" Certaines scènes de ce rp sont à connotation gore/masochiste, aussi est-il recommandé aux lecteurs sensibles d'y réfléchir à deux fois avant d'en entamer la lecture."
((- … ? Même par la pensée, elle n'arrive pas à articuler, ses propres réflexions sont comme emprisonnées dans des souvenirs de profondes souffrances.
- Je … je ne sais pas, parvient à avouer son Faera. Je sais tout, tout sur ce qui est et a été … tout de ce qui existe, mais ça. Ils ont associé et enchevêtré bien trop de magies contraires, ils n'ont pas fait que profaner le joyau ou la mort, ils ont souillé la magie. Ils avaient peut-être imaginé une autre manière de sortir le joyau de là pour tromper la mort, mais c'était il y a des milliers d'années. Depuis leur mort, tout a été laissé à l'abandon, imagine combien sont venus ici, combien sont morts, combien d'entre eux ont rejeté leur désespoir dans ses eaux et perverti un peu plus les lieux. Tout ici à pourri, même cette protection.
- Pourquoi ça s'est arrêté ?
- Ce n'est pas un être à part entière qui décide quand agir et quand cela suffit. Même si ça aurait suffit pour tuer n'importe qui d'autre. Tu as de la chance d'être toi … ce n'est pas un hasard si c'est toi que le destin a choisi pour aider la Lord.
- De la chance ? ))
Les traits de Maâra se creusent un peu plus. D'agacement d'abord car elle sait sur quel terrain veut l'emmener son Faera et en raison du supplice qu'engendre le fait de se redresser afin d'observer de ses yeux le spectacle.
La table est brisée, le socle est ébréché, le voile est redevenu normal et le joyau est toujours là. La solution … elle l'a enfin trouvée. Mais elle est hors de portée, jamais elle n'arrivera à supporter la douleur une nouvelle fois, jamais elle n'aura la force de briser cette pierre.
((- Oui !! Ces enfoirés ont volé le joyau à la Lord de son vivant. Cela fait des milliers d'années qu'il est là … et tu penses que tu es la première à avoir tenté de t'en emparer ! Tu crois que quand Tal Raban est mort, tous les nécromanciens ont disparu avec lui, tous les disciples de Phaitos, les fidèles de Thimoros et tous ceux qui vénèrent la magie sombre ont laissé tomber leur quête de pouvoir. Nombreux sont ceux qui ont essayé, pour la gloire ou la richesse, et tous sont morts. Tous sauf toi … parce que ce que tu t'obstines à voir comme une abomination contre nature t'as sauvé la vie. Tu peux aller plus loin, tu peux en supporter plus que les autres, parce que tu peux aller au-delà de la douleur. Quand les autres s'arrêtent et fuient ou s'évanouissent et meurent, toi tu t'éveilles.))
Maâra est en pleur. Elle ne cesse de secouer la tête, de dire et redire non, d'implorer son Faera de se taire, rien n'y fait, et pour cause … il a raison. Si elle veut ce joyau et sauver l'âme d'une de ces Lord d'antan qui ont bercé ses idéaux, elle doit continuer. Continuer en laissant définitivement cette monstruosité prendre sa place et ne plus jamais pouvoir la lui renier. Après l'assimilation de ses premiers fluides, elle l'avait senti ; ses sorts sont stables quand elle souffre, sa magie s'éveille en réponse à la douleur. Pour tenter de faire revenir sa sœur, elle avait une première fois abdiqué et s'était tailladée le bras pour que sa magie puisse atteindre le monde des esprits. Mais aujourd'hui, c'est sa vie qu'elle risque de devoir taillader.
Pour la seconde fois, son entêtement légendaire va laisser place à la raison et à l'abnégation … mais à quel prix.
Un nouveau grondement au pied de la tour la fait soudain sursauter.
((- Et même si je le voulais, mais encore faut-il le pouvoir et ils vont revenir.))
Elle se met à genoux, difficilement, et scrute les alentours. De ses mains abîmées et poussiéreuses, elle essuie ses yeux humides et le mucus qui coule sur sa bouche. Rien que du bois, du bois partout et de la pierre. Elle lutte pour ne pas perdre ses nouvelles et si fragiles convictions et pour trouver, à temps, une idée qui ne nécessite pas de se fracasser contre le pilier comme précédemment. Lorsqu'elle y a passé sa main, le voile la laissée entrer et ne s'est manifesté quand lorsqu'elle s'est trop approchée du joyau.
A quelques pas de là se trouve le couteau, récupéré sur l'un des cadavres des souterrains, au milieu des restes d'armoire et de revenants. Elle se traîne jusqu'à lui et ramasse au retour un galet de bonne taille.
A bout de force et sachant à quel point elle aura besoin des miettes, elle reste à genoux devant le pilier qui pour l'instant reste imperturbable. Un couteau en guise de ciseau à pierre, un galet en guise de maillet … elle se sent soudainement mieux équipée pour la cueillette de champignons que la destruction d'un bouclier magique. La lueur du voile protecteur lui brûle les yeux, la magie oppressante est comme une enclume sur son torse et elle entend déjà dans sa tête l'assaut des voix cinglantes.
((- Prête ?)) Lui demande son Faera comme si la vue de ses mains tremblantes, son visage plus livide que jamais, sa bouche tordue et ses mâchoires claquantes, ne suffisait pas à comprendre qu'elle est à l'opposé d'être prête. Elle est sur le point d'accepter l'innommable, sur le point d'ouvrir volontairement une porte que jamais elle ne pourra refermer et qu'à jamais elle devra accepter. Elle est sur le point de risquer sa vie pour devenir une obscénité, une aversion.
Par trois fois, elle inspire par le nez et souffle par la bouche comme avant de plonger dans l'océan. Elle entre la lame du couteau à travers le voile, la place à quelques millimètres du cercle de runes et lève le galet avant de l'abattre d'un coup sec, les yeux mi-clos, les dents serrées, prête …
La douleur, bien que moindre que lorsqu'elle en brisa un gros morceau, est terrible. Elle grince des dents et éructe un gémissement plaintif tandis que des larmes de profonde honte coulent sur ses joues en feu. Elle ressent son dos être martelé par les coups d'un fouet dentelé qui lui arrache la peau, elle sent la brûlure du claquement, le froid cinglant de sa chair à nu et pourtant, elle tient. Son esprit se brise et s'échappe d'elle-même. Elle sent sa magie lécher ses plaies invisibles et son corps s'arquer et frissonner.
Une fois, deux fois, trois fois … elle tape et tape encore en pleurant, hurlant sa honte d'une voix qui ne l'est pas, elle gémit de douleur et crache d'infamie. La torture mentale est d'un tel niveau que même son corps commence à lâcher, les soubresauts qui la parcourent ne sont plus le fruit d'une perversion mais d'un esprit et d'un corps qui se démantèlent. Avec ses maigres forces elle s'éloigne en rampant du pilier et se met à vomir encore et encore. La bile lui brûle la gorge, les spasmes la font trembler de toute part et elle a soudain l'impression que la chaleur quitte son corps. Toute chaleur et toute douleur, comme si son corps ayant atteint sa limite n'avait eu d'autre choix que de se purger pour ne pas s'éteindre.
Pas le temps pour autant de reprendre son souffle ou d'essuyer le vomi de sa bouche. Des rebords de la plate-forme remontent déjà d'autres revenants, plus sales, plus vérolés, plus boursoufflés, plus puants encore que les premiers. Pendant un instant, elle pense à laisser tomber mais il ne dure pas car son corps, guidé par une volonté qu'elle ne se connait pas, bouge de lui-même … et rampe en arrière pour se coller au pilier.
Les forces lui manquent pour se plaindre, pour avoir peur, pour en vouloir au Destin de l'avoir mise ici pour endurer pareille torture. Les forces lui manquent pour pleurer, penser ou espérer. La fatalité lui semble plus puissamment injuste que jamais et elle n'en ressent aucune colère, trop fatiguée pour le moment. Mais ça viendra.
Elle recommence à tailler l'inscription des runes à l'aide du couteau dont la pointe s'est brisée. Plusieurs sont déjà rayées ; elle ne s'en est pas rendu compte encore mais la lueur est de plus en plus faiblarde et le mouvement du voile se limite à un mouvement vers le bas, lent, mou et sans puissance. La douleur lui est moins insupportable et, paradoxalement et à son grand désarroi, sa béatitude physique plus grande.
Et tout à coup, une explosion, une déferlante la propulse en arrière et son corps roule sur plusieurs mètres. Plus de sensation oppressante, plus de bourdonnement, plus d'attaque. Un silence de plomb envahit soudain la caverne. Il n'y a plus ni voile, ni lumière, ni revenants. Arken hurle quelque chose qu'elle entend à peine, son nom sans doute puis une question qui n'obtient aucune réponse.
Le talisman est là, tombé au sol, ne demandant qu'à être ramassé. Elle avance en claudiquant et le touche du bout du doigt. Rien. Pas de décharges magiques, pas d'ultime protection. Elle a réussi … et n'en revient pas. Son corps est en miette, douloureux de la racine de ses cheveux aux ongles de ses orteils. Elle ne voit plus que d'un œil car l'autre est boursoufflé et l'entaille sur l'arcade continue de couler, sa respiration est sifflante en raison de son nez cassé. Les plumes de corbeau ont été arrachées d'un coté de son armure et le cuir arraché au niveau d'une couture, la plaie en dessous est particulièrement laide à voir et ne disparaîtra jamais complètement. Une entorse à la cheville l'empêche de marcher droit mais tout cela la laisse indifférente, car capable maintenant de relativiser ce qu'est la vraie souffrance et complètement obnubilée par le talisman qu'elle prend enfin en main.
((- Hihi ! J'espère que c'est pas un faux !!
- Ta gueule.)) Le rat faera couine à son oreille. Fier de sa protégée.