La Plaine Gelée

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Yuimen
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La Plaine Gelée

Message par Yuimen » jeu. 30 août 2018 10:38

La Plaine gelée

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La Plaine gelée, la région la plus septentrionale connue de tout Yuimen, est une vaste étendue de glace coincée entre les montagnes et la mer. Aucun peuple connu ne vit dans ce désert de glace où seuls parviennent à pousser les flocons divins et les hisalans. Ces plantes sont la seule source de nourriture des chameau-béliers qui constituent, avec les colonies de moutaries peuplant les côtes, la nourriture des rares prédateurs locaux, qu'il s'agisse d'hypogriffes ou de flérustres. Comme personne ne s'aventure si loin au Nord de Nosvéris, y compris les phalanges de Fenris qui restent dans les Monts Éternels, les légendes les plus invraisemblables courent sur cette région désertique du monde, mais nul n'en est jamais revenu pour confirmer ou infirmer leur existence. Bien que ces terres soient parmi les plus hostiles du monde, il n'est pas exclus que vous y croisiez, avec de la chance, un autre aventurier qui, comme vous, n'avait (littéralement) pas froid aux yeux à son départ mais le regrettant amèrement maintenant qu'il est perdu dans ces terres dont la glace ne fond jamais.

Lieux particuliers au sein de la Plaine gelée:

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Ehök
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Re: La Plaine Gelée

Message par Ehök » dim. 5 déc. 2021 14:53

V.2 Survivre dans le Nosvéris a un prix.
V.3 Chasseur chassé.


Avec du repos, mes blessures ont fini par guérir. Ce qui n’est pas le cas de l’humaine qui est chez nous. Grand’Ma use de tout son savoir pour lui venir en aide et la nourri avec des bouillons qu’elle place dans la bouche de la femme, par petite portion.

Dans les Monts Eternels, le temps se gâte. Une tempête atteint notre hameau et provoque un froid particulièrement mordant pour la saison. L’essentiel de nos fourrures couvrent notre yourte, ainsi que la patiente de Grand’Ma. Si le froid continue à s’accroître, nous allons également commencer à en souffrir. Il nous faut donc obtenir de nouvelles fourrures dans les prochains jours. C’est pour cette raison, que j’ai quitté mon petit village, pour me rendre dans les Plaines Gelées. En ce lieu, réside une créature qui pourrait résoudre nos problèmes par sa simple fourrure : le moutarie. Bien qu’il s’agit d’une créature marine, on retrouve cette espèce sous le sol glacé des Plaine Gelées.

Je m’approche du renne que je tente de d’apprivoiser, pour lui donner à manger, mais lorsqu’ensuite, j’esquisse le geste pour monter sur son dos, celui-ci s’éloigne d’un pas. J’ai beau retenter à plusieurs reprises, il n’a de cesse de m’empêcher de le monter.

"Que t’arrive-t-il ? C’est parce que j’ai passé trop de temps sans m‘occuper de toi ?" Lui dis-je.

Evidemment, il ne me répond pas, le contraire m’aurait étonné. J’ai beau l’amadouer avec de la nourriture, rien n’y fait. Tant pis, je me résigne donc à faire le trajet à pied, suivis de près par l’animal. Finalement, après un long chemin où la neige a été particulièrement dense, nous arrivons sur le sol froid et particulièrement dure des Plaines Gelées. Il faut particulièrement faire attention ici. Bien que le sol soit aussi solide que la glace, il arrive qu’à certains endroits, le sol soit plus fragile et cède sous un poids trop conséquent. C’est donc avec prudence, l’arme à la main, que je regarde où je marche et la raison pour laquelle je n’ai pas vu le danger venir.

J’ai pourtant eu bon nombre d’avertissements à ce sujet, mais face à la réalité, les choses sont bien différentes. Dans un premier temps, c’est le renne qui sent le danger avant moi, puis une légère ombre où je me trouve, avant de me retourner et de voir un monstre fondre sur moi. Je n’ai que le temps d’éloigner le renne, que la créature s’abat de tout son poids sur moi. Nous glissons ensemble sur la fine couche de neige qui recouvre la glace. J’ai l’instinct de placer le manche de ma lance face à moi, la plaçant dans la gueule pleine de crocs, d’un monstre féroce. Dans mon malheur, la créature a posé une de ses pattes sur ma jambe et m’empêche ainsi de faire le moindre mouvement. Alors que ses crocs forcent ma faible défense, je cherche un moyen de m’extraire de son emprise. Cependant, pour la première fois de ma vie, je ne vois pas comment je pourrais survivre à ça !

Le sol gelé craque sous le poids et la force que le barioth exerce sur moi. J’ai beau chercher une solution, cette bête m’empêche de fuir et moi, je l’empêche de me dévorer. Un rapport de force qui m’est clairement défavorable. Si dans ma chance, le manche dans sa gueule parvient à lui tenir tête, ses nombreux rugissements bestiaux lui font recracher malgré lui, des restes de son dernier repas. Un relent odorant particulièrement immonde et quelques morceaux pas complètement digérés, semblent être ma seule compagnie avant de rejoindre le royaume des braves. Du moins, c'est ce que je crois jusqu’à ce que quelque chose vienne percuter la bête.

"Allez vient ! Vient saloperie !" Crie une voix féminine.

(Gärähm ? Non impossible, Grand’ma ne l’aurait jamais laissé me suivre.)

La bête doit penser que je ne suis pas un danger pour sa vie, contrairement à la personne qui lui a lancé le projectile. Gêné par ma lance dans la gueule, il tourne sa tête en direction de la nouvelle menace, rugissant de colère contre la personne venue le déranger pendant son repas. De ma position, je ne vois pas grand-chose de la scène, mais à nouveau, la voix s’élève et m’intime à m’échapper. La force qui m’oppresse au sol fini par disparaître, lorsque la créature se tourne complètement vers son nouvel ennemi, et cela me répugne à le dire, mon sauveur.

(Parfait ! C’est ma chance…ha merde !)

Loin de vouloir me laisser filer, la queue du monstre suit le reste du corps, entaillant le sol glacé de trois pics acérés. Traçant un sillage morbide jusqu’à moi, je n’ai que le temps de placer le manche de ma lance sur la trajectoire. Cependant, la puissance du monstre est telle, que ma garde fait pâle figure face à lui. Le manche est repoussé jusqu’à moi, pressant mon bras contre mon corps. Deux de ses trois pics m’atteignent, dont un gravement. La blessure dangereusement inquiétante, le choc est rude, assez pour me faire glisser de quelques mètres sur la glace. Me relevant péniblement, je vois clairement mon adversaire, un barioth et jeune en plus de cela. Face à lui, se dresse une phalange, armée d’une longue épée grise dans une main et une griffe de métal dans l’autre. Je suis touché dans mon égo, car un détail chez cette phalange attire mon regard. Je la fixe comme l’est un fou, face à la lune dans une nuit au ciel dégagé, la contemplant à s'en brûler les yeux.

(J’y crois pas ! C’est une gamine !)

Aussi jeune qu’elle puisse être, la jeune phalange n’en est pas moins une guerrière émérite, esquivant et frappant le barioth de sa lame. Ses coups et ses mouvements sont précis, bien plus que le guerrier que je suis, je dois le reconnaître. Pourtant, loin d’envier la fougue de sa jeunesse, mon orgueil rugit en moi. Le monstre me présent son dos. Véritable humiliation, que d’être relégué à une proie inoffensive. Saisissant ma hache, je canalise mon énergie pour la lancer son notre adversaire. L’arme file droit sur sa cible, le tranchant atteint sa peau et la percute en un « Chtoung ! » sur son épais dos cuirassé.

Mon échec nourrit ma colère et c’est ma lance en main que je me précipite vers de la bête. Alors que le combat fait rage entre la jeune phalange et le barioth, je me rapproche évitant de justesse sa queue perforante. Je m’apprête à asséner un coup, que son membre arrière revient de plus belle, balayant tout le champ arrière et moi avec, au niveau de la tête. Je me presse de brandir le manche de ma lance pour y résister, mais trop lent, je manque de force et reçois mon propre manche sur la tête, me faisant reculer sous l’impact.

Le choc est rude et ma vue devient trouble. Quelque chose de chaud coule sur mon visage. L’odeur du sang et sa présence sur ma main, lorsque je la porte à mon visage, me le confirme. En lui-même, je ne risque pas de succomber au coup, mais j’aurais un bon mal de crâne rapidement. Du moins si j’arrive à rester en vie et pour cela, nous devons triompher de ce monstre. Je ne suis pas de taille face au Barioth, même avec une vue qui commence à revenir à la normale, mais ce n’est pas le cas de la lutte vaillante de ma consœur aux yeux noirs.

(Hein ?)

Peu de temps après, une force sombre semble atteindre le monstre. Je crois que ce coup a été plus important que je ne le pensais. Ne voulant pas être un simple spectateur, attendant de connaître la fin du combat pour déterminer mon propre sort, je retourne vers mon adversaire, non, notre adversaire. Qu’importe si je ne démontre pas mes talents de guerriers, j’offrirais une opportunité de tuer. L’arme en main, j’affronte l’arrière du monstre pour une nouvelle fois. Sa queue balaye encore le champ qui se trouve en arrière, empêchant tout ennemi de lui porter un coup. Or, ce n’est pas mon but.

Guettant l’extrémité pointue de sa queue, je la bloque, le manche de mon arme entre deux des trois piques. Complètement inutile, je laisse ma lance tomber au sol et m’agrippe par deux de ces pointes. Je pensais immobiliser le Barioth ainsi, c’était sans compter sur sa force prodigieuse. Je me fais repousser, jusqu’à perdre l’équilibre et tomber sur le sol gelé. La douleur à mon bras est particulièrement intense, mais tant que j’ai mal, c’est que je suis encore en vie. Glissant sur le sol, je suis envoyé de gauche à droite, comme une vulgaire saloperie qui s’accroche au balai. Ces allées et venues, me font perdre toute notion du vrai combat qui se déroule et la douleur à mon bras me lance terriblement. Pourtant, je tiens bon, car même si je suis malmené, la créature semble faiblir. L’intensité des va-et-vient diminue, jusqu’à ce que finalement, ne monstre repose inerte sur le sol, après avoir rendu son dernier soupir.

Je finis par lâcher ma prise pour me relever à moitié, respirant à grand coup sur les genoux et les mains sur la glace, regardant le sol se teinter de mon propre sang.

"Il ne t'a pas raté, mais ça aurait pu être pire. Il faut croire que Fenris était avec toi en ce jour." Me lance la gamine.

Je tourne la tête dans sa direction, contemplant la jeune femme, visiblement moins blessée que moi. Je viens agripper le manche de mon arme, mais pas pour m’en servir contre elle, simplement m’aider à me relever. Mes forces ont été sapées dans cette seule intervention. Respirant à grands coups, je finis par lui répondre.

"J’aurais pu mourir fièrement en guerrier si tu n’étais pas intervenue. Mais, des êtres comptes sur moi. Alors tu as toute ma gratitude !" Dis-je in inclinant respectueusement le tête. "Fenris a certainement guidé tes pas jusqu’à moi. Je me nomme Ehök fils d’Ehöl. A qui dois-je la vie ?"

La jeune femme déclare que Fenris l’a guidé sur les traces du barioth, la menant à moi, après trois jours de traque. La voir de si près me fait sentir, ni bien ni mal, seulement… Elle est belle, sans conteste. Plus petite que moi d’une large tête. Pourtant, ce n’est pas sa beauté qui m’oblige à la fixer plus intensément que je ne le devrais. C’est juste… J’aurais tellement voulu que ma fille lui ressemble, une fière et farouche guerrière. L’espace d’un instant, j’espère qu’elle m’annonce qu’elle est en réalité ma fille, sortie du royaume des valeureux par Fenris lui-même. Cependant, elle se présente sous le nom d’Oryash, brisant un maigre espoir naissant, même si l'âge ne correspond absolument pas. Consolidant l’impression que je divague, je crois même avoir vu d’étranges volutes violettes.

(Il faut vraiment que je soigne cette blessure à la tête !)

En me frottant le visage de la main gauche, je me rappelle de cette blessure qui me lance un peu plus.

"Sale coup à la tête et ton bras, ce n'est guère mieux. Tu as de quoi te soigner ? Bandages, potions ou qui sait, peut-être que ton clan n'est pas loin d'ici." Dit-elle en pointant mes blessures du doigt.

Elle a raison et rien que le sang sur mon manteau risque de m’attirer des prédateurs. Il faudra que je prenne le temps de le laver avant de quitter la plaine gelée. Je tourne ma lance pour planter la lame dans le sol, puis défais mon manteau et mes autres couches en laissant apparent mes divers tatouages, pour prendre le temps d’examiner cette plaie. Le résultat n’est pas beau à voir.

"Gròòth Vallhü est à plusieurs jours de marche d’ici. J’ai un onguent curatif, mais il lui faudra du temps pour guérir une telle blessure et du temps, je n’en ai pas. Je vais devoir chasser le moutarie ainsi !" Lui dis-je un peu fataliste. "Tu t’es battu avec fougue et honneur. Cette prise est tienne ! Que Fenris continue de guider ta lame, comme aujourd’hui."

A ces mots, je commence à rassembler mes affaires pour la laisser avec sa proie et entreprends de me soigner, à commencer par cette blessure à la tête. Finalement, je lui tends la sacoche d'onguent.

"Tiens, si tu as été blessée, je te dois au moins cela !"

Ne souhaitant pas prendre mon onguent, la jeune femme me rétorque que pour une blessure comme la mienne, c’est d’une potion qu’il me faut pour continuer ma chasse et m’en propose une. Puis elle me propose de prélever la viande pour nourrir les miens, à défaut de pouvoir emporter le corps du barioth à Gròòth Vallhü. D’ailleurs, elle croit se rappeler que c’est là-bas, que ses services ont été loués.

"C'est un lieu sans chef, c'est ça ?" Termine-t-elle, portant une main à sa ceinture.

"Oui, on dirait bien chez moi. Un barioth aurait rôdé près du village ? J’aurais dû en entendre parler !" Fais-je presque à moi-même.

Elle me tend finalement une gourde, prétextant que malgré le goût amer, ma blessure serait moins grave avec la potion à l’intérieur. L’idée est assez étrange. Un simple liquide serait en mesure de soigner une blessure aussi grave ? Pourtant, la jeune guerrière paraît sûre d’elle. Si son souhait était de m’empoisonner, elle aurait très bien pu attendre que le barioth me laisse aux portes de la mort. Ha moins qu’elle ne me veuille vivant ?

(Ha bon sang, elle m’a sauvé la vie, pourquoi douter d’elle ? De plus, qui chez les phalanges oserait utiliser des moyens aussi déshonorables ? La Yarl Ehärik m'a affirmé que Gärähm avait été sciemment empoisonnée, mais nul n'a fait mention d'Oryash à cette période !)

J’ouvre le goulot pour y respirer une odeur peu alléchante. Suivant son conseil, je la bois avant de sentir que ma blessure se referme d’elle-même. Là où se trouvait une blessure ouverte et sanglante, il n’y a plus qu’une entaille sans gravité. Un peu d’onguent dissipera rapidement la blessure. Pourtant, loin d’être reconnaissant envers Oryash, ma méfiance est piquée au vif. J’empoigne ma lance et la dégage de la glace.

"Mais comment ? Quelle sorcellerie as-tu utilisée sur moi ?" Fais-je mauvais et méfiant, sans pour autant orienter la lame dans la direction de la jeune phalange.


*********


Bien entendu, face à la menace ouverte que j’exerce, la jeune guerrière recule de trois pas. Elle fixe ma lance avec une grande méfiance, guettant comme un animal sauvage mes moindres faits et gestes.


"On en trouve dans des boutiques tenues par des mages ou à la vente sous le manteau. Mais j'imagine que tu ne connais rien d'autre que ton village ! " Déclare-t-elle.

(C’est quoi ça un mage ? Et pourquoi vendre sous le manteau ? Pour y garder au chaud, ou pour éviter les vols peut-être ? Je n’ai peut-être pas vu grand-chose en dehors de Gròòth Vallhü, mais guérir une telle blessure... n’est-ce pas juste de la sorcellerie ? Aucun onguent de Grand’Ma n’est aussi efficace, mais peut-être ne sait-elle pas tout. Je n’aurais qu’à lui en parler.)

Finalement, je ramène ma lance le long de mon corps. Je ne sens aucun effet néfaste et je ne vais pas me plaindre d’une blessure guérie, sans en savoir plus. Diminuant ma méfiance, je vais pour le moment me fier aux paroles de celle qui m’a sauvé.

"Tu as raison. Je n’ai été qu’une fois au sud des montagnes, pourtant, j’ai connaissance de créatures à la peau verte. Des êtres dangereux. Je ne compte pas me rendre ailleurs, car cette terre gelée est notre domaine et enfermés entre les pics montagneux nous ne craignons rien. Nul ne peut nous atteindre dans un tel froid !"

Je regarde Oryash sans dire un mot, du moins, jusqu’à ce qu’un bruit un peu plus loin me rappelle la présence du renne. Celui-ci s’est enfuit à l’attaque du barioth et n’ose pas venir avec la présence de la phalange.

"Peuh, froussard !" Fais-je dans sa direction, sachant qu’il ne peut m’entendre où il se trouve. Puis je rapporte mon attention sur la jeune guerrière. "Sorcellerie ou pas, j’en connaîtrais la vérité à mon retour. Pour l’heure, j’ai une chasse à reprendre. Tu m’as été d’un grand secours, tu peux te joindre à moi si tu le désir. Si effectivement tu te dois de rentrer à Gròòth Vallhü, fais quémander Grand’Ma, elle t’offrira une couche et de quoi te restaurer, sauf si tu as peur d’une tribu sans chef."


V. 4 La chasse au Moutarie.
Modifié en dernier par Ehök le dim. 25 mai 2025 17:12, modifié 8 fois.

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Oryash
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Re: La Plaine Gelée

Message par Oryash » sam. 11 déc. 2021 10:14

Précédemment: Le retour d'une peau blanche.


Oryash remontait la piste du barioth qui lui-même poursuivait de nouvelles proies. Allez donc savoir pourquoi, elle hâtait le pas. Craignait-elle de voir le produit de sa traque lui échapper sous l'arme d'un chasseur ? Il ne lui restait plus que quelques mètres à parcourir avant de déboucher sur la plaine gelée.
Quel n'était pas son étonnement de découvrir un homme sous les pattes de la créature. Il luttait tant bien que mal, tentant de repousser la gueule de l'animal à l'aide de sa lance. Dos au sol, bloqué par le corps du barioth, il se trouvait dans une fâcheuse posture. Il lui était impossible de se dégager.
C'est alors qu'elle remarquait un bout de peau blanche, semblable à la sienne. Un Phalange de Fenris ! Par Yuia ! Comment s'était-il fait avoir de la sorte dans un tel espace ? Il devait être un chasseur expérimenté. Était-il donc stupide à ce point pour avoir relâché sa vigilance ?

Elle hésitait quelques secondes. Le laisser à son triste sort et s'occuper de l'animal par la suite ou bien l'aider ? Elle pestait intérieurement et ramassait un morceau de glace assez gros pour faire mal. Elle s'approchait davantage et lançait son projectile sur la créature, attirant son attention. Une rafale venait ôter sa capuche révélant un visage féminin au regard rubis.  Elle se munissait de ses armes, prête à en découdre.

"Allez vient ! Vient saloperie !

Le barioth se détournait de sa proie initiale pour se focaliser sur Oryash vers laquelle il se dirigeait rapidement en poussant un cri sinistre. Sa queue ondulait derrière lui. Elle ne s'était pas trompée, c'était un jeune de belle taille. Au bas mot, il devait mesurer un bon mètre. Elle se campait en posture de combat et tandis que la créature se ruait vers elle, elle criait à l'intention du Phalange.

"Dégage de là !"

Au même moment le monstre balançait sa queue en avant afin de transpercer Oryash. Elle l'esquivait de justesse et en profitait pour asséner un coup de griffes sur le flan du barioth, lui entaillant le cuir. La blessure semblait bénigne, mais c'était sans compter sur le savoir d'Oryash en la matière. Elle savait exactement ou frapper pour
provoquer un maximum de douleur. Furieux, les yeux du barioth viraient au rouge signe qu'il était entré dans une colère noire. Les choses allaient se corser.

**********

Sur la plaine gelée, le monstre grognait. Sa queue fouettait l'air, ses yeux rouges sondaient sa future proie, Oryash. La tête inclinée, elle pointait ses oreilles en arrière, sa gueule ouverte dévoilant des crocs aussi longs et épais que des doigts. Le corps de la créature était recouvert d'écailles à l’exception de son ventre tapissé d'une peau plus fine et lustrée sous laquelle se tendaient des muscles noueux. Si ses ailes ne lui permettait pas de voler, elle l'aidait à changer de direction en plein saut, ce qui en faisait un adversaire redoutable.
A présent qu'Oryash l'avait blessé, la créature n'avait plus qu'une seule idée en tête, déchiqueter cette insignifiante créature, bipède. Quiconque se trouvant devant une telle bête en aurait hurlé de terreur, mais pas un Phalange de Fenris. Depuis la nuit des temps ce peuple arpentait les monts éternels et en connaissait tous les dangers, enfin sauf un visiblement.
Elle jetait un coup d’œil rapide à l'homme qui quelques minutes plus tôt était aux prises avec l'animal. S'il était encore en vie, le monstre l'avait tout de même salement amoché et Oryash ne pourrait donc pas compter sur lui, pour l'aider dans sa tache. Au fond de ses yeux, une détermination farouche celle de tuer cet animal.
Une danse macabre s'engageait ainsi entre la belle et la bête. Le monstre frappait une seconde fois de la queue. D'un mouvement de rotation, la belle entaillait le collet du barioth d'un coup d'épée. Elle eut juste le temps de voir un autre coup venir. D'un large mouvement d'épée, elle repoussait avec fureur la patte griffues de l'animal diriger contre elle.  Elle  profitait de son élan pour frapper la gueule dentée de l'animal qui bondissait en arrière, surpris par temps de résistance de la part de sa proie.

"Tu ne m'auras pas aussi facilement ! Je ne suis pas un gibier inoffensif !"  

Voici qu'elle lui parlait à présent. Décidément cette femme était bien singulière.
La grimace se dessinant sur la large gueule du barioth faisait penser à un sourire cruel. Sans prêter plus d'attention à son premier choix, la bête hérissait de plus belle sa queue pourvue de piques. Elle frappait et s'abattait lourdement sur le sol gelé, laissant de profondes traces dans ce dernier. Une fois de plus, il venait de rater sa cible. L'animal n'eut le temps que d'entendre une fois encore le sifflement et le vrombissement léger de l'arme de la Phalange qui venait planter son épée dans son dos.  L'arme y restait planter tandis que Oryash effectuait une roulade et se relevait aussitôt.
Elle s'emparait à la hâte d'une petite fiole et en buvait le contenu. Il lui faudrait plus que ses armes pour venir à bout de cette créature, elle le savait.
Dès que le liquide se répandait en elle, une aura violacée se matérialisait peu à peu autour d'elle et ses magnifiques yeux rouges viraient au noir profond. Un rictus mauvais apparaissait à la commissure des lèvres de la Phalange avant qu'elle ne laisse exploser sa magie. Une magie obscure et destructrice… Une magie qu'une Phalange de Fenris aurait dû être dépourvue.

Le regard d'Oryash n'offrait que des iris sombres, polies et froides comme du métal, n'exprimant et ne trahissant aucunes émotions. Elle se ruait sur le barioth en criant, griffes en avant et l'attaquait d'un coup latéral et bas, déchirant la peau lisse profondément. L'animal paraît partiellement le mouvement dirigé vers le bas en vrillant le corps et tournait sa gueule de manière à mordre la jeune femme, mais ne rencontrait que les griffes d'acier. A ce moment-là, tout dépendait de la rapidité dont chacun allait faire preuve pour passer à une prise plus offensive par un changement de position. Chacun des combattants étaient prêts à porter un coup décisif.
Alors qu'elle glissait sur la glace après avoir blessé l'animal, elle lançait un sort d'obscurité qui venait frapper la créature de plein fouet. Cela ne semblait pas avoir beaucoup d'effet sur cette dernière. Pourtant, bien vite la chair du barioth commençait à se flétrir peu à peu, l'affaiblissant. C'était comme si cette magie absorbait son essence de vie. C'était le moment, il ne fallait pas hésiter et frapper vite et fort.
La Phalange courrait en direction du barioth qui ne comprenait pas vraiment ce qui lui arrivait. Si vigoureux quelques minutes auparavant le voici qui se traînait comme un animal à l'agonie.
Oryash bondissait par-dessus l'animal et arrachait son épée vigoureusement provoquant un jet de sang spectaculaire dont elle se retrouvait partiellement couverte. Elle ne voyait qu'une chose, en finir avec sa proie. Car ce n'était pas elle qui était chassée, mais bel et bien le barioth. Avec une violence inouïe, elle venait planter ses griffes sous le menton de l'aninal lui transperçant la gueule de part en part.  Elle exécutait ensuite un demi-tour brusque pour venir d'un coup latéral trancher la tête du barioth qui roulait sur le sol avant que son corps ne s'affaisse  dans un bruit sourd.
C'était fini, l'animal était mort et la Phalange campée sur ses deux jambes, haletait, un sourire macabre aux lèvres.

Après quelques minutes, l'effet de la magie se dissipait et tout redevenait normal ou presque. Elle portait alors un regard sur l'individu un peu plus loin qui avait assisté à toute la scène et s'avançait vers lui. Elle l'observait longuement avant de s'adresser à lui.

 "Il ne t'a pas raté, mais ça aurait pu être pire. Il faut croire que Fenris était avec toi en ce jour." 


*(utilisation d' 1 fiole de fluide d'obscurité (4 PM ))

**********

Le Phalange sans doute blessé dans son orgueil de mâle après avoir été surpris de la sorte par le barioth, et malgré sa blessure au bras semblait désireux de ne pas en rester là. Il comptait de toute évidence participer au combat.
Oryash n'y voyait aucun inconvénient et pensait même l'avoir mal jugé en ayant songé qu'il lui serait d'aucune utilité. Accaparée par le combat, elle ne prêtait bientôt plus aucune attention à cet homme trop occupée à esquiver et rendre coups pour coups.

Cependant, il fallait avouer que l'individu dans la trentaine ne ménageait pas ses efforts et l'énergie qu'il dépensait l'affaiblissait de plus en plus. Pourtant, comme tout Phalange, il ne renonçait pas, attaquant encore et encore, jusqu'à épuisement s'il le fallait. Sur ce point les Phalanges étaient supérieurs à beaucoup d'autres peuples et c'est pourquoi ils étaient si redoutés. Lui comme les autres ne dérogeaient pas à la règle, bien qu'il n'était pas aussi bon guerrier que Oryash. Sans doute était-il chasseur ou responsable d'un clan. Quoi qu'il en soit, elle appréciait l'aide qu'il lui apportait, bien que les premières tentatives ne furent pas très fructueuses et qu'il écopait d'une autre blessure à la tête. Décidément ce n'était vraiment pas son jour. À ce rythme-là, il allait finir par maudire les dieux de tant de malchance.

Lorsqu'elle le voyait bloquer la queue du barioth de sa lance, elle pensait que cela revêtait de la folie et plus encore quand il empoignait les piques pour tenter de l'immobiliser. L'homme était ballotté de par et d'autre comme une brindille malgré sa carrure et quoi de plus naturel quand on affronte un animal possédant une telle force. Il allait et venait sur le sol gelé, malmené encore et encore. L'intervention du Phalange permettait donc à Oryash de frapper l'animal sous le menton et de l'achever sans mal, maintenant que la magie avait fait son œuvre.

À présent que tout était terminé , elle se tenait maculée de sang devant le Phalange. Elle ne lui procurait nulle aide pour se relever. Cela aurait été un affront et l'individu devait déjà se sentir assez mal comme cela. Il se relevait difficilement et Oryash constatait alors qu'il était grand, très grand. Il devait mesurer un peu plus de deux mètres et possédait une certaine musculature. Ses cheveux étaient longs et gris et il portait plutôt bien la barbe. Sa blessure au bras laissait deviner sous la couche de vêtements un tatouage. Il affirmait tout à coup qu'il aurait pu mourir en guerrier et la remerciait de son intervention avant de s'incliner devant elle.
Oryash haussait un sourcil, surprise de recevoir des remerciements, mais plus encore par son signe de tête. Depuis quand un Phalange de Fenris s'abaissait de la sorte ? Jamais cela ne se serait produit dans la meute. Les choses avaient-elles donc tant changé sur Nosvéris et dans les monts éternels ? À moins qu'il ne soit issu d'un village ce qui changeait pas mal de chose . Ces Phalanges-là étaient plus civilisés qu'elle ne le serait jamais.
Elle haussait les épaules.

" Fenris m'a guidé jusqu'au barioth et lui jusqu'à toi. Rien de plus. Cela faisait trois jours que je traquais cette créature."

Elle fixe l'homme, raccroche ses armes à sa ceinture et secoue les mains pour en chasser les dernières volutes violacées qui s'y accrochent encore.

 "Oryash."

Elle lève une main vers le visage de l'homme et de l'index le fait pivoter sur le côté.

 "Sale coup à la tête et ton bras, ce guère mieux. Tu as de quoi te soigner ? Bandages, potions ou qui sait, peut-être que ton clan n'est pas loin d'ici."

**********

Ehök la fixait longuement et avec  intensité.  Elle savait depuis toujours qu'elle attirait les regards, mais là, il semblait que c'était autre chose. Elle ne lui posait cependant pas de question. L'homme lui signifiait que son point de chute se situait à plusieurs jours de marche et qu'il devait aussi chasser le moutarie.
Il otait ses vêtements pour contempler sa blessure au bras. Oryash constatait qu'il arborait plus d'un tatouage et qu'il était plutôt bien bâti. A vu de nez, il devait avoir une bonne quinzaine d'années de plus qu' elle. Il affirmait ne posséder qu'un onguent pour se soigner et la sauvageonne faisait une légère grimace.

   " Ce n'est pas avec des herbes que tu pourras te rétablir pour chasser le moutarie. Il te faut une potion.  Je peux t'en avancer une. Quand à ma prise, elle est beaucoup trop grosse pour moi. Au lieu de perdre la viande autant que toi et les tiens en profitiez. Sinon ça sera pour les charoniards et autres prédateurs qui rôdent par ici. Je garde les dents de sabre et la tête, ainsi j'aurai une preuve à  fournir aux villageois pour toucher ce qui m'est dû.
Quel village as-tu dis? Gròòth Vallhü ?! Il me semble bien que c'est là-bas qu'on a loué mes services.  C'est un lieu sans chef, c'est ça ? "


Elle décrochait la gourde de sa ceinture et la tendait à Ehök.

  " Boit une rasade, ça suffira à stabiliser ta blessure la plus grave. Je te préviens, c'est très amer."

* (utilisation d'une potion de soin)
**********

Quand Oryash évoquait le fait qu'elle avait été engagé pour débarrasser le hameau sans chef de la créature, Ehôk affirmait ne pas en avoir entendu parler et elle haussait les épaules.

" Un clan sans chef, c'est pas un clan. Pour le reste, voit avec les habitants du hameau. J'ai fait ce pour quoi on me paie." 

Oryash en proposant à Ehök de boire un peu du contenu de sa gourde ne s'attendait pas à ce qu'il hésite l'espace de quelques secondes. Que craignait-il ? Il finissait tout de même par accepter et buvait une gorgée de potion. Vu la tête qu'il affichait il étai clair que la saveur ne lui plaisait pas, mais après tout elle l'avait prévenu. Elle s'en amusait quelque peu.
Mais lorsque le Phalange écarquillait de grands yeux en constatant que sa blessure se refermait, se faisant plus méfiant et menaçant cela amenait un profond grognement à Oryash. Elle réagissait comme un animal sentant un danger et reculait de trois pas, gardant un œil sur la lance qu'il venait de retirer du sol. Allait-il l'attaquer alors qu'elle venait de le sauver des crocs du barioth ?
Il l'interrogeait et elle lui répondait sur la défensive, l'observant, à l'affut du moindre signe.

" On en trouve dans des boutiques tenues par des mages ou à la vente sous le manteau. Mais j'imagine que tu ne connais rien d'autre que ton village ! "

La nature sauvage d'Oryash était telle qu'elle tenait plus de l'animal que de l'humain en cet instant. Sa posture, la façon qu'elle avait de le fixer tout le laissait transparaitre.
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Ehök
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Re: La Plaine Gelée

Message par Ehök » dim. 25 mai 2025 17:11

V.3 Chasseur chassé.

V. 4 La chasse au Moutarie.



D’un commun accord, nous prenons différents chemins. Je suis soulagé de les voir partir, elle et cet étrange mystère, mais plus encore, je déplore également de ne pas avoir une guerrière de sa trempe à mes côtés. Sa présence aurait été très appréciée, mais Fenris en a décidé autrement. Je repars donc sur la route de la plaine gelée en compagnie de mon compagnon à quatre pattes. Ma blessure au bras me rappelle à son souvenir, heureusement que l’onguent de Grand’Ma est efficace et stoppe le saignement, à défaut d’être aussi efficace que la potion. Néanmoins, le trajet est ralenti par une étape cruciale dans la chasse au Moutarie : la récole d’Hisalan. Une plante prisée de ces bêtes qui a le malheur de pousser sous la neige, nécessitant un déblayage du terrain pour les découvrir. L’autre aspect problématique de ces plantes est que les Moutaries ne sont pas les seules créatures à s’en régaler. Les chameaux-béliers sont des créatures plus dangereuses encore et après mon dernier combat, je n’ai guère envie de rencontrer un autre adversaire de ce calibre. J’ai un objectif à atteindre et sa fourrure brille d’or au soleil.

Je suis parvenu à récolter de quoi attirer les Moutaries, mais au prix d’un temps considérable. La venue proche de la nuit m’impose de ne pouvoir tenter qu’une seule chasse et plus je traîne ici, plus les miens subiront la morsure du froid. Je ne peux non seulement me permettre de rentrer bredouille, mais également de perdre un temps précieux.

A présent, il me faut trouver l’espace idéal. Le Moutarie est une créature plus marine que terrestre et en ce lieu, il n’y a pas de point d’eau avant très longtemps. Si la créature apprécie cette herbe, elle ne parcourt pas un trajet interminable de l’océan jusqu’ici. Prenant le temps d’analyser la glace et privilégiant les endroits les plus fragiles, elle brise la glace d’une charge colossale, puis elle se met en chasse de ces fameuses herbes. Il me faut trouver un point où elles sont susceptibles d’émerger, déposer des herbes pour attiser leurs faims et enfin les attirer loin de là où elles sont arrivées. Hors de l’eau, elles ne disposent pas de moyen de déployer suffisamment leur force pour briser la glace, les obligeant systématiquement à emprunter le même chemin.

Je repère un endroit où la glace semble plus fine. Il est difficile de comprendre comment cela se crée. Même le savoir des anciens de générations en générations ne possède pas la connaissance. Certains parlent de poissons dévorant la glace, d’autres pensent qu’il s’agit d’éléments provenant des abysses et réchauffent la glace en remontant, des débris projetés par les volcans ou même le signe des dieux. Je disperse quelques herbes dans la zone et en sème sur le chemin du piège que je tends. Là, je dispose un tas entier d’herbe, posant un peu de neige pour que cela ne parte pas au vent. Pour le reste, j’éloigne le renne qui risque d’être pris en chasse par le Moutarie, sapant mes efforts, et prépare un tas de neige dans lequel je vais m’emmitoufler. Je me sers de mes peaux de bêtes pour me faire un tapis sur la neige et une autre pour permettre à la neige sur mon dos d’y rester. Je place mes deux peaux de bêtes, j’y mets de la neige pour tout cacher et j’ouvre mes deux peaux pour m’y engouffrer délicatement. Il ne reste plus qu’à rajouter un tas de neige devant le visage et à m’armer de patience.

J’attends. Avec patience, car c’est à la fois ma seule alliée et mon plus grand adversaire si j’en manque. Dans ma cachette réalisée rapidement, il ne fait pas chaud, même si je suis au moins prémuni du vent. Au travers du peu d’espace que j’ai pour voir, je ne perçois que la vaste étendue de glace et les nuages sombres qui donnent des allures de mort à la région, donnant aux plaines gelées l’image d’un cimetière de glace. Le temps passe. Il file comme la neige à la surface, emportée par le vent en une fine poudreuse gelée. Puis un bruit sourd retentit, réveillant soudainement mes sens. Je crois avoir perçu un autre bruit, celui d’un râle animal, mais c’est trop léger pour en être certain. Puis une sorte de pas lourd et lent se fait entendre. De plus en plus fort, de plus en plus près.

La tension en moi ne cesse de croître. J’entends une présence, mais je ne vois rien. Le bruit progresse, révélant le déplacement caractéristique d’un Moutarie. Les vibrations sur le sol commencent à prendre assez d’ampleur pour que je le ressente sous ma cachette. Incapable de le voir, je le sens, il est proche, tout proche. Trop peut-être. Une vive douleur me vrille la cheville lorsqu’un poids énorme vient l’écraser et je peine à rester discret, lâchant cependant un léger couinement.

Au travers de mon ouverture, je perçois la fumée provenant d’une respiration et le bout du museau qui la souffle. Ce bout de museau, cette couleur bleue et les différents éléments qui le composent sont caractéristiques de l’espèce : un Moutarie. La bête semble en alerte. Elle regarde un peu partout en quête de quelque chose.

(M’a-t-elle entendu ?)

Avec un temps que je trouve infini, elle finit par reprendre son chemin, libérant ma cheville et arrivant près des fameuses herbes. Délicatement, je bouge mon pied pour avoir un bref aperçu des dégâts. La douleur est présente, mais je pense être en mesure de me battre, du moins, je l’espère. J’ai besoin de cette peau de bête. La Moutarie trouve finalement le tas d’herbe que j'ai dissimulé. Elle est placée là où je le voulais, mais son orientation n’est pas la plus adaptée. Je pourrais me faire remarquer et perdre le seul avantage à ma disposition. Tendu et le froid s’imprégnant dans ma chair, je continue d’attendre, jusqu’à ce que le moment propice arrive.

Les Moutaries sont des créatures particulièrement dangereuses pour qui ne sait pas les affronter. Aussi long qu’un Fenris allongé et lourds de plusieurs hommes, les charges de son corps peuvent étouffer les distraits et les prétentieux. Malgré sa masse importante, il sait se mouvoir avec férocité sur la glace. Ses coups de pattes avant sont puissants, mais il faut principalement redouter sa queue arrière, capable de sonner les guerriers les plus aguerris. Cependant, cela ne vaut que lorsque le Moutarie est sur la glace. Si un Moutarie parvient à regagner l’eau après un combat, il est préférable de fuir rapidement. Dans l’eau, sa force et sa rapidité sont accrues, lui permettant de briser la glace afin de fondre sur ses agresseurs.

Dévorant les herbes, le Moutarie ne prête attention qu’à ce qu’il mange, tant est si bien qu’à force de patience, il finit par être orienté comme je le souhaite. Pas complètement de dos, pour l’empêcher d’utiliser tout le potentiel de sa queue, ni trop sur le côté pour éviter de se dévoiler en bougeant. D’un geste lent mais calculé, je me relève légèrement jusqu’à marcher accroupi. Mes peaux de bêtes se disloquent les unes des autres, dans un bruit rendu muet par le vent qui souffle. Je suis à présent prêt à fondre sur ma proie, sans avoir été repéré. Les quelques pas délicats dans la neige, pour réduire la distance qui me sépare de la bête, se font sans bruit. Je m’apprête à bondir sur elle, visant ses organes vitaux, lorsqu’un vent de dos survient, apportant mon odeur au museau aiguisé de l’animal qui dresse sa gueule en l’air.

Plus de discrétion, plus de patience, je me rue sur mon adversaire sans plus attendre, avant qu’il ne se mette en garde. Canalisant l’énergie en moi, j’assène un terrible coup de lance qui s’enfonce profondément sans sa chair, sous sa patte gauche. Il y a cependant une différence entre un animal vaincu et un animal meurtri. Le Moutarie en fait l’excellent exemple. Tandis que je ronge la chair avec mon arme, teintant la neige immaculée d’un rouge écarlate, la bête m’assène un coup de queue qui, s’il ne me met pas hors combat, m’envoie glisser plus loin. La force de mon coup réside dans l’arme plantée dans le corps, permettant à la blessure de s’aggraver avec les mouvements du combat sur le temps. Hélas, ma lance est mon arme de prédilection, je ne peux donc prendre le risque de la perdre. Je serre ma prise ma lance et glisse sur la glace avec mon arme, alors que son coup a réveillé ma blessure au bras de mon combat précédent.

Le Moutarie est furieux. Reste à savoir s’il n’apprécie pas le coup de lance dans le corps, ou si être dérangé en plein repas lui est intolérable. Mon coup l’a certes blessé, mais j’ai manqué son point vital. Fichu vent. Cependant, j’ai une tout autre version de l’histoire.

(Fenris me met certainement à l’épreuve. Je dois surmonter cela en guerrier !)

Tout comme moi, mon arme est prête pour ce duel. Le Moutarie s’avance, utilisant le poids de son corps comme d’une arme pour m’écraser. Habitué à un sol froid et glissant, je n‘ai pas de mal à éviter l’assaut sans tomber. J’en profite même pour asséner un coup à la bête, mais ma lance au tranchant émoussé avec le temps, ne parvient qu’au mieux à tracer une estafilade sur son corps musclé. Il n’en reste pas moins qu’il perd encore du sang de ma première attaque, le temps joue en ma faveur. Pourtant, les signes sont là : Fenris ne souhaite pas que je remporte le duel ainsi.

Je charge donc à mon tour et vise sa gueule du bout de ma lance. Bien que je surmonte la douleur à mon bras, mes coups manquent à le toucher tandis que lui, tâchant d’attraper le métal qui a su tailler dans son corps ma marque, claque des coups de crocs dans les airs. Je parviens à enfoncer une partie de la lame dans sa gueule, mais il profite de l’occasion pour faire de même. Comme scellée dans sa puissante mâchoire, je perds le contrôle de ma propre lance. Plus fort que moi, l’animal parvient à soulever mon arme et moi avec, refusant de m’en séparer. Il me déporte sur le côté, percutant la glace avec mon épaule. Une simple ecchymose qu’un peu de repos ne saurait soulager. Or, le pire est à venir.

(Sale bête !)

En me relevant, sur le côté de mon adversaire, je n’ai que le temps de me protéger avec mon arme que sa queue vient violemment me percuter. Mes muscles se bandent pour amortir le choc. Cependant, j’ai bien senti le bois de ma propre lance s’enfoncer sur ma poitrine. Mon souffle m’est à présent devenu douloureux. J’aurais quelques côtés cassés que je n’en serais pas surpris. Fort de son ascendant sur moi, le Moutarie s’élance à nouveau. Je rassemble mes forces pour éviter l’attaque en me dérobant sur le côté, obtenant une position plus avantageuse pour frapper à mon tour. Or, je sais comment la bête va réagir. Je rassemble tout ce qu’il me reste en énergie pour armer mon coup et recevoir le sien. Sa queue me percute, mais sa force est amoindrie par la lance qui est venue transpercer sa chair à la base de sa queue. Je reçois le coup, mais tiens bon. Si j’arrive à l’empêcher d’utiliser son arme la plus dangereuse, je remporterai la victoire.

Malmené par les va-et-vient que l’animal m’impose, la douleur de mes blessures me fait finalement lâcher prise. Glissant sur plusieurs mètres, je vois le Moutarie se débattre avec ma lance dans sa queue. Le sang ruisselle avec mes attaques ayant percé sa chair au plus profond. Le sol d’un blanc pur il y a peu, est devenu une marre sanglante abondante. Malgré la perte massive de sang, la bête agite son membre arrière frénétiquement, jusqu’à extraire mon arme qui est projetée plus loin.

Je suis désormais sans arme face à un monstre de la nature. Je m’attends à ce qu’il se jette sur moi, mais l’animal fait demi-tour. L’incompréhension me gagne, jusqu’à ce que je réalise où il se dirige : la faille par laquelle il a émergé des eaux. Il compte fuir en se jetant dans l’eau glacée.

Sans attendre, je me précipite pour reprendre mon arme et me lancer à sa poursuite. Malgré la douleur qui me vrille la poitrine, je ne lâche rien et cours à en prendre perdre. Hélas, il arrive avant moi et plonge dans l’eau, échappant à mon emprise. Du moins, c’est ce que je crois. J’avais oublié que les Moutaries pouvaient être particulièrement belliqueux. Sous mes pieds, une forme jaune fait des ronds autour de moi. Le Moutarie ne comptait pas fuir, il voulait simplement regagner l’eau pour s’en prendre ensuite à moi. A cause de leur poids et de leur capacité à déplacer toute cette masse, ces bêtes peuvent perforer la glace, emportant dans les eaux sous la plaine gelée, quiconque a eu le malheur de les défier. Devant ma situation, il ne me reste qu’une opportunité : fuir. C’est peut-être lâche, mais à présent, mes pensées vont vers les miens qui ont besoin de moi, qui ont besoin que je revienne pour prendre soin d’eux. Alors je cours, m’éloignant de la glace la plus fine et pars en direction de la terre ô combien plus sécurisante.

Je n’ai fait que quelques pas que déjà, l’animal brise la glace d’une charge sous-marine et atterri là où je me trouvais il y a peu, perforant de nouveau la glace de son poids énorme entraîné par sa chute. Je continue de courir et plusieurs mètres plus loin, il refait de nouveau sa charge sous-marine, me manquant de peu cette fois-ci. Je ne peux me permettre de mourir ici et des questions viennent hanter ma course, tandis que mon instinct de survie me hurle de courir plus vite.

(Ai-je bien fait de venir ? N’était-ce pas trop risqué après tout ce temps hors des combats ? Le voyage mérite-il le risque que je prends ?)

Ces questions hantent encore mon esprit lorsqu’une nouvelle charge aquatique tombe si près de moi, que le sol glacé me projette en avant, perdant l’équilibre. Je finis au sol, sentant mes derniers instants venir.

"Non !" Fais-je, brisant le silence alors que le Moutarie se trouve sous l’eau. "Je suis une Phalange de Fenris ! Je ne courbe pas devant la mort, la mort s’incline devant ma détermination. Je ne cède pas à la peur, c’est la peur qui fuit face à mon ardeur !" Je me redresse, la pointe orientée vers le ciel et sa base plantée dans la neige. "Au travers des conflits et du sang, naissent de grands guerriers, mais ces guerriers, se prosternent aux pieds des Phalanges de Fenris !"

Comme un écho résonnant à mon appel provocant, le Moutarie brise de nouveau la glace. Je le vois s’élancer dans les airs, mais cette fois je fais face, comme une digne Phalange de Fenris. Mon arme pointée vers la bête, je suis prêt à la recevoir. Dans une ultime charge, nous nous rencontrons l’un l’autre dans un chaos de glace, de sang et de fureur. Mes dernières pensées vont vers ma femme et ma fille, que je m’apprête à rejoindre avec fierté et honneur, alors que je sombre dans l’inconscience.


V. 5 Un réveil humide.
Modifié en dernier par Ehök le dim. 25 mai 2025 17:14, modifié 1 fois.

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Ehök
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Re: La Plaine Gelée

Message par Ehök » dim. 25 mai 2025 17:13

V. 4 La chasse au Moutarie.

V. 5 Un réveil humide.


J’ai le visage humide. Le vent glacial refroidit plus encore la partie humide de mon visage. Mon visage s’humidifie de nouveau. Quelque chose de chaud et de mouillé le frotte. D’humide et râpeux. Ouvrant les yeux, je vois la tête de mon renne et plus particulièrement son museau qui me lèche le visage. Je tente de le repousser, mais mes mains sont prises. D’ailleurs tout mon corps aussi. Je me trouve sous une énorme fourrure d’or et la gueule d’un Moutarie près de mon visage. Il me faut quelques instants avant de me rappeler ce qu’il s’est produit et le souvenir de mon combat me revient. Je ne me rappelle plus de la fin de notre affrontement, si ce n’est qu’avant de sombrer, le Moutarie n’avait pas les trois-quarts de ma lance, plantée dans le gosier, comme elle l’est à présent. A sa dernière charge, j’ai brandi mon arme et celle-ci a trouvé le chemin jusqu’à ses organes vitaux. Déjà affaibli par notre combat, ce coup l’a probablement achevé.

Avec difficulté, je parviens à extraire un bras, puis l’autre, avant de finalement me libérer de sa masse. Si la glace m’a bien refroidi, elle me permet au moins de glisser à sa surface pour m’échapper à cette étreinte. Mon renne est près de moi et pose un museau contre ma tête lorsque je suis de nouveau debout.

"Tout va bien mon grand. Merci de m’avoir réveillé." Lui fais-je en caressant son encolure.

Pour l’heure, je n’ai pas réussi à le domestiquer correctement, mais je me jure qu’à mon retour, je trouve le moyen qu’on se comprenne l’un l’autre. J’ai de grands projets pour nous deux et cela nécessite que je le domestique complètement. Ne serait-ce pour m’assurer que personne de la tribu ne cherche à s’emparer de sa viande. Je regarde les différentes parties de mon corps, mais aucune blessure que j’ai subie, ne peut être soignée par mon onguent.

Après avoir repris mon souffle, j’extrais ma lance figée dans la gueule du Moutarie. Il s’ensuit la délicate opération pour découper la laine de l’animal. Une ressource particulièrement précieuse dans cette région, qui possède une incroyable capacité à conserver la chaleur. Du moins, c’est ce qui se dit dans le village. J’ai la chance de ne pas l’avoir trop endommagé dans notre combat. Je découpe la chair de l’animal en créant une longue entaille. Puis je sépare avec précaution la peau de la chair. Grâce à mon renne et à une corde, je fais rouler le corps sans vie de l’animal, afin de terminer mon travail sur l’intégralité du corps. Je nettoie la peau en utilisant la neige à disposition, pour atténuer l’odeur qui pourrait attirer les charognards. Il ne faudrait pas qu’un autre Barioth me saute dessus. Je ne peux emmener autant de viande que je le voudrais. Une des raisons qui me poussent à domestiquer le renne. Je m’occupe donc d’extraire les parties les plus intéressantes à manger et celle que je pourrais éventuellement revendre ou troquer.

Une idée me vient, en vidant le corps de la bête. Je découpe ses organes pulmonaires qui prennent la place la plus importante dans sa poitrine et m’attelle à sectionner sa cage thoracique. Une fois que celle-ci est hors de son corps, je nettoie le tout pour réduire les odeurs et place une de mes peaux de bête à moi. Je pourrais utiliser la sienne, mais je ne souhaite pas endommager la laine sur le trajet. Ma peau ainsi disposée dans la cage thoracique, il me suffira de l’attacher au renne pour en faire une luge de stockage. Je suis à présent en capacité de transporter plus que je ne le pouvais. Chaque pièce de viande est nettoyée avant d’intégrer mon nouveau stockage et une fois plein, je referme le tout, le recouvre de neige et l’attache au renne qui m’aidera à le transporter.

Il ne me reste plus qu’à retourner au village avec ma prise, en portant cependant un œil attentif aux alentours.

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