Le Hameau de Gròòth Vallhü

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Yuimen
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Le Hameau de Gròòth Vallhü

Message par Yuimen » sam. 6 janv. 2018 12:55

Hameau du Gròòth Vallhü

C'est un ensemble de yourtes en peaux d'animaux perdu au milieu des Monts Éternels. Les personnes qui y habitent, des villageois aux traits rudes et durcis par le froid de la région, vivent de l'élevage de caribous, qu'ils enferment dans de grands enclos à flanc de montagne.

L'ancien "chef" de ce petit hameau, Miyash Nùùrg, était un homme impressionnant avec une forte carrure. Il a été tué par un pirate, Sirius Heartless, passant dans le village. Depuis, les habitants s'entredéchirent pour désigner un chef qui sera aussi fort et juste que le précédent... En vain, jusqu'ici.

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Ehök
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Re: Le Hameau de Gròòth Vallhü

Message par Ehök » dim. 23 févr. 2020 16:13

I.1 Un matin dans le Nosvéris.

Comme de nombreux matins, je me lève bien avant les premières lueurs du jour. Je prends quelques baies qui me restent pour sustenter la faim qui me pèse et laisse la majorité à Gärähm et Grand’Ma. Elles dorment encore alors je fais le moins de bruit possible et sort rapidement en prenant ma lance. L’air est vivifiant, aussi froid que tonic et j’inspire à grands poumons pour finir de me réveiller. Je commence déjà à partir lorsqu’une petite voix surgit dans mon dos.

"Tu es déjà parti ?" Me demande Gärähm.

"Oui. La dernière fois j’ai vu des empreintes de loups là où je cueille habituellement. Je vais donc devoir trouver un autre terrain. Tu as besoin de quelque chose ?" Fais-je à mon tour alors que je me rapproche de l’enfant et pause un genou à terre pour être à son niveau.

"Grand’Ma ne va pas mieux." Murmure-t-elle sachant ce que cela signifie.

"En effet. Les baies suffisent un temps. Elle a besoin de viande pour reprendre des forces. Je vais voir ce que je peux trouver." Dis-je tentant de la rassurer.

Je saisis sa tête dans ma main et colle nos fronts l’un contre l’autre en fermant les yeux. Un geste simple mais qui signifie que je l’aime et qu’elle doit prendre soin d’elle le temps de mon absence. En retour elle pause sa main derrière ma nuque, pour dire de même sans prononcer un mot. Sans plus de cérémonie, je romps le contact et m’éloigne de ma demeure.

"Tu me rapporteras des fleurs ?" Me demande-t-elle avant que je ne sois trop loin ?

Je la regarde et y voit l’espace d’un instant le souvenir d’Ehökö ma propre fille qui n’est plus et qui, elle aussi, me faisait la même demande.

"Entendu." Fais-je simplement en hochant la tête avant de m’assurer qu’elle retourne dans la yourte et quitte le village qui se réveille petit à petit.

I.2 Un rituel hors des traditions.

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Ehök
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Re: Le Hameau de Gròòth Vallhü

Message par Ehök » dim. 23 févr. 2020 21:11

I.4 Une invitée surprise.
I.5 Affrontement verbal.

Même si le voyage de retour a été long et plutôt éprouvant, je rentre enfin chez moi sans avoir rencontré de menace pour moi ou mon butin. A mon arrivée, j’ai droit à quelques félicitations d’usage avec une telle prise. Ces derniers temps il nous est plus difficile d’attraper du gibier. C’est un fait que j’ai du mal à considérer, puisque j’ai arrêté de chasser depuis un moment.

"Et mes fleurs ?" Demande une petite voix debout sur un promontoire rocheux.

Je lève les yeux et vois une jeune fille dont les cheveux sont emportés au vent. Elle possède une mine figée, mais je sais qu’elle est capable de bien cacher son jeu.

"Ha oui. J’ai fait une rencontre en chemin. On n’a pas beaucoup parlé, mais je l’ai quand même invité pour faire plus ample connaissance. Mais je peux le ramener chez lui si ça dérange !" Fais-je en faisant demi-tour.

"Non, non ! Reste grand bêta !" Rit-elle en accourant vers moi. "Grand’Ma va être ravie !"

"Tu ferais mieux de partager la viande avec ceux qui en ont vraiment besoin !" Lâche une voix irascible que je connais que trop.

Non loin de moi, Mahayük arrive dans ma direction. Son regard méprisant et son ton condescendant ne changent pas avec le temps. Je dirais même qu’ils empirent au fur et à mesure des hivers. Depuis la perte de notre chef, il a tendance à se prendre pour une sorte de leader attitré, même s’il n’a pas la carrure pour tenir la place en cas de duel armé. Plus petit et chétif que la moyenne, tous se demandent comment il est parvenu à l’âge adulte. Mais non seulement il est présent, mais en plus il parvient à rallier certains hommes de la tribu à le soutenir par ses mots.

"Grand’Ma a autant besoin de manger que les autres !" Lance Gärähm.

"Grand’Ma est vieille, elle a déjà vu passer trop d’hivers ! Alors il est préférable qu’elle laisse sa part à quelqu’un qui saura être plus utile au village." Répond Mahayük.

"Si seulement tu étais capable de mettre la même énergie à chasser qu’à jacasser, le village ne connaîtrait jamais la famine !" Rétorque la jeune fille.

"Petite, gérer le village nécessite trop de temps pour que je puisse me permettre de partir ! Tu comprendras quand tu seras grande !" Fait-il avec son habituel ton condescendant.

"Sauf que tu n’es pas le chef ! Tu n’en as ni la carrure et encore moins le respect du village !"
Lâche la jeune fille.

"Espèce de sale petite…" Commence à cracher Mahayük qui s’avance vers elle menaçant, avant qu’une lame ne se place sous sa gorge et l’arrête net.

A l’autre bout, mes mains sont fermes et mon regard se fait plus dur. Je n’aime généralement pas me lancer dans de grands discours et préfère garder mes sentiments pour moi. Cependant, s’il y a bien une chose qui me met hors de moi c’est qu’on s’en prenne à ma famille.

"Touche un seul de ses cheveux et tu pourras boire directement par la gorge !" Fais-je en laissant surgir ma colère.

"Tu n’oserais pas !" Crache-t-il.

Pour simple réponse j’exerce plus de pression sur ma lance qui commence à transpercer la peau et répandre le précieux liquide vital. Mahayük et moi nous nous connaissons depuis de nombreux hivers et nous n’en sommes pas à notre première dispute. Même si autrefois j’avais le sang plus chaud, il a toujours cette même lueur de peur dans les yeux. C’est la raison pour laquelle il finit par reculer.

(Par Fenris, si un jour il devenait chef notre tribu serait perdue !)

"N’oublie pas qu’en ces temps difficiles nous devons nous entraider pour survivre ! Moi je n’oublierai pas ceux qui m’ont soutenu, tout comme les autres !" Crache-t-il en regardant la jeune fille. Il finit par partir en éloignant de colère les mains qui lui sont posées sur les épaules.

"Oublies-le ! Ce n’est qu’une crotte de chameau-bélier !" Tente de me rassurer Gärähm en posant sa main délicatement sur mon arme pour la baisser.

Je constate que je suis toujours en position pour me battre, mes mains serrant la hampe de mon arme à faire devenir mes mains blanches comme la neige. Je m’étonne toujours de voir comment parfois elle peut être bien plus mature pour son âge, tout en gardant ce petit sourire enfantin si adorable.

"Tu as raison. Allons voir Grand’Ma elle sera ravie de nous voir. Nous distribuerons une partie au village après." Fais-je avant de pénétrer dans la yourte.

I.6 Atelier de fabrication.
Modifié en dernier par Ehök le dim. 23 févr. 2020 21:22, modifié 1 fois.

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Ehök
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Re: Le Hameau de Gròòth Vallhü

Message par Ehök » dim. 23 févr. 2020 21:19

I.5 Affrontement verbal.
I.6 Atelier de fabrication.

"Tu es blessé ?" Me demande la vieille femme.

Ce sont les premiers mots qu’elle énonce lorsque je lui présente ma prise. Cela montre qu’elle connait mes difficultés à me battre.

"Quelques égratignures Grand’Ma." Dis-je tout simplement, cachant la vérité.

"C’est très gentil de ta part, mais tu ne devrais pas faire tout ça pour une vieille femme comme moi. Aussi désagréable qu’il puisse être, Mahayük a raison. Je n’en vaux pas la peine !" Déclare-t-elle, laissant comprendre qu’elle réalise certaines choses comme l’inquiétude de Gärähm et son désir que je rapporte de la viande, quitte à prendre des risques.

"Tu nous as entendu ?" A dire vrai ce n’est pas une question, mais plus un moyen de noyer le moutarie.

"Je suis vieille ! Mes articulations me font mal, mais mes oreilles se portent comme un charme !" Me sourie-t-elle.

"S’il t’arrivait quelque chose, qui s’occuperait de Gärähm durant mes absences ? Mahayük ?" Dis-je pour couper court à la discussion.

"Gärähm est forte, plus que tu ne le crois ! Pourquoi ne pas envisager de l’emmener avec toi ?" Me propose-t-elle.

"Ho oui ! Nous irons chasser le moutarie ensemble !" S’exclame l’intéressée.

Je frappe d’un coup sec sur la première surface en bois qui se présente à moi, pour étouffer l’excitation de la jeune fille et les arguments de Grand’Ma.

"C’est hors de question ! C’est bien trop dangereux pour une enfant !" Dis-je en haussant le ton.

"C’est faux, je ne suis plus une enfant ! Je peux même…"
Commence la jeune fille avant de se faire interrompre par la doyenne.

"Gärähm, Ehök a parlé ! N’insiste pas !" Clame-telle.

La réponse de la doyenne est suffisamment claire et autoritaire pour faire taire la jeune fille qui préfère sortir comme une furie sans un mot. Le silence se fait dans la yourte pendant quelques instants durant lequel je prépare un espace pour terminer mon arc et mes flèches.

"La petite est pleine de bonne volonté !" Commence Grand’Ma, mais je ne réponds rien. "Un jour je ne serais plus et Gärähm devra trouver sa place."

Même si je n’en ai pas l’air, j’écoute les propos de la doyenne. Elle cherche clairement à me faire culpabiliser. Me toucher là où ça fait mal avec sa mort qui me rappellerait celle de ma famille. Pourtant, loin de me laisser manipuler j’use des mêmes arguments contre elle.

"J’ai arrêté de chasser pour une raison, les dangers sont grands dehors. Le froid, les bêtes, les crevasses sous la neige. Si toi et moi ne sommes plus, que deviendra-t-elle ?"

"Elle mourra !" Répond simplement Grand’Ma, et ces deux mots m’arrêtent immédiatement. "Elle quittera le village et elle mourra, avec la fierté d’avoir fait ce que son cœur lui dicte !"

Je ne réponds rien. Je n’aime pas évoquer ce genre de choses, en particulier lorsqu’il s’agit de Gärähm. Rapidement la doyenne revient vers moi avec un ton qui n’attend aucune réplique.

"Enlève tes vêtements. Tu peux tromper une enfant, moi pas !"

Elle pose de l’eau propre ainsi que quelques bandages et attends que je m’exécute. Elle a rapidement compris que le combat avec l’ours n’a pas été de tout repos, mais elle a attendu que Gärähm ne soit pas là pour le voir. Elle s’occupe de mes bandages alors que dans ma tête ses mots résonnent encore et me rendent nerveux. Même faible, Grand’Ma ne cesse de se rendre utile sans se plaindre. Une fois les soins finis, je noie mon anxiété à ma tâche actuelle qui est de réaliser un arc, ou du moins de finir le travail. Je prends deux de mes couteaux, un gros pour couper les morceaux qui dépassent et un autre, plus petit qui me permet de mieux le manipuler et ajuster les finitions nécessaires. Je passe un bon moment sur le seul morceau de bois que l’ours n’a pas éclaté. Au bout d’un certain temps, alors que mes ressentiments sont passés, je termine mon œuvre. J’en suis assez satisfait. Le bois est assez souple pour se tordre, mais suffisamment rigide pour tendre la corde que je vais mettre. Je réalise deux encoches justement, qui serviront à fixer la corde. Je me tourne vers Grans’Ma qui s’est affairé avec la carcasse de l’ours. En voyant la dépouille, une idée me vient.

"Grand’Ma tu as une corde pour moi ? Et garde-moi une patte de l’ours également !" Dis-je.

Elle met une patte de côté et me présente une corde que j’espère être assez solide pour ne pas qu’elle lâche au pire moment. J’attache une extrémité de la corde sur un bout et fais de même pour l’autre côté. Je dois m’y reprendre à plusieurs fois car la corde doit tendre le bois, mais également laisser une marge de manœuvre pour le plier lorsque je banderais une flèche.

Une fois cela fait, vient au tour des projectiles. Pour le moment ce ne sont que des bouts de bois et comme pour l’arc, je m’assure de ne laisser aucune aspérité avec mes couteaux. Je réalise un espace pour encocher les flèches et de l’autre extrémité je cherche quelque chose pour accroître le pouvoir perforant du projectile. Matériau commun chez nous, l’idée me vient rapidement et je me tourne vers l’ancienne pour lui demander s’il reste de quoi faire des pointes.

"Il reste des os de l’ours ?"

Sans montrer des signes de colère, elle me dépose de nombreux ossements lavés sans un mot. Je m’attelle donc à tailler les os, parfois en ayant besoin de casser des gros morceaux pour obtenir ce que je souhaite. La taille est ce qui me prend le plus de temps, mais c’est surtout un élément essentiel. Sans eux, les flèches perdront de leurs mordants.

Le résultat final me plaît assez. Je bande quelques flèches pour m’assurer que l’ensemble me satisfait. Maintenant il me reste un dernier élément. Je ne peux me déplacer sans avoir de quoi entreposer mes flèches. C’est là que la patte d’ours intervient et tout le travail va être de vider l’ensemble du membre sans endommager la peau. Je réfléchie à la chose, mais entre la peau à éviter, la chair présente et les os qui me gènent, je doute être capable d’une telle prouesse. Non le plus simple est de couper dans la longueur et de recoudre par la suite. J’entaille la patte et ouvre délicatement la peau avant d’extraire soigneusement l’intérieur.

La peau est une partie qui se fragilise avec le temps et sans traitement approprié, elle va finir en morceau avec le climat de la région. Je ne dispose pas des compétences nécessaires à une telle chose et c’est clairement un travail qui ne s’improvise pas, mais je connais qui en serait capable. Je rassemble les chairs de la patte dans une auge en bois ainsi que la peau et apporte le tous à Aïyak, notre tanneur. Ce dernier a moins à faire avec l’absence de proie ces derniers temps. J’arrive à sa yourte et pénètre à l’intérieur après m’être fait annoncer en frappant à l’entrée.

"Ehök ? Tu as besoin de quelque chose ?" Me demande le tanneur.

Plus grand encore que moi, il possède une barbe des plus garnies ainsi qu’un regard joyeux lorsque ses bambins courts dans ses jambes. L’espace d’un instant je reste muet, imaginant ma vie avec une famille fournie. Finalement je sors de ma rêverie et tends la peau.

"Oui, tu peux t’occuper de ça pour moi ?"

"C’est petit. Tu veux en faire quoi, un bonnet ?" Demande Aïyak avec un petit sourire narquois.

"Non un carquois."

Cette simple réponse fige l’homme qui me fait face l’espace d’un instant, son sourire laissant place à un rictus de mépris. Je suis connu pour avoir été un guerrier dans le clan et posséder un arc est un déshonneur lorsqu’il s’agit d’un combat. Cependant je m’attendais à ce genre d’attitude et c’est sans ciller que je lui réponds.

"J’ai repéré des écureuils. Leurs corps pourraient attirer des proies plus intéressantes ! Je te laisse toute la chair qui va avec la peau de la patte."

Je lui tends le tout alors qu’Aïyak soutient mon regard et semble peser le poids de mes arguments car le déshonneur irait également sur lui. Il finit cependant par prendre le tout non sans faire une demande en retour.

"Je n’ai jamais réalisé une telle chose mais je vais voir ce que je peux faire. Si tu attrapes des écureuils, tu pourrais m’en garder ? Ma femme va faire naître un nouveau membre et mes petits ont toujours aimé que je fasse une peau rien que pour eux."

La réponse me perce le cœur. Pourquoi n’ai-je pas la chance que d’autres possèdent ? Ma douleur semble perceptible car Aïyak porte une main à mon épaule. Il s’apprête à me parler, mais je le devance et pause une main amicale sur la sienne.

"Avec plaisir !"

Sans plus de cérémonie je quitte la yourte, sentant monter une émotion qui ne correspond pas à un guerrier de Fenris.

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Ehök
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Re: Le Hameau de Gròòth Vallhü

Message par Ehök » jeu. 20 août 2020 14:07

II.1 Encore un matin.

Il a été difficile de trouver le sommeil ces dernières nuits. Les mots de Grand’Ma résonnent dans ma tête jusqu’au réveil. Pourtant je ne peux me permettre d’emmener Gärähm avec moi, elle est trop jeune et les dangers sont trop grands. C’est à peine si je l’admets, mais j’ai déjà trop souffert avec la perte de ma femme et de ma fille. La perdre elle serait le dernier déchirement qui me briserait l’âme. D’ailleurs, la jeune fille nous a rejoints que tard pour aller se coucher. Au moins, même si nous ne sommes pas d’accord elle continue de m’obéir en ne s’éloignant pas trop loin du village. Maintenant que mes blessures vont mieux, je peux oublier les cueillettes de ces derniers jours qui favorisaient davantage ma guérison qu’une chasse avec un animal féroce. Alors que je rassemble mes affaires pour partir, une main attrape mon bras et me retient.

"Aïyak est passé hier assez tard, il a terminé ce que tu lui as demandé." Dit-elle en présentant le carquois réalisé avec une patte d’ours.

"Merci, je devrais pouvoir attraper un peu plus avec ça !" Fais-je en rassemblant mes flèches dans leur nouveau logis et m’équipe de mon arc en plus du reste.

"Attends ! J’ai aussi trouvé ça dans les entrailles de la bête." Elle sort un vulgaire caillou d’une petite besace.

"Heu…c’est gentil…mais je ne m’équipe pas du superflu, même pour un si petit caillou ! Tu devrais le savoir." Dis-je sans chercher à comprendre l’intérêt de ce qu’elle me propose.

"Tu te trompes, ce n’est pas qu’un caillou. Je serais passée à côté si je n’en avais pas déjà vu un. Il s’agit d’une rune. Un objet de pouvoir venu de Fenris !" M’explique-t-elle.

"De la magie ? Tu sais ce que j’en pense de…" Fais-je en haussant le ton, risquant de réveiller la petite à tout moment, jusqu’à ce que Grand’Ma m’interrompt pour continuer à l’intérieur.

"Arrête de faire l’enfant veux-tu ? Je suis las de ces préjugés d’un autre temps !" S’agace-t-elle. "Sache que les meilleures armes venues des légendes de notre peuple possédaient ces pouvoirs. Il existe de nombreuses pierres avec des pouvoirs spéciaux, mais je ne saurais t’en dire plus. Garde en mémoire que ça peut te sauver la vie, ou celle de Gärähm ! Maintenant va, avant que ta bonne humeur de déteigne sur moi !"

Elle me laisse seul hors de la hutte avec le petit sac contenant cette étrange pierre. Je la regarde avec un mépris non dissimulé. Dans notre clan, la magie est plus que mal vu et il n’est pas rare que nombreux membres aient été bannis pour posséder ce pouvoir maudit. Je garde malgré tout l’objet sur moi, mais me fais la promesse de ne jamais m’en servir. Je prends la direction de la chasse sans savoir que dans mon dos, cachée par les fourrures de bêtes nous servant de porte, la vieille femme me regarde avec une profonde inquiétude.

II.2 Chasse à l'arc.

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Ehök
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Re: Le Hameau de Gròòth Vallhü

Message par Ehök » jeu. 20 août 2020 14:19

II.3 Promenons-nous dans les bois, pendant que...
II.4 Retour au village.


A mon arrivée, je préviens les hommes qui gardent le passage. Ceux-ci ne semblent pas apprécier de savoir qu’une horde de loups sévissent non loin et que j’en suis responsable. Avoir des prédateurs qui rôdent signifie qu’ils chasseront notre gibier et que la cueillette devra mobiliser des hommes supplémentaires en cas d’attaque. Autrefois lorsque ce genre d’évènement arrivait, il suffisait de mobiliser de nombreux guerriers pour les chasser. La plupart du temps il en résultait un grand buffet pour tout le village, mais aujourd’hui ces temps de gloire sont loin car nous ne possédons plus assez d’hommes pour une telle opération. La surveillance est tout ce qu’il nous est permis de faire.

Je parcours le village pour rejoindre le tanneur. En échange de mon carquois en patte d’ours, je lui ai promis un écureuil et même si cela représente la moitié de mon butin du jour, ma fierté ne doit pas être entachée. Lorsque je signale ma présence depuis l’extérieur, Aïyak sort avec un regard plein de satisfaction lorsque je lui tends le corps de la bête, en prenant soin de lui laisser le moins amoché.

"Merci Ehök. Viens entre !" Me force-t-il en me saisissant le bras. "Les enfants, Ehök a ramené un écureuil pour Yaïyak. Venez lui dire merci !"

Avec une vitesse fulgurante, trois adversaires ressemblant à des filles entre treize et quatre ans arrivent en courant. Refermant le seul accès, je suis encerclé rapidement. En fonction de leur taille, elles m’attrapent une jambe, un bras et la plus grande s’assure que je ne m’enfuis pas en me saisissant dans mon dos. La tactique terriblement efficace est digne de stratèges nées. L’ennemi est rusé et j’ai beau user de ma force, je ne parviens pas à me dépêtrer de ces sangsues humaines. Il faut dire que je fais un peu semblant d’être débordé. En moi, un mélange se fait dans mon cœur avec la peine du souvenir de ma famille perdue et la joie avec agression enfantine. Cependant je finis par lâcher un râle de douleur lorsque les jeunes filles finissent par faire ressortir la douleur de mes blessures.

"Stop arrêtez les filles ! Bon sang, tu aurais dû me dire que tu étais blessés Ehök !" Déclare Aïyak en enlevant une à une sa progéniture.

"Ce n’est rien ! Mais je m’inquiète plus pour les loups qui m’ont suivi. Ils vont rôder dans le coin jusqu’à ce qu’on les déloge." Dis-je en voulant détourner la situation.

"Tu n’avais pas à prendre tant de risques pour l’écureuil, mais je te remercie. Si tu as besoin de quoique ce soit…" déclare-t-il avant de se faire interrompre par une voix à l’extérieur.

"Ehök ! EHÖK ! Je sais que tu es là, sors d’ici tout de suite !" Ordonne une voix que je ne connais que trop.

"Bon sang encore lui ?"
Déclare Aïyak en m’ôtant les mots de la bouche.

Je sors de la yourte pour y voir que visage de Mahayük aussi pénible à regarder que sa voix l’est à entendre.

"Une meute de loup ? Félicitation tu t’es particulièrement illustré aujourd’hui ! Et pour quel butin, deux malheureux écureuils ?" Tonne-t-il pour que l’ensemble des personnes qui se sont rassemblées entendent ce qu’il a à dire.

Je ne compte pas m’en prendre à lui. Mes seules préoccupations sont de nourrir Gärähm et Grand’Ma. Je reste stoïque lorsqu’il me crache tel un serpent son venin au visage. Cependant, ce n’est pas le cas de tous.

"Dans ce cas pourquoi ne pas prendre la tête de quelques guerriers pour les chasser ! Tu montrerais ainsi le respect que tu sembles réclamer !" Me défend Aïyak.

"Nous avons tous un rôle à jouer dans ce village, je me lasse de le répéter ! Toi tu tannes les peaux, lui il ramasse des baies ainsi qu’un ou deux animaux le jour du solstice d’été et moi je m’occupe de maintenir le village en vie. Cela commence d’ailleurs avec des bêtes qui iront à qui en aura réellement besoin !" Déclare-t-il avant de prendre avec une vitesse surprenante les deux écureuils que moi et Aïyak avons sur nous.

Ma colère atteint un point où je ne peux plus me retenir. Avec la même vivacité que Mahayük a démontrée, je manie ma lance avec adresse jusqu’à ce que la lame se place sous sa gorge.

"J’ai promis cette bête pour l’enfant d’Aïyak car c’est grâce à lui que je l’ai ramené. Relâches-les immédiatement avant que je ne te serve en banquet !" Fais-je en tentant de clamer l’envie de le perforer de part en part.

"C’est la deuxième fois en quelques jours que tu me menaces Ehök ! N’oublie pas les lois de notre village ! Ce ne sont pas tes piteuses récoltent qui vont apporter le soutient que tu dois. Jusque-là tu as principalement nourri ta famille grâce à l’aide du clan et tu te permets en plus de faire venir le malheur jusqu’à nous. Tu as fait venir cette meute jusqu’à nous, c’est donc à toi qu’il revient de t’en occuper. Sans quoi, je doute que le village continue d’apporter son soutient à ta famille." Me menace-t-il.

La dernière fois je l’avais mis dans une situation embarrassante, mais il a piqué là où ça fait mal. Ses arguments me frappent violemment par la véracité qui les nourrit. Avant de partir, je tiens cependant à marquer son crâne des propos qui se tiennent à son compte.

"Si seulement tu mettais autant d’ardeur à aider physiquement le village qu’à manier ta langue, tu serais une légende parmi les légendes de notre clan !" Dis-je en grognant, puis m’en vais avec le deuxième écureuil chez moi.

A mon arrivée, je remarque immédiatement l’absence de Grähäm et Grand’Ma m’en explique la raison sans que j’ai à émettre la moindre remarque.

"La petite ne se sentait pas bien. Je lui ai fait décoction pour qu’elle aille mieux demain." Puis elle plonge son regard dans le mien et enchaîne. "J’ai appris pour les loups. Comment tu te sens ?"

"Quelques blessures, rien de dangereux." Dis-je en rassemblant mes affaires.

"Quelques blessures, oui. Assied-toi je vais te soigner cela !" Ordonne-t-elle sans me laisser la possibilité de répliquer.

J’obtempère malgré moi, car s’il y a bien un adversaire qui est hors de ma portée, ce n’est ni le froid de l’hiver, ni les monstres du Nosvéris, mais bien Grand’Ma. Elle me prodigue les soins d’usages pour guérir mes plaies et lorsqu’elle a enfin, fini, je m’attaque à mes flèches. Je rassemble mes branches de bois ainsi que mes couteaux. Je commence par tailler grossièrement les branches pour supprimer les éléments les plus gênant, puis à l’aide d’un couteau plus fin, je lisse le tout pour affiner le résultat et taille un bout pour encocher mes flèches dans la corde de mon arc. Je demande à Grand’Ma de rassembler les morceaux d’os de l’ours que j’ai tué. Je casse les morceaux et les tailles à ma convenance pour les assembler sur mes flèches.

Je retravaille mon ouvrage lorsque celui-ci ne me plait guère et lorsqu’enfin je suis satisfait de moi, je mange un morceau et me couche pour un repos bien mérité.

II.5 Un coeur au bord du déchirement.
Modifié en dernier par Ehök le jeu. 20 août 2020 14:34, modifié 2 fois.

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Re: Le Hameau de Gròòth Vallhü

Message par Ehök » jeu. 20 août 2020 14:24

II.4 Retour au village.
II.5 Un coeur au bord du déchirement.


Le lendemain matin, j’ai la surprise de voir au réveil Grand’Ma déjà debout. Même s’il est vrai que mon excursion de la veille m’a éreinté, d’ordinaire je me lève toujours le premier. Lorsque je comprends qu’elle est au chevet de Grähäm, une inquiétude surgit en moi et me serre le cœur.

"Que se passe-t-il Grand’Ma ? La petite ne se sent pas bien ?" Dis-je en posant une main ferme sur son épaule sans m’en apercevoir.

"Non et ce n’est pas une simple fatigue regarde !" Me répond-elle en dévoilant une jeune fille toute transpirante avec de nombreuses plaques bleues sur le corps.

Je me sens défaillir. Mon souffle s’accélère au même rythme que mon cœur s’emballe. J’ai d’ailleurs l’impression qu’une main de gel me le comprime tant il me fait souffrir. La poigne que j’exerce sur la doyenne disparaît, pour me laisser tomber au sol par des jambes qui n’ont plus la force de me tenir simplement debout. En moi se mélange des images de ma femme et ma fille mortes, du rite funèbre à leurs intentions. Mon imagination se joue de moi et remplace dans mes souvenirs, l’image de Grähäm étendue à leurs places. Quelque chose cherche à attirer mon attention, mais sans que j’arrive à le percevoir. Ce n’est qu’en insistant davantage que je comprends que Grand’Ma me secoue de toutes ses forces pour me ramener à la réalité. Je suis assis au sol, le dos plaqué contre le pilier central de la yourte.

"Ehök ce n’est pas le moment ! Ressaisit-toi bon sang !" Grogne la vieille femme.

"Grähäm ! Qu’a-t-elle Grand’Ma ?" Dis-je implorant alors que les larmes sont aux bords de mes yeux.

"La petite est malade. C’est quelque chose que je connais et que je pensais ne plus jamais revoir. Surtout pas sur la petite !" Répond-elle.

"Tu sais ce qu’elle a ? Donc tu peux la guérir ?" Fais-je en reprenant espoir.

La doyenne ferme les yeux et met presque un terme à mon existence en hochant négativement de la tête avant de m’en donner la raison.

"Il existe un moyen de la sauver, un remède. Cependant je ne dispose pas des ingrédients nécessaires et il te sera impossible de tous les rassembler à temps !"

"Alors la petite est perdue ?" Dis-je en sentant les larmes couler le long de mes joues. "Non ! Je le refuse !" Dis-je alors que la colère remplace un sentiment impur pour un guerrier de Fenris. "Il existe bien quelqu’un ou quelque chose qui peut la soigner !"

"En effet !" Déclare sombrement Grand’Ma. "Il existe quelqu’un dont les talents de guérisons sont de loin supérieurs aux miens et je doute qu’elle ait le même problème d’approvisionnement que moi. Elle devrait être en mesure de soigner ce mal, cependant arriver jusqu’à elle vivant restera une tâche bien moins ardu que d’obtenir son aide."

Tout en rassemblant mes effets personnels et me prépare à partir, j’interroge la vieille femme qui se trouve dans mon dos.

"Je prends le risque et lui ferais entendre raison, même si je dois implorer sous une tempête de glace. Qui est-ce et où se trouve elle ?"

"Le village de Faërlom, il s’agit de la doyenne !" Répond simplement Grand’Ma.

La réponse me foudroie sur place.

(Pourquoi de tous les endroits possibles il faut que ce soit Faërlom, un village qui nous est particulièrement hostile. Je comprends mieux les craintes de Grand’Ma maintenant. Même si je parvenais à atteindre le village, je ne suis pas sûr qu’on me laisse voir l’ancienne.)

Malgré le risque, je ne compte pas faire machine arrière et la vieille femme le comprend.

"Tu comptes toujours t’y rendre ?" Demande-t-elle.

"Tu connais un autre moyen de sauver Grähäm ?" Fais-je sans me retourner. L’absence de réponse me suffit amplement. "Le village de Faërlom est loin, tu sauras la garder en vie d’ici que je revienne ?"

"Je vais faire tout mon possible pour garder son état stable. Emportes les restes avec toi tu auras besoin de toutes tes forces pour…" Commence-t-elle avant que je ne l’interrompe.

"Toi et surtout Grähäm vous en aurez plus besoin que moi ! Je trouverais ce qu’il me faut en chemin et au besoin je peux tenir ! Au besoin demande de l'aide à Aïyak." Lui dis-je en m’avançant jusqu’à l’entrée.

"Et pour les loups ? Tu vas devoir retraverser l’arche pour atteindre la guérisseuse le plus vite possible non ?" S’inquiète Grand’Ma.

Je m’arrête un instant et ne répond pas. Que puis-je répliquer ? Ne t’inquiètes pas, je vais être capable d’échapper à toute une meute de loups qui n’attendent qu’une occasion rêvée pour me becter. Sans plus de cérémonie, je quitte ma demeure en me demandant lequel des obstacles sur ma route aura ma peau.

II.6 Dansons sur la glace.

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Ehök
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Re: Le Hameau de Gròòth Vallhü

Message par Ehök » ven. 28 août 2020 14:26

II.10 La source de la haine.
II.11 Le haut fait d'un guerrier.


Cette nuit-là j’ai du mal à trouver le sommeil. Je suis hanté par les propos que m’a tenu Lyörik. Si effectivement de tels actes ont été commis, ces hommes doivent en payer les conséquences. Au réveil, mon guide tient à partir dès les premières lueurs du jour et s’arrête là où il juge ne pas être vu par nos hommes. Nos villages étant ennemis, il serait mal vu que je sois aperçu en présence d’un ennemis. Je descends du renne avec mélancolie. Avoir une telle monture serait un atout considérable car nous pourrions parcourir une plus grande zone. Je rassemble mes effets personnels ainsi que le corps du loup et le précieux remède que je cache sur moi. Alors qu’il retourne à son village je m’adresse à Lyörik une dernière fois.

"Attends ! J’ai fait un pacte de sang auprès de la Yarl Ehärik pour sauver ma petite nièce. Je ne dis pas comprendre ta peine, mais si je devais apprendre quoique ce soit, sache que je t’en tiendrais informé !"

Mon guide me regarde sans prononcer un mot. Il saisit les lanières des montures et me tourne le dos en prenant le chemin jusqu’à chez lui. Quant à moi, je parcours le reste de la route en traînant le corps du loup dans la neige. Les hommes gardant l’entrée du village sont stupéfaits lorsqu’ils me voient passer sans un mot et il me faut atteindre le centre du village pour le comprendre. Un attroupement se fait autour de moi et de nombreux chuchotements parcours l’assemblée réunie. Finalement c’est la dernière personne que j’aurais voulu voir qui s’approche de moi. Mahayük vient se poser juste devant mon nez en bombant le torse.

"Ainsi donc tu es revenu en vie ! C’est impressionnant, je n’aurais pas cru cela de toi !" Dit-il avec un sarcasme non dissimulé. "Mais tu as bien agi en suivant mes conseils et…"

"Que Fenris m’en soit témoin, risquer ma vie en ton nom est bien la dernière chose que je ferais de mon existence mortelle." Dis-je en l’interrompant brusquement.

(Je n’aime pas attirer l’attention sur moi, mais si je veux participer au Torkensën j’ai besoin d’acquérir de la renommée. Pour Gärähm je dois faire vite !)

"Je l’ai fait pour le bien de notre communauté et ce village qui a tant fait pour moi mérite que je prenne ces risques ! Dorénavant je compte bien m’atteler à la lourde tâche de faire prospérer notre village, pas pour toi, mais parce que ce n’est qu’ainsi que nous survivrons !"

"Je te rappelle que la présence des loups était de ta responsabilité ! Et à t’entendre on croirait que tu comptes porter le village sur tes seules épaules !" Ricane l’homme qui me fait face. Visiblement il cherche à ternir l’exploit que j’ai accompli.

"C’est impossible pour un homme seul et tu le sais bien, toi qui t’évertue à te faire passer pour le chef sans rien accomplir de tes propres mains !" Je m’éloigne de lui et tourne sur moi-même pour regarder chacun des membres de notre village. C'est l'occasion de glorifier mes exploits. "Fenris m’en est témoin, à moi seul j’ai vaincu une meute entière de loups et voici leur chef !" Je tire sur la corde attachée au corps de la bête pour appuyer mes propos. "En le terrassant lui et les siens, Fenris a rallumé l’ardeur guerrière en moi !" Dis-je en me frappant le torse d'un poing ferme. Puis je pose ensuite mon regard sur Mahayük. "Et les choses vont changer ici !"

Je sens le mépris qu’il me porte s’intensifier, mais je ne peux m’attarder plus. Je cherche Aïyak du regard et le trouve au milieu des autres, me regardant avec une satisfaction de plaisir.

"Aïyak, tu peux t’occuper de récupérer tout ce que tu peux de cette bête et me les mettre de côté ?" Il hoche de la tête. "Pour la viande, que tous aient une part équitable. Je vais me reposer, j’ai grand besoin de repos !"

Je laisse à Aïyak le soin d’emporter la bête et me rends dans ma yourte d’un pas décidé. Les membres du village, que je croise sur le chemin, m’offrent d’amicales tapes sur les épaules et dans le dos avant que je ne disparaisse.

"La petite ?" Dis-je inquiet après m’être assuré qu’il n’y avait personne d’autre de présent que nous trois.

"Elle vit encore, mais mes efforts auront été vains si tu n’as aucun remède pour elle !"Me répond Grand’Ma toujours au chevet de la petite.

L’état de Gärähm a plus qu’empiré. Sa peau semble comme transparente et les tâches bleues ont grandi et sont désormais d’un marron foncé des plus inquiétants. Son corps entier est parsemé de sueur tant elle transpire. En plus de cela, elle est prise de mouvements incontrôlables et sa respiration particulièrement forte accroissent mes craintes.

"J’ai ce qu’il te faut !" Fais-je finalement en sortant de mes affaires le précieux remède que Grand’Ma prend précautionneusement.

Elle remue l’outre et en donne une gorgée à l’enfant sans qu’aucune réaction ne se fasse. Je commence à craindre que le remède ne soit pas le bon et serre malgré moi le bras de l’ancienne qui tente de me calmer.

"Il faut un peu de temps avant d’avoir un début de réaction. Il est tout naturel que…" Explique-t-elle avant de s’interrompre d’elle-même lorsque les mouvements étranges de l’enfant prennent fin et que sa respiration se calme. Grand’Ma pose une main sur l’enfant et l’autre sur sa poitrine sous ses vêtements. "Son cœur s’est calmé ! Je crois que le remède fait déjà effet. Elle va avoir besoin de beaucoup de repos, mais je pense qu’elle s’en sortira !"

Le soulagement m’enlève un poids conséquent. C’est avec un grand plaisir que je rejoints ma couche. Cependant, le soulagement laisse place à une inquiétude sachant le devoir qui m’attend et l’ancienne qui s’approche de moi le remarque.

"Ehök, que ne me dis-tu pas ? Tu es revenu en vie d’un voyage périlleux et tu as ramené le remède pour Gärähm. Alors pourquoi une telle peine sur tes yeux ? Quel prix as-tu payé ?"

(Comment dire à Grand’Ma que je risque de mourir prochainement et alors qu’elle est déjà aux portes de la mort, elle sera la dernière personne qui pourra s’occuper de Gärähm.)

Je ne dis mot car ma gorge se serre et ma bouche est pâteuse. Finalement je finis par lui révéler la nouvelle.

"Ce serait long à expliquer, mais je vais devoir participer au Torkensën. Je l’ai juré sur mon sang devant Fenris ! C’était la seule solution !"

La vieille femme accuse le coup sans un seul mot. En l’espace de quelques secondes son visage prend les traits d’une femme de dix ans plus âgée. Elle me tourne le dos et s'assoie en s’adossant à ma couche.

"Grand’Ma, le village de Faërlom possède assez de guerriers pour tous nous massacrer. Cependant la Yarl Ehärik ne fait rien car quelque chose les en empêche. Quelque chose qu’ils craignent !" Dis-je en regardant le plafond.

"Yarl Ehärik ?" Rit-elle légèrement. "Je l’ai connue il y a longtemps de cela, elle était loin d’être Yarl à cette époque. Un jour, un homme lui a révélé son avenir. Il lui a appris qu’un mal dort dans ces montagnes et que seule l’union des tributs nous sauvera. Elle a révélé cette prophétie aux habitants de Faërlom qui se sont ris d’elle. En voulant retrouver la trace de cet homme, ils ont suivi ses empruntes de pas jusqu’à ce que…Jusqu’à ce qu’elles deviennent des empruntes de loups !"

"Fenris ?" Dis-je surpris par la révélation.

"C’est ce que tous ont pensé. Cependant l’union des tribus étant une tâche particulièrement ardue, ils ont préféré taire la prophétie en dehors de leur village. Ils ont pensé qu’ils seraient la cible d’autres clans s’ils révélaient que le dieu Fenris était venu les voir eux seuls. Mais Ehärik et moi étions des amies proches. Elle a bravé l’interdiction pour me révéler ce qu’elle savait." Grand’Ma prend le temps d’une respiration avant de reprendre. "Ehök, si elle t’a imposé le défi du Torkensën, c’est qu’elle espère sincèrement que tu y arriveras. C’est probablement ainsi qu’elle compte unifier les clans des Monts Eternels !"

"Dans ce cas je comprends mieux pourquoi j’ai jouie d’une telle aide de sa part !" Lui dis-je.

"Comment cela ?" M’interroge l’ancienne.

Je tends le bras vers mes affaires et lui répond.

"J’ai reçu un cadeau. Regarde ce que j’ai ramené !"

Grand’Ma s’en approche et en extirpe le grimoire de la Yarl. J’entends des pages tourner puis son étonnement.

"Bon sang ! C’est tout le savoir qu’elle a acquis ? Pourquoi un tel don ?"

Je ne réponds rien pour le moment car d’après les connaissances de Grand’Ma, elle ne m’a pas tout révélé de la maladie de Gärähm. Puis je me lance.

"Grand’Ma tu savais pour la maladie de la petite n’est-ce pas ? La Yarl Ehärik m’a confié que l’on ne pouvait attraper cela normalement et aucun étranger n’est venu chez nous depuis la venue du pirate."

"Oui en effet !" Me confie Grand’Ma après un long silence. "Quelqu’un a essayé de nous tuer. Il y a un traitre dans le village !"

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Ehök
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Re: Le Hameau de Gròòth Vallhü

Message par Ehök » jeu. 18 nov. 2021 15:46

III.6 Revenir seul ou à deux.
IV.1 Retour à la maison


Le renne ne me suit pas dans les premiers temps. Ce n’est que lorsque qu’il y a une certaine distance entre nous, qu’il s’avance. Or, lorsque j’atteins le village, il préfère rester loin des habitations et surtout de ces habitants. Alors que je l’observe au loin, l’inquiétude grandit en moi.

(Si je ne parviens pas à le lier clairement à moi, il risque d’être pris pour cible par les chasseurs. Je ne peux pas le garder près de moi et il va être difficile de le cacher.)

"Quelle belle bête !" Fais une voix particulièrement désagréable dans mon dos. "Je savais que tu étais un chasseur médiocre, mais de là à avoir une proie de choix et d’attendre qu’elle meure de vieillesse, même moi je suis stupéfait ! Et c’est quoi cet accoutrement, c’est nouveau ?"

Je me retourne lentement et croise le regard de ce minable de Mahayük. Cet ignoble individu qui prétend se comporter comme un chef pour nous, alors qu’il ne fait que parler et manipuler notre tribu, au lieu de prouver sa valeur en passant le rituel. Nombreux sont ceux qui l’ont tenté, des plus valeureux que lui et aucun n’est jamais revenu.

"Les animaux ne viennent pas d’eux-mêmes à portée des chasseurs. C’est moi qui l’ai emmené jusqu’ici et il est à moi !" Fais-je en me positionnant devant la phalange pour obstruer sa vision du renne, avant de poursuivre en désignant mes nouvelles armes et armures. "Pour ce qui est de tout ça, deux hommes ont chassé sur nos terres ! Ils sont morts avec honneur, alors ne parle pas de ce que tu ignores."

"Peu importe !" Balaye-t-il simplement mon fait d’armes en solitaire. "Tu connais nos lois sur le partage du butin, toi plus que quiconque ? C’est grâce à cela que toi et les tiens avez eu votre pitance alors que tu passais ton temps à la cueillette !" Répond-il avant de piquer au vif. "D’ailleurs, tu nous fais nourrir une bouche de trop, il serait temps de…"

C’est plus fort que moi. Ma main gauche vient attraper ce furoncle qui ressemble à un homme et serre fortement la pression sur sa gorge. Habitués à nos échanges musclés, quelques membres surveillent que cela ne dépasse pas les bornes et avec raison. De mon autre main, je caresse le manche de ma hache, qui m’est soudainement si agréable au toucher. Au lieu de lui ôter sa langue et la tête qui va avec, je l’oblige à rapprocher son oreille de ma bouche.

"Un jour, tu payeras pour tes menaces sur Grand’Ma et Gärähm. J’en fais le serment !" Puis je l’éloigne de moi et parle assez fort pour que tous m’en soient témoins. "Ce renne est à moi ! Je l’ai guéri, protégé, apporté jusqu’ici en prenant soin de lui et lorsque j’aurais enfin réussi à l’amadouer, j’en ferai une monture qui me permettra de chasser plus loin et de rapporter plus de nourriture !" Je commence à partir en laissant Mahayük sur place. Avant de complètement partir, je tiens à clarifier un point. "Je le considère désormais comme un membre de ma famille et si jamais quelque chose devait lui arriver, j’en t’en tiendrais pour personnellement responsable !"

Ainsi, les choses sont claires. En désignant le renne de la sorte, je le protège grâce aux lois de la tribu. Cependant, cela m’oblige également à devoir subir un châtiment, si ce nouveau frère vient à commettre des actes contre la tribu. Un intérêt trop important vis-à-vis des stocks de nourriture déjà bien maigre, serait fatal entre les mains de quelqu’un comme Mahayük. Pourtant, je suis prêt à prendre ce risque. Même si une forme de lien s’est créée, le renne reste à l’écart du village, probablement son instinct face à un prédateur qui a tenté de le chasser il y a peu. Cette méfiance le tiendra à l’écart du village. Du moins, je l’espère.

Je retourne dans ma yourte pour y retrouver Grand’Ma. Celle-ci s’affère à reprendre les peaux de bête pour lutter contre le froid qui s’annonce.

"Tu en a mis du temps !" M’accueille-t-elle chaleureusement. "Et qu’est-ce que tout ceci ?" Me demande-t-elle en voyant des affaires qui ne sont pas à moi.

"J’ai rencontré des chasseurs d’un autre clan en chemin. Ils chassaient sur nos terres. Ils sont morts dignement, en guerrier." Je regarde dans la yourte, mais force est de constater que ma nièce n’est pas là. "Gärähm ?"

"Elle joue dehors ! Il faut croire que le remède lui a donné un sacré coup de fouet." Répond-elle.

"Je vais avoir besoin de cet onguent curatif, il ne m’en reste plus !" Fais-je en dissimulant maladroitement une demande d’en faire à l’ancienne.

"Tu as tout utilisé ? Comment ?" S’offusque-t-elle.

Un peu gêné, c’est timidement que je réponds.

"Un renne ! Il était gravement blessé. J’essaie…j’essaie de l’apprivoiser pour être en mesure de le monter."

"Toi ?" S’exclame Grand’Ma avant de partir dans un fou rire.

Voyant la moquerie, je me renfrogne dans un coin en attendant qu’elle se calme. Il lui faut un peu de temps pour enfin, être en mesure de respirer à un rythme régulier.

(Je ne suis pas si bourru ! C’est l’impression que je donne au gens ?)

"Ho par Fenris, Ehök, je suis trop vieille pour de telles blagues. Tu veux me faire tuer ?" Reprend-elle enfin, entre deux petites reprises de rire.

"Ce n’est pas une blague, il est en dehors du village ! J’espère qu’avec le temps il sera en mesure de me faire plus confiance. Je pourrais allez plus loin pour chasser. Là où personne ne va." Dis-je tout simplement.

"Tu es vraiment sérieux ?" S’étonne l’ancienne qui se doit de voir de ses propres yeux à l’extérieur. Elle revient quelques instants plus tard. "Ehök fils d’Ehöl et dompteur de grands-bois ! J’aurais jeté des pierres à toute personne qui m’aurait dit une chose aussi absurde et pourtant ! Qu’est-ce qui te fais agir de la sorte ? Ce n’est pas dans tes habitudes."

Je regarde Grand’Ma dans les yeux, avant de les porter devant moi, me rappelant moi-même pourquoi je fais toutes ces choses.

"Le Torkensën ! J’ai juré sur mon sang que je participerai au rituel pour devenir le Yarl du village et il me faut plusieurs faits d’armes avant. J’ai passé trop de temps à cueillir au lieu de chasser et me battre, pour que les guerriers du village me voient comme un prétendant légitime !"

"Je vois ! Dans ce cas, si tu parviens à dompter cet animal, tu es sur la bonne voie Ehök." Dit-elle en s’installant face à moi, cherchant mon regard.

"Non ce n’est pas assez ! Je ne dois pas être le seul. En dotant la tribu de plusieurs rennes, nous aurions ainsi une capacité de mouvement accrue ! Cependant, il me reste tant à faire jusqu’à ce moment." Fais-je presque résigner devant la tâche qui m’incombe.

"Tu penses déjà comme un chef Ehök. Ton père serait fier de toi. Que comptes-tu faire à présent de tout ce que tu as ramassé ?" Change-t-elle de sujet.

"Je crois savoir qu’il y a un des nôtres qui a installé une forge aux pieds des montagnes du sud, de l’autre côté du croc de Fenris. Un jour je vais casser ma lance et je n’ai pas envie de m’essayer à transpercer un ours de ma simple main !"

Lentement, mes yeux se ferment, jusqu’à ce qu’un évènement inattendu surgisse. Pire qu’une tempête de neige emportant tout sur son passage, ma jeune nièce Gärähm arrive en hurlant.

"Ehök ! Ehök ! C’est vrai ce qu’on dit ? C’est toi qui as attiré un renne jusqu’ici ?" Sautille-t-elle en secouant tout mon corps endolori.

Ne voulant pas briser cette joie en grognant concernant les blessures qu’elle s’efforce de rouvrir, en me secouant comme un arbre pour récolter les fruits, je pose simplement une main sur sa tête pour la calmer, comme je le fais toujours.

"En effet !"

"Je peux aller le voir ?" Vient-elle finalement au but.

"Non !" Fais-je tout simplement, avant de lui en expliquer la raison. "C’est un animal sauvage, tu vas lui faire peur à être excitée comme cela et j’aurais fait tout ça en vain !"

Ma remarque provoque un grand chagrin à la jeune fille et j’ai droit au regard réprobateur de Grand’Ma.

"Mais demain, tu pourrais aller lui donner à manger avec moi ! Qu’en dis…"

"Ho ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !" Hurle ma jeune nièce qui me saute au cou.

"Pas si fort ! Tu cries plus qu’un moutarie !" Dis-je en me plaignant faussement. "Bon, en même temps, je risque de très mal dormir le ventre vide."

"Je vais préparer ça !" Cris de joie la jeune fille qui sort de la yourte.

Je profite de cet instant de calme pour reprendre ma conversation avec Grand’Ma.

"Concernant cet onguent, tu pourrais m’en refaire ?"

"Avec le grimoire de la Yarl Ehärik et les bonnes herbes, oui. T’en faire ? Hors de question." Lâche brutalement l’ancienne.

"Pardon ?" Fais-je surpris.

"Rappels-toi ce que disait ton père. Si tu veux aider quelqu’un qui a faim, ne lui donne pas à manger…" Répond-elle jusqu’à ce que je la coupe.

"…apprend-lui à chasser !"

Elle s’assied près de moi et le grimoire ouvert, me parle des plantes nécessaires à la réalisation de l’onguent.

"La plupart des plantes sont assez simples à trouver et se cueillent facilement. Il y en a cependant une qui est plus complexe et d’où provient l’essence même du pouvoir curatif." Elle présente une illustration à la main d’une plante, particulièrement bien réussite. "Cette plante est rare car très sensible ! Ses pétales sont rigides comme la glace et pourtant d’une incroyable finesse. On les trouve loin de toute végétation, à l’abri du vent, dans les espaces les plus froids. Ceci, est un pistil !" me désigne-t-elle du doigt les fines branches au centre de la fleur. "Les cueillir n’est en soit pas compliqué, car il suffit de les recueillir ces petites tiges. Cependant, si tu touches les pétales, ou ne serais-ce que les effleurer, la fleur se brisera et se fanera." Elle se relève et poursuit en cherchant quelque chose. "Je vais te préparer de quoi garder ces pistils à l’abri. Une fois que tu auras tout ramené, nous nous attaquerons à la confection de l’onguent."

IV.2 Rapprochements.
Modifié en dernier par Ehök le jeu. 18 nov. 2021 16:11, modifié 1 fois.

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Re: Le Hameau de Gròòth Vallhü

Message par Ehök » jeu. 18 nov. 2021 15:49

IV.1 Retour à la maison.
IV.2 Rapprochements


La soirée dans la yourte avec les miens est très agréable. J’oublie l’espace d’une nuit les tracas qui m’assaillent. Alors que les femmes sont endormies, je profite de ce moment pour aller m’inquiéter de l’état du renne, avec une outre d’eau. Il ne me faut pas longtemps pour le voir, un peu éloigné du village, endormi. Son corps se mouvant au rythme de sa respiration.

(Au moins, il est encore en vie et personne ne s’en est pris à lui.)

Ma présence et mes pas lourds, finissent par réveiller l’animal qui tourne la tête vers moi. Nous nous regardons l’un l’autre et il finit par s’approcher de moi après un bref moment. Je tends la main à son approche et lui caresse la tête lorsqu’il est à portée. Je lui propose de l’eau et fait couler un petit filet liquide pour qu’il vienne étancher sa soif.

"Désolé, je n’ai rien à te donner à manger. On n’est pas équipé pour un hôte comme toi !" Lui dis-je en continuant de le caresser.

Je m’inquiète ensuite de ses blessures, mais la réalisation que j’ai faite sur lui semble tenir bon. Cela me rassure, j’y ai tout de même passé la quasi-totalité de mon onguent, j’aurais été déçu si cela n’avait pas tenu. Une fois l’outre vide, je reste quelques instants supplémentaires, avant de finalement retourner dormir. Je compte faire un long voyage en sa compagnie bientôt.

Le lendemain matin, Gärähm semble particulièrement matinale. Débordant d’une énergie surprenante, j’ai à peine le temps d’ouvrir les yeux qu’un repas m’est déjà servi. Taquinant la jeune fille en prenant mon temps pour me réveiller, elle me pousse hors de la yourte pour aller l’emmener voir le renne. Celui-ci nous attend et recule un peu en nous voyant approcher ensemble. Je pose une main sur l’épaule de la jeune fille et lui parle tout bas.

"Reste ici !"

Je me rapproche lentement du renne, main tendue en avant comme la veille et attend une réponse de l’animal. Il accepte finalement de faire un pas vers moi, puis un autre, jusqu’à ce que finalement ma paume touche son pelage doux. Je lui caresse le museau, puis me rapproche un peu plus, pour caresser lentement le reste de sa tête, son coup, puis doucement son flanc. Maintenant qu’il me paraît plus rassurer, j’invite de la main Gärähm à venir lentement, un pas après l’autre. Le premier réflexe du renne, est de tendre le museau vers cette nouvelle inconnue. La jeune fille tend sa main comme je l’ai fait et au contact de son museau froid, elle émet un petit gloussement mignon, mais qui effraie un peu l’animal. Gärähm recommence à nouveau, mais en gardant le contrôle de ses émotions. Je lui montre comment toucher le museau, caresser lentement le visage, mais l’oblige à rester dans son champ de vision.

"Je pense que c’est assez pour une première fois." Dis-je finalement.

Elle acquiesce malgré son envie d’en faire davantage et tient ses mains dans le dos, pour réfréner son désir de le toucher encore.

(Cette enfant est bien plus mature pour son âge !)

"Retourne voir Grand’Ma, je vais m’occuper de lui et nous irons chasser et cueillir quelques herbes pour faire un onguent curatif. Prends soin de cette vielle carne pour moi veux-tu ?" Fais-je à nouveau, alors que je la vois s’éloigner.

J’attends qu’elle ne soit plus visible, avant de partir à mon tour en compagnie du renne.

IV.3 Chasse et cueillette.

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Re: Le Hameau de Gròòth Vallhü

Message par Ehök » jeu. 18 nov. 2021 15:58

IV.3 Chasse et cueillette.
IV.4 Préparation délicate.


Les provisions que j’ai apportées ont été bien accueillies au village. Ce n’est pas un ours ou un loup, comme les fois précédentes, mais on ne peut pas toujours avoir ce que l’on veut. Je présente ma récolte à Grand’Ma qui me félicite de la cueillette.

"Fenris doit veiller sur toi ! Je ne pensais pas un seul instant que tu sois en mesure de récolter autant avec tes grosses paluches !" Se moque-t-elle.

"Comme quoi, même les plus anciens peuvent être les plus sots !" Dis-je en li retournant la moquerie. "Et si tu me montrais comment créer l’onguent ?"

Le sourire aux lèvres, elle dispose un mortier et un pilon, un couteau fin, une grande pierre plate et surtout les différentes herbes pour la fabrication. En plus de celles que j’ai récupérées, Grand’Ma dépose des feuilles assez grandes, utilisées généralement pour reboucher le toit percé de nos yourtes. Ces feuilles sont communes dans la région et résistent très bien au froid.

"Bien ! Commence par prendre les grandes feuilles et coupe tout autour de la tige avec le couteau." Avec précaution, je suis les instructions de l’ancienne. "Une fois que c’est fait, coupe la base de la tige petit à petit, jusqu’à atteindre une partie plus molle." Je m’exécute et tranche de fine rondelles de tige, jusqu’à ce que je rencontre une partie molle, qui sécrète un liquide blanc.

"Parfait ! Maintenant, pose la tige sur la pierre et dispose le mortier afin d’en récupérer l’huile qui s’en échappe. Il ne te reste plus qu’à utiliser le pilon pour faire sortir toute l’huile de la tige, en roulant de la pointe jusqu’à la base et de recommencer pour toutes les feuilles !" Termine-t-elle.

"Tant que ça ?" Lui dis-je.

"Cette huile est la base de l’onguent. La fleur aux mille éclats est tellement puissante, qu’un seul pistil suffit pour l’équivalent d’une cinquantaine de tiges. Tâche de les vider chacune jusqu’à la dernière goutte." Ordonne-t-elle en allant se rasseoir.

Il me faut du temps et de la patience pour tout faire. Cependant, le résultat est tellement important, que je me concentre particulièrement pour la réalisation. Or, malgré les dizaines de tiges avec lesquelles j’ai extrait l’huile, la quantité est assez mince.

"C’est pas mal pour une première fois !" Me félicite-t-elle, avant de se lever pour chercher un autre mortier.

Celui-ci possède la même huile, mais dans une proportion ahurissante. Il a dû falloir plusieurs dizaines voir des centaines de tiges pour arriver à ce résultat-là. Je la regarde avec stupéfaction et admiration, alors qu’elle partage équitablement la quantité.

"Quoi ? Ne me regarde pas ainsi, je n’ai que ça à faire de mes journées ! Maintenant, il faut ajouter les pistils un à un. A chaque fois, tu le broies dans la mixture, tu mélanges et tu recommences avec un autre. Aller ! Ce n’est pas l’étape la plus longue, mais elle prend du temps, car il faut la réaliser avec soin."

Durant ce temps, nous parlons de nos journées, de Gärähm qui grandit, des provocations de Mahayük, du bois également que j’ai trouvé et que je compte transformer en traîneau. Cependant, pour cela il me faudra aller acheter des outils chez Orglaf, par-delà le Croc de Fenris. Elle ne dit rien à cela, mais je sens une tension en elle. Probablement dû au fait que nul dans la tribu n’est parti aussi loin depuis très longtemps. Même avec le renne, cela va me prendre plusieurs jours à revenir. Cela inclut l’absence de participation de nourriture à la tribu. Cependant, Grand’Ma cherche à me rassurer.

"Gärähm est forte. Cesse de te mettre la pression en la surprotégeant. Il est plus que temps pour elle de devenir la femme qu’elle aspire à être. Cependant, elle n’en sera pas capable tant que tu seras présent. Et toi, tu as un autre problème à gérer !"

C’est dur à admettre, mais elle a raison. J’ai fait une promesse de sang et à présent, je dois tout faire pour participer au Torkensën. En l’absence de Yarl, c’est le seul moyen dans notre tribu pour en devenir un. Or, ce n’est pas mon objectif premier, puisque c’est aussi le seul moyen de retrouver les grelots du grand Skadi, un objet sacré du village de Faërlom, dérobé par un prétendant au rituel qui n’est jamais réapparu.

"Soit !" Finis-je par admettre.

Cette simple réponse offre un sourire rayonnant, sur le visage vieilli de Grand’Ma. Un sourire que moi-même je n’avais vu depuis très longtemps.

(Cette vieille est forte, elle sera en mesure de protéger Gärähm, j’en suis persuadé !)

Nous terminons chacun la mixture finale et le résultat me semble identique à ce que m’a donné la Yarl de Faërlom, que ce soit dans sa consistance ou à l’odeur qu’elle dégage. Je rassemble le tout dans la sacoche de remède, désormais pleine à ras-bord. Il est temps enfin de ranger et de dormir, mais avant, Grand’Ma retient mon attention.

"J’ai conscience de ce que peut t’apporter ce renne, mais n’oublie pas tes obligations. Cet onguent est très précieux, ne le gaspille pas sur un simple animal qui ne fera rien pour Gärähm !"

Je hoche la tête pour lui signifier que j’ai reçu le message. La première fois, je l’ai principalement utilisé pour sauver la vie du renne, alors que j’avais moi-même été blessé. Avec cela en tête, je ferme les yeux pour un repos bien mérité.

IV.5 Chasse et entraînement.

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Re: Le Hameau de Gròòth Vallhü

Message par Ehök » dim. 5 déc. 2021 14:45

IV.9 Monstres de glace.
V.1 Une invitée pleine de mystères.


Malheureusement, encore une fois, le renne n’accepte pas de continuer le chemin avec moi. Je dois m’y prendre mal. Il y a certainement une chose qui manque, reste à savoir quoi. Je me saisis de mon sac et entreprends de lui donner une partie de ce que j’ai cueilli pour lui, afin qu’il est de quoi se nourrir pour la soirée.

Je déleste le reste de mes affaires, ainsi que le lourd bagage humain. Mes blessures glacées me gênent terriblement pour soulever le corps jusqu’au village. Je grince des dents pour parvenir jusqu’à ma yourte, où de nombreux membres de la tribu me voient arriver et rentrer chez moi. A l’intérieur, Grand’Ma et Gärähm voient arriver avec un colis des plus étrange.

"Qu’est-ce que tu nous apportes-là ?" Demande l’ancienne.

"J’ai trouvé ce Fenris, pourchassé pas loin d’ici par deux créatures. Je l’ai emmené pour savoir s’il avait attiré d’autres de ces…ces choses immondes !" Dis-je, en cherchant de quoi me réchauffer après ces blessures.

"Quelles choses ?" S’inquiète la jeune fille, alors que Grand’Ma s’occupe de l’inconnu.

"Je ne sais pas, mais ça frappait bizarrement. Au lieu d’avoir des blessures, j’ai été…comme gelé de l’intérieur. En plus de ça, elles ont eu recours à la sorcellerie !" Dis-je en crachant à ces derniers mots, comme pour éloigner le malheur.

"Gärähm, apporte moi d’autres peaux. Maintenant !" Grogne Grand’Ma qui s’impatiente avant de reprendre à mon attention. "Ehök !" Déclare Grand’Ma sur un ton inquiétant. "Ce n’est pas un homme et encore moins un Fenris, c’est une humaine !"

"Pardon ?" Fais-je, pensant avoir mal compris.

"Il s’agit là d’une humaine sombre idiot ! Tu vois bien que sa couleur de peau diffère de la nôtre ! Elle souffre d’une hypothermie sévère !" S’insurge Grand’Ma, avant de reprendre plus calmement. "Ces choses dont tu parles, elles ressemblaient à quoi ?"

"C’était des blocs de glace qui bougeaient. Saloperie de sorcellerie !" Fais-je en crachant à nouveau sur le sol.

Gärähm apporte plusieurs peaux de bêtes et aidée par l’ancienne, elles recouvrent l’humaine d’assez de couches pour faire suer un Fenris en quelques minutes.

"Ca m’a tout l’air d’être des élémentaires de glaces." Révèle la vieille femme.

"Des quoi ?" Dis-je un peu perdu.

"Les élémentaires de glaces, sont des créatures issues de la magie de glace. Je pense que notre invitée est passée trop près d’un endroit dédié à Briggha et qu’elle y a réveillé ces créatures !" Explique l’ancienne.

"C’est quoi ça ?" Demande Gärähm en désignant un sac.

"C’est la seule chose qu’elle transportait." Dis-je en examinant le contenu.

Je m’attends à trouver des provisions et quelques objets pour tenir dans le froid Nosvérien, mais non. A la place, il n’y a que des minerais bleu-irisé, assez joli à regarder d’ailleurs et particulièrement froid au toucher.

"Bon sang !" S’exclame Grand’Ma en venant tâter les minerais. "C’est de l'hélcéa !"

"Tu parles métal de glace ? Je croyais qu’on le trouvait difficilement ! Même pour nous ce n’est pas facile, alors comment une humaine a pu mettre la main dessus ?"

"Probablement, là où elle a trouvé aussi les élémentaires !"

"On risque de revoir ces choses à nouveau pour venir la chercher ?" Fais-je, inquiet de voir déferler une horde de ces monstres.

"J’en doute, mais rien n’est moins sûr. L’important est de savoir si elle les a trouvés à l’autel, ou si ce n’était qu’une étape sur son chemin. Ainsi, nous saurons à quoi nous attendre !" Déclare l'ancienne.

"Alors réveillons-là !" Dis-je tout simplement.

"On ne peut pas idiot ! Elle n’est clairement pas en état, il faut d’abord s’occuper d’elle et espérer qu’elle survive ! Gärähm prépare un bouillon pour Ehök. Ce genre de blessure ne va pas guérir avec les remèdes traditionnels !" Ordonne Grand'Ma.

V.2 Survivre dans le Nosvéris a un prix.
Modifié en dernier par Ehök le dim. 5 déc. 2021 14:51, modifié 1 fois.

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Ehök
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Re: Le Hameau de Gròòth Vallhü

Message par Ehök » dim. 5 déc. 2021 14:50

V.1 Une invitée pleine de mystères.
V.2 Survivre dans le Nosvéris a un prix.


Le lendemain, l’état de la femme ne s’est pas amélioré. Des sueurs ne cessent d’apparaître, signe que son corps lutte pour survivre, mais Grand’Ma perçoit une faiblesse du corps trop importante. La source, son bras droit particulièrement atteint par les élémentaires de glaces. Ces choses sont certainement parvenues à la toucher à un moment ou à un autre. Contrairement à elle, mon corps est plus résistant au froid et bien que mes blessures soient moins graves, ce n’est qu’une question de temps avant que je ne retrouve ma totale liberté de mouvement. Pour le moment, il faut trouver une solution pour le bras gelé.

"Je crois qu’on a plus le choix." Elle me regarde ainsi que Gärähm avec des yeux déterminés. "Il faut couper le bras !"

L’annonce fait l’effet d’un drame pour Gärähm, mais m’indiffère complètement. Certes, la perte d’un membre est grave dans ces montagnes, mais c’est toujours préférable à perdre la vie. Je retourne à l’extérieur où je fais un feu et y passe la lame de ma hache pour la faire rougir et empêcher d’aggraver son cas. Une fois de retour à l’intérieur, Grand’Ma s’est occupée à la préparation de l’opération. Du linge propre, le bras bien en évidence avec une sangle pour retenir le flot de sang et une lanière de cuir que l’ancienne dispose dans la bouche de l’humaine.

"Gärähm, tiens-lui fermement les jambes, ça va secouer !" Elle me jette un regard gorgé de doute et de résignation. "Ehök, quand tu veux !"

Il n’y a aucune raison d’attendre. Alors que l’ancienne repose tout son poids sur la poitrine de la femme, j’arme la hache et l’abats d’un coup sec, sectionnant d’un coup le membre. Je laisse la lame cautériser la plaie et réveille par là même la malheureuse. Elle a tout juste le temps de hurler jusqu’à ce que ses poumons se vident, malmenant les deux femmes qui la tiennent aussi fort que possible, avant de retomber dans l’inconscience. Avec une grande dextérité, Grand’Ma s’occupe du bras et use de tout son savoir pour sauver l’étrangère. Quant à moi, il me faut aller voir les curieux à l’entrée de la yourte.

Dehors, Aïyak le tanneur me regarde avec une certaine inquiétude. Il est accompagné d’un froid mordant, plus agressif ces derniers jours.

"Ehök ? Il y a…un problème ?"

Je regarde Aïyak, une des rares personnes en qui j’éprouve respect et confiance. Si la présence d’un corps emporté dans ma yourte, sans expliquer quoi que ce soit, a simplement piqué la curiosité, le hurlement à susciter la crainte.

"Rien de grave en soi ! J’ai trouvé quelqu’un dans mes monts. Elle était pourchassée par deux créatures, semblables à des élémentaires de glaces. On essaye de lui sauver la vie pour savoir si la tribu doit craindre de voir ces choses apparaître dans les environs."

"Elle ? Tu sais de quelle tribu elle vient ?" Demande-t-il inquiet.

"Aucune, c’est une humaine. Raison de plus de savoir ce qu’elle fout ici. Elle n’est pas à sa place chez nous !" Fais-je sans ressentir la moindre émotion dans mes propos.

"Je vois. On peut faire quelque chose pour vous aider ? Des fourrures en plus peut-être, il paraît que les humains supportent moins le froid que nous." Propose-t-il.

Avant de répondre, un souffle glaçant nous saisit tout les deux et s’ensuit une rafale de neige, criblant le peu de chaleur que nous ressentons.

"Non, il fait de plus en plus froid. Garde tes peaux pour tes petits. On la garde en vie pour le bien de la tribu, pas pour nous mettre en danger ! Grand’Ma fait de son mieux. Il ne nous reste plus qu’à prier Fenris !"

"Entendu." Répond le tanneur. "Si jamais tu as besoin, fais-moi signe."

"Merci à toi, Aïyak !" Dis-je en clôturant la conversation et retournant dans la yourte.

V.3 Chasseur chassé.

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