Les Cavernes des Lances d'El Abhar

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Yuimen
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Les Cavernes des Lances d'El Abhar

Message par Yuimen » ven. 5 janv. 2018 17:25

Les cavernes

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Le domaine des Lances d'El Abhar est un ensemble de galeries, de cavernes et de ruines datant de l'ère des dieux.
Il existe une vingtaine d'accès depuis l'extérieur pour s'y rendre, mais ceux-ci sont déjà fort bien défendus par leurs terribles phalanges de guerriers aux dents limées en pointes que les zuqardams ont appris à craindre.

L'ensemble jongle entre salles immenses et passages très exigus que l'on ne peut passer sans ramper ou escalader. Les Lances d'El Abhar savent très bien jouer avec l'architecture naturelle des lieux et en ont fait une véritable forteresse, l'ont truffé de pièges. Celui qui ne fait guère attention à ses pas peut ainsi se retrouver enseveli dans des éboulements, enfermé dans des galeries où il est impossible de faire demi-tour, à chuter dans un puits sans fond ou à se noyer dans une galerie immergée sans avoir le temps de crier gare. Le tout dans une obscurité absolue où se cogner et se tordre la cheville est possible à la moindre inattention.

Et en plus de se méfier des environnements tortueux et des lances d'El Abhar qui vous pourchasseront, il faudra aussi se méfier des traîtres pieuvres terrestres, des fulminaires camouflés et des solitaires tyroglons qui traînent. Bref, tenter de traverser ces lieux est un véritable cauchemar dans lequel vous n'aurez droit à aucun repos.

Si vous vous enfoncez assez profondément, vous aurez alors à faire à la magie des halabis qui feront tout pour défendre le grand sarrum. Les rivières souterraines qui parcourent l'endroit abreuvent la population et les poissons, insectes et champignons troglodytes dont ils font l'élevage et la culture les nourrissent.

Au fin fond des cavernes, vous tomberez sur un large puits qui semble n'avoir aucun fond et d'où s'échappe continuellement un son grave et inquiétant, où les lances jettent leurs morts.

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Lahora Al'Disia
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Re: Les Cavernes des Lances d'El Abhar

Message par Lahora Al'Disia » mar. 14 avr. 2020 02:33

Une Lance brisée


La fuite :

Au début, ce n'était qu'un murmure éloigné presque imperceptible, comme des gouttes qui résonnent au plus profond d'une grotte.

Dissimulée aux abords de la corniche menant à l'avant-poste, j'attendais Asha. Notre seule porte de sortie était l'espoir que les sentinelles ne soient pas déjà à notre recherche. Pour l'heure, la vigilance des gardes en postes se tournait vers l'extérieur. Aucun regard ne surveillait d'éventuelles personnes tentant de quitter les souterrains, mais chaque minute qui s'écoulaient, diminuaient lentement nos chances de survie. Asha ne devait pas en avoir pour plus de cinq minutes, seulement un allé retour.

Puis le martèlement se fit plus distinct, le rythme de nombreux pas qui se rapprochait. Un son caractéristique clair et sec d'une patrouille de Lance en marche.

J'avais les mains moites et le cœur qui s'emballait.

(Et si s'est moi qu'ils recherchent ?… Non, non ! Non ! Ce n'est pas possible, pas déjà. Ce n'est qu'une patrouille en route pour l'avant-poste… À moins que ? )

Un frisson me parcourut l'échine et mes doigts serrèrent d'instinct le manche de ma lance.

(À moins qu'Asha ne soit allé voir mon père ? … Non, non ! Non ! Impossible. Il ne parlera pas ! Il ne peut pas me trahir… Nous trahir ! Il sait qu'il n'y a pas de pardon pour ce que l'on a fait ! )

Les mots se bousculaient dans ma tête alors que je tentais de me persuader, de ne pas céder à cette peur qui m'envahissait. Alors que les pas se rapprochaient, je sentais cette boule qui me nouait l'estomac tout en me donnant la nausée. Tout à coup, elle me submergea comme une crue détruisant un à un les barrages lui faisant face… Je ressentis alors une peur panique. La peur d'être retrouvée, la peur de manquer sans doute la seule chance qui m'était offerte de m'enfuir, la peur de faire face à mes paires et à mon père, et plus que toutes choses la peur de mourir.

À ce moment précis, seul ma survie avait de l'importance. Il fallait que je parte, il me fallait fuir avec ou sans Asha.

J'ai saisi le sac à mes pieds et je me suis élancée le long de la corniche. Ce chemin, je l'avais parcouru des centaines de fois, mais jamais il ne m'avait paru aussi long. Une éternité semblait me séparer de l'avant-poste qui était le dernier obstacle à franchir avant la liberté. Mon souffle était court, j'avais l'impression de haleter et pourtant l'effort n'était pas insurmontable. J'accélérais encore le pas, tout en me répétant…

(Ne cours pas… Reste naturelle… Respire… Ne cours pas.)

Je me sentais observer, je l'étais même sûrement. Je connaissais les postes de guet le long de ce chemin qui remontait vers la surface, j'y avais moi-même passé de nombreuses heures. La meilleure solution pour atteindre mon but, était de ne pas éveiller les soupçons. Aux yeux des observateurs, j'étais un soldat rejoignant le poste avancé pour apporter une missive, ou pour y recevoir un ordre du gradé en poste, cela importait peu…

(Il n'y a aucune raison que ma présence semble étrange.)

Encore une fois, je tentais de me persuader que je ne risquais rien afin de ne pas totalement céder à la panique.

Finalement, je finis par m'arrêter pour lancer un regard rapide derrière moi. Il n'y avait personne sur la corniche qui s'enfonçait profondément vers les entrailles de la terre. Je détournai mon regard de cette obscurité rassurante pour franchir l'arche de l'avant-poste et pour me diriger vers l'oppressante clarté de l'extérieur.
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Lahora Al'Disia
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Re: Les Cavernes des Lances d'El Abhar

Message par Lahora Al'Disia » mer. 15 avr. 2020 02:20

L'avant-poste de la passe du « Murmure de Zewen » était une ruine comme accrochée à la falaise. Une tour décapitée et parsemé de meurtrière faisant face à une pente raide couverte d'éboulis et de roches acérées. Les anciennes pierres taillées étaient polies et paraissaient se fondre dans la paroi contre laquelle la structure s'appuyait. Une relique d'un passé oublié abandonnée aux éléments et à l'usure du temps. C'était sûrement l'image que reflétait ce lieu au regard des rares êtres de l'extérieur qui s'aventuraient dans la région.

Sillonnant l'intérieur même de la falaise qui soutenait la tour en ruine, les galeries et les cavités dissimulées dans l'ombre formaient la réelle fortification. L'avant-poste était avant tout un complexe creusé dans la montagne et la tour n'était que le sommet cet iceberg.

Je n'avais pas de plan mûrement étudié, seulement cette voix qui m'ordonnait constamment de trouver une sortie et de partir loin d'ici. Pourtant, je ne me retrouvais pas par hasard à la passe du Murmure de Zewen. Ce lieu, je ne le connaissais que trop, pour y avoir patrouillé plusieurs années ... Et il y avait une autre raison. Cette passe était étroite, sans doute l'entrée vers le domaine du Grand Sarrum la moins large. De plus, elle était difficile d'accès pour des assaillants en raison du terrain abrupte et accidenté qui y menait. Autant d'éléments qui faisaient qu'elle était très facilement défendable et nécessitait la présence de moins de Lances. Tenter un assaut pour pénétrer dans le domaine du Grand Sarrum par ce passage restait complètement suicidaire ... Mais moi, je voulais sortir et le nombre d'yeux présents avait une grande importance.

Maintenant que j'étais arrivée, je repris un instant mon souffle. Adossée contre un mur, je restais tête basse, appuyée sur ma lance, tentant de retrouver mes esprits. J'avais toujours ce nœud qui me tordait les tripes, qui ne me lâchait pas et qui m'empêchait d'être entièrement lucide. Certains appellent ça la peur, voir même la lâcheté, mais à cet instant précis pour moi s'était de l'instinct. N'attendant pas plus longtemps, je me remis en marche, empruntant les couloirs de l'avant-poste. La lumière entrait par des meurtrières et des fissures, zébrant les murs de traits éblouissants. Je continuais, tentant d'éviter le regard des Lances en poste en faisant mine de réajuster mon chèche sur mon visage ou en lançant un regard dans une ouverture menant vers l'extérieur. Je sentis quelques regards se poser sur moi, mais aucune réaction n'interrompit ma progression. Finalement, je franchis la porte d'une réserve et la refermai rapidement derrière moi. Pliée en deux, je tentais à nouveau de me calmer.

(Calme toi ! Ils ne sont pas à ta recherche ! Bon sang ! Calme toi ! ... À paniquer comme ça, tu vas finir par éveiller les soupçons ! Calme toi ! )

Je retrouvais lentement mes esprits et examinais la salle. J'avais atteint mon premier objectif. Partir sans eau ni nourriture était un suicide. Cette salle était une des réserves prévues pour les longues gardes "sans relève". Un simple lieu de ravitaillement bien loin du grenier général de l'avant-poste, mais il était accessible et j'allais y trouver un minimum de vivre. Je remplis mon sac avec deux outres d'eau et de ce que je pus de champignons séchés. Je me mis à parcourir la salle à la recherche d'objets utiles, quand tout à coup mon corps s'immobilisa.

Mon visage s'était tourné vers une petite ouverture donnant sur la corniche que j'avais empruntée pour arriver ici. Avançant rapidement le long de ce chemin, j’entraperçus un groupe de cinq Lances. Mon regard se figea et ma gorge devint sèche, je sentais à nouveau les battements de mon cœur qui martelait mes tempes alors que le temps semblait s'être arrêté.

À la tête de ce petit groupe, se tenait Kalim, mon frère.
Modifié en dernier par Lahora Al'Disia le jeu. 16 avr. 2020 20:17, modifié 1 fois.

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Re: Les Cavernes des Lances d'El Abhar

Message par Lahora Al'Disia » mer. 15 avr. 2020 14:33

Je restais là, les mains crispées, les jambes tremblantes, le regard vide, refusant intérieurement cette évidence, tout en me la répétant sans cesse, comme si une partie de moi voulait me faire réagir.

(Il est là… Ils viennent pour moi ! Kalim est là… Ils vont se mettre à ma recherche !)

L'information allait se reprendre comme une traînée de sables bleus. Passer par l'arche principale, sans éveiller les soupçons, était déjà un défi en temps normal, mais maintenant la chose devenait impossible. Comme sous l'effet d'une douche froide, mon état émotionnel changea d'un seul coup.

(C'est la fin ! Ils vont me trouver et après… Ne pense pas à ça bon sens. Il y a bien une solution… Il y a forcément une solution. Repartir vers les grottes peut-être ? … Tu ne feras pas cent mètres. Ils vont prévenir la garde. Les soldats qui m'ont remarqué feront le rapprochement… Trouve une solution !)

Je faisais les cent pas dans la réserve, tel un fauve tournant dans sa cage. Je me frappais machinalement le crâne comme si ce geste pouvait m'aider à remettre mes idées en place. Tout allait maintenant trop vite et il me fallait rapidement une porte de sortie avant que le piège ne se referme définitivement. Quand d'un seul coup, il y eut comme une illumination dans mon esprit.

« Les boyaux du pourrissant ! »

Le nom de cette histoire contée au coin du feu par les anciens semblait être une évidence, sur le moment. Dans l'étage le plus bas de l'avant-poste, se trouvait une série de puits de moins d'un mètre de diamètre qui servaient de temps en temps de latrines. Les conduits en question étaient polis par le temps comme ceux des parois des cours d'eau sous terrain. Leurs utilités originales restaient floues, mais la théorie qui revenait le plus souvent, était qu'ils devaient permettre de déverser des liquides bouillants sur la route menant à la tour. Cette supposition parlait d'une époque bien lointaine où il y avait une route, car cette dernière avait disparu enfouie sous les roches tombées de la falaise. La vérité était que personne ne savait vraiment où ils débouchaient. L'histoire raconte qu'un jour une odeur ignoble remontait de l'une de ces cavités. Deux Lances reçurent alors comme punition de résoudre ce « problème ». Le plus mince descendit dans le puits à l'aide d'une corde retenue par le plus fort. Après plusieurs minutes, le soldat, resté en surface, entendit un cri et remonta au plus vide son camarade. Quand ce dernier ressortit enfin du boyau, il tenait la tête encore ornée de son casque d'un infidèle de l'extérieur, l'un de ceux qui se nomme zuqardams. L'espion aurait tenté de pénétrer l'avant-poste par ce passage, mais la pente était bien trop raide, la pierre bien trop lisse et le conduit bien trop étroit. Quand finalement, il renonça, il ne put rebrousser chemin et resta ainsi coincé avant de mourir de faim et de pourrir.

Il était évident que cette anecdote pouvait n'être qu'une légende. Risquer-le tout pour le tout, sur ces seuls faits était une folie, mais toute cette fuite était déjà basée sur les fabulations d'un fou dénigré et moqué par tous son peuple. Il n'y avait peut-être rien au-delà du sable et de l'horizon. Tous mes espoirs reposaient sur des histoires que tous ici considéraient comme des mensonges. Avais-je le choix ? Y croire et espérer, ou mourir sans accéder au cycle de la réincarnation. S'il y avait la moindre chance, je devais la saisir. Je refermais au mieux mon sac avant de jeter un coup d'œil au couloir de l'autre côté de la porte. La voie était libre. Je n'attendis pas une minute de plus et pris la direction des escaliers descendant vers « les boyaux ».
Modifié en dernier par Lahora Al'Disia le jeu. 16 avr. 2020 20:20, modifié 1 fois.

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Re: Les Cavernes des Lances d'El Abhar

Message par Lahora Al'Disia » mer. 15 avr. 2020 22:59

( Nous y voilà ! )

À mes pieds, étaient alignés cinq puits, cinq entrées menant soit vers la liberté soit vers la mort. Je n'avais pas vraiment le choix, j'entendais déjà quelques éclats de voix et les échos de pas pressés. Le doute aurait pu s'emparer à nouveau de moi, mais, comme depuis le début, s'était la peur qui me poussa vers l'avant.

Rapidement, j'abandonnais le matériel, trop volumineux et trop encombrant. Mon plastron, mon casque et mon bouclier, autant d'équipement qui me suivait depuis que j'étais une Lance. En laissant ces objets, je laissais en quelque sorte mon passé. J'ajustais mes brassards et mes jambières de fers qui m'aideraient dans cette descente. J'eus une hésitation, mais après avoir saisi le sac de vivre, ma main se referma sur le manche de ma lance. Il était impensable de partir sans arme.

Une à une, j'examina les ouvertures. À chaque fois, je reteins ma respiration, l'odeur d'urine qui s'en dégageait me donnant des hauts le cœur. Une fois la chose faite, j'avais fait mon choix, ce serait celle la plus à droite. Un instant, j'avais eu le sentiment de sentir un léger souffle sur mon visage. Si une sortie existait ce courant d'air était le fil d'Ariane qui pouvait m'y conduire.

Je fis glisser ma lance à l'intérieur. L'arme disparut et j'entendis les chocs répétés de celle-ci sur les parois, puis plus rien. Dix mètres peut-être plus.

(Non, c'est de la folie. Tu vas te tuer dans cette chute ou rester coincé dans ce conduit… Tu trouveras une autre solution. )

Je fis machine arrière, ouvris la porte et se fus à ce moment-là que j'entendis distinctement la voix de mon frère hurlant des ordres.

« Par le Grand Sarrum, trouvez-la-moi ! Elle est ici ! »

D'un geste brusque, je refermais la porte. De nouveau, la peur s'empara de moi, ils étaient tout près, je n'avais plus le choix.

Je me précipitais vers le conduit et y glissai lentement. Écartant les bras et les jambes, je tentais de descendre lentement et de manière contrôlée. Mes jambières et mes brassards, frottant les murs, m'aidaient à ne pas m'arracher la peau. Au premier mètre, mon regard se leva vers le sommet, je ne pouvais déjà plus faire machine arrière. Après deux mètres, je me sentais déjà oppressé par l'étroitesse du boyau. L'odeur d'excrément me donnait la nausée et accentuait ce sentiment de claustrophobie. Après quatre mètres, mes bras me faisaient déjà mal et se tétanisaient. Mon regard se leva encore une fois vers le sommet, mais l'ouverture était à peine visible. Les parois étaient moins lisse et calcaire, mais aussi plus humide et glissante. Une de mes jambes glissa, je me retins par un ultime effort, avant de me remettre en position. Je respirais rapidement et la transpiration perlait sur mon front. Le conduit semblait également se réduire. Je ne sentais plus les odeurs, trop concentré sur mon effort. Malgré mes tentatives, je ne voyais ni le fond ni de lumière en contre bas. Mes biceps devenaient douloureux, j'avais l'impression de ne plus sentir mes cuisses. Je n'avais plus la notion de la distance que j'avais parcourue, peut-être cinq ou six mètres. Quand cette fois, mes deux jambes glissèrent et mon corps tout entier chuta. Je tentais désespérément de m'agripper sans succès, ma chute s'accélérait à chaque seconde. L'une de mes jambes percuta ma lance qui était bloquée en travers du passage. La lame se brisa et le manche continua sa descente en même temps que moi. Mes mains griffaient la roche sans moyen de m'y accrocher et je voyais venir ma fin.

J'allais m'écraser.
Modifié en dernier par Lahora Al'Disia le jeu. 16 avr. 2020 20:27, modifié 1 fois.

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Re: Les Cavernes des Lances d'El Abhar

Message par Lahora Al'Disia » jeu. 16 avr. 2020 18:37

J'allais mourir. J'allais finir ma vie comme « l'espion » de l'histoire qui m'avait mené ici. Pourrissant au fond d'un trou…

Mon dos frappa la paroi et j'eus le souffle coupé, alors que ma chute continuait. Le conduit s'était relevé légèrement, transformant une descente à pic en une glissade abrupte. Les irrégularités formées par le calcaire et l'érosion martelaient mon dos. J'écartais les bras espérant, encore une fois, réduire ma descente vertigineuse. La canalisation se redressa encore, lancée par la force et la vitesse de ma chute, je glissais maintenant sur une couche poisseuse et glissante. Une odeur infecte amplis ma bouche et mon nez, alors que j'ouvrais la bouche pour hurler. Aucun son n'arrivait à sortir de ma bouche, j'étais tétanisée, paniquée et je m'évertuais toujours à plaquer mes brassards contre la pierre pour ralentir. Je ne me rendis pas tout de suite compte quand mes efforts commencèrent à être efficace et il me fallut quelques secondes pour réaliser la situation. Le boyau formait une courbe qui, petit à petit, s'était transformée en une pente douce. Ma chute s'était arrêtée et je me retrouvais pratiquement à l'horizontale. Une odeur de pourriture et d'excréments don j'ignorais la provenance, me piquait les yeux et me brûlait la gorge, mais cela importait peu.

(Je suis en vie ?)

Il m'avait fallu quelques secondes pour réaliser l'évidence. J'étais courbaturée, avais certainement de nombreux hématomes et m'étais arrachée deux ou trois ongles, mais j'étais en vie. Il me fallut encore plus longtemps pour réaliser autre chose… J'étais allongée dans un dépôt immonde, mais sentais nettement un rebord à mes pieds. Le boyau débouchait quelque part.

(Le Grand Sarrum est avec moi ! Ce puit arrive bien quelque part ! Il arrive quelque part ! )

Je m'extirpais lentement du conduit qui débouchait à moins de cinquante centimètres du sol et tout en frottant mes vêtements et mon sac, afin de tenter de me débarrasser de cette "boue". La substance était visqueuse, mal odorante et était bien loin d'être le simple résultat de l'usage qu'en faisait parfois les Lances plusieurs étages plus haut.

« Qu'est-ce que ça pue ! Bon sang, qu'est-ce qui peut sentir aussi… »

J'arrêtais net de m'interroger, au moment où un craquement se fit entendre. Mon pied venait d'écraser quelque chose. Je lançai un regard rapide autour de moi en réalisant que je venais de marcher sur l'un des crânes qui jonchaient le sol et qu'autour de moi se trouvaient plusieurs carcasses d'animaux, peut-être humaine, toutes décapitées. L'odeur, ces cadavres, l'histoire « des boyaux du pourrissant » et de la tête du soldat… L'évidence me sauta au visage. Je ne connaissais que trop bien ces créatures qui restaient à l'affût des imprudent, dissimulées aux plafonds des souterrains. J'avais mis les pieds dans le nid d'une pieuvre terrestre. Par reflex, je lâchai mon sac et mis mes bras en l'air pour me protéger... Juste à temps. Je sentis les tentacules de la créature s'enrouler autour de ma gorge et commencée à m'étrangler. La bouche de la pieuvre s'ouvrit très largement pour m'enserrer la tête. Je gardais mes avants-bras de chaque côté de mon crâne afin d'empêcher que les terribles mâchoires ne se referment. Les crocs grinçaient sur le métal déjà mal mené de mes brassards de fer, alors que je tentais de repousser les rangés de dents. Je sentais l'étau se resserrer et entendais un bruit de succion, alors que la pieuvre progressait autour de ma tête.

Je suffoquais et j'étais épuisée. Désespérée, je me mis à tituber, cherchant un moyen de me défaire de l'animal. Je finis par percuter un mur, ou un monticule rocheux. D'instinct, je me mis à frapper ma tête, pratiquement entièrement enveloppés dans le céphalopode, contre la pierre. Le monstre ne lâcha pas prise et resserra ses membres autour de ma gorge. L'air me manquait, j'avais l'impression que mes yeux allaient sortir de leurs orbites et mes poumons me brûlaient. Dans un mouvement désespéré et sous l'emprise de l'adrénaline, je pris mon élan et tentai à nouveau de frapper la créature contre la roche. Cette fois, la pieuvre lâcha prise et glissa au sol. Désorienté, je me mis à reculer et tombai au sol. Je toussais et tentais de reprendre mon souffle. La pieuvre terrestre, quant à elle, ne comptait pas abandonner l'opportunité d'un bon repas. Elle glissa le long d'une colonne, remontant à l'aide de ses tentacules jusqu'au plafond. Je saignais du nez et fus prise d'une quinte de toux alors que mes poumons se gonflaient d'air à nouveau. Presque étourdit, je redressais la tête en apercevant la silhouette de la pieuvre au-dessus de moi qui s'approchait. Mes mains coururent autour de moi dans les immondices et mes doigts s'arrêtèrent sur le manche de ma lance brisée. Je n'avais sans doute que cette occasion. Levant le manche en bois vers le plafond, tout en me levant dans un ultime effort, je tentai un coup d'estoc vers la bête. Mon arme, bien que privée de sa lame, s'était brisée en biseau et avait gardé suffisamment de longueur. Ce fut sans doute ce qui permit à mon attaque d'être efficace… Et une part de chance. Le manche en bois transperça l'œil de la créature s'enfonçant ensuite dans le corps moue de cette dernière. De rage, je vins la faire chuter du plafond et frappai plusieurs fois au sol comme si la pieuvre à l'extrémité de mon manche était le fer d'une pioche.

Ce fut d'épuisement que je finis par lâcher mon arme et me laissa tomber au sol. Le regard fixé sur la créature, qui restait indéniablement immobile, je tentais de reprendre des forces. Je m'attendais presque à voir le sol s'ouvrir sous mes pieds ou a entendre arriver des soldats en armes… Mais non. Cette fois, tout resta calme, immobile et silencieux. Après de longues minutes de répits, je me persuadais enfin qu'aucune nouvelle mésaventure allait me tomber dessus. Je repris doucement des forces et me relevai en prenant le temps d'observer les lieux. La cavité faisait tout au plus une dizaine de mètres de diamètre et était étrangement circulaire pour une grotte naturelle. Aucune idée de ce que cette salle pouvait être, mais il était évident que les théories sur l'usage des puits étaient mises à mal. Ce n'était pas, de toutes manières, ma préoccupation actuelle. Je ramassai mon sac, puis je sortis ma « lance » du cadavre de la pieuvre. Le manche de bois restait solide et finalement l'objet était semblable aux lances de bois avec lesquels je m'étais entraînée plus jeune. Je fis un tour rapide de la grotte poussant du pieds les carcasses dévorées par l'ancien habitant des lieux, à la recherche de la moindre chose utile, avant de finalement remarquer une ouverture.

Je me précipitai à travers la brèche faisant rouler quelques rochers derrière moi, escaladant un petit monticule de gravats. Arrivée au sommet, je détournai le regard ébloui par l'inquiétante lumière du jour. Devant moi, se dressait une faille, semblable à une cicatrice. Au-delà, on pouvait voir le sable bleu et le ciel éclatant du désert. Je sortis en relevant mon chèche pour me protéger du soleil tout en plissant les yeux pour tenter de voir à travers la lumière qui m'entourait.

Derrière moi, se dressait la montagne et devant moi l'inconnu.

[A suivre]

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