Le voyage prit quelques jours, et Halcyon put se pavaner à loisir devant les autres chevaux, ce qui sembla presque le mettre de bonne humeur. Il lâcha même un de ses « pfffrrrt » méprisant en voyant la monture de Xël s'affoler, emportant presque leur chariot de vivres ! Manifestement, le mage-soldat n'était pas très bon pour l'équitation, et Faëlis dû se précipiter pour aider les autres à maîtriser l'animal. Halcyon ne se fit pas prier, conforté qu'il était dans l'idée que les autres chevaux avaient honte de voyager aux côtés d'un si noble destrier. Bon, au moins, il se tenait lui-même tranquille...
Le soir du deuxième jour, alors que Xël profitait d'un ruisseau pour se laver, Faëlis remarqua les nombreuses et profondes cicatrices qu'il arborait. Curieux, l'elfe demanda d'où elles venaient. La première, il l'avait récolté sur cet autre monde, Aliaénon, tandis qu'une lourde blessure au bras venait de la bataille de Luminion. L'elfe curieux insista :
« Voilà de bien cruelles blessures... qu'est-ce qui peut bien provoquer cela ? »
Ce n'était d'après lui que de simples traits d'arbalètes. Il avait vu bien pire : les champions de Crean Lorener pouvaient abattre des régiments entiers et renverser des cavaliers. Sans l'aide des nains, la bataille aurait été perdue.
« Voilà bien un spectacle terrifiant... votre magie a dû être fort utile contre de telles brutes, non ? »
« Ils étaient trop nombreux pour que cela soit suffisant. »
Aenaria était elle aussi curieuse, se demandant à quoi ressemblaient ces fameux guerriers, et apparemment, le spectacle valait le détour : ils étaient colossaux et lourdement armés. Il n'en avait pas affronté directement mais ne doutait pas de leur puissance.
« N'avez-vous point trouvé un point faible ? Une faille dans leur armure ? Car il se pourrait que nous en trouvions dans le palais... » s'inquiéta Faëlis.
Hélas, il n'en savait pas plus, car il ne les avait vu que de loin. L'elfe soupira :
« J'imagine qu'il nous faudra être discret et improviser... Cela dit, pour parler sur un ton plus léger, je pense être en mesure de faire disparaître ces cicatrices si elles vous dérangent. »
Il déclina l'offre, estimant que ces disgracieuses choses faisaient partie de lui. Quelle étrange vision des choses... enfin, si cela était son choix ! En attendant, la sindel souhaitait aussi en apprendre plus sur les créatures de Khynt, tout en s'étonnant que le groupe pratique encore le vouvoiement !
D'après Xël, les créatures de Khynt avaient été vaincues, mais il craignait plus celles de Crean.
« Au moins, on peut dire que vous... enfin que tu ne te vantes pas de tes exploits ! L'avenir nous dira s'il nous réserve pire encore... »
Pour Xël, cependant, cela n'était qu'affaire que de mauvais souvenirs. Cherock prit finalement la parole pour apprécier le tutoiement et mentionner que ses propres cicatrices n'étaient pas aussi glorieuses.
« Vraiment, n'avez-vous pas vous-même un passé militaire et de grandes batailles à nous raconter ? » s'amusa l'elfe.
Le beau semi-ynorien affirma cependant ne pas avoir grand chose de glorieux, hormis pour récupérer ses reliques. Hélas, Faëlis n'avait guère connaissance de celles-ci. L'une de ses cicatrices, en revanche, était surtout pour lui sujet de honte, et il comptait la transformer à l'aide d'un tatouage.
« Voilà bien une fort belle ambition ! Auriez-vous donc des connaissances en la matière ? »
Il précisa que sa compagne lui avait enseigné cet art. Il se mit alors à expliquer le principe de ce qu'il appelait des « tatouages arcaniques ». Cela consistait en une fusion de sortilèges permettant au tatouer d'invoquer presque à volonté un sortilège. Faëlis avait les yeux ronds. Quel pouvoir exceptionnel !
« Voilà bien quelque chose de remarquable ! Un tel pouvoir pourrait représenter un atout de taille en donnant des chances de survie supplémentaires à bien des soldats ! Et même... peut-être pourrions-nous en profiter pour notre mission. »
Il fit savoir qu'il serait intéressé par le fait d'approfondir le sujet. Si l’esthétique pouvait devenir une arme, il serait criminel de ne pas en profiter ! Tout le monde était d'accord avec cela, mais la nuit était déjà bien avancée et il allèrent se coucher. Ils devaient reprendre la route tôt le lendemain.
Les bandits attirés par la guerre s'assemblaient déjà, mais ils étaient prudents et se gardèrent bien de les embêter. L'elfe songea à plusieurs reprises à leur apprendre la vie, mais leur mission était plus importante que ces malandrins. Aussi, l'elfe se contenta de continuer à s’entraîner à invoquer des dragons fluidiques comme Xël lui avait montré. Il commençait à progresser et parvenait globalement à lancer le sortilège. Cependant, les dragons, mal-formés, handicapaient plus la flèche qu'ils ne l'aidaient. Enfin bon, réussir à lancer le sortilège correctement était déjà un progrès plus qu'appréciable !
Au quatrième jour, ils firent pourtant une rencontre inattendue : un groupe de bandits semblaient vouloir s'en prendre à des voyageurs sur la route, les menaçant de leurs fourches, arcs et haches rudimentaires. Avant même que le reste du groupe ne réagisse, Faëlis, porté par le dégoût envers ces manants criminels talonna sa monture et se rua vers eux ! Il encocha une flèche, invoquant cette fois-ci presque instinctivement le sortilège que lui avait enseigné le mage d'air : ils étaient un peu trop loin, aussi, un peu d'aide serait bonne pour sa flèche ! Le petit dragon de lumière s'enroula autour du projectile et bondit vers la cible ! Ceci suffit à achever de convaincre les bandits de se disperser, mais il sembla un instant que la flèche avait bien dévié de trajectoire pour les atteindre ! Sans succès au final, ils étaient vraiment trop loin, mais l'elfe rit en allant récupérer son projectile :
« Je crois que je commence à devenir bon à ça ! »
Puis, il descendit de cheval pour aller trouver les victimes et les rassurer. Il s'agissait d'ynoriens qui fuyaient la guerre et qui le remercièrent chaudement, lui proposant même quelques-unes de leurs maigres vivres. L'elfe leva les mains en signe de protestation :
« Nul besoin de paiement, voyons ! Je n'ai fait que mon devoir de gentilhomme ! Mais prenez garde : la guerre se trouve aussi sur ces routes, je vous conseille de partir vers le sud plutôt que de grimper les montagnes... »
« Mais... on dit que les forces d'Omyre ont été vaincues à Luminion... Serais-ce faux ? N'y a-t-il donc pas moyen d'échapper à tout ceci ? »
« Si fait, rassurez-vous. Mais les bandits et certaines troupes ennemis sont encore en maraude. Rassurez-vous, nous allons nous en charger, mais de grâce, prenez plutôt la route du sud. Avez-vous besoin de vivres supplémentaires pour cette longue route ? »
Ils assurèrent que ce n'était pas le cas, mais l'elfe avait des doutes. Aussi, avec l'accord des autres, il alla chercher quelques rations qu'il confia aux voyageurs pour être sûr qu'ils ne manquent de rien pendant le voyage.
Et ils reprirent la route. Ils contournèrent la forêt pour trouver un chemin dans lequel leur charrette pouvait se glisser.
Le soir, Cherock lui proposa de tester le tatouage arcanique. Ils prirent le temps de discuter des possibilités, et Faëlis rechercha un sortilège capable de lui permettre de se défendre sans flèches. Son choix se porta sur le choc des éclairs. Choix que le semi-ynorien approuva. C'était un sortilège qu'il connaissait bien et qu'il n'aurait aucune peine à transmettre.
L'expérience fut somme-toute assez peu douloureuse, quoique parfois un peu irritante. Cherock dessina des nuages d'orage et des éclaires autour du phénix du torse de l'elfe. Le « phénix perçant l'orage », il l'appela, car l'oiseau semblait maintenant jaillir de la foudre. Le résultat était d'une grande élégance, tout en étant menaçant.
« Votre talent en dessin n'est plus à démontrer ! » s'extasia l'elfe en se relevant.
Il se releva et écarta les bras, et son muutos s'illumina comme jamais. Il irradia si fort que sa peau même semblait rayonnée de l'intérieure, comme celle d'un être surnaturel. Le phénix rayonnait de lumière, mais maintenant, cette lumière pure se teintait d'un bleu nuit sublime. Tout fier de lui, l'elfe remercia encore son compagnon avant d'aller se coucher. Ils devaient arriver à destination le lendemain...
De fait, en fin de matinée, ils trouvèrent enfin le camp des thorkyn et, à l'entrée, un le kendran le plus séduisant qu'ai jamais vu Faëlis. Un jeune chevalier blond qui les accueilli avec un sourire éblouissant. Pour le coup, l'elfe était bien content d'avoir, comme chaque matin, usé de son pouvoir pour se purifier de toute saleté et rayonner de son teint le plus éclatant !
Il s'agissait du contact signalé par le général et, étonnamment, il semblait connaître les noms de Faëlis et Aenaria puisqu'il les appela par leur nom. Avec une grâce littéralement elfique, il les conduisit au camp, vers le chef de guerre des nains, leur proposant de laisser leurs armures au camp, ce que l'elfe fit avec plaisir. Puis, il les conduisit devant un général imposant et vêtu d'une peau d'ours. C'était un nain du nom de Throgg'inn, un solide guerrier à l'air fruste, ce qui était un pléonasme en soit. Ce dernier ne manqua pas d'ailleurs d'engager la conversation en signalant sa désapprobation à faire appel à des elfes pour cette mission. Néanmoins, il leur apporterait toute l'aide possible en attaquant le camp ennemi. Avec toute la politesse et la diplomatie qui étaient la sienne, Faëlis lui assura :
« Je ne doute pas qu'à l'issue de cette bataille, nous ne serons plus des elfes ou des nains, mais bien des frères d'armes. Vous pouvez compter sur nous : j'ai conscience des risques que vous et vos soldats allez prendre et vous fait le serment que ce ne sera pas inutile : Ensemble, nous vaincrons ! »
Le jeune humain, plus pragmatique, précisa que l'armée des nains ferait diversion pour leur permettre d'atteindre un passage secret pour entrer dans le palais. Décidément, ce superbe éphèbe était de plus fort au courant de la situation ! Faëlis se glissa plus près de lui pour demander :
« Voilà un plan simple et efficace ! Mais dites-moi, vous connaissez mon nom, mais pour mon plus grand regret, ce n'est pas réciproque. Me feriez-vous l'immense honneur de combler cette honteuse lacune de ma part ? De plus, vous semblez bien connaître les lieux... auriez-vous une carte du palais, que je tente d'y retrouver ce dont je me souviens ? Peut-être serait-il possible d'identifier certains grands appartements que les vils lieutenants de la déesse noir auraient pu s'approprier... »
Mais le blondinet n'était manifestement pas très ouvert, et se refusa à donner son nom. Cela devenait vraiment intrigant... Pendant ce temps, Cherock se renseignait sur les créatures du camp : rien de bon, puisque selon le général, il y avait en plus des garzoks des monstruosités de métal, que Xël avait déjà affronté, apparemment douloureusement...
Quand à la question de savoir si l'ennemi ne pouvait pas avoir connaissance du passage secret, cela était, apparemment, peu probable, car ils ne se trouvaient au palais que depuis peu. Il n'y avait ni carte disponible ni connaissance de ce qui se trouvait à l'intérieur. Avec une moue intriguée, Faëlis demanda avec un sourire amusé :
« Hé bien, messire Sans-nom, j'avoue ne pas avoir eu le temps de dessiner un carte moi-même. Cela dit, je pense que Dame Aenaria et moi, ici présent, aimerions vous poser quelques questions seul à seul, si cela ne vous dérange pas. »
Mais à nouveau, il déclina, déclarant qu'il préférait que ce soit après la mission. Entre-temps, Cherock et Xël discutaient des créatures de Khynt, le mécaniste d'Oaxaca et l'une de leurs cible. Celui-ci avait créé des monstruosités d'acier qui avaient semé la mort au col de Luminion, les mêmes que le général avait dit avoir vu dans le camp ennemi. Elles avaient quelques point faibles au niveau des articulations mais étaient par ailleurs très résistants et dotées d'une forme d'intelligence.
Cherock avait quelques doutes sur la stratégie à employer, et il préconisait plutôt de multiples attaques pour détourner l'attention de leur groupe, mais le général nain le rassura : ils allaient attaquer un enclos de bête et ainsi semer le maximum de pagaille dans le camp ennemi. Il était en revanche prêt à laisser un régiment derrière lui pour couvrir la fuite du groupe si nécessaire, mais cela représentait un risque pour ces hommes qui feraient face à une armée entière. Un risque qu'ils allaient devoir assumer. Cela, Faëlis ne pensait pas en être capable, surtout alors qu'il savait avoir d'autres moyens de s'échapper.
Cherock en revanche se disait prêt à assurer leur protection, arguant que certains le qualifiait d'élu de Valyus, bien qu'il ait lui-même des doutes à ce sujet. L'elfe voyait cependant ce qu'il voulait dire... mais de là à protéger toute une armée... et manifestement, Xël et Throgg'inn avaient des doutes également quant aux risques encourus.
Finalement, ils sortirent de la tente pour discuter entre eux. Cherock voulait connaître les capacités de communication du groupe, car il avait manifestement lui-même des craintes par rapport à son plan.
« Je suis en mesure d'envoyer autant de messages que vous le souhaitez tant que j'ai du papier et le temps de les écrire. Cela dit, je n'ai rien d'un expert en stratégie militaire, mais une attaque forte et localisée serait je suppose plus efficace pour détourner les défenseurs, non ? » assura Faëlis
De leur côté, Xël et Aenaria se révélèrent du même avis que Faëlis : une attaque localisée, qui mettait en danger le moins de soldats que possible, était préférable. Ils retournèrent donc dans la tente, prêt à donner sa réponse final au nain mal embouché.
(((Apprentissage du renfort draconique et acquisition du tatouage
Début ici
et ici
Et juste à la dernière ligne ici)))