemble. Leurs cris se mêlent aux grondements de la rivière rouge, des gargouillis profondément infects qui parviennent à mettre Maâra mal à l'aise, pourtant particulièrement inébranlable quand il s'agit de magie noire. En réalité, cela lui fait penser à l'intérieur d'un estomac, comme si tomber là dedans revenait à se faire digérer vivant.
De là haut, elle ne peut deviner lequel des deux a finalement perdu la bataille permanente pour rester sain d'esprit, et elle ne peut remarquer non plus le changement qui se produit dans cette masse rouge bouillonnante. Des bulles par dizaines remontent à la surface, la matière gluante semble prise de spasme et plusieurs remous et vagues remontent le courant vers la rive où se trouve la Sindel.
Soudain, une force brute repousse son bras à l'extérieur du voile lumineux. Surprise, elle se frotte la main et observe sa peau pour y chercher une trace de doigts tant le rejet fût physique.
Un bruit attire alors son attention, un grognement rauque qui provient du rebord de la plateforme où elle voit s'y agripper une main … une main rongée jusqu'à l'os, une main putride et visqueuse d'une couleur indéfinissable mais d'où s'écoule cette substance rouge. Se hisse alors au dessus du rebord une chose aussi laborieuse à regarder qu'à décrire. Des cheveux dégoulinant de vase plaqués sur un visage à demi putréfié, une peau trop grande pour le corps suinte des humeurs pourrissantes et des viscères pendent par la gorge. Une créature innommable et jusque là inconnue sur Yuimen car à peine crée ; fruit de l'union entre ces eaux putrides imprégnées de magie profanée et d'un rejeton de pure magie noire, le mort-vivant instable coincé entre deux mondes de Maâra.

La Sindel tente un pas en arrière mais titube et papillonne des yeux en grimaçant. Sa vision se trouble au point de ne plus distinguer la chose qui escalade la paroi. Elle se tient la tête et tombe à genoux, assaillie par des hurlements stridents qui lui perforent les oreilles et des éclairs de lumières qui lui brûlent les yeux. Elle a l'impression que le sol s'enfonce, que la terre l'aspire pour l'ensevelir, la croquer et la digérer.
Son Faera tente vainement de lui dire que tout se passe dans sa tête, elle ne l'entend pas. Elle n'entend plus que les hurlements qui ressemblent de plus en plus à des ricanements, les railleries du dominant qui fouette les insolents venus défier son pouvoir, des vas et viens qui sonnent et résonnent à l'intérieur de sa tête.
Des images s'imposent à elle tandis que les ricanements tambourinent de plus bel. Des formes infâmes, des odeurs immondes, tout ce que ces cavernes peuvent avoir de plus malsain et ignoble s'échine à creuser son esprit, comme des vagues qui s'écrasent sur les rochers, inlassablement. Mais les frères, car une part d'elle encore alerte pressent qu'il s'agit d'eux, ont sous-estimé ce que sont les nécromanciens. L'infâme, la mort, la putréfaction, l'ignoble et les tourments … tout cela fait partie d'eux. La nécromancie n'est ni belle, ni propre, ni bienfaisante.
La tâche est ardue car les magies et la malédiction des frères sont puissantes. Elle comprend d'ailleurs un peu mieux comment ses lieux ont pu rester inviolés pendant plusieurs centaines d'années. Elle parvient à balayer une à une les visions qui tentent de la rendre folle et retrouve peu à peu son aplomb, sa conscience, et parvient finalement à bouger ses membres … et à rouvrir les yeux sur la réalité.

Une réalité à un pas d'être à portée de main. Une réalité qui pue, qui fouette, qui ferait vomir la flatulence d'un Garzok nourri aux cadavres … un savant mélange de viscères en putréfaction, de chairs carbonisées macérant dans du jus de vieilles moules et d'escarres. Une odeur qui pourtant ne fait pas ciller Maâra. Sa grimace soudaine n'est pas dû à la vue de ce tas de chair en décomposition mais, à ce qu'il représente. La souillure de ce que la magie a de plus pure, la dénaturation de la vie et de la mort.

Une seconde la sépare du premier coup de la créature en train de meugler des bruits sans significations, une seconde pour se décider à fuir ou se battre, une seconde pour se rappeler où elle est et ce qui trouve derrière elle.
De ses paumes crépitent déjà ses fluides. Ses yeux devenus noirs toisent le rebord de la paroi d'où elle entend d'autre gargouillement et grincement. Galvanisée par l'urgence de la situation, irritée par l'absence de son compagnon dont la fureur nourrit sa témérité, enfiévrée d'avoir su vaincre le maléfice qui a rendu fou tous ceux s'étant approchés de cette caverne … elle prend les devants.
Une ombre épaisse entoure les doigts de l'elfe grise qui forme des cercles dans l'air pour donner forme à l'ombre avant de la projeter sur la créature. Sa vue soudainement perturbée, elle s'élance comme une furie droit devant et bat des bras pour chasser l'ombre qui lui tourne autour et revient inlassablement. Maâra quant à elle recule vivement et manque de peu de se faire arracher l'épaule tant la créature est vive, même handicapée … ou parce que handicapée. La Sindel continue de reculer vers le voile protecteur et lorsque son adversaire bondit vers elle, elle se jette sur le côté et l'observe être projeté brutalement par-dessus de la plate-forme … "car le cercle éternel rejette la mort".

((- Mais t'es dingue !!!)) hurle son Faera avant même que le mort-vivant ne tombe dans le liquide rougeâtre et qu'un grondement s'élève à nouveau des profondeurs de la caverne.
Maâra a alors l'impression d'avoir vu briller le voile au moment où la créature s'est approchée, ou plus exactement une ou plusieurs des runes du cercle de protection. Une lueur qu'elle n'a pas observée lorsqu'elle avait plongé son propre bras. Elle en déduit que le cercle est comme un chien renifleur, un détecteur afin que les frères, lorsqu'ils auraient enfin pu trouver comment se refaire des corps, puissent s'approcher et traverser.
((- Quoi ? Ça a marché non ? Hé, je suis pas une guerrière et sans Stor Varg je suis incapable de survivre à plusieurs de ces trucs très longtemps … et je suis là pour lui, rajoute-t-elle en désignant le pendentif emprisonné, faudrait pas l'oublier.))

Son visage d'ordinaire si terne et inexpressif se creuse de ridules, sa bouche se tortille, ses yeux écarquillés balayent les alentours.
Elle tente de faire le vide afin de réfléchir car elle sent que la solution n'est pas loin, qu'avec les informations trouvées dans les grimoires et l'expérimentation du squelette, elle a en main ce qu'il lui faut pour comprendre … pour délivrer le joyau de la malédiction. Le joyau et cet endroit. Ses mains, son dos, ses tempes et sa nuque sont moites, sa tête est en ébullition et tout son corps tremble. Il est là, devant elle … enfermé dans cette espèce de cocon et son sceau de protection magique. Elle n'est pas loin, la solution lui tend la main, elle se cache quelque part au milieu de ses pensées et de toutes ces autres pensées parasites. Elle entend le combat mené par Arken, elle entend les grognements des créatures qui sortent de la rivière putride et s'imagine leurs griffes s'accrocher à la paroi ou leurs pattes écorcher l'escalier, elle entend les bulles visqueuses éclater et la terre gronder tout autour d'elle.

Elle serre les poings et se met à hurler, hurler à s'en faire vriller la gorge.
- La feeeeerrme !!
Modifié en dernier par Maâra le mer. 16 janv. 2019 09:49, modifié 1 fois.
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Maâra
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Re: L'Ancienne Tour en Ruines

Message par Maâra » lun. 14 janv. 2019 15:37

Toute la rage contenue dans ce corps frêle et ce tempérament fuyant explose enfin. La douleur d'avoir perdu sa sœur, l'amer ressentiment d'avoir abandonné la poursuite de ses assassins, l'aigreur constante d'être une erreur dans ce monde qu'elle ne comprend pas, tout cela la nourrit depuis trop longtemps sans s'évacuer.

Elle attrape une chaise par les pieds et pivote en direction du rebord où une des créatures se tient sur les coudes, le corps encore dans le vide. Celle-ci ne parviendra pas jusqu'en haut car la Sindel lui fouette la tête avec son arme improvisée. A moitié décapité, l'arrière de la tête purulente rebondit entre ses omoplates trouées avant que le tout s'écrase au sol et forme une flaque verdâtre et visqueuse.

((- Ils ne sont pas solides, s'étonne la Sindel.
- Normal, ce ne sont que des choses coincées entre deux mondes à cause de la folie de deux inconscients.))

La chaise se brise sur un deuxième mort-vivant, repoussé lui aussi avant qu'il n'atteigne le haut. Une troisième créature parvient à s'accrocher à sa cheville et tire en arrière. Maâra bascule à terre et se retient en griffant le sol avec le pied de chaise. Elle frappe à l'aveugle de son pied libre pour se défaire de l'étreinte. Autour d'elle, des mains de plus en plus nombreuses apparaissent …

((Ils ont pas d'cerveaux ! Y'a un escalier juste là … commente son Faera, l'air de rien.
- La ferme !))

… après quelques coups de talon bien placés elle casse le poignet de la créature qui tombe aussitôt. Elle se relève le plus vite possible, déjà essoufflée et la lueur dans son regard est celle de la crainte. Il y en a trop, trop de bruit, trop de créatures, trop de voile. Il y a tant à faire d'un côté et tant à penser de l'autre, qu'elle ne sait plus pourquoi elle voulait tant retrouver le joyau de la Lord Nécromant.
A peine redressée elle est fauchée par une créature qu'elle n'a même pas vu arriver. Elle est éjectée comme un fétu de paille et s'écrase dans les planches moisies d'une armoire. De son pied de chaise, comme fixé dans la paume de sa main, elle parvient à parer une partie des coups de la créature qui elle-même se bat avec les portes de l'armoire que la Sindel tente de refermer du bout du pied. Un bric-à-brac de cris et de râles, de bras, griffes, jambes, pieds … un combat de nul où rien n'est volontaire, où rien n'a de sens. Un tel capharnaüm d'actions et d'émotions qu'elle ne se rend pas compte qu'elle gémit à chaque coup qu'elle prend, pas suffisamment pour perdre du temps en s'en irriter.
Un coup de pied chanceux de Maâra parvient à briser le genou de la créature qui s'effondre à moitié sur elle. Faisant fi du liquide visqueux qui coule sur elle, elle gigote et se faufile hors de l'armoire. Apercevant deux autres de ces choses foncer sur eux comme un taureau en rut, elle passe derrière l'armoire qui fait à peine sa taille et la pousse par le haut plusieurs fois pour la faire choir.
La créature tombée dans l'armoire se redresse en hurlant et, dans la confusion, donne un coup de griffe à la première qui arrivait sur eux qui s'immobilise et amorce une riposte. C'est à ce moment que l'armoire leur tombe dessus, une armoire bien moins lourde qu'à l'origine mais dont le plateau haut est encore assez solide pour leur écraser le torse et la tête.
La troisième créature en revanche enjambe l'amas de débris visqueux et se jette sur une Maâra déjà en fuite qui parvient à éviter de se faire à nouveau plaquer mais qui n'évite pas le coup de griffes de son adversaire. Elle les sent s'accrocher dans le cuir de son armure. Par réflexe, elle secoue brutalement son épaule, comme guidée par une peur incontrôlable, mais avant de lâcher, les griffes transpercent le cuir, s'enfoncent dans la chair et déchirent la peau de Maâra sur plusieurs centimètres. A cette seconde, tout le corps de Maâra se raidit et elle pousse un gémissement strident. La douleur se répand en elle comme une onde de chaleur, une onde qui l'inonde de vertiges et d'un fourmillement honteusement agréable. Contre toute attente et à la plus grande satisfaction de son Faera, elle n'use pas de toute son énergie à lutter contre ce qui se passe car, force est de le reconnaître, la douleur se dissipe rapidement, plus rapidement à mesure qu'elle accepte cette insoutenable fatalité.

Bien qu'incapable de le formuler ou d'y penser sans avoir la nausée, elle se sent comme ravivée et la scène lui semble soudain moins sombre, son objectif clair et les obstacles moins infranchissables. Ces créatures ne sont finalement que des revenants soumis à leur seule férocité, lents et sans lucidité. Sa meilleure arme se trouve non pas dans sa magie qui bien que puissante représente un risque ici-même, encore moins dans ses capacités martiales limitées, mais est bel et bien ce pilier entouré de magie runique. Un plan se dessine dans sa tête. Il faut qu'elle se rapproche du pilier.
Mais la créature n'est pas aussi vide d'esprit qu'elle le pense car elle n'avance pas vers Maâra, elle reste à distance et fouille en grognant, à la recherche d'une arme capable d'atteindre l'elfe. Rester à côté du pilier à trouver comment déloger le joyau de sa gangue de malédiction pendant que les créatures, bientôt plus nombreuses, n'arrivent à trouver de quoi l'embrocher de loin, n'est pas la solution.
Elle s'approche du monstre par de petits pas jusqu'à arriver à l'instant où cette dernière se rue sur elle. La Sindel court jusqu'à une table proche, saute par-dessus et se retourne aussitôt pour la repousser en hurlant comme une damnée, stoppant net la tentative du revenant de la suivre. A demi couché sur la table, les pieds dans le vide, il ne parvient pas à se rétablir et est trainé en arrière jusqu'au pilier. Échauffé par la réussite improbable de ce plan hasardeux, Maâra hurle de plus bel et pousse de toutes ses forces jusqu'au dernier moment … un geste de rage exaltée, comme pour signifier à ce pilier maudit qu'elle allait le détruire, par la force s'il le faut. Chose qu'elle n'avait étonnamment pas encore envisagé.

Le fracas de la table sur le pilier est détonnant. Le résultat escompté à l'encontre du revenant est sans limite car la vague de lumière et de magie runique qui explose à cet instant détruit littéralement le revenant, et propulse les autres dans la rivière, même les plus éloignés. Mais Maâra ne voit rien de cela. Elle est recroquevillée à genoux, les mains agrippées à ses tempes et elle hurle, si fort que son cri dépasse les grondements de la rivière et les tremblements de la terre. Si fort qu'Arken, aux prises avec les revenants restés en bas, lève la tête et hurle son nom, en vain.
La table, en s'échouant ainsi contre le pilier, a brisé un morceau de pierre du socle magique. Et Maâra a pu constater que la perte de contact avec son compagnon ou la fragilité de sa magie d'Obscurité n'est en rien le dernier recours des frères ennemis pour contrer celle qu'il redoutait le plus : la Lord Nécromant Yama Zatchlas. En se brisant, le socle a libéré une partie de cette magie profanée qui repoussait et rendait fou quiconque s'approchait d'ici. Une magie d'esprit, violente et douloureuse.
De toute sa vie, Maâra n'a jamais autant souffert, ni physiquement, ni psychiquement. Elle hurle et hurle encore, assaillie par des dizaines de lames tranchantes, la peau brûlée à vif, les poumons remplis d'eau, les membres écartelés, sa langue arrachée par les dents d'un monstre ayant prit l'apparence de son Faera. La douleur est intenable et elle sent son esprit se disloquer au moment où des dizaines de bouches dévorent son corps meurtri. Ça ne dure que quelques secondes mais dans son esprit, la torture dure une éternité et la violence de cette emprise est telle que ses fluides eux-mêmes sont tourmentés dans leur essence, agressés par une puissance déséquilibrée.

((- C'est dans ta tête !)) S'entête à hurler son Faera, impuissant.

Et tout à coup, plus rien. Le voile de lumière redevient doux, il flotte autour du joyau comme un drap séchant sous une brise d'été. Le corps de Maâra est toujours recroquevillé sur lui-même, sa peau marquée par ses veines anormalement grosses, son teint est livide et sa respiration peine à se rétablir. Elle hoquette, tousse et gémit, ses muscles tétanisés se détendent enfin et la font trembler, claquer des dents. Sa tête est lourde et bourdonnante, sa gorge est douloureuse et sa voix, lorsqu'elle tente d'appeler son Faera, n'est qu'un rauque inaudible, ses doigts sont rigides, coincés en position crispés. Des larmes coulent sur son visage creusé par la douleur.
Modifié en dernier par Maâra le mer. 16 janv. 2019 09:49, modifié 1 fois.
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Re: L'Ancienne Tour en Ruines

Message par Maâra » lun. 14 janv. 2019 15:46

" [:attention:] Certaines scènes de ce rp sont à connotation gore/masochiste, aussi est-il recommandé aux lecteurs sensibles d'y réfléchir à deux fois avant d'en entamer la lecture."


((- … ? Même par la pensée, elle n'arrive pas à articuler, ses propres réflexions sont comme emprisonnées dans des souvenirs de profondes souffrances.
- Je … je ne sais pas, parvient à avouer son Faera. Je sais tout, tout sur ce qui est et a été … tout de ce qui existe, mais ça. Ils ont associé et enchevêtré bien trop de magies contraires, ils n'ont pas fait que profaner le joyau ou la mort, ils ont souillé la magie. Ils avaient peut-être imaginé une autre manière de sortir le joyau de là pour tromper la mort, mais c'était il y a des milliers d'années. Depuis leur mort, tout a été laissé à l'abandon, imagine combien sont venus ici, combien sont morts, combien d'entre eux ont rejeté leur désespoir dans ses eaux et perverti un peu plus les lieux. Tout ici à pourri, même cette protection.
- Pourquoi ça s'est arrêté ?
- Ce n'est pas un être à part entière qui décide quand agir et quand cela suffit. Même si ça aurait suffit pour tuer n'importe qui d'autre. Tu as de la chance d'être toi … ce n'est pas un hasard si c'est toi que le destin a choisi pour aider la Lord.
- De la chance ? ))

Les traits de Maâra se creusent un peu plus. D'agacement d'abord car elle sait sur quel terrain veut l'emmener son Faera et en raison du supplice qu'engendre le fait de se redresser afin d'observer de ses yeux le spectacle.
La table est brisée, le socle est ébréché, le voile est redevenu normal et le joyau est toujours là. La solution … elle l'a enfin trouvée. Mais elle est hors de portée, jamais elle n'arrivera à supporter la douleur une nouvelle fois, jamais elle n'aura la force de briser cette pierre.

((- Oui !! Ces enfoirés ont volé le joyau à la Lord de son vivant. Cela fait des milliers d'années qu'il est là … et tu penses que tu es la première à avoir tenté de t'en emparer ! Tu crois que quand Tal Raban est mort, tous les nécromanciens ont disparu avec lui, tous les disciples de Phaitos, les fidèles de Thimoros et tous ceux qui vénèrent la magie sombre ont laissé tomber leur quête de pouvoir. Nombreux sont ceux qui ont essayé, pour la gloire ou la richesse, et tous sont morts. Tous sauf toi … parce que ce que tu t'obstines à voir comme une abomination contre nature t'as sauvé la vie. Tu peux aller plus loin, tu peux en supporter plus que les autres, parce que tu peux aller au-delà de la douleur. Quand les autres s'arrêtent et fuient ou s'évanouissent et meurent, toi tu t'éveilles.))

Maâra est en pleur. Elle ne cesse de secouer la tête, de dire et redire non, d'implorer son Faera de se taire, rien n'y fait, et pour cause … il a raison. Si elle veut ce joyau et sauver l'âme d'une de ces Lord d'antan qui ont bercé ses idéaux, elle doit continuer. Continuer en laissant définitivement cette monstruosité prendre sa place et ne plus jamais pouvoir la lui renier. Après l'assimilation de ses premiers fluides, elle l'avait senti ; ses sorts sont stables quand elle souffre, sa magie s'éveille en réponse à la douleur. Pour tenter de faire revenir sa sœur, elle avait une première fois abdiqué et s'était tailladée le bras pour que sa magie puisse atteindre le monde des esprits. Mais aujourd'hui, c'est sa vie qu'elle risque de devoir taillader.
Pour la seconde fois, son entêtement légendaire va laisser place à la raison et à l'abnégation … mais à quel prix.

Un nouveau grondement au pied de la tour la fait soudain sursauter.
((- Et même si je le voulais, mais encore faut-il le pouvoir et ils vont revenir.))

Elle se met à genoux, difficilement, et scrute les alentours. De ses mains abîmées et poussiéreuses, elle essuie ses yeux humides et le mucus qui coule sur sa bouche. Rien que du bois, du bois partout et de la pierre. Elle lutte pour ne pas perdre ses nouvelles et si fragiles convictions et pour trouver, à temps, une idée qui ne nécessite pas de se fracasser contre le pilier comme précédemment. Lorsqu'elle y a passé sa main, le voile la laissée entrer et ne s'est manifesté quand lorsqu'elle s'est trop approchée du joyau.
A quelques pas de là se trouve le couteau, récupéré sur l'un des cadavres des souterrains, au milieu des restes d'armoire et de revenants. Elle se traîne jusqu'à lui et ramasse au retour un galet de bonne taille.

A bout de force et sachant à quel point elle aura besoin des miettes, elle reste à genoux devant le pilier qui pour l'instant reste imperturbable. Un couteau en guise de ciseau à pierre, un galet en guise de maillet … elle se sent soudainement mieux équipée pour la cueillette de champignons que la destruction d'un bouclier magique. La lueur du voile protecteur lui brûle les yeux, la magie oppressante est comme une enclume sur son torse et elle entend déjà dans sa tête l'assaut des voix cinglantes.

((- Prête ?)) Lui demande son Faera comme si la vue de ses mains tremblantes, son visage plus livide que jamais, sa bouche tordue et ses mâchoires claquantes, ne suffisait pas à comprendre qu'elle est à l'opposé d'être prête. Elle est sur le point d'accepter l'innommable, sur le point d'ouvrir volontairement une porte que jamais elle ne pourra refermer et qu'à jamais elle devra accepter. Elle est sur le point de risquer sa vie pour devenir une obscénité, une aversion.

Par trois fois, elle inspire par le nez et souffle par la bouche comme avant de plonger dans l'océan. Elle entre la lame du couteau à travers le voile, la place à quelques millimètres du cercle de runes et lève le galet avant de l'abattre d'un coup sec, les yeux mi-clos, les dents serrées, prête …
La douleur, bien que moindre que lorsqu'elle en brisa un gros morceau, est terrible. Elle grince des dents et éructe un gémissement plaintif tandis que des larmes de profonde honte coulent sur ses joues en feu. Elle ressent son dos être martelé par les coups d'un fouet dentelé qui lui arrache la peau, elle sent la brûlure du claquement, le froid cinglant de sa chair à nu et pourtant, elle tient. Son esprit se brise et s'échappe d'elle-même. Elle sent sa magie lécher ses plaies invisibles et son corps s'arquer et frissonner.
Une fois, deux fois, trois fois … elle tape et tape encore en pleurant, hurlant sa honte d'une voix qui ne l'est pas, elle gémit de douleur et crache d'infamie. La torture mentale est d'un tel niveau que même son corps commence à lâcher, les soubresauts qui la parcourent ne sont plus le fruit d'une perversion mais d'un esprit et d'un corps qui se démantèlent. Avec ses maigres forces elle s'éloigne en rampant du pilier et se met à vomir encore et encore. La bile lui brûle la gorge, les spasmes la font trembler de toute part et elle a soudain l'impression que la chaleur quitte son corps. Toute chaleur et toute douleur, comme si son corps ayant atteint sa limite n'avait eu d'autre choix que de se purger pour ne pas s'éteindre.
Pas le temps pour autant de reprendre son souffle ou d'essuyer le vomi de sa bouche. Des rebords de la plate-forme remontent déjà d'autres revenants, plus sales, plus vérolés, plus boursoufflés, plus puants encore que les premiers. Pendant un instant, elle pense à laisser tomber mais il ne dure pas car son corps, guidé par une volonté qu'elle ne se connait pas, bouge de lui-même … et rampe en arrière pour se coller au pilier.

Les forces lui manquent pour se plaindre, pour avoir peur, pour en vouloir au Destin de l'avoir mise ici pour endurer pareille torture. Les forces lui manquent pour pleurer, penser ou espérer. La fatalité lui semble plus puissamment injuste que jamais et elle n'en ressent aucune colère, trop fatiguée pour le moment. Mais ça viendra.

Elle recommence à tailler l'inscription des runes à l'aide du couteau dont la pointe s'est brisée. Plusieurs sont déjà rayées ; elle ne s'en est pas rendu compte encore mais la lueur est de plus en plus faiblarde et le mouvement du voile se limite à un mouvement vers le bas, lent, mou et sans puissance. La douleur lui est moins insupportable et, paradoxalement et à son grand désarroi, sa béatitude physique plus grande.
Et tout à coup, une explosion, une déferlante la propulse en arrière et son corps roule sur plusieurs mètres. Plus de sensation oppressante, plus de bourdonnement, plus d'attaque. Un silence de plomb envahit soudain la caverne. Il n'y a plus ni voile, ni lumière, ni revenants. Arken hurle quelque chose qu'elle entend à peine, son nom sans doute puis une question qui n'obtient aucune réponse.
Le talisman est là, tombé au sol, ne demandant qu'à être ramassé. Elle avance en claudiquant et le touche du bout du doigt. Rien. Pas de décharges magiques, pas d'ultime protection. Elle a réussi … et n'en revient pas. Son corps est en miette, douloureux de la racine de ses cheveux aux ongles de ses orteils. Elle ne voit plus que d'un œil car l'autre est boursoufflé et l'entaille sur l'arcade continue de couler, sa respiration est sifflante en raison de son nez cassé. Les plumes de corbeau ont été arrachées d'un coté de son armure et le cuir arraché au niveau d'une couture, la plaie en dessous est particulièrement laide à voir et ne disparaîtra jamais complètement. Une entorse à la cheville l'empêche de marcher droit mais tout cela la laisse indifférente, car capable maintenant de relativiser ce qu'est la vraie souffrance et complètement obnubilée par le talisman qu'elle prend enfin en main.

((- Hihi ! J'espère que c'est pas un faux !!
- Ta gueule.)) Le rat faera couine à son oreille. Fier de sa protégée.
Modifié en dernier par Maâra le ven. 15 févr. 2019 22:29, modifié 3 fois.
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Re: L'Ancienne Tour en Ruines

Message par Maâra » jeu. 17 janv. 2019 17:59

- On rentre à … commence-t-elle à dire quand soudain, la terre tremble. Ce n'est ni la rivière qui se réveille, ni une explosion de magie ; la terre tremble et s'ébranle, le plafond au-dessus d'eux est en train de se fissurer et un mur s'effondre dans la rivière.
Maâra sent la terre s'ouvrir sous ses pieds et recule juste à temps pour voir un pan de la plate-forme s'effondrer et emporter le pilier avec lui. Elle court comme elle peut, ballotée d'avant en arrière et sur les côtés au gré des secousses. Elle n'a plus qu'une idée en tête : fuir. Plus de mystères, de questionnements ou de remises en question … ou presque. Ahuri, son Faera constate qu'au lieu de rejoindre l'escalier ou la corde empruntée pour traverser la rivière putride, elle ramasse tout ce qu'elle peut et l'enfouit dans ses poches ou sous le bras à l'instar des deux ouvrages les mieux conservés.

((-Mais c'est pas possible d'être aussi con !
- Je sauve c'que j'peux !
- Toi, toi et toi, c'est tout. Tu dégages vite fait et c'est tout, c'est un putain de tremblement de terre !!!))

Elle file droit vers l'escalier mais freine sa course d'un coup de talon au dernier moment car il est lui aussi soudainement emporté par la chute d'un monceau du plafond. Elle recule vivement car plusieurs morceaux plus petits tombent d'un peu partout et un épais nuage de poussière de terre et de racines décomposée envahit l'air ambiant qui devient de plus en plus irrespirable.

((-Toi, toi, toi … t'as vu l'résultat ? J'y serais, là, au milieu des marches.
- C'pas l'moment d'te la jouer ! Encore moins d'savoir qui a raison.

- MOI !!))

Alors qu'elle s'apprête à tenter le tout pour le tout et courir jusqu'à la corde pour s'y laisser glisser, une secousse énorme soulève la plate-forme, le talus sur lequel elle repose se scinde en deux et glisse sur lui-même. Le haut de la plate-forme est secoué à plusieurs reprises et bascule vers la rivière. Maâra a tout juste le temps de se traîner au sol jusqu'à un rebord et s'y agripper avec son bras valide. A cet instant, elle aurait voulu fermer les yeux et prier, prier pour une paire d'aile …
Mais elle hurle trop pour avoir ne serait-ce que la concentration pour prier.

- Nooon non non non non non, pas ça, hurle-t-elle en voyant que le roc de terre se dirige vers la rivière putride et acide.
Elle qui pensait être à bout de force parvient à rester accrochée à son bout de terre jusqu'au bout et y passe les secondes les plus longues de sa vie à hurler. Le talus se disloque et s'écrase dans un nuage poussière et Maâra cesse soudain de hurler, et même de respirer, lorsque la plate-forme s'écrase à son tour bien après la rivière. Elle est littéralement éjectée par le contrecoup avec la masse de débris, de terre et de caillou. Une autre secousse ouvre le sol en deux et un trou béant se forme là où était autrefois la prison du joyau, les eaux de la rivière souterraine polluée par la magie des frères ennemis s'engouffrent à l'intérieur, formant une sorte d'énorme marmite infernale. Un autre mur s'abat comme un château de carte et condamne ainsi une des sorties possibles pour les deux derniers survivants de l'expédition.
A moitié ensevelie et encore plus mal-en-point avec une jambe et des côtes cassées, Maâra voit fondre sur elle une silhouette. Arken attrape son bras et la tire des décombres sans ménagement et la force à avancer vers une galerie encore dégagée. Elle grogne, peste et se plaint mais avance tout de même sans se retourner. Elle prend appui à tout ce qu'elle peut pour garder le rythme malgré sa jambe cassée et progresse à l'aveugle sans réfléchir, sans penser, sans respirer et presque sans voir. Le bourdonnement de la terre envahit son crâne et la poussière ses poumons ; mais surtout elle entend la terre gronder, rouler et tomber derrière elle et tout avaler, comme la bouche d'un prédateur qui se referme chaque fois un peu plus près de sa proie.
Elle serre les livres contre son cœur et y sent le relief du talisman, les trois derniers témoins d'une époque révolue, trois trésors chacun à leur manière et trois preuves de ce que ce monde peut avoir de puissant et dangereux.

Ils continuent à courir avec pour seules compagnes leur bonne fortune et leur intuition. La première leur a d'ailleurs permis par deux fois de choisir la galerie qui ne s'effondre pas brusquement, ou est-ce leur bon sens qui leur fait choisir les directions qui s'éloignent chaque fois un peu plus de la caverne maudite. Ils ne savent ni où ils sont ni où ils vont mais assurément, l'un et l'autre savent parfaitement d'où s'éloigner et que plus ils monteront, plus ils se rapprocheront de la surface. Après des minutes interminables, le bruit du tremblement de terre s'atténue et les secousses s'amenuisent.

- De la lumière, annonce soudain Arken en accélérant.
De la lumière naturelle à la fois faiblarde et éblouissante selon qui la juge. Un phare dans la nuit pour ceux qui viennent de passer leurs dernières heures à la lueur de torches. Le tunnel pour rejoindre ce rai de lumière est abrupt et envahit de racines, un ancien passage creusé à la force des bras que Maâra gravit avec difficultés.
- Je sens un courant d'air par là. Il doit y avoir une ouverture. Prenez-ça, ajoute-t-il en lui jetant un sac.
Déjà en temps normal, les réflexes de Maâra ne lui auraient absolument pas permis de l'attraper au vol mais dans son état … elle se contente d'observer le vol du sac et son atterrissage à ses pieds sans un geste, sans un mot, sans une pensée, à peine un clignement d'œil douloureux.
((- C'que c'est chou. C'est le sac des cadavres. Quel chevalier celui-là.)) Trop épuisée, trop esquintée, trop déboussolée par l'idée d'une sortie imminente qu'elle n'espérait plus, elle ne répond pas à l'énième boutade de son Faera qui pense encore que l'humour a un quelconque impact sur elle. Elle se contente de ranger les ouvrages dans le sac et d'observer Arken déblayer la terre molle et meuble qui s'est accumulée sous une sorte de trappe en bois, bloquée. Il tape dedans à plusieurs reprises de son épaule. La trappe, de petite taille et ronde, s'ouvre en grinçant. Elle se situe à l'intérieur de l'énorme tronc d'un arbre tentaculaire, comme s'il avait poussé autour d'un puits et qu'il n'en restait plus que l'ouverture ; un arbre aux racines profondes, à l'écorce sombre qui suinte une sève noirâtre. Un arbre qui, s'il a pu survivre au fléau causé par les expériences magiques des frères maudits, mettra de nombreuses années à retrouver son état d'origine, tout comme le reste de la forêt autour de la tour en ruines.

Arken sort le premier, silencieux comme une pierre tombale malgré le soulagement évident qu'il affiche et tend sa main pour aider Maâra à s'extirper du tunnel à son tour. Elle parvient à faire quelques pas jusqu'à une souche où elle s'affale.
Elle entend alors le hoquet de stupéfaction d'Arken.
- Mais vous avez la jambe cassée !!
S'en suit une série de monosyllabes prononcées en inspirant comme s'il cherchait par quoi commencer, quelle question, quel mot.
- Mmmh, répond-elle d'abord en guise d'évidence. ((Si y'avait que ça de cassé.)) Renchérit son Faera. Vous n'êtes pas beau à voir non plus.
- Merci. Restez là le temps que je vous trouve un bâton ou quelque chose sur quoi vous appuyer.

Aussitôt dit, aussitôt fait, le sang mêlé s'éloigne à grands pas.
Maâra se pose par terre et s'adosse à la souche pour mieux se détendre, enfin. Elle inspire profondément, ferme les yeux et, pour la première fois depuis des dizaines d'années, lève son visage vers le ciel pour sentir le soleil sur son visage et l'air frais sur sa peau. Elle a du mal à réaliser qu'elle est sortit, qu'elle est vivante malgré son état général plutôt incertain et, qu'elle a réussit malgré l'amer sentiment d'échec qu'elle ressent au plus profond d'elle-même. Des semaines seront nécessaires à son rétablissement complet si tant est qu'ils parviennent à rejoindre Bouhen, des mois et des années seront nécessaires pour que cette partie de la forêt reprenne vie en dépit du poison dans ses veines, mais combien pour qu'elle accepte ce qu'elle est malgré la répugnance qu'elle s'inspire.
Comment faire pour avancer maintenant ? Elle s'en sent incapable.

((- Tu es épuisée, c'est tout, fais moi confiance au moins sur ce point. Verrouille ton cerveau jusqu'à ce que tu sois à Bouhen, nourrie, hydratée, propre, soignée et reposée.
- Plus dur à dire qu'à faire.)) Répond-elle avec un temps de retard en rouvrant les yeux sur l'après midi ensoleillé devant elle.

Observant les alentours elle recherche alors la tour en ruine. Logiquement, elle ne devrait pas se trouver très loin et elle en a besoin pour se situer et savoir dans quelle direction repartir pour Bouhen.
Sur sa droite, elle distingue du mouvement, un nuage de poussière qui s'élève dans le ciel au dessus d'une mase de gravas. La tour s'est effondrée. Est-ce à cause du tremblement de terre, à cause du temps qui a finalement rattrapé son retard ? Elle s'abstient d'y penser et ressent cette destruction comme un soulagement, comme l'ultime preuve que la malédiction des frères n'existe plus, comme l'espoir que leurs âmes soient enfin là où elles doivent être … et subissent ce qu'elles redoutaient tant : la mort, l'oubli, la paix vécue comme un tourment.

- J'ai trouvé ça, annonce Arken en lui présentant une branche d'arbre assez épaisse pour être robuste. On trouvera mieux sur le chemin … ou à Bouhen. Je n'ai pas trouvé d'eau.
La Sindel le remercie et fait quelques pas claudicants à l'aide du bâton de fortune avant de le remercier une seconde fois, plus reconnaissante cette fois.
- Ce n'est pas grave. La tour se trouve un peu plus loin là-bas, nous sommes à l'opposé. Nous devons repasser devant pour retrouver le chemin de Bouhen.
- Et nous retraverserons la rivière.
- Tout à fait.

Ils reprennent la route, silencieux l'un comme l'autre, l'un perdu dans ses pensées et l'autre préservant ses forces. Le chemin sera long jusqu'à Bouhen et bien plus encore jusqu'au repaire des Messagers du Corbeau. Ils auront tout le loisir de revenir sur les événements récents si le cœur leur en dit … l'un comme l'autre en tout cas ont connu des heures difficiles, des moments et des actes gravés à l'esprit pour toujours. L'un comme l'autre, ceci dit, se demandent si l'autre est quelqu'un avec qui il a envie de partager ces souvenirs.
Modifié en dernier par Maâra le ven. 15 févr. 2019 22:26, modifié 1 fois.
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Re: L'Ancienne Tour en Ruines

Message par Maâra » ven. 15 févr. 2019 18:15

Le nuage de débris autour de la tour effondrée s’est dispersé mais l’odeur de poussière est encore là. Les pierres gravées de runes encore intactes il y a quelques heures sont au sol, rongées par le retour du temps, réduites en morceaux par la puissance du tremblement de ses profondeurs. Une ruine.

Non loin de là se trouve un être difforme et sombre qui observe lui aussi la scène avec sévérité. Un être aussi sombre d’apparence que d’essence, difforme et tourmenté qu’elle pensait au moment de leur rencontre être une victime des frères sorciers. De son propre aveu, il a eu besoin de quelqu’un pour l’aider à descendre dans les souterrains et détruire ce qui s’y trouve … elle a pensé alors qu’il voulait sauver quelque chose.
Son absence dans les boyaux et les rares échanges qu’elle a eu avec les mercenaires ont depuis modifié son a priori. Il a envoyés les mercenaires à la mort, sachant sûrement qu’ils seraient incapables de vaincre la malédiction. Il les a envoyés à l’aveugle, sans préparation, sans explications … lui-même ne devait pas savoir ce qui se trouvait là-dessous.
Ce regard qu’il pose sur les ruines n’est pas celui d’une victime vengée, ce regard vide de soulagement ou de satisfaction et brillant d’orgueil n’est pas celui d’un rédempteur.

Lorsque Maâra et Arken approchent, l’Oudio au bois noir semble surpris.
- Tiens, vous avez survécu ? Dit Tartaros en les fixant de ses yeux profondément obscurs.
- Evidemment, répond Maâra sur un air d’évidence comme on répond à quelqu’un qui remarque que l’eau mouille.
L’Oudio se détourne d’eux et s’éloigne vers les profondeurs de la forêt.
- Vous l’avez ressenti ? Les frères ont eu ce qu’ils méritaient.
L’oudio marque un arrêt.
- Je me fiche des frères. Qu’ils pourrissent en enfer, cela ne changera rien à leurs actes. Il faudra des années pour purifier la rivière, mais cela ne me concerne plus.
- Ils vont y pourrirent, ils ont une lourde dette envers la mauvaise personne là bas. Rien ne sert de maudire le passé, on ne peut changer leurs actes mais on a changé le futur. Ces quelques années à guérir valent mieux qu’une éternité à mourir. Mais pourquoi cela ne vous concerne plus maintenant ?

Celle qui est autant capable de comprendre un regard que de voler ressent le dédain de l’oudio de plein fouet. Il la toise comme on scrute une erreur de la nature, comme un roi considère la crasse d’une main qu’on lui tend.
- Des propos ignorants de la part d'une ignorante... Je suis et serais à jamais le cauchemar de ces bois. Partez, maintenant, ou j'abreuverais ma sève de votre sang, tel est le seul futur dont vous devriez vous soucier.

Si cela se veut une insulte, elle n’atteint pas sa cible. Si le reste se veut une menace, elle est surfaite étant donné l’état de santé et les intentions de Maâra ou Arken, qui reste silencieux et vigilant. Le visage de la Sindel, fatiguée et tiraillée par la douleur, ne cille pas lorsqu’il la qualifie d’ignorante. Elle ressent son agressivité mais bien loin d'être l’effrayée, elle se sent lasse. A l’inverse de son Faera.
((Ah ça pour sûr !! Maintenant qu’il n’a que deux petits mortels blessés en face de lui, il fait le malin et se sent fort. Maintenant que le cauchemar qui le surpassait n’est plus, il se permet de menacer ceux qui ont réussi là où il a échoué toute sa vie. Barre-toi va !! C’est qu’un vieux tronc aigri qui parle d’une sève qui ne dresse plus bien haut moi j’t’le dis.))

- Nous partons, finit-elle par dire d’un ton de faux respect. Ces bois sont tout à vous et ce qui s’y passe ne nous intéresse pas. Notre mission ici est terminée et c’est une chance que nous ayons été plus compétents que vos mercenaires. Un choix sage et avisé que ce groupe, pour vous aider à détruire la malédiction des frères. Vous aviez dit qu’ils vous devez quelque chose, je ne me doutais pas qu’il s’agissait d’un trône.
Adieu Saigneur Tartaros cauchemar de ces bois.


Il ne rajoute rien. La Sindel ajuste la branche d’arbre sous son bras afin de marcher sans forcer sur sa jambe et lui tourne le dos.
Il secoue sa tête de bois et les observe partir par-dessus le nœud de son épaule. Ni Maâra ni Arken ne se retournent pour vérifier s’il est encore là. Et pourtant, le grincement sinistre de son écorce et les claquements saccadés de ses branches résonnent encore autour des deux messagers longtemps après leur départ.

Le chemin sera long jusqu’à Bouhen …
Modifié en dernier par Maâra le sam. 20 avr. 2019 22:00, modifié 1 fois.
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Hatsu Ôkami
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Re: L'Ancienne Tour en Ruines

Message par Hatsu Ôkami » sam. 16 mars 2019 01:34

Ils marchèrent dès le lever du soleil, chacun la tête emplie de pensées diverses. Hatsu dut se faire violence pour ne pas passer tout le trajet du jour à penser aux paroles et au visage d’Onoda la veille au soir. Elle reprit sa veille constante des alentours malgré le mal qu’elle avait à se concentrer entièrement sur ce qu’elle faisait. Elle remarqua tout de même certaines choses qui ne lui plurent pas du tout. Lorsqu’elle s’accroupit et examina le sol, Onoda fronça les sourcils en s’approchant.

- Un problème ?

- Des traces… je penche pour un ours, et pas un petit au vu de la taille des empreintes, il doit faire au moins dans les trois mètres de haut. La piste est récente et il semblait lent vu la profondeur des traces. Je pense qu’il vaut mieux ne pas traîner et bifurquer un peu. Un animal de cette taille est très dangereux, surtout s’il a faim.

Le forgeron approuva et ils firent un détour à l’opposé de la direction des traces repérées par la chasseuse, ce qui sembla contrarié Loup qui le fit savoir à la jeune femme.

(Proie de choix. Un vrai défi !)

(Ce n’est vraiment pas le moment ! Nous avons autre chose à faire.)

Le grognement de frustration qu’elle ressentit plus qu’elle ne l’entendit la fit rouler des yeux. Loup voulait toujours chasser, peu importe le lieu ou la raison, ou même la cible. Mais un ours ? Certainement pas, pas avec son équipement et certainement pas pendant cette mission.

Ils cheminèrent ainsi pendant plusieurs heures avant qu’Hatsu ne remarque un changement dans l’atmosphère ambiant. Elle s’arrêta, vigilante. Il n’y avait plus d’oiseaux, les sons semblaient plus lointains, le bruit de vent, pourtant familier, semblait comme des murmures inquiétants et la lumière pourtant diffuse et chaleureuse, semblait soudainement happée par les ombres environnantes. Hatsu n’aimait pas du tout cela et elle ralentit, sur le qui-vive, ses cinq sens en éveil pour essayer de déterminer l’origine de ce brusque changement d’environnement. La réponse ne se fit pas attendre lorsqu’ils émergèrent dans une clairière bordée d’arbres aux reflets inquiétants, au sol sombre et avec au centre une tour donc le haut était effondré, dont les pierres vieillies par le temps qui entouraient la bâtisse dans un cercle parfait étaient frappées d’étranges inscriptions rouges qui semblaient luire d’un éclat malfaisant.

A mesure que l’ynorienne s’approchait du lieu, elle pouvait sentir Loup trépigner dans son esprit, tout comme elle pouvait sentir Onoda ralentir sous l’effet d’une angoisse qu’elle ressentait également. Ce lieu était étrange. Pas forcément maléfique, encore que, mais loin d’être rassurant et bienveillant pour ceux qui n’y étaient pas invités. Lorsqu’elle franchit le cercle de pierres, elle sentit comme un froid l’envahir soudainement avant de disparaître, la laissant pantelante et immobile quelques secondes avant qu’elle ne se décide à marcher de nouveau après avoir constaté que rien ne se passait. Elle s’approcha de la porte de la tour, imposante porte en bois qui semblait épaisse et enchâssée là comme si elle avait été rajoutée. Elle effleura des doigts les inscriptions inscrites sur les pierres et frissonna au toucher glacé de ces dernières. Elle n’aimait pas cet endroit, quelque chose la poussait à vouloir s’en éloigner au plus vite et le visage blême d’Onoda lui confirma qu’elle n’était pas la seule.

- Ce doit être là…

- Cet endroit me donne la chair de poule.

Elle hocha la tête pour lui montrer qu’il n’était pas le seul à ressentir l’angoisse de l’endroit. Mais ils étaient là pour une raison précise, pas question de renoncer.

- J’imagine qu’il va falloir pénétrer à l’intérieur…

- Oui… L’Olath est un métal rare, il faut plus que de la simple terre pour qu’il se crée… Faisons ça au plus vite voulez-vous ?

Elle opina du chef et tenta de pousser la porte sans grande conviction. A sa grande surprise, celle-ci pivota facilement et une odeur nauséabonde les prit à la gorge lorsque la porte se fut ouverte. Hatsu plaqua sa manche devant son nez et examina l’intérieur. Une salle circulaire, complètement vide avec un escalier qui menait dans les étages effondrés ou vers les sous-sols. Rien qui ne justifiait une telle odeur à première vue, mais les profondeurs de l’édifice pouvaient recéler bien des horreurs qu’ils n’envisageaient même pas. Aussi s’avança-t-elle prudemment avant d’appeler le forgeron qui arriva avec le cheval qu’ils installèrent à l’intérieur pour éviter qu’il n’attire les bêtes sauvages aux alentour. L’animal semblait aussi apeuré que les deux ynoriens et il fallut le tirer de force à l’intérieur avant de refermer la porte pour l’empêcher de fuir. Seul quelques minces rais de lumière passaient par les trous de l’étage supérieur et Onoda alluma rapidement une torche pour y voir davantage.

Hatsu visita rapidement l’étage, ne trouvant rien d’intéressant ou de dangereux, elle se doutait qu’il leur faudrait descendre sous terre pour trouver ce qu’ils cherchaient. Elle n’aimait guère l’idée de devoir parcourir les couloirs d’un endroit aussi lugubre, mais visiblement ils n’avaient pas trop le choix, alors elle chassa ses interrogations et ses doutes et s’engagea dans l’escalier, flèche encochée, Onoda sur ses talons, portant une torche qui éclairait devant elle. L’escalier menait à une pièce… enfin elle supposait que c’était une pièce. L’intérieur ressemble davantage à une caverne qu’à de vraies pièces carrées et correctement taillées. Çà et là les racines sombres des grands arbres traversent le plafond et une faune grouillante se déplace le long des appendices végétaux. Le sol est loin d’être égale et de nombreux couloirs semblent partir dans de tout aussi nombreuses directions. Certains, la plupart même, sont effondrés, d’autres ouverts pour une exploration qu’aucun des deux aventuriers n’est très enclin à entreprendre. Mais il faut avancer et Hatsu choisit un tunnel qui semble vaguement en pente et l’emprunte prudemment, Onoda toujours sur ses talons. Elle marche leur passage en grattant légèrement le mur à l’aide d’une pointe de flèche, faisant apparaître une fine ligne blanche comme point de repère. Suffisamment visible pour qu’ils puissent se repérer, mais, elle l’espère, invisible aux yeux d’éventuels poursuivants.

Et ils marchèrent, lentement, guettant le moindre danger, l’un sursautant au moindre bruit, l’autre tendant l’oreille sans rien percevoir de très inquiétant. Ils débouchèrent sur une autre pièce taillée à même le sol. Elle semblait vide mais Hatsu arrivait à distinguer des choses accrochées au mur de gauche. Objets métalliques rouillés et rongés par l’humidité, anciens objets servant à emprisonner criminels ou pauvres hères innocents. A la vue des fers fixés au mur, Hatsu fut prise d’un mauvais pressentiment, mais l’exploration de la pièce ne révèla rien d’autre. Onoda fixa lui aussi les fers avant de se détourner en déglutissant. Aucun des deux n’était à l’aise ici, mais Hatsu parvint à dissimuler, au moins en partie, l’angoisse qui la tiraillait depuis qu’ils avaient pénétré dans le cercle de pierres gravées.

- Allons-y ! Je suis persuadée que nous trouverons ce que nous sommes venus chercher ici.

Elle espérait simplement ne pas tomber sur autre chose. Ils rebroussèrent chemin car la pièce ne menait à rien d’autre et ils prirent un autre chemin, descendant lui plus abruptement. Elle marqua de nouveau le bas du mur, mais d’une manière différente pour se repérer correctement. Elle remarqua que l’odeur qui régnait dans cet endroit devenait de plus en plus forte, rendant la respiration difficile et une envie de vomir la prenait à chaque inspiration. Elle se fit violence pour continuer et ils débouchèrent de nouveau dans une pièce à première vue complètement vide, mais Hatsu sentit que quelque chose était différent. La lumière de la torche se réverbéra sur une chose qu’elle espérait ne pas voir. Deux pupilles brillaient face à eux et un grognement guttural d’outre-tombe sortit de la bouche d’un être qui leur faisait face.

- Et merde…
Hatsu Ôkami, Chasseuse Ynorienne
Première Née des Ôkami
Réceptacle de l'esprit de Loup
Image
Armoiries des Ôkami:
l'Or pour la fortune, le Loup pour la noblesse d'âme et la flèche pour le passé guerrier.

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Re: L'Ancienne Tour en Ruines

Message par Hatsu Ôkami » sam. 16 mars 2019 17:41

Un homme… enfin cela avait dû un jour être un homme avant de devenir le cadavre ambulant qui tendait ses bras décharnés vers le duo en gémissant misérablement, ses jambes le portant tant bien que mal tandis qu’il ouvrait une bouche presque édenté en poussant un râle angoissant. Hatsu et Onoda étaient en train d’observer la créature avec un mélange de stupéfaction et d’horreur. Onoda commença à reculer mais Hatsu le tint par le bras.

- Ne courrez pas, nous ne savons pas si ce… cette chose peut aller plus vite, reculez lentement et laissez-moi faire. Ne restez pas loin, il peut y en avoir d’autres.

Onoda ne discuta pas et recula de deux pas tandis qu’Hatsu bandait son arc, visant la tête de la créature. Elle savait que les morts-vivants ne pouvaient mourir que si leur tête était suffisamment endommagée. Une flèche suffirait-elle ? Elle eut rapidement la réponse lorsqu’elle lâcha la corde, envoyant sa flèche au milieu du front du cadavre. La tête partit en arrière dans un angle qui semblerait impossible à réaliser pour un humain, avant de revenir à sa position initiale. La créature n’avait pour ainsi dire pas la moindre réaction autre que le recul dû à l’impact du métal contre son crâne et la flèche plantée au milieu de son front ne semblait guère être une de ses préoccupations. La jeune archère jura en voyant qu’une flèche n’avait aucun effet et elle rangea son arc sous le regard médusé du forgeron.

- Mais que faites-vous ? Vous êtes fo…

- Votre pioche ! Donnez-la-moi !

Le forgeron obéit et l’archère se munit donc du lourd instrument de minage et s’approcha du macchabée qui avançait lentement mais sûrement vers eux. Elle se maintint à distance de lui, lui tournant autour pour attirer son attention. Le cadavre essaya de suivre mais elle se retrouva facilement dans son dos, leva la pioche et l’abattit avec force sur le crâne du mort vivant qui explosa comme un fruit trop mûr, projetant des fluides divers autour de lui. Hatsu eut un hoquet de dégoût, lâcha la pioche dont le tintement sur la roche résonna dans la pièce, avant de se retourner et de vomir tout son repas du matin sous le regard dégoûté du forgeron qui avait osé s’approcher pour voir si le cadavre était finalement bien mort. L’odeur qu’Hatsu sentait était immonde et les fluides lui donnaient la nausée, mais le pire avait le bruit qu’avait produit la boîte crânienne en explosant sous son attaque. Elle s’essuya la bouche d’un revers de manche et entrepris de vider sa gourde pour nettoyer ses vêtements, son visage et ses cheveux et se rincer la bouche. Elle se fichait d’être sale si c’était de la terre, de la boue ou autres éléments naturels, mais ça… c’était au-dessus de ses forces.

Après ce court interlude nettoyage, elle revint vers le forgeron qui lui tendit la flèche qu’elle avait tirée dans la tête du cadavre. Elle examina ce dernier avec une certaine distance et, voyant qu’il ne bougeait plus, elle soupira et rangea la flèche tandis que le forgeron ramassait la pioche avec un air de dégoût.

- Immonde… m’enfin c’était un joli coup…que faites-vous ?

La jeune femme, les yeux fermés, récitaient une prière en marmonnant, terminant avant de répondre au forgeron.

- Je prie pour que l’âme de ce pauvre hère trouve enfin le repos qu'il mérite…

- Ce n’était qu’un cadavre animé par une magie maléfique.

- Je sais… Mais son âme, où qu’elle soit, à le droit au repos.

Onoda hocha la tête et regarda, perplexe, la jeune femme s’approcher à nouveau du cadavre. Elle se pencha dessus, l’observant en détail. Elle cherchait un élément qui aurait permis de l’identifier, une bague ou quelque chose, mais rien, il ne portait que des vêtements éliminés et sales. Dépitée, elle se releva et s’éloigna du mort, espérant au fond d’elle que d’autres n’allaient pas sortir de terre.

Abandonnant là le cadavre sans tête, ils continuèrent d’avancer plus profondément, le forgeron scrutant les murs et le sol pour dénicher un éventuel filon. Cela les ralentissait mais Hatsu ne s’en plaignait pas. SI cela pouvait leur permettre d’avancer moins profondément dans ce lieu, elle accueillait le ralentissement avec joie. Le couloir qui suivit déboucha sur une nouvelle salle, bien plus grande que la précédente, et visiblement pas terminée. Le forgeron se mit à scruter les murs et son regard s’illumina soudainement avant qu’il ne se mette à courir vers le mur de gauche qui était inachevé, posant la main sur une roche d’un noir profond qui semblait aspirer la lumière émise par la flamme de la torche qu’il portait.

- De l’Olath ?

- Oui ! Je pense qu’il n’y en aura hélas pas suffisamment, mais c’est un bon début, je devrais pouvoir en avoir une demi-douzaine de kilos je pense.

- Combien de temps…

- Un long moment, je vous suggère de patienter en surveillant le couloir du mieux que vous le pouvez.

Hatsu opina, vérifiant le reste de la pièce avant de se placer à l’entrée. Le premier coup de pioche la fit sursauter. Les coups portés se répercutaient sur les parois et dans les salles et couloirs vides, résonnant fortement et Hatsu se précipita sur le forgeron qui avait retroussé ses manches et c’était mis à l’ouvrage.

- Par Rana, faites moins de bruit.

Il la regarda avec un air ahuri.

- Et je le récupère comment exactement ? En lui demandant gentiment de s’extraire lui-même ?

Hatsu ne pipa mot et recula avant de retourner à l’entrée de la pièce tandis que les coups reprenaient, emplissant de nouveau la salle d’échos métalliques. Hatsu n’aimait pas ça du tout, elle craignait que cela n’attire toutes les créatures à des kilomètres à la ronde. Ils n’avaient croisé qu’un mort-vivant peu dégourdi, mais qui pouvait savoir quels genres d’horreur pouvaient encore se terrer ici ?

Au bout d’une heure d’un travail laborieux, le forgeron fit une pause, le front perlé de sueur et Hatsu s’accorda un regard vers son protégé qui lui indiqua de la main qu’il en était à environ trois kilos. Elle soupira et reprit sa garde. Une heure pour un peu moins de trois kilos… Elle redoutait qu’ils doivent encore passer plus de deux heures à marteler le métal et à surveiller les environs tout en espérant que rien ne leur tomberait dessus alors qu’ils faisaient un boucan infernal.

(Ennuyeux…)

Hatsu retint un soupir et approuva intérieurement.

(Pars en chasse ! Proies faciles, mais nombreuses !)

(Non ce n’est pas… Comment le sais-tu ?)

(La mort se ressent.)

(Ce n’est pas vraiment une réponse…)

(Tu manques d’attention. Ne te fie pas à tes yeux. Autres sens, plus fins.)

(Vu l’odeur qui règne ici et le boucan derrière moi, je vois mal comment entendre ou sentir quoi que ce soit.)

(Concentre-toi ! Le Chasseur doit s’adapter. Sinon il est faible. Le faible meurt.)

(Tes encouragements me vont droit au cœur…)

Seuls les bruits métalliques répétés lui répondirent et Hatsu fronça les sourcils. Elle suivit néanmoins les conseils de Loup et tenta de s’isoler du bruit derrière elle. Les coups se réverbéraient, l’odeur était toujours aussi désagréable pour son odorat malgré le temps passé au cœur de ces souterrains. Sa respiration se fit plus profonde, plus calme et, peu à peu, lentement, les bruits derrière elle devinrent moins accaparants, un lointain martèlement qu’elle pouvait ignorer. Elle écouta, les yeux fermés, tentant de percevoir quelque chose. Cccrrrr. Un bruit parasite la dérangea dans sa concentration. Cccrrrrr. Il semblait distant et proche à la fois et il était régulier. Cccrrrr. On aurait dit un raclement. Cccrrrr. Elle aurait juré que le bruit s’approchait. Cccrrrr. Elle ouvrit des yeux inquiets et se redressa soudainement, brisant sa concentration, faisant ressurgir le vacarme derrière elle qui lui donna mal à la tête. Mais il y avait plus urgent. Quelque chose approchait, elle en était convaincue. Elle courut vers le forgeron et alluma une seconde torche grâce à la première avant de retourner à l’entrée du couloir où elle lança la torche de toutes ses forces. La torche fit un long vol avant de s’écraser au sol. Au début, rien ne fut visible. Puis une, deux, trois silhouettes se firent visibles. Et d’autres suivaient, lentement mais sûrement. Et un raclement se fit entendre, griffes grattant la pierre pour faire avancer ce tronc sans jambes qui rampait, avide de se repaître des imprudents qui osaient s’aventurer ici.

Une goutte de sueur engendrée par la peur coula sur la tempe d’Hatsu lorsqu’elle vit cette procession morbide de cadavres ambulants. Elle ne voyait pas d’échappatoire possible puisqu’ils bloquaient la seule issue par laquelle elle et Onoda auraient pu fuir. Ils étaient piégés.
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Re: L'Ancienne Tour en Ruines

Message par Hatsu Ôkami » jeu. 21 mars 2019 19:01

- Onoda !

Le cri paniqué d’Hatsu stoppa net le forgeron qui se tourna vers la jeune femme qui avait sorti son arc et encochée une flèche. Il comprit aussitôt et pâlit. Il resta immobile tandis qu’Hatsu essayait de trouver une solution. Ses flèches n’étaient guère efficaces contre ces êtres qui ne ressentaient pas la douleur et qui ne mourrait que si leur tête était détruite ou séparée de leur corps. Elle héla le forgeron.

- Vous en avez combien ?

- Environ cinq kilos, ce n’est pas suffisant, il nous en faut au moins le double, voire un peu plus.

La jeune femme jura. Ils allaient devoir rester sous terre même si elle arrivait à se débarrasser de ses morts là. Elle les compta. Sept mort-vivants, dont un qui rampait en s’aidant de ses bras décharnés. Autant dire qu’ils avaient l’avantage certain du nombre. A sept contre un, elle doutait de s’en tirer indemne. Elle n’inclut pas Onoda dans l’équation, il n’allait probablement pas s’approcher. Elle décida qu’il fallait au moins essayer de les ralentir, puisque visiblement ceux debout allait légèrement plus vite que celui qui rampait misérablement au sol.

Elle banda son arc et commença à tirer. Visant les genoux de morts, elle espérait les endommager suffisamment pour qu’il tombe au sol, incapable d’utiliser leurs membres inférieurs. Le premier tituba lorsque la flèche pénétra l’articulation, mais il se contenta de trainer la jambe avant qu’une deuxième ne vienne le mettre à terre en atteignant son autre jambe. Hatsu pesta. A compter de deux flèches par ennemi, elle arriverait à court bien avant le dernier et elle préférait en garder une ou deux sur elle s’ils arrivaient à l’atteindre.

Elle décida de mettre davantage de force dans les suivantes, quitte à en tirer moins. Elle ne craignait pas trop qu’ils lui foncent dessus soudainement, mais elle recula légèrement avant de poser un genou au sol pour un meilleur appui avant d’encocher une nouvelle flèche. Elle inspira lentement avant d’arracher la jambe d’un des cadavres qui s’écroula avant de se mettre à ramper à son tour. La jeune archère expira lentement tout en étudiant la nouvelle situation. Trois rampants, quatre marcheurs, ce qui lui semblait quand même trop important. Elle ajusta sa position, posant de nouveau un genou à terre après avoir reculé, visant le mort le plus proche. Sa flèche fendit l’air avec violence, faisant de nouveau s’écrouler un macchabée trop abîmé pour réussir à se déplacer correctement. Elle pensait que la situation était sous contrôle lorsqu’un bruit derrière les non-morts la fit plisser les yeux. Une étrange lueur bleutée apparut et Hatsu, écarquillant les yeux, se jeta sur le côté avant qu’un puissant éclair ne frappe le sol où elle se trouvait, frappant certains des trépassés sur le chemin.

(Le voilà…)

(Au pire moment… par Rana, il choisit toujours son moment pour intervenir celui-là.)

Le mage les avait visiblement retrouvés et ne semblait pas plus gêné que ça par les cadavres ambulants. Le forgeron, qui avait aperçu l’éclair et entendu la déflagration assourdissante qu’il avait provoqué, se rapprocha d’Hatsu qui s’était caché derrière le mur pour éviter de servir de cible. Il lui indiqua qu’il n’y avait plus rien d’exploitable dans la pièce et qu’il fallait bouger au plus vite.

- SI vous trouvez un passage secret je suis preneuse, nous avons un problème foudroyant sur les bras en plus des morts.

Il eut un petit sourire qui s’effaça néanmoins bien vite lorsqu’une voix grave et agressive se fit entendre.

- Jeune fille, donnez-moi le forgeron et je vous laisserai la vie sauve.

Onoda jeta un œil paniqué à Hatsu qui semblait réfléchir aux paroles qui lui étaient adressées. Il était partagé entre stupeur et colère. Elle n’allait quand même pas accepter ?

- Ôkami, vous n’allez pas…

- Ne soyez pas stupide… Je vais essayer de gagner du temps, tâchez de trouver une sortie.

Il opina, visiblement soulagé et s'éloigna tandis qu’Hatsu répondait calmement au mage.

- Qui me dit que vous tiendrez parole. Les agents d’Omyre n’ont aucun mal à trahir les autres.

- Seul la vie du forgeron m’importe ! Vous serez libre de joindre nos forces après me l’avoir confié. Vous avez du potentiel.

Elle ricana en pensant qu’il disait cela parce qu’elle lui avait embroché l’épaule la dernière fois. Elle jeta un œil au forgeron qui cherchait désespérément une autre sortie en tâtonnant les murs. Elle devait encore gagner du temps. Elle fit mine d’être intéressée.

- Vous dites qu’Omyre m’accueillerait volontiers ?

- Bien sûr ! Nous avons grand besoin de recrues prometteuses et d’espions en Ynorie.

Elle patiente quelques instants avant d’entendre les grognements proches d’un mort. Elle s’aperçut qu’ils s’étaient approchés pendant ce temps, ignorant totalement le mage qui avait pourtant frappé certains d’entre eux. Mais visiblement cela n’avait pas suffi à totalement les arrêter, et elle comprit que le mage, pas fou, avait laissé les morts avancer et s’était tenu à l’écart, attendant qu’ils réduisent la distance. Hatsu recula rapidement pour éviter la main qui tentait de saisir sa cheville, donnant au passage un coup de pied qui fit résonner un craquement écœurant qui lui donna la nausée. Elle n’était pas du tout préparée pour ce genre d’adversaire qu’elle ne pouvait pas tuer d’une simple flèche. Les quatre morts marchant encore apparurent à l’angle du mur et Hatsu pesta. Elle aurait dû les surveiller, mais avait craint d’attirer un éclair en passant la tête à l’angle du mur. Non seulement les morts étaient à présent tout proche, mais en plus le mage avait le champ libre pour avancer à son tour et les massacrer si l’envie lui prenait.

Et envie il lui prit puisqu’il apparut à son tour, visant instantanément le forgeron qui était vulnérable et facilement repérable avec la torche qu’il portait. Hatsu ne réfléchit pas longtemps et tira aussitôt sur le mage qui dut changer de cible pour éviter de finir embroché, pulvérisant la flèche en vol avant qu’un éclair ne rebondisse sur l’un des morts qui réagit à peine à la décharge.

- J’imagine que c’est votre réponse …

- Ce n’est pas comme si vous m’aviez réellement donné le choix.

Le ricanement sordide qui sortit de la poitrine du mage lui fit froid dans le dos. Ricanement qui se transforma en un cri de surprise lorsqu’un des morts rampant lui attrapa la cheville. Tout concentré qu’il était sur ses cibles, il en avait oublié les lents non-morts qu’il devait juger inoffensif. Hatsu en profita, bandant de nouveau son arc en visant la poitrine du mage. Celui se débarrassa du mort d’un coup de pied qui brisa les os de la créature. La flèche fila droit vers lui et Hatsu pensa enfin qu’elle allait en finir avec lui, mais une fois de plus, la flèche dévia de sa trajectoire, tournant autour du mage avant de foncer sur elle, lui traçant une estafilade sur le cou tandis qu’elle l’esquivait de justesse en se jetant au sol. Elle se releva d’un roulé boulé et en encocha une autre lorsque le forgeron cria son nom. Un bruit de pierres se fit entendre et Hatsu comprit aussitôt et se mit à courir en direction du forgeron qui, d’un coup de pioche, dévoila un passage étroit par lequel ils pourraient s’enfuir.

Mais le mage ne l’entendait pas de cette oreille et il incanta immédiatement, visant le dos de la jeune femme qui tentait de s’enfuir. Elle perçut le cri d’avertissement d’Onoda et se retourna juste à temps pour se jeter au sol. L’éclair passa largement au-dessus de l’archère au sol et elle vit avec horreur celui-ci frapper le forgeron qui bascula dans le trou qu’il avait fait dans le mur.

- Onoda !

Elle courut vers le lieu où se trouvait le forgeron, observant nettement un trou qui menait à un étage inférieur empli d’une eau nauséabonde. Elle jeta un regard empli de haine au mage qui, à présent devait s’occuper des morts qui l’avaient encerclé, puis elle sauta à son tour, plongeant dans l’eau glacée pour retrouver le forgeron qu’elle avait juré de protéger.
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Re: L'Ancienne Tour en Ruines

Message par Hatsu Ôkami » mer. 3 avr. 2019 16:25

Vengeance et délivrance

Le froid et l’obscurité rendaient difficiles les mouvements d’Hatsu qui tentait tant bien que mal de maintenir le forgeron inconscient hors de l’eau pour lui éviter de se noyer. Elle lui avait littéralement plongé dessus, pressée qu’elle était de le trouver et n’avait eu qu’à le hisser hors de l’eau en vérifiant qu’il respirait toujours. Sauf qu’elle n’avait jamais vraiment eu à porter quelqu’un tout en nageant et que l’exercice lui coûtait énormément d’énergie, la faisant s’immerger de plus en plus fréquemment à mesure qu’elle essayait de trouver un endroit où se poser. Les minutes semblaient être des heures et la jeune archère avait de plus en plus de mal à ne pas sombrer avec son poids mort au fin fond de ce lac souterrain. Elle finit par buter contre ce qui ressemblait à un mur et s’y accrocha, tenant le forgeron inconscient en passant un bras autour de son torse. Elle resta là un moment, à reprendre progressivement son souffle, tentant tant bien que mal de s’habituer à l’obscurité pesante qui l’empêchait de trouver un endroit où se reposer. Elle pouvait entendre le léger bruit de gouttes tombant dans l’étendue aqueuse résonner, mais elle n’avait aucune idée de la taille de cette poche souterraine, ni de comment elle allait bien pouvoir les faire tous les deux sortir d’ici. Elle se remit à avancer lorsqu’elle commença à claquer des dents, bougeant pour se réchauffer, s’accrochant le plus possible aux aspérités du mur qu’elle se mit à suivre en espérant tomber sur un couloir ou tout autre accès à une salle moins inondée. Ses yeux s’habituèrent peu à peu à l’obscurité et elle put discerner une vague forme au centre du lac, mais cela lui semblait si éloigné qu’elle préféra continuer sur sa lancée, rasant le mur dans l’espoir qu’une ouverture leur offre le salut tant attendu.

(Pourquoi fuir ?)

Le ton accusateur de Loup arracha une grimace à Hatsu. Elle savait qu’il n’aimait pas lorsqu’elle se débinait, et elle non plus.

(Je devais sauver Onoda avant tout, c’est ma mission. Et ce mage peut me renvoyer mes flèches Loup, comment suis-je supposée rivaliser avec ça ? )

(L’invisible ne peut être stoppé.)

(Je sais. Mais la situation n’était pas favorable à une embuscade je te rappelle. Comment nous a-t-il retrouvé aussi vite en plus ? Je n’arrive pas à croire que nous ayons été si négligeant !)

(Toi non. Le faible que tu protèges en revanche…)

Ses yeux fatigués se posèrent sur son compère inconscient et elle soupira. Elle avait autre chose à faire que s’énerver sur les éventuelles erreurs du forgeron, elle n’avait aucune preuve qu’il ait véritablement commis une faute, elle n’allait pas s’énerver dans cette situation. Elle devait d’abord les sortir de ce lac. A force d’avancer en faisant le tour, elle tomba sur une galerie bas de plafond qui s’enfonçait dans les ténèbres. Elle n’hésita pas longtemps et s’y engouffra. Elle était transie de froid, ses dents claquaient et elle craignait de s’engourdir totalement avant de réussir à émerger. La longue galerie était heureusement leur porte de sortie, elle déboucha sur une autre caverne souterraine mais elle vit nettement un rebord sur lequel elle hissa le forgeron avant de grimper à son tour et de s’écrouler. Tout comme la première caverne, celle-ci semblait gigantesque, mais l’obscurité empêchait d’en estimer précisément la taille. Elle tira le forgeron loin du bord pour qu’il ne se mette pas à rouler dans l’eau en étant inconscient et elle entreprit de lui retirer ses habits trempés pour les essorer avant de faire de même avec les siens. Elle avait toujours froid, mais au moins elle n’allait pas risquer une hypothermie en gardant des vêtements trempés et froids sur elle.

Elle était fatiguée mais elle se refusa à dormir pour le moment et veilla sur le forgeron qui gémissait dans son sommeil. Elle vérifia qu’il n’était pas blessé gravement, mais toutes leurs affaires à part son arc et ses munitions étaient restées dans l’autre pièce, elle n’avait pas pu les récupérer. Se recroquevillant, elle tenta tant bien que mal de se réchauffer, se frottant le torse pour tenter de ne pas laisser le froid prendre le dessus. Elle craignait que le forgeron ne finisse lui aussi frigorifié et elle tenta de le réveiller, d’abord doucement, puis plus énergiquement avant qu’une claque ne le tire de sa léthargie alors qu’il criait un prénom qu’elle ne connaissait pas.

- Kimiko !

L’air perdu et visiblement affolé, il scruta les alentours plongés dans la pénombre, s’arrêtant sur la silhouette d’Hatsu qui le surplombait. Il cligna des yeux, un air de profonde incompréhension mêlé de tristesse sur le visage avant que son masque hautain et détaché ne reprenne le dessus.

- Vous étiez obligé de me frapper, Ôkami ?

La jeune archère ne releva pas le ton légèrement agressif et se justifia tout en prenant une distance de sécurité.

- Vous risquiez de vous geler sur place et vous déliriez, je n’avais pas vraiment le choix. Essayez de vous réchauffer, je ne vais pas le faire pour vous.

Elle perçut difficilement le sourire sardonique du forgeron qui se transforma en une grimace de douleur lorsqu’il se releva pour s’asseoir, se frictionnant le torse et le bras où il avait reçu la décharge du mage. Il remarqua seulement qu’il ne portait presque rien sur lui et s’en étonna.

- Où sont mes habits ?

- Au sol, ils sèchent tant bien que mal. Nous avons barboté un long moment dans cette eau glacée, je n’allais pas risquer de vous perdre alors que vous aviez survécu à l’éclair et à la chute, donc j’ai préféré vous éviter de mourir geler.

- Je vous en suis gré. Où sommes-nous ?

Elle soupira doucement, se massant les épaules et le cou pour tenter de faire disparaître la lassitude qui l’envahissait.

- Toujours sous la tour j’imagine. Je n’ai aucune idée de comment nous allons sortir de là, mais je vais trouver, reposez-vous pendant ce temps.

- Vous semblez fatiguée…

La remarque tira un haussement de sourcil à Hatsu, ce qu’Onoda ne pouvait pas voir, mais elle n’ajouta rien, ni pour affirmer, ni pour infirmer. Elle se contenta de prendre son arc et commença à explorer la zone. Elle se sentait ridicule, presque nue avec une flèche encochée dans une obscurité presque totale. Presque, parce qu’elle distinguait nettement quelque chose, raison pour laquelle elle voulait explorer. Elle avança, hésita un moment, avant de finalement rebrousser chemin. Elle retourna auprès d’Onoda.

- Vous pouvez marcher ?

- Je pense oui…

- Parfait, on y va, il y a quelque chose là-bas et je préfère vous savoir non loin de moi.
Modifié en dernier par Hatsu Ôkami le mar. 9 avr. 2019 22:26, modifié 1 fois.
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Re: L'Ancienne Tour en Ruines

Message par Hatsu Ôkami » mer. 3 avr. 2019 16:31

Progresser dans une obscurité totale était loin d’être évident malgré la vision qui semblait s’habituer peu à peu. Ils progressaient à tâtons, Hatsu toujours arc en main, le forgeron portant leurs vêtements encore humides qu’il s’efforçait d’essorer tout en avançant. Hatsu était certaine d’avoir aperçu une lueur au loin et elle comptait bien trouver une sortie grâce à ça. Elle finit par retrouver ce qui semblait être une flamme, ce qui l’étonna vu l’humidité ambiante et la totale absence de lumière. Qui avait bien pu allumer un feu ici ? Ce fut avec cette question en tête que la jeune archère s’approcha doucement, gardant tous ses sens en éveil mais le regard fixé sur la lumière. Lumière qui, elle le comprit au bout d’un moment, provenait d’une torche accrochée au mur d’un couloir qui s’enfonçait en remontant légèrement.

- Il semblerait que ce soit notre porte de sortie. Vous avez de bons yeux, Ôkami.

- Je n’aime pas ça…

- Allons, nous avons une sortie et…

- Quelqu’un a laissé cette torche ici. Quelqu’un de vivant. Je n’aime pas savoir qu’il y a quelqu’un ici en plus de nous et de ce mage.

- Avec un peu de chance, il nous aidera.

- Vous pensez que les trépassés venaient d’où ?

Onoda pâlit en comprenant où venait en venir la jeune ynorienne. Elle craignait qu’un nécromancien n’habite l’endroit et qu’il ne soit guère enchanté de recevoir des visiteurs indésirables. Elle prit néanmoins la torche et s’engagea dans le couloir qui remontait légèrement. Nécromancien ou non, ils ne pouvaient décemment pas rester à moitié nus dans une grotte souterraine, il leur fallait trouver une sortie. Talonnée par le forgeron qui semblait bien moins rassuré, elle avança dans l’inconnu. Le chemin, relativement étroit menait à un escalier taillé à même la roche qu’Hatsu emprunta prudemment. Relativement glissant à cause de l’humidité ambiante, il était grossièrement taillé, les marches étant pour la plupart inégales et pleines de creux et bosses. La jeune ynorienne avait bon espoir de rejoindre l’étage supérieur et ainsi réussir à poursuivre, espérant que le mage ait abandonné en pensant que son attaque avait suffi à tuer le forgeron qui la suivait.
Ils débouchèrent enfin sur une sortie en atteignant le haut de l’escalier. Hatsu fit signe à Onoda d’attendre le temps qu’elle examine les alentours et elle s’avança seule, arc en main et flèche encochée. Elle pouvait percevoir de la lumière provenir de l’ouverture dans la roche qui marquait la fin de l’escalier et elle préférait ne pas exposer inutilement le forgeron à un éventuel danger. A peine posa-t-elle le pied en dehors de l’escalier qu’elle constata qu’elle avait bien fait. Elle loucha sur l’arbalète qui la mettait en joue, tenue par un Thorkin à l’allure guerrière et à l’air fort mécontent. Doté d’un visage ingrat bardé de cicatrice, d’une grande barbe fournie et broussailleuse et d’une armure qui aurait bien besoin d’un peu d’entretien, il ne semblait pas particulièrement chaleureux ou ravi de voir quelqu’un. Sa voix caverneuse semblait faite pour porter et hurler des ordres, son ton étant à la fois autoritaire et légèrement gêné.

- Crediou, d’moiselle, qu’ce vous foutez ici ? Et p’quoi z’êtes presqu’nue par Meno, z’aimez les activités d’entrecuisses c’ça ? Répondez ! Et pas d’entourloupe, ou j’vous colle mon pruneau pour aérer vot’ caboche !

Hatsu avait du mal à comprendre le baragouinage du nain et elle fit de son mieux pour ne pas rire face au léger rosissement des joues de l’arbalétrier.

- Messire, je suis navré mais moi et mon compagnon avons eu quelques mésaventures et nous sommes tombés dans le lac et garder des vêtements trempés nous auraient probablement rendus malades. Et j’apprécierai ne pas être reluqué de la sorte…

Elle avait déjà eu du mal à ne pas frapper Onoda à plusieurs reprises en sentant son regard sur son postérieur, un homme de plus, cela la rendait encore plus nerveuse. Le Thorkin, qui effectivement détaillait la jeune femme avec intérêt, se reprit dans un léger sursaut et fronça les sourcils.

- Où qu’il est l’aut’ ? Qu’il ramène sa carcasse ici et plus vit’ qu’ça !

- Onoda, vous pouvez venir ?

Le forgeron apparut, portant la torche et les vêtements. Il comprit rapidement la situation et , non sans reluquer de nouveau l’ynorienne qui lui jeta un regard noir auquel il répondit d’un sourire mutin, il s’inclina devant le thorkin, corroborant les explications d’Hatsu.

- Oui bon… et p’quoi z’êtes dans c’te foutu coin ? Z’êtes maso ?

- Nous cherchons de l’Olath.

- Olaf ? Qu’c’est qui ci là ?

- Olath ! Le métal de l’ombre

Le regard dubitatif du thorkin fit lever les yeux au ciel du forgeron qui lui expliqua rapidement pourquoi ils étaient ici et pourquoi, par tous les dieux du panthéon, ils étaient en sous-vêtements avec les cheveux encore humides. Le thorkin eut l’air amusé en entendant l’histoire de leur grand plongeon et il eut une moue admirative en faveur de l’archère qui donna quelques précisions.

- Ma foi mamzelle, z’êtes pas une simple donzelle, z’êtes un vrai bonhomme. Venez, j’vais vous montrer où vous réchauffer. Elle s’ra contente d’entendre tout ça.

- Elle ? De qui vous … ?

Mais le thorkin n’écoutait déjà plus et ils durent se résoudre à le suivre. L’idée de pouvoir se réchauffer et sécher leurs vêtements plaisait à Onoda, mais Hatsu restait néanmoins méfiante. Le couloir dans lequel ils progressèrent quelques minutes s’élargit soudainement pour laisser place à une haute et large caverne taillée dans la roche. Taillage qui n’avait rien de naturel selon Hatsu, les coins étaient bien trop parfaits de même que le sol qui semblait bien lisse. Elle pouvait apercevoir de nouveau les racines des arbres de la forêt qui sortait du plafond, ce qui la rassura, ils n’étaient plus aussi bas qu’elle le craignait. Au centre de cette grande caverne se trouvait deux tentes et un feu où une silhouette penchée sur un parchemin releva la tête en entendant les bruits de l’armure du nain qui cliquetait à chaque pas. Hatsu fut surpris de voir une femme aux longs cheveux argentés et au teint pâle. Celle-ci se leva et s’adressa au nain lorsqu’ils arrivèrent à sa hauteur.

- Et bien Dovar, qui nous ramènes-tu ?

- Des plongeurs Mam’.

L’explication du nain fit lever un sourcil intrigué à la femme aux oreilles pointues qu’Hatsu imagina être une Sindel. Celle-ci détailla les nouveaux arrivants avec intérêt et les invita cordialement à s’asseoir près du feu, Dovar leur donnant même des couvertures. Une fois emmitouflée, Hatsu soupira de bonheur en se sentant revigorée par la douce chaleur des flammes. Elle et Onoda entreprirent de raconter rapidement ce qu’ils faisaient ici et comment ils étaient arrivés dans ce lac souterrain. La femme écouta attentivement et, lorsque leur récit fut terminé, elle prit un air soucieux.

- Bien… cette histoire de fulguromancien ne me plaît pas, mais visiblement vous n’êtes pas là avec de mauvaises intentions à notre égard, donc je ne ferais rien pour vous gêner. Quant à l’Olath, je suis navrée, mais je ne m’y intéresse pas, je ne peux donc pas vous renseigner. Acceptez simplement notre maigre hospitalité le temps que vos vêtements soient secs.

- Merci infiniment.

Elle hocha la tête et ils passèrent ainsi un moment à discuter. Elle se présenta sous le nom de Fredonia, Sindel qui faisait des recherches sur les lieux emplis de magie sombre où elle en étudiait les effets à long terme sur l’environnement, les plantes, les animaux. Elle prit de nombreuses notes sur ce que les deux voyageurs lui racontèrent sur l’Olath et leur dit qu’elle comptait bien étudier la roche également grâce à leur aide. La méfiance d’Hatsu finit par disparaître en côtoyant l’étrange duo qui leur raconta rapidement qu’ils étaient amis de longue date et que Dovar, qui devait la vie à Fredonia, a juré de la protéger lors de ses recherches.

- Mais alors l’escalier et la façon dont tout est taillé n’est pas de votre fait ? Avez-vous trouvé quelqu’un d’autre ?

- Pas du tout. Nous sommes arrivés ici il n’y a que trois semaines. Nous avons croisé quelques créatures non-mortes probablement conservées par la magie néfaste des lieux, mais rien qui n’indique que quelqu’un vive encore ici.

Hatsu se fit pensive. Il lui semblait étrange que ces créatures se meuvent ainsi seules grâce à une magie résiduelle, mais elle ne s’y connaissait pas suffisamment donc tout était évidemment possible. Ils passèrent quelques heures ainsi et acceptèrent l’hospitalité de Fredonia qui leur permit de se reposer. Remarquant finalement qu’elle était épuisée, Hatsu ne se fit pas prier et tomba rapidement dans un sommeil profond.
Modifié en dernier par Hatsu Ôkami le mar. 9 avr. 2019 22:32, modifié 4 fois.
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Re: L'Ancienne Tour en Ruines

Message par Hatsu Ôkami » mer. 3 avr. 2019 16:40

Une flamme vacillante éclairant d’une faible clarté dansante les ombres qui l’entouraient. Aucun bruit, aucun son. Une sensation de froid sous ses pieds tandis qu’elle avançait sans but. Où était-elle ? Où était Onoda ? Pourquoi ne voyait-elle rien autour d’elle ? Un déplacement non loin la fit sursauter et se retourner. Elle chercha son arc mais ne trouva rien sur elle à part cette petite fleur blanche au cœur d’un rouge carmin et la petite bougie qui la protégeait. La protégeait de quoi exactement ? La fleur dans une main et la bougie dans l’autre, elle scrutait les ténèbres autour d’elle, entendant çà et là des bruissements, des déplacements ténus qui la gardait en alerte aussi sûrement que si un danger imminent la menaçait. Un hurlement se fit entendre non loin, tandis qu’une immense forme ronde apparaissait au-dessus de la jeune femme. Une lune d’un blanc éclatant qui illuminait les environs, dévoilant le large loup allongé au sol qui fixait la jeune ynorienne.

(Loup ? Où sommes-nous ?)

Se mettant lentement sur ses pattes, il s’approcha en humant, les babines légèrement retroussées dans une attitude peu amène qui fit reculer l’archère. Les yeux dorés du loup la fixaient et elle ne ressentait pas l’habituelle présence qui aurait pu lui dire ce qu’il se passait. Le loup s’approchait toujours, sa tête arrivant à hauteur de celle de la jeune femme, avant qu’il ne s’arrête, continuant de la fixer à quelques centimètres d’elle.

(Loup… qu’est-ce qu’on fait ici ? Réponds-moi !)

Un grondement sourd sortir de la gorge du loup, faisant reculer l’archère qui trébucha. Une fois au sol le loup posa sa patte sur son torse, approchant de nouveau son museau de son visage avant de renifler. Comme s’il avait reconnu l’odeur d’Hatsu, ses yeux s’agrandirent légèrement avant qu’il ne recule.

(Chasseresse…)

(Mais qu’est-ce qu’il t’arrive ?)

(Magie du lieu. Sombre. Familière. Esprit embrumé.)

(Je ne comprends pas. En quoi est-ce familier ? Loup ? Loup !)

Aucune réponse ne vint du loup qui s’évapora comme une fumée balayée par un vent qu'elle ne ressentit pas Tout redevint noir, seule la fleur blanche au cœur vermeil était encore visible sur le sol, luisant légèrement comme si la lune se reflétait toujours dessus.


Hatsu ouvrit les yeux dans une relative obscurité, seule la lumière diffuse d’un feu parvenait à percer les ténèbres alentours. Elle se redressa doucement, entendant une conversation entre Onoda et Fredonia, les deux parlant avec enthousiasme. Elle n’écouta pas. Elle chercha à contacter Loup, mais seul un vague grondement lui répondit et elle se sentit mal. Elle avait pris l’habitude de l’entendre et de sentir sa présence, même fugace, dans son esprit. Le savoir si éteint créait une angoisse qu’elle ne comprenait pas elle-même. Elle tenta à plusieurs reprises de renouer contact, mais rien n’y faisait, il restait muet, et même si elle finit par sentir sa présence, cela ne la rassura guère. Elle s’habilla et se leva, interrompant sans le vouloir la conversation de l’ynorien et de la sindel. Cela lui fit hausser un sourcil mais elle n’ajouta rien et s’assit avec eux tandis qu’ils reprenaient une conversation moins animée. Elle nota que Dovar n’était pas là, mais cela ne l’alarma pas outre-mesure.

Après un rapide repas, elle se prépara sous le regard étonné du forgeron, vérifiant ses affaires, son arc et ses flèches restantes. Voyant qu’Onoda ne bougeait toujours pas, elle soupira et se tourna vers lui.

- Vous comptez attendre que j’aie fini pour vous décider à bouger ?

- Pourquoi êtes-vous si pressée ? Je ne suis pas encore totalement remis voyez-vous…

Elle lui jeta un regard dédaigneux lorsqu’il termina sa phrase en tournant son regard vers la sindel qui gardait un léger sourire. Bien que la relation entre elle et le forgeron se soit apaisée, le voir ainsi lui donnait envie de lui enfoncer une flèche dans le genou pour le faire reprendre ses esprits. Mais elle se fit plus subtile.

- Pourquoi suis-je pressée… laissez-moi réfléchir… ah oui ! L’Erementariföji à tout hasard ? Avez-vous oublié ?

- Bien sûr que non je n’ai pas oublié. Mais j’ai reçu un éclair et…

- Et j’en ai reçu deux pour sauver vos miches et j’étais debout le lendemain ! Alors vous allez empaqueter vos affaires et on y retourne. J’en ai assez d’être sous terre qui plus est, alors terminons ça au plus vite.

- Et le mage ?

- Avec un peu de chance il vous croira mort. Et plus nous attendons, plus il y a de chances qu’il nous retrouve si ce n’est pas le cas.

Acceptant non sans grommeler, Onoda prépara ses affaires tandis qu’Hatsu disait au revoir à Fredonia, s’excusant de son empressement face à l’air contrarié se la sindel. Celle-ci tenta de la faire changer d’avis mais Hatsu resta catégorique. Plus ils perdaient de temps, plus les chances que le mage les trouve augmentaient et elle préférait ne pas prendre ce risque. Elle nota que la sindel semblait réellement contrarié par leur départ, ce qui la poussa à croire que c’était la bonne solution. La fatigue de la veille avait endormi sa vigilance, mais elle commençait à retrouver une certaine méfiance face à l’insistance de la sindel qui ne lui disait soudainement rien de bon. Son état de nervosité n’était pas normal, elle s’en rendait compte et se disait que cela passerait, mais elle ne pouvait s’en empêcher. L’absence de Loup dans son esprit la rendait méfiante et peu sereine, elle voulait quitter les lieux au plus vite et cela nécessitait de trouver l’Olath qui leur manquait.

Lorsqu’enfin le forgeron fut prêt à partir, Hatsu prit les devants, arc en main et après avoir salué la chercheuse et l’avoir remerciée, elle se dirigea vers la sortie avec un certain empressement. Empressement qui s’arrêta bien vite lorsqu’elle entendit le cri de surprise du forgeron. Elle se retourna, encochant immédiatement une flèche, visant la chercheuse qui avait posé une lame sur le cou d’Onoda, celui-ci se tenant immobile, le teint pâle et les membres tremblants. La Sindel, visiblement contrariée, s’adressa à Hatsu.

- Posez votre arme où je vous jure que je lui tranche la gorge.

- Et moi je vous tire une flèche entre les deux yeux sitôt que vous le faites. Je sentais que quelque chose n’allait pas, où est votre compagnon ?

- Il est parti trouver ce fameux mage. Il n’est pas question que vous mettiez en péril mes recherches ici. J’espérais vous faire suffisamment peur avec les trépassés mais vous êtes plus coriaces que je ne le pensais.

Hatsu siffla de rage en entendant cela.

- Vous êtes une nécromancienne… A quoi ça vous avance de nous livrer ?

- A m’assurer qu’il ne tentera rien contre nous. Il est bien plus dangereux que vous, je préfère encore choisir le camp du plus fort. Je ne tiens pas à ce qu’Omyre s’intéresse de trop près à mes recherches voyez-vous. Vous serez ma monnaie d’échange contre l’assurance d’une totale tranquillité.

Hatsu se crispa un peu plus sur son arc, tirant davantage la flèche. Le fait d’avoir été bernée la rendait folle de rage et qu’elle ait pu être assez naïve pour ne pas s’inquiéter la rendait furieuse contre elle-même. Sa vue s’étant habitué à la pénombre ambiante après autant de temps passé dans ces tunnels, elle voyait très bien le bras de la sindel et la lame qui menaçait le cou du forgeron. Elle n’allait avoir droit qu’à un seul essai.

- Vous pouvez encore le relâcher. Je jure sur mon nom de ne pas tenter quoi que ce soit contre vous si vous le faîte.

Le ricanement qui lui répondit la renseigna plus sûrement sur les intentions de la nécromancienne qu’un long discours. Elle avait fait son choix, très bien, Hatsu fit le sien. Elle inspira longuement, se focalisant complètement sur sa cible, obnubilant tout le reste au point que son champ de vision se limitait presque uniquement à elle. Seule la vision du visage apeuré du forgeron lui était encore perceptible. L’empennage atteignit le niveau de son oreille et elle expira doucement, stabilisant son tir qui fila droit vers le forgeron. Un hurlement de douleur se fit entendre lorsque la flèche atteignit sa cible. Le forgeron, agenouillé au sol, regardé avec gratitude l’archère qui fixait quant à elle la nécromancienne. Celle-ci, prostrée, se tenait son bras transpercé par la flèche de Hatsu, la dague qu’elle tenait peu avant gisant au sol, devenue inutile à la traîtresse. Le forgeron s’éloigna rapidement d’elle alors qu’Hatsu s’approchait. Les deux femmes se toisèrent un instant et un sourire mauvais apparut sur le visage de Fredonia.

- Qu'allez-vous faire maintenant ?

La réponse ne se fit pas attendre et la dextre de l’archère s'abattit d'un poing ferme sur la tempe de la femme blessée. Elle s’effondra et Hatsu coinça le bras blessé sous son pied avant de récupérer sa flèche, provoquant un gémissement de douleur à la chercheuse.

- Je ne vais rien faire de plus. Je ne tue pas aussi facilement que vous semblez le penser. Vous êtes désarmée et blessée, cela devrait vous suffire. Ne croisez plus jamais notre chemin !

Elle ramassa la dague et rejoignit le forgeron sans un regard en arrière. Elle donna l’arme à son compagnon qui hocha la tête et la dissimula sur lui. Ils quittèrent la pièce et parcoururent les couloirs sombres et étroits qui circulaient sous terre, revenant à ce qui semblait être la première pièce par laquelle ils étaient arrivés. Ils en firent rapidement le tour, notant les marques que l’archère avait laissé derrière pour finalement s’engager dans le dernier couloir.

- Êtes-vous sûre que nous devrions continuer Ôkami ?

- Ne voulez-vous pas gagner la compétition ?

- Bien sûr que si ! Mais mourir ici ne me rapportera aucune gloire vous savez.

- Je ne vous laisserais pas mourir Onoda, vous avez ma parole.

Le forgeron s’arrêta, dévisageant la jeune femme qui soutint son regard.

- Ne faites pas de promesses que vous ne pouvez pas tenir.

- Ce n’était pas mon intention. Vous ne mourrez pas Onoda.

- Vous semblez bien optimiste…

- Il faut bien que je le sois pour nous deux.

La répartie de la jeune ynorienne arracha un rictus amusé au forgeron qui opina et se remit en marche aux côtés de l’archère. Le tunnel, qui semblait interminable et en légère pente, déboucha sur une zone restée inachevée où les murs bruts et le sol inégal donnèrent de grands espoirs au forgeron. Une exploration minutieuse de l’endroit lui permit de trouver ce qu’ils cherchaient et c’est avec un enthousiasme flagrant qu’il commença à se préparer à extraire le précieux métal. Il se redressa après avoir examiné le filon.

- Je risque de faire du bruit.

Cela tira un sourire à l’archère.

- Je ne me laisserais pas surprendre cette fois, ne vous inquiétez pas.

Elle avait un compte à régler avec ce mage et cette fois, elle ne faillira pas. Et alors qu’elle se préparait, la voix si attendu surgit dans son esprit, mue par un enthousiasme et une vigueur renouvelés.

(L’heure de la Chasse !)
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Re: L'Ancienne Tour en Ruines

Message par Hatsu Ôkami » sam. 6 avr. 2019 12:34

Les coups de pioche cognant contre la roche et le métal résonnaient contre les murs de la pièce, se réverbérant jusque dans les oreilles d’Hatsu. Elle était pourtant loin du forgeron, mais l’écho était impressionnant. Un peu plus tôt, ils avaient raidement rejoint la salle de l'affrontement avec le mage, trouvant de nombreux corps calcinés au sol ainsi qu'un peu de sang, mais aucune trace du mage ou de la nécromancienne. Ils avaient alors rapidement récupéré les affaires qu'ils avaient laissées sur place avant de retourner pour extraire la dernière partie du métal qui leur manquait. Ils avaient convenu, après avoir exploré minutieusement la pièce, qu’Hatsu tenterait de retenir un éventuel attaquant loin du forgeron pour éviter e reproduire les mêmes erreurs. Elle avait donc rebroussé chemin, se postant dans les ombres de la salle précédant celle où Onoda s’affairait à extraire le métal. Soucieuse d’empêcher le mage de parvenir jusqu’au forgeron qui serait sans défense, elle se dissimula de son mieux, utilisant des morceaux de roches pour créer un monticule discret derrière lequel elle attendait dans un coin de la pièce. Les sens en éveil, elle restait à l’affût d moindre bruit suspect, de changement dans l’air ou d’une odeur particulière. Cela faisait près d’une heure qu’elle patientait et jusque-là rien ni personne n’était venu les menacer à son grand soulagement à elle, mais à la plus grande déception de Loup qui, après son « réveil », trépignait d’une impatience qu’Hatsu n’avait ressentie que rarement.

(Traque ! Cesse d’attendre !)

(Pas question, j’ai l’avantage s’il vient par ici alors que je l’attends. Tu dis toi-même que la patience est l’arme du chasseur !)

(Traque passionnante !)

(C’est non ! Je sais que si je lui tombe dessus par hasard j’aurais beaucoup plus de mal. Il me renvoie mes flèches ! Je dois rester cachée.)

Le mécontentement affiché de Loup fit soupirer Hatsu qui, cachée derrière son monticule rocailleux, attendait patiemment. Elle n’avait plus que six flèches et elle se dit intérieurement qu’elle allait investir dans un carquois plus important en retournant à Oranan. Si dix flèches suffisaient pour une simple chasse, en avoir le double serait indispensable si elle voulait de nouveau partir à l’aventure. Et cela, elle le désirait. Elle espérait simplement ne pas avoir à affronter de nouveau les forces d’Omyre, elle avait eu son compte avec ce fulguromancien. Elle se promit aussi de faire quelques recherches sur la magie en général, pour être un peu mieux préparée à ce genre d’adversaire qui, bien que rare, étaient bien plus dangereux qu’elle ne l’avait imaginé. Plongée malgré elle dans ses réflexions, elle mit quelques secondes de plus à se rendre compte que des bruits de pas accompagnaient désormais ceux du martèlement de la pioche du forgeron. Elle se tassa aussitôt, ses yeux scrutant les alentours. Sa vue s’était extrêmement bien adaptée à l’obscurité ambiante et, même s’il restait moins évident que de voir en plein jour, elle pouvait aisément apercevoir les mouvements.

Elle ne mit pas longtemps à détecter l’origine des pas qui approchaient. Le fulguromancien apparut et se dirigeait d’un pas pressé vers l’ouverture menant aux bruits que faisait le forgeron. Cachée dans le coin opposé, Hatsu encocha immédiatement une flèche, inspira longuement en attendant qu’il lui tourne complètement le dos. Elle se redressa, genou au sol, amena l’empennage à son oreille et lâcha le trait qui, silencieux, fila vers le mage. Comme alerté par un sixième sens, celui-ci voulut se retourner et la flèche, originalement destinée à son dos, le percuta dans les côtes. Un cri de douleur et un bruit de chute assurèrent Hatsu qu’elle avait bien touchée. Elle encocha une deuxième flèche juste avant qu’un éclair aveuglant ne fuse vers elle, pulvérisant le monticule qui la protégeait, envoyant voler la roche aux alentours. Hatsu ne put éviter la déferlante de projectiles et l’onde de choc qui la jeta au sol, une douleur lui vrillant la tête et le sang qui coulait de son arcade lui gênant la vue. Elle roula mais resta au sol, les sens en alerte, une flèche dans une main, son arc dans l’autre. La voix du mage s’éleva alors, figeant la jeune femme qui chercha à le localiser avec précision.

- Je te ferai payer au centuple ce que tu viens de faire, sale garce.

Elle roula des yeux, pas le moins du monde intimidée par la voix emplie de douleur qui s’élevait dans l’obscurité. Elle savait qu’elle l’avait touché et que la flèche tirée avait probablement fait de gros dégâts, elle cherchait surtout à le repérer pour… elle se figea de nouveau. Allait-elle vraiment être capable de tuer ?

(Pourquoi hésiter ? Tu tues des animaux.)

(Je sais… C’est différent.)

(Non. Mortel comme tous les autres. Aucune différence.)

(Tu sais bien que si Loup !)

(Ennemi ! Lui ou toi ! Tues-le !)

(Argument imparable…)


(Mort attend tous les mortels. Tues-le et deviens plus forte.)

(Si je deviens un monstre sans émotions capable de tuer de sang-froid, je préfère encore ne pas devenir forte.)

(Chasseresse doit être forte. Emotions importantes, mais inutile pour chasser. Seule résolution et force comptent.)

Un léger soupir échappa à la jeune femme qui, toujours hésitante, recommença à scruter les environs. Elle savait qu’il avait raison, mais elle craignait de devenir comme ces hommes qui tuaient sans remords et sans pitié pour le plaisir. Loup, qui percevait les pensées de la jeune archère, la rassura, surprenant Hatsu par un ton plus doux que ce à quoi il l’avait habitué.

(Tuer ne fait pas de toi un monstre. Chasseresse doit tuer les monstres, pas en devenir un.)

Elle resta silencieuse quelques instants avant de sourire.

(Merci Loup.)

(Esprit important. Dois le protéger.)

Alors qu’elle allait répondre, une silhouette se redressa subitement et se mit à courir. Hatsu se redressa aussitôt et encocha une flèche. Le mage se retourna subitement et, apercevant l'archère, incanta, un puissant éclair jaillissant de ses mains. La jeune femme eue tout juste le temps de rouler sur le côté pour éviter l’arc électrique qui percuta le mur, créant un vacarme assourdissant. Le mage recommença à courir, cherchant visiblement à s’engouffrer dans le couloir menant au forgeron. Jurant, elle se lança immédiatement à sa poursuite, impressionnée qu’il puisse courir ainsi avec la blessure qu’elle lui avait infligée. Elle le vit emprunter le couloir et se rua sur lui aussi vite qu’elle le pouvait. Lorsqu’elle arriva à l’angle, elle se jeta en arrière pour éviter un nouvel éclair qui arracha de nouveau morceaux de roches. Elle encocha et bondit dans l’ouverture, visant le dos du mage qui continuait de courir. La flèche fila droit vers sa cible qui se retourna et projeta un éclair peu précis vers l’archère qui le reçut dans le bras gauche tandis que la flèche se fichait dans le thorax du mage qui chuta au sol en même temps que la jeune Ynorienne, les deux poussant un cri de douleur. Hatsu resta au sol quelques instants pour reprendre son souffle et calmer les fourmillements de son bras qui tressautait suite à la décharge. Elle avait du mal à le sentir correctement et doutait de pouvoir bander correctement son arc après ça.

Elle entendit des bruits de pas et constata avec stupéfaction que le mage, toujours en vie, se ruait sur elle, sa propre flèche en main. Elle n’eut pas le temps de se redresser que le Shaakt, le visage figé en un masque de douleur et de haine et le regard fou, ne se jette sur elle, tentant de la poignarder avec la pointe de la flèche. Elle pénétra l’avant-bras gauche de l’archère qui ‘lavait instinctivement lever devant son visage. La douleur, bien qu’atténuer par l’engourdissement, lui tira un grognement de douleur, accentué par le mage qui tentait d’enfoncer la flèche le plus possible pour essayer de la poignarder au cou ou au visage. Il était visiblement plus fort qu’elle, mais elle profita de son bras libre pour asséner un coup dans la mâchoire du mage qui relâcha la pression sur la flèche avant de la lâcher complètement, ses deux mains enserrant le cou de la jeune femme. Les yeux de Hatsu s’écarquillèrent et elle se débattit, ruant le mage de coup tandis qu’il serrait de pus en plus fort. Elle commença rapidement à manquer d’air et chercha un moyen de lui faire lâcher prise. Sa main libre atteignit son carquois et elle sortit une flèche, poignardant à son tour le mage, mais en plein visage, transperçant sa joue. Rendu fou par la douleur, il lâcha le cou d’Hatsu, lui assénant un coup-de-poing qui fit cogner la tête de l’archère sur le sol. De petites lumières blanches se mitent à danser devant ses yeux. Sonnée, elle vit à peine le mage retirer la flèche de sa joue. Elle entendit cependant parfaitement les mots qui sortirent de sa bouche meurtrie d’où s’écoulait un ruisseau carmin.

- Je vais m’assurer que ton corps soit souillé et exposé à Omyre en tant que trophée ! Ton pays brûlera et je me délecterais de te voir souffrir en le regardant disparaître avant de te tuer.

Cela rendit la jeune femme folle de rage. Elle cracha sur le mage avant de l’empoigner par le col, lui fracassant le crâne avec son front. Elle entendit nettement un craquement ainsi qu’un hurlement de douleur tandis qu’il tombait sur le côté, le nez visiblement cassé. La douleur du choc vrillait la tête d’Hatsu qui empoigna malgré tout une nouvelle flèche qu’elle enfonça dans la gorge du mage lorsque celui-ci se redressa, lui bloquant les mots qu’il comptait lui cracher au visage. Ses yeux s’écarquillèrent de stupeur lorsque la jeune femme retira la flèche, laissant couler un ruisseau de sang. Il se tint la gorge, tentant vainement de retenir le fluide vital tandis que Hatsu, à bout de forces, s’effondrait contre le mur, tentant de reprendre son souffle, devenu rauque suite à l’étranglement et au combat. Elle perçut la lumière émaner des mains du mage avant de tomber dans l’inconscience.

(Merde… Il va se foutre de moi…)
Modifié en dernier par Hatsu Ôkami le mar. 9 avr. 2019 22:40, modifié 2 fois.
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Re: L'Ancienne Tour en Ruines

Message par Hatsu Ôkami » sam. 6 avr. 2019 12:41

Une lumière traversa ses paupières closes, dérangeant le sommeil qui lui semblait si paisible. Elle ouvrit douloureusement un œil, le refermant aussitôt face à la lueur, se tournant en grognant avant de papillonner pour essayer de remettre de l’ordre dans ces idées. La lueur provenait de derrière elle, une lumière jaune et chaleureuse, probablement un feu. Surprise, elle se mit sur le dos, laissant ses yeux s’habituer peu à peu à la lueur avant d’observer les alentours, tombant rapidement sur le visage d’Onoda. Il la regardait avec un mélange d’appréhension et de fascination. Lorsque leurs regards se croisèrent, l’habituel sourire goguenard apparut sur le visage du forgeron qui s’approcha d’elle.

- Comment vous sentez-vous ?

- Si je vous dis « mal », ça vous suffit ?

Selon ce qu’elle ressentait, elle avait l’impression de souffrir dans chaque fibre de son corps, particulièrement au bras, mais le reste n’était pas non plus très agréable. Cela tira un sourire plus franc au forgeron.

- Au moins vous n’avez pas perdu votre répartie. Arrivez-vous à vous redresser ? Cela fait plus d’une journée que vous êtes inconsciente, un peu d’eau et de nourriture ne vous ferait pas de mal.

- Pas sans aide, j’ai déjà du mal à garder les yeux ouverts… le mage !

Elle tenta vainement de se redresser malgré ce qu’elle venait de dire, regrettant aussitôt lorsque la pièce se mit à tourner et que son corps lui hurla de se recoucher. Le forgeron posa sa main sur son front en un geste apaisant.

- Tout va bien… il est mort. Lorsque j’ai entendu les bruits des éclairs, j’ai fait comme vous aviez dit, je me suis caché et ai attendu. Puis tout s’est arrêté après un dernier éclair et comme personne ne venait, je suis allé voir. Le mage était mort et vous étiez inconsciente non loin. Je dois dire que… Ôkami ?

Le forgeron parut choqué en regardant le visage d’Hatsu. Sa main s’approcha, cueillant doucement la perle salée qui s’était écoulée sur la joue de l’archère qui tenta de se justifier.

- C’est… le premier que je tue.

- Vous n’avez fait que vous défendre. C’était un agent d’Omyre, un ennemi.

- Je sais… J’ai… j’ai besoin d’être seule, s’il vous plaît.

Perplexe, le forgeron obtempéra néanmoins et s’éloigna après lui avoir versé un mince filet d’eau dans sa gorge asséchée. Il n’était qu’à quelques mètres, mais Hatsu préférait ne pas avoir à parler pour le moment. Certes ils étaient tous les deux en vie et le forgeron n’avait même pas une égratignure, mais elle n’arrivait pas à se réjouir. Elle savait que le mage était leur ennemi, qu’il voulait leurs morts, qu’elle avait fait ce qu’il fallait en se sauvant elle et en protégeant le forgeron comme il lui avait été demandé. Elle avait réussi, elle devrait en être heureuse, soulagée de ne plus avoir à fuir et à craindre la venue d’un ennemi de ce genre. Son esprit ne lui laissait cependant pas de repos, elle revoyait le visage du mage, elle revoyait la violence dont elle avait fait preuve.

(Le fait que ce soit un ennemi n’excuse pas tout…)

Elle était fatiguée, aussi ferma-t-elle les yeux et finit par s’assoupir de nouveau.

Elle s’y attendait cette fois. Elle avait presque voulu que cela arrive et ce fut curieusement différent des deux premières fois. Pas de zone sombre, pas de lune, mais un sous-bois vert baigné d’une lumière dorée qui perçait à travers le feuillage des arbres colorés qu’elle ne reconnaissait pas. Elle était au cœur d’une clairière où un immense loup noir comme la nuit la fixait, nonchalamment allongé sur le sol, sa tête posée sur ses pattes avant elles-mêmes croisées. Sa longue queue remuait lentement, ondulant sur l’herbe dans un ballet hypnotisant. Quelques fleurs blanches au cœur vermeil frémissaient au gré d’un vent qu’Hatsu ne pouvait que deviner sans néanmoins le ressentir. Elle fut surprise par l’endroit et s’approcha du loup, s’asseyant près de lui.
(Loup ?)

(Chasseresse…)

(Où sommes-nous ? Cela ne ressemble pas à la dernière fois.)

(Ton esprit cette fois. Plus apaisant.)

(C’est vrai que le tien est trop… sombre. Pourquoi une forêt ?)

(Ton esprit. Ta vision.)

La jeune femme ramassa une des fleurs, souriant en reconnaissant le motif, et la posa délicatement sur le museau de Loup qui souffla bruyamment, comme pour exprimer son mécontentement, amusant l’archère. Elle s’étonnait toujours de ses réactions très humaines, et cela était encore plus flagrant lorsqu’elle l’avait en face d’elle, même si elle doutait que tout ceci ait une quelconque ressemblance avec la réalité, ce n’était qu’un rêve après tout.

(Tu as bien agi.)

Le sourire sur le visage d’Hatsu se fana aussitôt, remplacé par une mine soucieuse accompagnée d’un soupir.

(Je sais… enfin je pensais savoir. Depuis toute petite on m’a appris à détester Omyre et ses agents. Mais les détester sans les rencontrer et les tuer est différent. Ce Shaakt était un ignoble personnage, j’en suis convaincue, mais je n’arrive pas à cesser de penser que j’aurai pu trouver une autre solution.)

(Si compliqué… Tuer pour survivre, c’est la Loi du monde.)

(Je sais tout ça. Tu dois me trouver stupide.)

(Humaine. Pas stupide.)

Elle posa ses prunelles sombres dans celles, dorées, de Loup. Quelques instants, des heures peut-être elle n’aurait su dire, passèrent ainsi avant qu’elle ne retrouve un sourire.

(Merci Loup.)

(Dormeuse doit se réveiller maintenant. Longue route.)

Elle tendit la main vers le loup qui disparut soudainement tout comme le décor idyllique.


Il faisait sombre, bien trop sombre. Parfaitement réveillée, Hatsu se redressa, entendant la respiration faible mais régulière du forgeron non loin d’elle. Combien de temps avait-elle dormi ? Elle remarqua son bras en écharpe et la gamelle à côté d’elle et sourit. S’aidant comme elle pouvait de son bras blessé, elle mangea en attendant le réveil du forgeron dont elle percevait par intermittence les soupirs ou les ronflements plus sonores. Cela la fit sourire de nouveau et elle le laissa dormir, attendant patiemment en profitant du calme pour faire le point. Elle espérait que le forgeron avait réussi à réunir suffisamment de métal pour qu’ils puissent enfin sortir de cet enfer d’obscurité et de mort qu’était devenu leur quotidien. Elle sentit plus qu’elle n’entendit le forgeron se réveiller. Il alluma le feu et sursauta en voyant la jeune femme assise, les yeux perdus dans le vague. Il lui lança un regard perplexe et lui fit signe, la ramenant à la réalité.

- Vous allez bien Ôkami ?

- Je survivrais.

Elle savait pertinemment qu’il ne parlait pas de son état physique mais elle n’avait aucune envie d’aborder le sujet pour le moment et elle préféra le lui faire comprendre en s’enquérant des derniers événements. Visiblement tout allait en s’arrangeant. Onoda avait réussi à réunir suffisamment de métal pour la compétition, leur poursuivant était mort et la sortie n’était pas si loin. Une autre nouvelle sembla également rassurer la jeune femme.

- La nécromancienne et son thorkin de compagnie nous ont retrouvés, mais comme le mage était mort et que vous étiez très mal en point, ils ont décidé de nous laisser tranquille, disant que nous étions quittes.

Cela fit lever un sourcil étonné à la jeune femme.

- Vraiment ? Etonnant…

- Ils demandent simplement à ce que personne n’entende parler d’eux. Ils m’ont laissé récupérer les effets du mage et ont emporté le corps. Je ne veux même pas savoir ce qu’ils vont en faire.

Il lui montra ce qu’il avait récupéré sur ledit corps. Une bourse de quelques dizaines de yus, une sorte de boule qu’Hatsu ne connaissait pas, mais qu’il identifia comme un orbe magique, et un bracelet de bonne facture, représentant un éclair surmontant une tête d’araignée.

- Qu’est-ce que c’est ?

- Aucune idée… Gardez le tout, je n’en ai pas besoin et j’imagine que vous allez fouiner pour en savoir davantage.

- Cela ne vous intéresse pas ?

- Oh non ! Moins j’entends parler d’Omyre, mieux je me porte.

- C’est vrai… Prêt à partir alors ?

- J’ai cru que vous ne vous décideriez jamais, à dormir toute la journée.

Elle lui jeta un regard blasé qui le fit sourire et il commença à rassembler leurs affaires. Ils allaient enfin quitter ces souterrains sombres et humides et Hatsu ne pouvait que s’en réjouir. L’air du dehors lui manquait.

- Et ça qu’est-ce que c’est ?

Elle montra une petite pierre ornée d’un symbole inconnu qui se trouvait dans la petite bourse récupérée sur le mage. Le forgeron la prit et l’examina rapidement avant de la lui rendre.

- Ceci, est une rune. Une pierre magique si vous préférez. Elles sont relativement rares, mais très puissantes, vous pouvez l’utiliser pour créer des enchantements sur vos armes par exemple. Un enchanteur saura vous indiquer quel est son pouvoir.

- Vous n’en voulez pas ?

- Non merci. Je ne veux rien de ce que ce mage avait sur lui, on ne sait jamais !

Hatsu se contenta de lever les épaules, pas le moins du monde inquiète. Le mage était mort et ce n’était qu’un caillou, pas de quoi s’affoler. Elle rangea la rune dans la bourse et s’attela à préparer leur départ, ayant quelques difficultés avec son bras blessé. Têtue, elle persista néanmoins, installant son sac sur son épaule et prenant la direction de la sortie aux côtés de son compagnon de voyage.
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