Plaines de Kôchii

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Yliria
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Yliria » dim. 12 déc. 2021 13:28

Mon lasso s’enroula autour d’oaxaca et je tirai de toutes mes forces pour l’empêcher de s’enfuir, de s’envoler, tandis que tous se ruaient sur elle, frappant la sombre déesse avec tout ce qu’ils avaient. La douleur dans mon crâne était toujours présente, mais je serrais les dents et continuai de tirer pour la restreindre. Il n’était question que de survie à présent, il fallait la mettre hors d’état de nuire ou nous étions tous condamnés. Je vis d’anciens ennemis se rallier à notre cause et tout mettre en œuvre pour contraindre la déesse qui pliait sous les coups trop nombreux de ses ennemis. L’acier, la lumière, la foudre frappaient l’entité malfaisante jusqu’à la jeter au sol.

Ce fut à ce moment que le ciel, là où se trouvait Brytha, s’ouvrit. La déesse disparut telle une illusion et un magnifique aynore descendit du ciel, entouré de lumière. Il était immense et entouré des rayons du soleil comme s’il en provenait et je ne pus détacher mon regard de cette apparition malgré l’urgence de la situation et la déesse qui était toujours restreinte au bout du lasso que ej tenais fermement. L’engin volant se posa et j’écarquillai les yeux en voyant les êtres qui en sortir. Six chevaliers en armure d’or encadraient trois autres êtres. Alyah souffle dans mon esprit, affirmant qu’il s’agissait d’elfes dorés, habitants de l’île des dieux. Mais l’un d’entre eux, à la peau sombre et à l’armure blanc et or, n’en était pas un. Je tournai le regard vers l’un des elfes, un mâle aux habits et à la chevelure d’or qui affirma être la bouche de Zewen, le Père de dieux, et son envoyé. Il prononça une sentence d’éternité dans une geôle à Oaxaca et présenta celui qui approchait de moi.

Portant une épée dont la seule lame était plus grande que moi, le colosse à la peau sombre et l’armure d’or et d’ivoire tendit la main et je remis le lasso sans rechigner à celui qui était un dieu : Koushuu, Roi de Yuimen. Je n’avais plus aucune envie de me battre et le laissai trainer Oaxaca, vaincue et prisonnière, jusque dans l’Aynore des dieux. Je sentis un soulagement immense s’emparer de ma poitrine lorsque la sombre entité disparut enfin dans l’Aynore, n’écoutant qu’à demi les envoyés des dieux parler de récompense. Je jetai néanmoins un regard au général de Brytha qui, visiblement amer, quitta les lieux, suivit de son armée, lançant un appel à ceux voulant rejoindre les rangs des Sbires gris, pour poursuivre la lutte après le sacrifice de Brytha. Je regardai l’armée disparaître dans un nuage de brume et plissai les yeux, certaine qu’on entendrait bientôt parler d’eux.

Lorsque l’un des chevaliers engoncés dans son armure dorée me tendit une bourse, je l’acceptais d’un hochement de tête, mais ne pris pas la peine de l’ouvrir pour voir ce qu’il y avait à l’intérieur. J’étais bien plus intéressée par la proposition de partir voir les dieux en embarquant sur l’aynore pour les rejoindre. C’était une occasion que je ne pouvais pas manquer et je voulais m’éloigner d’ici. Car en tournant le regard suite à l’arrivée de ce qu’il restait de la délégation kendranne, je ne vis que la mort à perte de vue. Des morts, encore et encore des morts, peu importait la direction où allait mon regard. Et même si les armée d’Omyre tournaient les talons, la guerre avait plus que fait son lot de victime. C’était un charnier qui s’étendait sur les plaines de l’Ynorie, jusque dans leur cité. J’inspirai doucement en fermant les yeux. J’avais encore quelques choses à régler avant, mais il fallait que je parte, vite.

Fouillant les alentours du regard, je vis Cromax et m’approchai de lui. J’avais plusieurs fois vu son arme se transformer durant les combats et, après une rapide inspection, il apparaissait que l’arme que j’avais récupéré dans les bois du Dragon d’Or possédait un pouvoir similaire. La coïncidence était trop grande pour que je ne vois pas un lien et je voulais en savoir plus à ce sujet. Après avoir constaté l’étendu du pouvoir de l’arme en la transformant en bâton, puis en yatagan, je m’avançai vers Cromax qui tourna la tête vers moi lorsque l’interpelai en lui présentant l’arme.

- Cromax ? Cette arme ressemble à la tienne, elle a le même pouvoir. Les deux sont-elles liées ?

- Où l'as-tu récupérée ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.

- Elle était enroulée dans les bois du Dragon d'or, sous la forme d'un fouet, Kiyoheiki m'a demandé de l'en libérer. Tu la reconnais ?

- Sous la forme d'un fouet ? Elle change donc de forme ? L'arme de SIsstar ? Si c'est bien ça, c'est la jumelle de celle que je possède. Sisstar l'a volée sur le cadavre encore chaud d'une amie d'alors. Elles nous avaient été remises sur un monde extérieur, Gramenou.

Je l’observai palper le manche de son arme à sa ceinture, puis jetai un regard à celle que je tenais dans les mains. Je n’avais que faire d’une arme que je n’avais pas obtenu de mes propres mains. J’étais attachée à Stellarhyss, j’avais mis un moment à maîtriser son maniement et je n’avais aucun lien pour cette arme métamorphe, contrairement à lui…

- Si c'est le cas, je te la rends, elle devrait te revenir.

- Elle ne m'appartient pas, tu pourrais la garder.

Je haussai les épaules face à sa moue puis je tapotai d’une main mon flanc, cognant contre Solarhyss qui était accroché au fourreau de ma rapière. Deux compagnons que je gardai depuis longtemps et que j’aimais avoir sur moi. Aussi, j’essayais d’expliquer mon point de vue à Cromax.

- Je n'ai que deux bras et tout ce qu'il me faut. Je ne compte pas me séparer de mes armes, parce que j'y suis liée, contrairement à celle-ci. Si tu sais d'où elle vient et qu'elle est liée à ton arme, tu as plus de raisons que moi de t'en servir.

- Bien, j'accepte ton présent, Yliria. Dit-il en souriant alors que je lui tendais l’arme qu’il récupéra finalement. Merci pour ça, et merci pour ta compréhension, pour aujourd'hui. Nous n'avons pas pu sauver grand monde, hélas... Mais nous sommes là, vivants, pour faire en sorte que ce genre de guerre n'arrive plus.

- J'ai fait ce qu'il me semblait juste, rien de plus. J'aurai aimé que les choses se finissent autrement, mais au moins le futur n'est plus aussi sombre... Que vas-tu faire maintenant ?

- Je l'ignore... voguer vers de nouvelles aventures, remettre un peu d'ordre dans ma vie et mes objectifs. Certains en attendent beaucoup de moi sur une île nommée Tol'Lhein, au large de Tulorim. Je ne compte pas les décevoir. Si d'aventure tu passais par-là, tu seras la bienvenue.

- Je vais retourner à Tulorim après cela, peut-être que l'occasion se présentera si rien de fâcheux ne se produit. Bonne chance pour la suite Cromax, j'espère qu'on se recroisera dans une situation plus réjouissante.

- Bonne continuation, Yliria. Garde tes idéaux, ils sont précieux.

Je souris en retour et inclinai respectueusement la tête avant de m’écarter. Même si je n’approuvai pas tout ce qu’il a fait dans cette bataille, au moins je pouvais le considérer comme digne de confiance. Nous avions des objectifs en commun et je ne doutais pas qu’on finirait par se recroiser, un jour ou l’autre.


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Yliria
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Yliria » mar. 14 déc. 2021 14:32

Négociations d’après-guerre

Alors que j’observai les alentours du regard, cherchant à faire abstraction du charnier du mieux que je le pouvais tout en cherchant une certaine personne, le glissement d’air accompagnant l’arrivée de Kiyoheiki sous sa forme draconique me fit tourner la tête vers lui alors qu’il se posait délicatement sur le sol. Toujours aussi fascinée et étonnée de sa capacité, je l’observai un instant avant de prendre connaissance de son idée d’aller voir Tal’Raban et tenter de régler le problème de ces satanées marques. J’acceptai sans attendre et grimpai sur le long corps serpentin après qu’il l’eût proposé. Personne ne me croirait à la commanderie. J’avais chevauché deux dragons et combattu une déesse… ma vie ressemblait soudainement à ces légendes que j’avais pu lire à la bibliothèque…

Kiyoheiki s’arrêta plus loin pour récupérer Jorus et nous approchâmes ainsi de Tal’Raban. Je glissai sur le flanc du Dragon d’or pour toucher terre, veillant à ne pas marcher sur l’un des corps qui jonchait le sol. J’aurai voulu les enterrer, leur offrir leurs rites avant tout autre chiose, mais je devais agir maintenant, avant que la fatigue ou le poids des derniers événements ne frappent. Car ils allaient frapper, j’en étais caincue. Et durement… Je me postai près de Kiyoheiki tandis qu’il s’adressait au nécromant avant de nous jeter un regard. J’inspirai, mal à l’aise, les mains crispées non loin de mes armes. Je n’étais pas du tout tranquille en présence de ce type, je ne pouvais pas lui faire confiance et préférais jouer la carte de la prudence : prête à tout, juste au cas où.

- Nous souhaitons retirer les marques créées par votre Gentâme. Il a pu en retirer déjà, je suis sûre qu'on peut s'arranger pour retirer celles restantes...

- Veuillez excuser ma réponse franche, mais il en est hors de question. Premièrement, je ne décide pas pour lui des marques qu'il pose, et ensuite vous êtes les seuls responsables de celles-ci. Les ôter gratuitement serait contre-nature pour lui.

Je levai les yeux au ciel face aux paroles du nécromant. Il était insupportablement poli, soudainement, cela m’agaçait quelque peu, mais je me retins de rétorquer quelque chose qui aurait pu faire dégénérer les choses. Jorus proposa d’aller voir les dieux pour leur demander de l’aide, mais je secouai la tête.

- Non, Jorus, on peut y parvenir, simplement pas sans contrepartie... J'imagine que tout à un coût, comme le fait de vous laisser en paix pendant la bataille après son... intervention. Qu'il dise son prix, je suis sûr qu'il y a déjà réfléchis, et sinon j'ai toujours une proposition à faire. Sauf si l'un de vous a une idée lumineuse.

Kiyoheiki était d’accord avec moi, peu satisfait du dénouement de notre marché. Seule Jorus restait plus dubitatif, arguant que c’était une mauvaise idée au vu du risque, ce à quoi le Dragon répondit en lui lançant au visage son erreur concernant ce qu’il s’était passé avec Ybellinor. Cela fit baisser la tête de Jorus et je pinçai les lèvres, me retenant d’intervenir. Même si Kiyoheiki avait raison sur le fond, je n’avais pas envie de continuer à enfoncer la lame dans la plaie. Jorus avait suffisamment regretté son action et je savais qu’il essayait sincèrement d’aider. Même si la méthode était pus que discutable. Je reportai mon attention sur le nécromant lorsque celui-ci appela le gentâme avec un sourire sadique qui fit remonter un frisson le long de mon échine.

- Allez-y, dites-lui donc, à lui qui vous a déjà fait une fleur, que ses transactions étaient inéquitables et contestables. Demandez-lui de revenir sur ce pacte auquel vous avez cédé sciemment.

- Une fleur ? – répliquai-je en croisant les bras - Quand il nous a sommé de partir pour ne pas qu'on s'occupe de vous et de votre armée après avoir réglé son compte à Gadory ? A qui a-t-il fait une fleur exactement ?

- Oh oui, une fleur. -Répondit-il après un rire surpris- Imaginez : une année complète de servitude contre un simple service situationnel. Je suis presque certain qu'il vous aime bien. Ou qu'il détesterait vous avoir à son service, selon.

Probablement les deux, et je ne m’empêchais pas de le faire remarquer avant d’expliquer au gentâme ce que nous voulions.

- Cela dit, c'est exactement ce que je souhaite, revenir sur ce pacte. Il n'était nullement question de servitude et peu importe que vous jouiez sur les mots ou les non-dits, c'est un pacte parfaitement contestable. Mais je ne demande pas cela sans contrepartie, ce serait hypocrite de ma part. Vous nous avez donné des informations, nous pouvons en fournir en retour. Et si cela ne convient pas, on peut toujours trouver un terrain d'entente, parce que je vous garantis que je ne resterai pas les bras croisés avec cette marque sur le poignet.


Kiyoheiki enchérit, arguant à sa façon que le contrat ne le satisfaisait pas au vu du coût et de ce que nous avions appris. Il avait une façon de s’exprimer qui me fit l’observer avec un air étrange. Sous cette forme, j’avais bien plus de mal à le comprendre et je devais vraiment me concentrer sur ses paroles pour en cerner le sens. Je me demandais brièvement si sa personnalité changeait avec sa forme ou si c’était simplement qu’il réfléchissait différemment avec le corps d’un dragon de plusieurs dizaines de mètres de long. Cella ne sembla pas déranger le gentâme outre mesure qui rétorqua d’un ton lugubre qu’il avait respecté sa part du marché en répondant à nos questions, peu lui importait que nous en soyons satisfaits ou non. Ma proposition de contrepartie, en revanche, sembla attirer son attention. C’était déjà ça…

- A vous de me le dire. Vous n'avez aucun besoin matériel ou physique et vos connaissances dépassent de loin les miennes... Mais probablement pas celles des dieux que je vais aller voir sous peu. Eux peuvent répondre à des questions dont vous n'auriez pas les réponses. Vous nous avez donnez une information, j'en donne en retour, cela me semble équitable

Il sembla intéressé, mais Jorus lui proposa quelque chose qi me fit tourner la tête avec indignation. Comment ça transférer nos marques sur lui pour qu’il paie à notre place ? Et en ajouter une, par-dessus le marché ? Était-il devenu fou ? Il n’était pas question que je le laisse faire ça !

- Il n'en est pas question ! C'est quoi ça ? Encore une merveilleuse idée pour nous aider sans avoir aucune idée dans quoi tu t'embarques ?! Tu ne sais rien de la servitude, Jorus, rien du tout, et il n'est pas question que tu payes à ma place ! Et si c'est pour te racheter de ton idiotie précédente, ce n'est pas en en faisant une plus grosse encore que ça va arranger quoi que ce soit ! Te rends-tu compte de ce que tu proposes ? Tu deviens un esclave pendant cinq ans ! Il a droit de vie ou de mort, de te torturer, de faire tout ce qu'il veut à ton corps et ton âme pendant cinq ans ! Alors tu oublies ça immédiatement !

Je réitérai ma proposition au gentâme, mais Jorus ne démordait pas de son idée stupide et tenta de me convaincre en invoquant que nous, contrairement à lui, étions capable de faire des carnages et qu’entre le smains de nos ennemis, cela serait dvastateur. Il en comprenait simpement pas que ce n’était pas de son vivant qu’il serait un esclave, mais bien dans la mort. Lorsque le gentâme le lui fit savoir, il frissonna et je secouai la tête, dépitée.

- Je ne laisserai personne payer à ma place. Je ne condamnerai pas un ami à la servitude à ma place. C'est ma décision, elle est définitive et j'aimerais que tu respectes mon choix, Jorus.

- Ce que tu peux être pénible ! Je te taperais bien la tête, si j'avais pas peur que ça te fasse rapetisser ! Bon allez voir vos dieux, moi je retourne à Oranan ! Quelqu'un m'y attends et j'ai vu assez de macchabés pour le moment !

À ses mots, ma gorge se serra et je me plantai devant lui, le fixant et le défiant du regard.

- Je fais ce qui doit être fait, Jorus ! Frappe-moi si ça peut te soulager, mais ça ne changera rien.

Puis je reportai mon attention sur le gentâme qui doutait quelque peu de ce que je pouvais lui apporter via un pacte conditionnel puisqu’il devra attendre mon retour de l’île des dieux, de toute façon.

- Vous n'aurez qu'à retirer les marques si j'apporte des connaissances dont vous ne disposez pas. Ou bien vous pouvez également me dire concrètement si quelque chose que vous voulez savoir vous échappe malgré tout et je demanderai aux dieux, cela me semble honnête.

- Aucune question précise : plus les informations seront secrètes, mieux vous vous en sortirez. Mais il sera complexe d'arracher aux dieux leurs secrets...

Je haussai les épaules à ses mots.

- Je ferai le maximum, je ne tiens pas à vous servir, que ce soit dans la vie ou dans la mort.

Lui ou qui que ce fusse d’autre, d’ailleurs. J’avais suffisamment courbé l’échine pendant quarante ans, c’était fini. Définitivement fini. Je soupirai en prenant congé. Cette histoire n’allait pas se régler simplement, mais il nous en restait une autre à gérer, en plus de celle-ci. Une qui était encore plus importante.


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Re: Plaines de Kôchii

Message par Yliria » mar. 14 déc. 2021 14:41

Nous arrivâmes près de Herle. Je jetai un regard inquiet à Jorus qui tenait le coup, mais qui semblait sur le point de s’effondrer à tout moment. Les paroles de Kiyoheiki, sibyllines, adressées à Herle, me firent hausser un sourcil en fixant le dragon, me demandant ce qu’il entendait par le « deuil de vous-mêmes ». Je pris néanmoins la parole après avoir salué cet elfe qui avait respecté sa parole contre sa déesse.

- Je ne pensais pas vous revoir sitôt, sieur Krishok, mais je pense qu'il faut discuter de certains... détails...

Comme s’il avait vu mon regard chargé d’incompréhension tourné vers Kiyoheiki, Herle expliqua les mots de ce dernier.

- Votre Dragon a su se montrer persuasif. Je devais tenter de rallier les miens. De quels détails, donc ?

Je suivis son regard vers Tal’Raban et comprit qu’il faisait référence au dialogue qu’il semblait avoir eu avec lui durant les derniers instants du combat face à Oaxaca. Tal’Raban avait cessé le combat, mais je n’imaginais pas que Herle y était pour quelque chose, mais cela renforça un peu ce que je pensais déjà de lui. Ce n’était pas l’ennemi, si tant est qu’il y avait encore des ennemis à présent.

- Et bien, je vous ai bien dit que nous avions vu avec le Roi concernant votre demande afin de respecter notre partie de l'accord. Seulement... Le Roi Kendran étant mort durant la bataille, cela a quelque peu chamboulé tout ce que nous avons entrepris.

Je désignai l’état-major Kendran et la princesse du menton, le petit groupe se trouvant un peu plus loin.

- Le moment est un peu particulier et je ne sais pas ce qui pourrait en ressortir... Pouvez-vous m'accompagner pour que nous puissions négocier avec les kendrans pour que le marché que nous avons passé soit respecté ? J'estime que nous vous devons cela, puisque vous avez respecté votre parole.

Kiyoheiki enchérit, assurant qu’il soutiendrait le nécromant dans sa démarche et Jorus, ajouta qu’il avait informé la princesse de notre marché. Si cela était une bonne nouvelle, je m’inquiétais pour le jeune homme qui semblait toujours sur le point de craquer. Je me promis d’avoir quelques mots avec lui après cela. Kiyoheiki assura qu’il accompagnerait le nécromancien s’il souhaitait parlementer et je rassurais ce dernier lorsqu’il affirma ne nullement vouloir être fait prisonnier.

- Les dieux eux-mêmes ont demandé l'arrêt des combats, je doute qu'ils tentent quelque chose, mais soyez assurés que je ne les laisserai pas faire s'ils sont assez fous pour le tenter.

Jorus aussi assura que la princesse du Royaume Kendran ne tenterait rien. Le nécromancien ne put s’empêcher de rappeler que son armée se tenait prête à intervenir s’il lui arrivait quelque chose, mais il accepta néanmoins. Je me tus, malgré la remarque qui me brûlait les lèvres. N’y avait-il pas eu assez de morts et de destruction comme ça pour qu’il ait encore la volonté d’user de la force de ses légions mortes-vivantes dans ces conditions ? Malgré tout, le temps pressait et nous rejoignîmes rapidement l’état-major Kendran, princesse en tête de file. J’eus la bonne surprise de voir Tobias approcher également. Je répondis à son salut d’un signe de la main tandis que les négociations commençaient.

- Princesse, général, je suis Yliria Varnaan'tha et j'ai également participé à l'expédition à Nayssan. Le moment n'est peut-être pas idéal, et j'en suis navrée, mais le sujet est de taille. Herle Krishok, ici présent, a accepté de ne pas prendre part à la bataille si nous reléguions au gouvernement Kendran sa demande et qu'elle soit accepté. Non seulement il a tenu parole, mais il a même persuadé Tal'Raban de cesser les hostilités durant l'affrontement final.

Je repris mon souffle et enchaînaient, déterminée à ce que les choses avancent enfin.

- Je comprends parfaitement votre méfiance à l'égard des obscuromanciens, mais je pense que vous avez tout à gagner à écouter ce qu'il a à dire. J'ai vu des nécromanciens se joindre à vous durant cette bataille alors que des géomanciens et des fulguromanciens luttaient contre vous. Le fluide importe moins que la personne qui le manie et Herle Krishok a prouvé que son allégeance n'allait pas à Oaxaca ou à n'importe lequel de vos ennemis. Prenez simplement le temps d'entendre et de réfléchir à sa demande et à ce qu'elle peut également apporter au royaume Kendran.

Herle prit également la parole, avançant lui aussi ses intentions face à la Princessee au général Bogast qui s’était placé entre l’héritière du royaume et le nécromancien, dans un geste protecteur que je ne pouvais que comprendre.

- Princesse Satina, ma demande est simple : Je souhaite que votre royaume lève l'interdiction de pratique de la magie sombre et de la nécromancie, et ce afin que chacun puisse se sentir chez lui à Kendra Kâr et dans ses alentours.

La princesse sembla un peu étonnée, perturbée et incertaine.

- Je... Je ne sais pas si le peuple est prêt pour un tel changement. Quand bien même vous seriez autorisés à pratiquer, nous ne pouvons assurer votre sécurité : depuis trop longtemps votre magie a été interdite, et les gens le savent. Ils pourraient s'en prendre à vous...

Herle l'interrompit soudainement et je serrais les dents. C’était loin d’être le genre de choses qui allaient arranger la situation

- Alors ils seront coupables d'attaque sur des innocents. Et punis, selon votre loi. N'est-ce pas ?

À en juger par l’expression de la Princesse, elle n’avait guère apprécié la dernière remarque et rétorqua alors.

- Vous savez comme moi que la loi peut être transgressée. Je vous signalais juste le type de réaction auquel vous devriez faire face. De plus, il n'y a pour l'instant aucun régent du royaume, suite au décès du Roi, mon frère. Je ne peux vous promettre que la décision ira dans votre sens.

Je pris la parole pour intervenir, essayant de calmer le jeu, de trouver une solution. À quoi jouait Krishok ? S’il voulait se la mettre encore plus à dos il n’y avait pas beaucoup d’option plus efficace qu’être condescendant et presque insultant envers son royaume...

- Pourquoi ne pas travailler avec le Royaume, former des mages, ce genre de choses ? D'un côté vous avez le temps vos recherches et une position officielle qui vous protège et de l'autre, le Royaume peut éviter les mages maraudeurs, former des mages loyaux et établir que la magie d'obscurité est une discipline comme une autre.

Mes trois compagnons aussi proposèrent des idées. Si certains, comme de kiyoheiki de placer Krishok dans un lieu protégé, fut mal accueillie, celle de Tobias, d’engager des miliciens souhaitant protéger aussi bien le smages noirs que les citoyens, fut approuvée par la princesse. Herle sembla plus mitigée quant à la réalisation de tout cela, mais n’était pas contre, fondamentalement.

- La formation serait une retombée directe de la permission de pratiquer. Mais l'une ne va pas sans l'autre. J'accepterais sans peine la tâche de superviser ces cours magistraux.

Jorus, lui fut éloquent et je tournai un regard surpris vers lui. Non pas que je le pensais incapable de cela, mais il ne semblait pas aller bien, alors le voir assurer à la princesse que le peuple serait en sa faveur, qu’il l’écouterait. Elle apprécia, alla dans son sens et assura à Krishok qu’elle ferait ce qui était en son pouvoir pour trouver une solution, même si elle ne pouvait rien promettre.

- Votre voix sera entendue, Noble Dame. Si elle n'est point étouffée par celles, plus brutales et acceptées, d'hommes d'armes dotés de titres importants...

- Perds rien pour attendre ce fichu comte.

Car c’était bien de lui dont il parlait. Jorus se racla la gorge, mal à l’aise tandis que je reniflai dédaigneusement en me souvenant de ce personnage. J’étais convaincue qu’il serait un problème, mais ce n’était plus de mon ressort. Et puis je n’allais pas m’attaquer à un type qui n’avait fait qu’insulter, sinon j’aurai bien trop de gens dont je devrais m’occuper.

- Les choses vont prendre du temps. Je vous aurais bien conseillé de partir dans un lieu plus ouvert aux arcanes d'obscurité, mais j'imagine que ce n'est pas votre but.

Herle resta pensif un instant, mais avec la proposition de Tobias de préparer une délégation et l’assurance de la Princesse qu’il serait sous sa protection, il accepta finalement, malgré un air visiblement insatisfait. Savoir que Tobias participerait à tout cela, avec son calme habituel, me rassura, mais je ne comptais pas laisser les non-dits dans l’ombre trop longtemps. Je regardai le nécromancien s’éloigner, déterminée à tirer une chose au clair. Je fis mes adieux aux autres, Tobias partant avec la princesse et Kiyoheiki restant à Oranan. Jorus m’indiqua qu’il partait lui aussi pour l’île des dieux, le regard empli d’espoir. Je hochai la tête et m’éloignai finalement, rejoignant Herle rapidement pour avoir le fin mot de l’histoire.

- Vous n'avez rien dit à propos de l'armée qui attend sous les terres de nayssan. Qu'allez-vous en faire ?

Je n’allais certainement pas y aller par quatre chemins. Il se retourna, sans vraiment être surpris, mais plutôt énervé, froid. Ce que je pouvais comprendre. Comme je le pensais, cela ne le satisfaisait pas, il voulait des certitudes, pas de vagues promesses et gardait donc l’armée sous le coude, en tant que derniers recours, si d’ordinaire la situation tournait en sa défaveur. Cela me fit intérieurement rigoler. Il croyait quoi ? Qu’ils allaient lui manger dans la main pour n’avoir pas participer au mlassacre ? il restait un de ceux ayant prêté allégeance à Oaxaca après tout.

- Jusqu'à récemment vous étiez leur ennemi. Ils viennent de voir leur peuple et leur armée décimés par la folie de celle a qui vous aviez prêté allégeance avant d'accepter de rester en marge de la guerre. Je sais que ce n'est qu'un petit pas, mais rien n'obligeait la princesse à ne serait-ce qu'écouter. Vous avez chacun fait un pas vers l'autre et tout cela dépend surtout de vous et de vos actes. Je doute que les menacer de destruction ira en votre faveur, vous ne ferez que les renforcer dans leurs convictions. Parlez plutôt de ce que vous avez fait contre Oaxaca de ce que vous pouvez apporter à leur royaume.

Je soupirai et ajoutai, espérant le copnvaincre.

- Les gens ne changent pas du jour au lendemain, ni leurs convictions ou leurs croyances, et surtout pas leur haine. Je comprends votre frustration, vraiment, mais soyez patients, trouvez des alliés, montrez que vous méritez la confiance qu'on place en vous, et les choses évolueront dans votre sens.

- Les retombées peuvent être terribles pour leur royaume, et ils doivent en prendre conscience. C'est en position de force que je me place ici. Mais contrairement à Oaxaca, je demande, je ne prends pas. Leur destruction ne sera qu'un dernier recours, car je ne la souhaite pas. Et je n'ignore pas qu'elle n'y est pour rien si tout ceci évolue comme ça. Je prendrai mon mal en patience, mais je n'attendrai pas indéfiniment que l'on prête attention à ma demande.

Il avait grommelé, mais il avait su voir les possibilités, c’était déjà un pas en avant. Je le fixai sans ciller, déterminée.

- Je comprends bien, j'espère simplement que les choses se passeront en douceur après tout cela. Néanmoins... Bien que je vous respecte, vous et votre combat et que je ne porte pas particulièrement le royaume kendran dans mon coeur, je vous ferais face si vous en veniez à de telles extrémités, je préférais mettre les choses au clair. Le peuple n'a pas à payer pour la stupidité de ses souverains et il y a eu bien assez de morts comme cela.

- Le peuple ne m'intéresse pas. A eux, alors, de ne pas se cacher derrière celui-ci.

- Nous verrons bien... Si j'ai juste un conseil à vous donner : méfiez-vous du comte Ybellinor, ce type est une ordure convaincue de sa supériorité et il ira sans doute contre vous.

J’inclinai la tête en guise de salut. Malré tout, il avait tenu parole et méritait un certain respect, même si je n’avais aucune sympathie pour les mages noirs, son combat résonnait en moi bien plus que je n’osais l’admettre.

- Sur ce, j'ai un aynore à prendre. En espérant ne jamais vous croiser sur un champ de bataille, Herle Krishok. Je vous souhaite bonne chance pour la suite.

- Si les négociations échouent, ça sera notre défaite à tous. J'aspire autant que vous à la paix. Bonne route, Flamme Solaire, où que vous alliez.

Où que j’aille… je ne le savais pas moi-même…


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Xël
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Xël » sam. 18 déc. 2021 18:06

Ma rage demeure. Malgré le coup porté. Malgré sa violence. Malgré les assauts, nombreux, qui touchent la Déesse malfaisante. Ma rage demeure. Intacte. Brûlante. Aucun sort ne serait assez puissant pour me calmer. Aucune étreinte, aussi douce et rassurante soit-elle, ne pourrait m’apaiser. Ma rage demeure. Pareil aux vents d’une terrible tempête qui s’abattraient en pleine mer, là où rien ne peut m’en préserver. La destruction d’Oaxaca, la mort de ses Généraux, l’annihilation de ses armées pourrait ne pas suffire à calmer ma soif de justice. De justice ? Non. De vengeance. C’est le mot vengeance que hurle mon coeur lacéré. Lacéré par les vies prises, par les couples brisés, par les familles déchirées. Ma rage demeure et elle demeurera tant que chaque responsable arpentera encore le sol de Yuimen. C’est dans cet état d’esprit que mon poing percute le visage de la maudite Déesse. Que je sens contre les phalanges de mes gants son cuir hideux. J’ai envie de frapper encore mais une apparition m’en empêche. Elle empêche d’ailleurs chaque aventurier de se battre tant elle est étourdissante. Un navire flottant, semblable aux machines des Sindeldi mais bien plus majestueuse, se pose sur la plaine de corps sans vies.

Je recule, referme mon portail, me tenant à l’écart de tout ceci alors que des combattants descendent de l’engin volant. Allié ? Ennemi ? Peu importe, je ne suis même pas certain de pouvoir encore combattre. Même la volonté de le faire s’envole quand apparait un homme à la stature à la fois royale et divine. Imposant, à la peau noir dégageant une aura de lumière dans son armure étincelante. Il est accompagné d’elfes à la peau dorée, un homme et une femme en tenues somptueuses. Ils se présentent comme étant les émissaires des Dieux venant de l’île volante dont j’ai récemment entendu parler. L’homme à la peau sombre est présenté sous le nom de Koushuu, Roi de Yuimen et Dieu de l’ordre. Alors c’est lui. Le roi dont m’avait parlé l’obscurologue. Mon esprit est si fatigué que je ne me souviens pas pourquoi elle m’en avait parlé. Il est en tout cas à la hauteur de sa réputation. Je comprends que la bataille est terminée mais si la douleur dans mon crâne s’estompe, ce n’est pas le cas de la rage dans ma poitrine.

Mon regard s’assombrit d’avantage quand j’aperçois certains aventuriers présents converser avec les Lieutenants d’Oaxaca comme si de rien n’était. Comme si ce n’avait été qu’une rencontre amicale et que la fin marquait le début d’une réconciliation. Quelle indignité ! Dressés sur les cadavres encore chauds, ils bafouent déjà leurs mémoires. Je retire mon casque, apportant un apport d’air à mon esprit bouillonnant. Un air vicié d’une odeur de sang et de tripes qui me font réagir comme si j’étais un animal sauvage. Le regard noir, je scrute les alentours jusqu’à ce que mon regard tombe sur Simaya. La part de Fin’ en moi réagit, poussant un fragment de ma colère pour y laisser une poussière d’inquiétude. Elle qui est allongée dans les bras de l’assassin de l’impératrice déchue. Cette vision m’enrage alors que Finarfin me pousse au calme en rappelant que la bataille est terminée. Ca ne me débarrasse pas de mon regard mauvais et de ma démarche agressive, casque sous le bras, alors que je me dirige vers eux. Je pose mon regard sur Simaya et je sens mon expression changer, prendre un air d’amour fraternel alors que je prononce quelques mots à son attention.

« Alors tu as récupéré tes pouvoirs… »

Elle n’a pas le temps de répondre qu’une autre personne s’approche, à l’allure autant défaite que la mienne. Petite, fine, les cheveux blancs parsemés de sang et de boue. Je reconnais la personne qui accompagnait Cromax, celle qu’Ezak avait nommé « Régicide ». Je m’efforce de l’ignorer, elle et son maître. Deux tâches sombres dans mon esprit que j’aimerais nettoyer. Je me concentre sur Sim’ qui admet qu’elle a livré plus de pouvoir qu’elle n’aurait dû. C’est amusant de penser que j’ai subis le même contre coup sur les remparts d’Esseroth.

"Ta magie nous as tous sauvé. Encore une fois."

Dis-je en me penchant vers elle pour l'aider à s’extirper des bras de l’assassin. Trop faible pour tenir debout elle est forcée de s’appuyer sur moi tandis que Xenair se redresse pour répondre à sa disciple venant d’admettre non seulement le meurtre de Sol’ mais également son implication dans la libération de l’assassin.

« La priorité c’est Simaya. » répète inlassablement une petite voix dans ma tête pour ne pas que je venge immédiatement la mort du Roi et que je rétablisse l’erreur d’avoir laissé Xenair en vie. Je ne peux cependant pas m’empêcher de rétorquer, d’un ton lent et sec, implacable, ponctué d’un regard dur se promenant de l’une à l’autre qui partagent comme si de rien n’était leurs faits d’armes. Bandes de vautours.


"Ne vous croyez pas sorti d'affaires. Je n'ai pas oublié ce que vous êtes et ce que vous avez fait. Vous avez un court répit car la bataille est terminée mais un jour je poursuivrais le travail que j'ai commencé en enterrant Vallel sous sa tour. Je terminerais ce que je n'ai pas pu finir avec vous sur ce champ de bataille. Il n'y aura ni contrées assez lointaines, ni grottes assez profondes, ni montagnes assez hautes pour m'empêcher de vous retrouver."

Concluais-je avec la gorge nouée de colère avant de m'adresser à Simaya.

"Est-ce que tu veux venir avec moi à bord de l'Aynore ?"

Elle répond que sa place est entre les murs de la cité qui l’a accueillie tandis que ma mise en garde est bien comprise de la part des deux assassins. L’une, prête à dégainer, l’autre jouant l’apaisement et récitant des mots qu’il m’avait déjà confié quand il était à genoux dans les rizières. En guise de réponse, mon visage s’arbore d’une grimace de mépris. Mon regard se pose ensuite sur la lame de la petite elfe avant de remonter vers son visage pour la fixer longuement, comme pour imprimer son visage dans ma mémoire. Plume noire, Murènes. Des termes entendus que je n’oublierais pas. Je suis face à une ennemie capable de se glisser jusqu’à un Roi alors je ne ferais pas l’erreur d’oublier à quoi elle ressemble.

Je m’éloigne finalement en direction des représentants d’Oranan, m’éloignant des deux ordures venant des égouts d’Omyre en compagnie de Simaya, lui adressant quelques mots une fois hors de portée de voix.

« Ne m’en veux pas d’être si collant. Son amour pour toi fait aussi partie de moi maintenant. »

Elle pince les lèvres, rétorquant que sa peine est encore vive.

« Je sais. Il me manque à moi aussi. Je pense souvent au moment où je l’ai perdu. »

Je l’amène sans un mot de plus vers les conseillers d’Ynorie qui prennent le relais. Je lui adresse un dernier regard, tendre avant qu’il se durcisse à nouveau tandis que je me dirige vers l’engin volant. Je distingue Ezak, le soldat Kendran, ami de Naral, qui se dirige vers moi d’un pas décidé avec un air courroucé. Est-ce envers moi qu’il ressent de la colère ? Non. Je pense plutôt qu’il est dans le même état que je le suis, ressentant la même rage, la même rancoeur, le même désir de vengeance et de sentiment d’impuissance. Je ralentis ma course, certain qu’il veut m’adresser quelques mots.

Il jette un coup d’oeil vers Simaya avant de me demander d’un ton ferme comment elle va. Je fronce d’avantage les sourcils, à la fois agacé de devoir subir un tel ton et surpris de le voir se préoccuper d’elle.

« Si sa magie fonctionne comme sur Aliaénon alors il lui faudra quelques heures pour s’en remettre, rien de grave. »

Après une courte pause je lui demande, curieux de savoir la raison de sa démarche.

« Vous alliez frapper quelqu’un ? »

« Faelis, Sirat Ybelinor, la Régicide une de ces pourritures de Treize… La question c’est plutôt à qui je n’ai pas envie de refaire le portrait. »

Il souffle comme pour expirer sa colère.

« Désolé. Je suis assez remonté. Certains s’en sortent beaucoup trop bien à mon goût. »

« Je suis d’accord avec vous. Je viens d’ailleurs d’avouer à Xenair qu’il n’a qu’un répit avant que je ne le traque lui et ses semblables. Ils paieront. Les Treize restants. Ce traître de Sirat. La Régicide…. »

Ezak va soudain regarder autour de lui, avant de baisser la voix.

« C’est très bien qu’ils le sachent. Ils n’auront pas de répits et je serais ravi de faire partie de votre petite entreprise. Seuls les morts connaissent la fin des guerres mais certains idéalistes, comme votre ami Faelis, parlent déjà d’étouffer les rancœurs.»

Il va ensuite reprendre normalement.

« Quand vous reviendrez à Kendra-Kâr, venez m’y trouver. J’y accompagne son Altesse pour l’aider à y asseoir son pouvoir et participer au renouveau de notre peuple. Nous parlerons plus librement de ce que nous pourrons mettre en place pour le succès de notre « projet ». »

Je suis rassuré de savoir Satina accompagnée et soutenue par un homme comme lui. Je suis également content de savoir qu’il partage ma façon de penser.

« Je ne reviendrais pas à Kendra Kâr tant que je n’aurais pas neutralisé les menaces qui rôdent autour de la cité. C’est une promesse que je me suis faite. Mais vous pouvez partager le message que ceux qui chercheront à nuire à la Reine Satina pour lui usurper son trône auront à faire à moi. Pour eux. Je reviendrais. »

Il me regarde un long moment dubitatif, mais plusieurs émotions vont passer par ses yeux. De la surprise, de l’incompréhension, du doute, et de la compassion. Il ouvre la bouche pour dire quelque chose puis se ravise, avant de poser une main amicale sur mon épaule, un sourire compréhensif sur le visage.

« Prenez soin de vous. »

Il s’éloigne, continuant sa route, avant que je ne l’interrompe.

« Attendez. Quand je me lancerais dans ma tâche, je vous ferais passer un message par l’orphelinat de Kendra Kâr. Je connais bien la gérante, n’hésitez pas à y faire un tour. »

« Entendu ! Je prendrais contacte avec elle. »

Il continue ensuite sa route. Tout comme moi, qui m’approche de l’engin volant. Je fais partie des premiers à m’y rendre. Je ne doute pas que d’autres seront curieux de rejoindre la légendaire île volante. Mais ils sont pour l’instant occupés soit à panser leurs plaies ou leurs âmes, retrouver des camarades qu’ils pensaient morts ou encore à converser avec l’ennemi ou tirer les ficelles pour ressortir gagnant de nouvelles alliances grâce à cette abominable charnier. Je grave ces souvenirs dans mon esprit, l’image des Treize encore en vie, assombrissant d’avantage mon visage et mon humeur.

Je récupère la récompense qu’on me tend avant de monter à bord. Etrangement je m’apaise assez rapidement et gagne le pont, me mettant à l’écart. Isolé, je m’accoude au bastingage et observe les vestiges d’une bataille infernale.

((Récupération de la récompense. Monte à bord de l’Aynore.))


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Maâra
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Maâra » lun. 20 déc. 2021 20:48

Illuminés par la présence de Brytha, sous sa coupe et son courroux prochains ; malgré les blessures, malgré la douleur et cette inéluctabilité planant sur leurs âmes, les survivants se ruent sur Oaxaca. La dernière fois, sans doute.

Et les éléments, à nouveau, se déchainent. Partout, les sortilèges foudroient, balayent et s’abattent sur le corps éthéré de la Reine Noire ; les lames tranchent et arrachent des lambeaux d’une chair qui n’en est pas. Maâra parvient à maîtriser la rune destructrice et voit le flan d’Oaxaca se déchirer en myriades de particules indéfinissables. Sera-ce assez ? se demande Maâra, toujours à genoux, embourbée dans cette terre profondément souillée.

Au dessus d’elle, le ciel se fend soudain, la lumière de Brytha jaillit telle des faisceaux avant de mystérieusement s’estomper. Tous ceux qui n’ont pas les yeux rivés sur la Reine Noire agonisante voient alors descendre un vaisseau doré.
La tête de Maâra, relevée vers ce revirement de trop, ploie sous le flot d’émotions qui traversent son cœur las et fatigué. Surprise, soulagement, crainte se mêlent à toute l’ardeur qu’elle tente d’alimenter pour faire face jusqu’à la dernière seconde. Le couperet d’un retour triomphant de Brytha ne tombera pas.

((Celui-ci n’est pas de chez eux.)) Dit-elle à part elle, réalisant au même moment d’où il ne peut que provenir ; sans se rendre compte du pronom utilisé, s’excluant inconsciemment de son peuple.
((Oh purée ! ils ont surtout entendu tous vos blasphèmes ouais !))

L’aynore dorée, spectaculaire par sa taille, sa ligne et ses couleurs, se pose au milieu du champ de bataille, éparpillant et séparant un peu plus les rangs des armées Garzok et Grises. Six chevaliers en armure dorée escortent trois personnes imposantes de charisme et d’autorité. Ou est-ce autre chose qui poussent toutes les personnes sur cette plaine à cesser leur combat, sans doute même de résister ? Maâra, lorsqu’elle l’aperçoit et le reconnaît, sent son corps et son esprit lâcher totalement prise, à en trembler de tous ses membres.
La présence de Koushuu, Souverain de Kers, Roi de Yuimen ou ; comme on le nomme sur la côte ouest de l’île de Niafaân : Dieu de l’Ordre. Celui qui a vaincu Oaxaca il y a plusieurs millénaires.

((Alors tout est vrai ? se dit Maâra en balayant la plaine de son regard las. Sa seule présence est capable de faire ployer tant de rage et de volonté.
- Cela signe surtout la fin de Oaxaca.
- Espérons-le, ce n’est pas la première fois qu’elle est vaincue et emprisonnée.))


Le regard braqué sur les nouveaux arrivants, la Sindel les entend et les écoute comme l’écho d’un orage lointain. Elle observe l’Envoyé de Zewen énoncer la sentence d’Oaxaca, dictée par les Dieux ; elle suit du regard le Roi de Yuimen qui, sans un mot, sans une once de victoire dans sa posture traine la Reine Noire déchue sur l’Aynore. Nulle voix, ennemie ou alliée, ne brise le lourd silence face à cette scène pourtant légendaire en soi. Ainsi, les Dieux ont entendu leurs voix et ont choisi d’intervenir indirectement en envoyant leurs émissaires. Encore déstabilisée par le brusque rapt de sa volonté de vaincre, Maâra ne ressent rien d’autre qu’un profond abattement.

De même qu’elle ne réagit pas aux annonces des émissaires, elle baisse à peine le regard sur la besace que lui tend l’un des chevaliers. Une récompense, comprend-t-elle en réécoutant les paroles entendues, pour leur bravoure et leur fidélité ; qu’elle accepte avec déférence.
Plus interpellant est la réaction du commandant de l’armée grise qui, plus adepte que soldat, voit très mal le traitement fait aux aventuriers, rémunérés comme de vulgaires mercenaires ; et surtout l’absence de mots envers sa Déesse sacrifiée pour la survie de tous. Rancune et désespoir les accompagnent tandis que toute l’armée disparaît comme elle était apparue.
Sans s’offenser ou réagir, l’émissaire reprend son discours et invite les survivants à prendre place dans l’aynore et se rendre sur Nyr’tel.

Un trouble visible s’empare de la Sindel, en proie à une soudaine envie de remonter le temps, quand tout était vide et froid malgré le caractère légendaire, même à l’échelle d’un Dieu, de leur triste victoire. Son humilité, sa réserve et sa discrétion prennent l’ascendant sur sa soudaine envie d’accepter cette offre inattendue.

Sous les conseils de son Faera, elle se rapproche de son groupe.

((Regarde.)) Dit-elle à son Faera tandis qu’elle s’arrête devant un fragment de dent du Dragon Noir, vestige de la Bête et de son combat contre Brytha.
((Une esquille à peine et pourtant, il fait la moitié de mon bras.)) Hésitante en premier lieu, imaginant l’étendue immodérée des réactions des plus fanatiques de son nouveau clan, elle le ramasse et le cache dans son sac, tel un trophée, avant de reprendre son chemin.


Au milieu des cadavres, avec autant de respect que cela puisse se faire, le groupe est déjà réuni. Azra évoque à l’instant l’espoir de voir la menace de la guerre enfin loin d’eux et le miracle qu’ils soient tous vivants.
Moins optimiste, à l’image du général nain dont la mine grave se durcit encore en grognant contre le Nécromancien, Maâra intervient.

« Nous n’avons échappé de justesse qu’à la fin de notre existence ; la guerre, les guerres seront très vite à nos portes. Les Garzoks n’ont pas nature à vivre paisiblement, les Shaakts en apprenant que leurs ennemis n’ont plus d’armées vont sortir de leurs grottes, et que dire des dissidents de tous ordres ou des gens d’Imiftil. Sa victoire à Elle, c’est ce chaos à venir. »

Robert de Pérussac, courbé et affecté lui aussi par les pertes fort nombreuses, opine du chef.

« Nous honorerons les morts d’aujourd’hui à jamais, nous qui avons eu la chance de survivre à l’apocalypse. »

Chacun approuve et acquiesce, priant sans doute silencieusement. Puis les discussions reprennent et Azra, épaulé par Maâra évoque la question de leur engagement tacite quant à l’acceptation officielle du château d’Endor sur les terres des Duchés.

« Messire Pérussac, Général Throgg’In, nous étions et resterons vos alliés. Ce qui attend les peuples libres de Nirtim est considérable et nous vous y aiderons ... notre futur est entre vos mains, vous seuls pouvez nous inclure à la rude reconstruction d'une future alliance, ou nous en exclure.
- Veuillez m’excuser d’intervenir ainsi, dit le jeune Tobias en faisant face aux deux nécromanciens, mais je me dois d’exposer, pour ce que j’en sais, les enjeux liés à une telle décision.
Commandant, général Throgg'in, nous aurons besoin d’alliés de confiance dans cette nouvelle ère qui s’annonce et je pense qu’accéder à la requête de ces gens permettrait d’ouvrir la voie à de nouvelles alliances.»


L’écoutant avec attention, Maâra apprend du jeune soldat qu’une autre affaire, bien plus complexe, se lie à la demande des Messagers. Herle Krishock avait demandé bien avant la bataille ; en échange de sa non participation à cette guerre mais sous la menace d’une autre ; que la magie d’Ombre soir légalisée dans le Royaume de Kendra-Kar. Encore pensive suite à cette révélation, Maâra écoute les avis de chacun, notamment Pérussac qui prévoit que l’affaire sera moins expédiée si Satina, la jeune sœur de feu Solennel, a voix au chapitre, tout en émettant des réserves quant à sa future souveraineté.

« Quant à votre demande, rajoute-t-il ensuite, Corbeaux d’Endor, vous devrez la formuler au futur Duc de Luminion. Sachez toutefois que vous avez ma recommandation pour que votre projet soit accepté. Nous avons trouvé en vous des alliés solides et volontaires.
- Et la mienne aussi. Ajoute de sa voix rude le Général Nain. J'en ferai le rapport à mon Roi, même si désormais ces terres sont libres de toute contrainte royale »

Maâra s’incline avec un profond et honnête respect, estimant là qu’une étape cruciale vient d’être franchie.

« Vous nous honorez Messieurs, après ce que nous avons vécu ensemble l'acceptation à titre personnel de notre Ordre et vos recommandations sont très chères à nos yeux. Les jours et les mois à venir seront pourtant plus difficiles encore.
Messire de Pérussac, si le Duché de Luminion est livré à lui-même, n'êtes-vous pas le mieux placé pour le reprendre en main ? Demande-t-elle sans rélféchir.
- Je suis sans doute trop relié à Kendra Kär pour que Luminion soit encore dirigée par moi. Nous verrons cela dans un avenir proche. »

Le ton, sans être brusque, étonne Maâra qui craint avoir outrepassée quelques limites politiques complexes. Elle s’excuse vivement et se détourne un instant vers le Général nain, laissant le Duc et Tobias discuter des détails de leurs projets futurs.

« Général Throgg'in, qu'allez-vous faire maintenant ? Il y a tant à faire et si peu de survivants.
- Rejoindre ma patrie et reconstruire ce que nous avons perdu. Récupérer nos morts, les honorer de leur sacrifice, et veiller à la défense de notre royaume
- Ce sont là des paroles censées dont tous devraient prendre exemple. Je prie que les gouvernants de ce continent ne soient pas comme ceux qui habitent la capitale Sindel, qu’après une telle hécatombe, que face à un futur si incertain, l’unité et le bon sens sauront trouver une place. »

Il semble acquiescer, mais Maâra ne le jurerais pas. Son regard se tourne souvent vers le nord, là où tant et trop des siens sont tombés et son esprit, se dit Maâra, doit être tourmenté par l’annonce à son peuple de la tragédie d’aujourd’hui. Quel soulagement, quel bienfait la fin d’Oaxaca peut bien apporter aux peuples endeuillés ?
A ses côtés, d’une voix haute et décidée, Tobias conclut sa discussion avec l’ancien Duc. Bien que libéré de son service, il souhaite continuer à œuvrer pour les Duchés, à offrir son aide à la princesse Satina pour parvenir à une cohésion entre Kendra-Kar, les Duchés et le peuple nain.

« Œuvrez comme bon vous semble, répond avec respect l’ancien Duc, vos projets semblent pertinents.
- Je suis bien aise de savoir que vous allez y œuvrer jeune Tobias Arthès. Notre Ordre aussi aura sa part à faire pour consolider notre légitimité, que ce soit avec le futur Duc, avec, je l’espère, la future reine de Kendra-Kar et le peuple nain.
- Et pour ma part, vous serez toujours bienvenus. Tous, je vous considère comme des alliés, et plus personnellement comme des amis. »

Visiblement émue par les derniers mots bien que restant rigide dans sa posture, Maâra s’incline.

« C’est un honneur Messire, je jure de rester digne de votre amitié. »


Le court entretien prend fin peu à peu, des détails restent en suspens notamment celui de l’identité du futur Duc mais ici et maintenant, un futur commun est envisagé et cette alliance solide avec deux hommes d’honneur ouvre la voie pour Endor. Dans leur dos, Daemon les rejoint. Blessé, trempé de sueur et de sang, usé par l’effort de marcher dans ce charnier avec son épée pour béquille, il cherche des réponses. Tobias et Azra lui répondent aussitôt, lui apportant tous les détails importants. Il se fige un instant, le visage figé par l’incrédulité.

« Oaxaca... vaincu. Le dragon noir... emporté... C'est difficile à croire. La guerre vient donc de s'achever.
- Oui, répond Maâra d’une voix fuyante. Celle-ci est achevée et quel triste constat qu’une Déesse d’un autre monde se sacrifie pour sauver notre monde du Dragon Noir, et que nous ayons pu atteindre et blesser Oaxaca que grâce à l’aide d’une magicienne venue d’ailleurs. Nirtim a tant perdu pour cette triste victoire. »


Amères malgré leur détermination à servir, défaits malgré la victoire, les membres du groupe échangent leurs derniers mots, se donnant tour à tour rendez-vous dans un futur proche pour consolider et achever ce qui a été entrepris ici. Maâra, sa décision prise, s’éloigne vers l’Aynore. Une telle opportunité ne peut décemment pas être refusée parce qu’elle se pense illégitime face aux Dieux.


((récupération de la récompense de quête et d'un fragment de dent de Dragon Noir))


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Maâra _-_ Sindel _-_ Nécromancienne _-_ Maître des Runes
Ceux qui pensent que les morts appartiennent au passé, ne savent rien du futur.

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Re: Plaines de Kôchii

Message par Sibelle » ven. 31 déc. 2021 16:48

Conclusion de l'événement: Discussion avec le Général Bogast


Sibelle se dirigea vers le général. Une fois à quelques mètres, elle s’immobilisa et attendit patiemment qu'il ait terminé sa discussion en cours avec les autres gens. Dès qu’il fut libre, elle s’en approcha et lui fit un sobre salut de la tête.
Le général rendit le salut avec le même sérieux.

Une fois à une distance raisonnable pour entamer la discussion, Sibelle prit la parole :

« Je viens au rapport. Inutile d'être trois pour raconter la même chose. Je suis donc venue seule. Et j'ai attendu que la guerre soit terminée avant de me présenter à vous... il y avait plus urgent. »

Sans détour, la belle avait résumé en à peine deux phrases la situation, et se tut attendant les commentaires du général, ce qui ne tarda pas.

« Avez-vous donc quelque chose à vous reprocher ? Voilà que vous vous justifiez avant même que j'aie pu dire un mot. »

Étant persuadée qu’elle avait pris la bonne décision, Sibelle releva son menton d'un air fier.

« Non, aucunement. J'ai l'habitude d'être transparente et de dire les choses telles qu'elles sont. »

S’il avait d’abord répondu d’un ton neutre, ce dernier fut cette fois plutôt grinçant :

« Oh, bien. Parce que j'ai cru un instant que vous preniez à la légère le rapport de mission que j'attendais au plus tôt concernant votre mission. J'imagine qu'il n'y avait rien d'urgent à déclarer... comme le revirement de camp d'un allié, par exemple. »

Légèrement contrariée par le ton employé par le général, Sibelle conserva toutefois son calme tout en répondant :

« Il n'y avait en effet rien d'urgent à déclarer... Si vous faites allusion à Sirat. Il a en effet changé de camp, mais une fois la mission Vandrak terminée seulement. Je vous assure que son revirement nous a tous surpris... Pour ce qui est de Vandrak. Il s'agissait d'un guet-apens. Vandrak était de mèche avec eux et non en danger. Il en était de même que ses employés. Des orques cachés dans le grenier nous attendaient... mais par un heureux hasard pour nous, nous avons pénétré le château par la fenêtre du grenier. Ils ne s'attendaient pas à voir des aventuriers. Nous sommes ensuite descendus à l'étage, où nous attendaient orques, lykor ainsi que Sarl et Karsinar. Nous sommes vite retrouvés en désavantage de nombre, mais ils nous ont laissés partir... Je crois que c'est tout... Avez-vous des questions ? »

Une fois de plus Sibelle avait résumé la situation le plus brièvement possible.


« Non, aucune question, j'ai bien compris la situation. Sachez cependant que le manque de communication préalable était sans doute plus urgent que vous le pensiez. Si nous avions su Sirat Ybelinor parmi nos ennemis, cela aurait pu sauver de nombreuses vies de soldats de notre armée. Enfin... avant l'intervention du dragon, bien sûr. Mais à part si vous connaissiez les desseins de cette géante créature noire, il aurait mieux valu nous en rendre compte. »


Sibelle se crispa légèrement lorsque le général lui fit des reproches.

« J'aurai pu vous en informer, c'est vrai. J'ai préféré me jeter dans le cœur de la bataille pour tuer le plus d'ennemis, pour protéger la muraille, pour éviter justement bien des morts... »

Elle s'arrêta, prit une bonne respiration.

« J'avais déjà vu un dragon noir sur Aliaénon, mais il était plus petit et moins puissant. Mais tout comme celui d'Oaxaca, j'avais pu constater sa cruauté, son insensibilité, et son sentiment de supériorité.... Je ne connaissais pas ses desseins. Je ne pense pas que personne ne les connaissait. »
La mine de Bogast s’assombrit.

« Personne ne pouvait prévoir une telle chose, non. Sauf Oaxaca elle-même, sans doute. Bien, ce qui est fait est fait. Je vous invite à passer à Kendra Kâr lorsque vous en aurez le temps, vous et vos pairs. Une récompense à la mesure de vos efforts vous sera faite. »

Sibelle acquiesça à ses dernières paroles et répondit sobrement:

« Merci, je passerai à Kendra Kâr à mon retour. » Remercia-t-elle poliment avant de le saluer et de tourner les talons en direction de l'aynore.


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Jorus Kayne
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Jorus Kayne » lun. 3 janv. 2022 14:21

(Le collier. Il faut retrouver ce maudit collier !)

Je ne suis qu’un homme, dénué de pouvoir magique comme bon nombre des êtres présents ici. Je ne peux rien faire de plus contre une déesse noire, si ce n’est m’assurer qu’une partie de son pouvoir ne revienne pas nous hanter. Son collier, qui s’est échappé de son propriétaire, renferme les âmes de puissants lieutenants d’Oaxaca. C’est la raison pour laquelle, je suis en train de fouiller le sol boueux, alors qu’autour de moi, les éléments se déchaînent. Je finis par apercevoir le bijou de malheur, mais c’est un oudio qui le saisit avant moi. Je ne crois pas l’avoir vu se battre contre Oaxaca et vu que personne ne semble le prendre pour une menace, c’est qu’il ne fait pas partie de ses fidèles. Une bonne chose donc. Enfin je crois.

Alors que tous se ruent sur la déesse qui ne semble pas vouloir mourir, un élément nouveau attire mon attention. Alors que je pensais Brytha revenue, sa silhouette est brisée par l’arrivée d’une anyore. Un modèle similaire à celui que j’ai utilisé pour me rendre et quitter le Naora, mais dans une version, plus sophistiquée et particulièrement brillante. Chassant les nuages et baignant de rayons dorés de soleil, il faut l’intervention de ma faéra pour comprendre l’importance de ce qui se produit.

(Jorus c’est…ça vient de NyrTel’Ermansi ! De la cité des dieux !)

C’est sans esquisser le moindre geste, je regarde le vaisseau descendre. Le sas s’ouvre, laissant sortir six chevaliers en armure et lance d’or. Ils se placent pour laisser sortir une délégation unique. Deux elfes dorés, un mâle à la longue chevelure, doré comme les blés et ses habits, ainsi qu’une femelle portant une armure d’or scintillante. Le troisième et dernier est un humain au teint foncé, portant une armure de blanc et d’or. De sa simple présence, l’homme réduit à néant toute envie de combattre à nouveau. Une aura qui impose la fin de la lutte contre Oaxaca, suffisamment singulière pour que ma faéra me donne son identité.

(Koushuu !)

(Le roi de Yuimen !)

L’elfe en habit d’or prend la parole en premier, d’une voix forte et claire.

"Peuples mortels, sachez qu’aujourd’hui les Dieux ont entendu votre voix. Ils ont senti la souffrance et la mort se déchaîner, ils ont pris pitié de vous, ils ont compris votre volonté ferme de punir Oaxaca pour ses actes. Nous sommes les émissaires des dieux, je suis l’Envoyé de Zewen, sa bouche et son visage en ce monde. Et aujourd’hui sonne la Fin d’une Ere pour Yuimen." Puis il se tourne vers la déesse noire, maintenue par le lasso d’or D’Yliria. "Oaxaca, fille de Thimoros, vous êtes accusée de maux majeurs sur cette terre. Le jugement de Zewen est implacable : vous devez quitter ce monde pour venir vivre sur Nyr’TelErmansi, à la place qui vous y attend : au sein de nos geôles divines, sous la surveillance de votre nouveau Gardien : Koushuu, Roi de Yuimen, Souverain de Kers et dieu mineur de l’Ordre."

A ces mots, Koushuu traverse les rangs des guerriers et vient prendre le lasso qui tient en respect la déesse noire. La ramenant au sol, l’étau qui se resserrait autour de moi s’envole. La terrible magie de la déesse vient de disparaître, nous sauvant d’une mort que l’on pensait certaine. Il l’entraîne à sa suite jusqu’à l’anyore, comme une vulgaire prisonnière.

La seconde elfe dorée prend la parole, nous ramenant à d’autres sources d’intérêts. Elle se prénomme Artanis Caliawen, porte-parole des Dieux élémentaires. Elle désigne ceux qui se sont battus et qui ont survécu au terrible pouvoir des ombres, come étant des âmes héroïques. Pour la bravoure et la fidélité dont ces êtres ont fait preuve, elle déclare qu’ils seront récompensés. A cela, le premier lieutenant de Brytha s’offusque, ne voyant en cette récompense qu’une façon de nous traiter comme de vulgaires mercenaires, surtout après le sacrifice qu’a accompli Brytha. Il refuse catégoriquement, au nom de l’armée de Brytha, toute forme de récompense de la part des dieux. Ils quittent les lieux, invitant ceux qui le désir, à les rejoindre. Toute l’armée grise se repli à cet ordre et enveloppée dans une brume naissante, ils disparaissent. Laissant son regard d’or sur l’armée qui disparaît, le premier orateur elfique reprend de nouveau la parole, invitant à son tour les mortels, ayant contribué à leur façon, durant ce conflit, à les accompagner sur Nyr’Tel Ermansi. Puis d’une voix puissante, il exige de soigner le garzock que j’ai affronté avant la grande hécatombe.

L’armée d’Omyre quitte à son tour, les terres désolées de la bataille. Libérés de l’emprise d’Oaxaca, vont-ils retourner à Omyre pour perdurer l’œuvre de leur déesse, ou vivre selon leurs désirs ? En ce qui me concerne, je pose les genoux sur le sol, ou plutôt dans la boue que forme désormais les rizières d’Oranan. La fin était enfin arrivée et pour les survivants, le temps d’un long soupir. Même si j’ai vu tant de choses horribles durant ce conflit, j’ai au moins la satisfaction d’avoir protégé les peuples libres du joug d’Oaxaca et plus particulièrement une taurionne qui sera stupéfaite par ce que j’ai accompli pour la revoir.

(Comment pourrait-elle me croire ? A tous les coups, elle va prétexter que je suis arrivé à la fin pour ramasser les lauriers. Il faut une preuve de ce que j’avance. Une preuve unique !)

Il n’y a rien autour de moi, hormis la mort et des trépassés, ainsi que le chagrin de cette poignée de survivants. Seule la récompense des dieux sera paraîtra suffisante pour prouver de ma présence. Je m’y rends à la suite des autres et sur le chemin, je bute sur une chose enfoncée dans le sol, une chose qui attire mon attention. Intrigué et voyant que le monde se rassemble vers les émissaires, je prends le temps de me baisser pour le ramasser. Il me faut forcer avec mes bras fatigués pour extraire ce que moi, je n’identifie pas. Sauf que je ne suis pas seul.

(C’est un des morceaux de dents du dragon ! Seulement un morceau !)

Pour l’heure, je n’ai pas vraiment l’envie de blaguer. Je me serais certainement demandé qu’elle taille pouvait bien avoir les bouts de viande qui peuvent se coincer entre les dents. Sauf que la situation ne s’y prête guère. Je regarde ce morceau tenant dans ma main, en me demandant quel genre de souvenir il peut être. La lutte contre Oaxaca et son dragon, ou bien le souvenir de cette faim insatiable d’âmes qui a semé la mort comme il n’en a jamais été possible auparavant ? Un souvenir, une preuve, mais de quoi ?

(Une preuve que tu ramasses n’importe quoi qui dépasse du sol ? C’est dégueu, tu sais même pas où ça a trainé !)

Avec mon morceau de dent à la main et une faéra qui tente vainement de me changer les idées, en me faisant croire qu’elle est au bord du vomissement, bien que ce ne soit pas possible, je me dirige à mon tour vers les elfes dorés. Sur le chemin, mes yeux se posent presque instinctivement sur un individu en particulier. Un être à la corpulence elfique et à la peau noire. Affublé d’un armure lourde, son casque ouvert permet de reconnaître sa nature shaakt. Sans vraiment me donner la peine de me remémorer de quel côté cet elfe a combattu, je ressens pour lui quelque chose de particulier. Ce n’est pas le premier elfe noir que je croise et aucune de mes expériences ne se sont avérées bonnes, mais rien de comparable à maintenant. Alors que nos regards se croisent, ses yeux expriment un mépris flagrant pour moi. Quelque chose paraît nous unir, sans mettre le doigt dessus. C’est comme si nous étions des pantins de bois, manipulés par le même marionnettiste.

(Non, c’est la fatigue, je me fais certainement des idées !)

Finalement, je braque mon regard devant moi en direction des émissaires. Ils nous confient une petite bourse brodée d’or, contenant à l’intérieur une quinzaine de pièces. Sauf qu’il s’agit là de pièce d’or. Du vrai ! Pas une vulgaire imitation qui change de couleur dans l’eau ou une confiserie au chocolat, non. Des pièces l’or comme je n’en ai jamais vu dans ma vie et en voilà quinze qui garnissent mon pécule. En plus de cela, trois runes sont présentes et en les saisissant dans le creux de ma main, la compréhension est immédiate : initiative, attaquer et jet. Pendant quelques instants, je me demande d’où ce savoir peut bien provenir, mais pour l’heure, je suis las et les questions attendrons plus tard.
Récompense des dieux et ramassage d'un morceau de dent du dragon.

[XP : rien de particulier]

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Jorus Kayne
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Jorus Kayne » lun. 3 janv. 2022 15:32

Tandis que je m’éloigne à mon tour des elfes dorés, observant depuis ma position la capture d’Oaxaca par Koushuu qui délivre ainsi les peuples de sa présence, une importante masse volante arrive à moi. Kiyoheïki, portant Yliria sur lui, me proposant d’aller négocier avec le gentâme pour supprimer ces marques. C’est près de Tal’Raban que nous nous posons, le dragon lui demandant un moment pour discuter, le nécromancien offrant un signe de tête courtois. La dernière fois que j'ai eu affaire à un tiers en présence d'Yliria et Kiyoheïki, en ayant ouvert mon claque-merde, les choses se sont mal passées. Je me laisse entraîner dans l'entrevue verbale, sans piper mot, si ce n'est qu'un hochement positif de la tête, lorsqu'Yliria demande le retrait des marques du Gentâme.

"Veuillez excuser ma réponse franche, mais il en est hors de question. Premièrement, je ne décide pas pour lui des marques qu'il pose, et ensuite vous êtes les seuls responsables de celles-ci. Les ôter gratuitement serait contre-nature pour lui."

Cette réponse à le don de m’agacer, les yeux plissés et les poings serrés, je réprime ma contrariété.

(Le gentâme est pourtant une créature du nécromant, c’est pas quelque chose qui pousse sur les arbres !)

Finalement, je me tourne vers mes camarades pour leur proposer une alternative.

"Si nous ne pouvons obtenir de résultat ici, peut-être que les dieux seraient en mesure de faire quelque chose, non ?"

Yliria m’explique qu’il est possible de parvenir à un accord, mais pour cela, il nous faut payer un prix. Prix que le gentâme doit probablement déjà connaître.

"Un marché est un marché. Toutefois, toute transaction insatisfaisante peut être sujette à contestation. Ce Dragon remet donc en cause la légitimité de certaines de nos marques. Parlementer avec votre... Compagnon est aussi un souhait de ce Dragon." Rétorque l’elfe dragon.

(Parler avec le gentâme ? Yliria et moi savons à présent ce qu’il en coûte de posséder sa marque. Parler avec le gentâme sans lui poser de question est un exercice aussi ardu que dangereux. Un risque qui ne vaut pas la peine d’être pris lorsqu’on connaît les conséquences.)

Jorus va regarder kiyo et répondre rapidement avant que le gentâme ne soit présent.

"Ce dragon sait-il ce qu'il en coûte de parler au gentâme ? C'est une très mauvaise idée au vu du risque !" Dis-je en cherchant l’attention du dragon et répliquant sa façon de parler.

"Tout comme mettre à exécution un plan cruel sans en toucher mot à ses équipiers au préalable, Jorus Kayne." Dit-il en posant sur moi son énorme œil violet. Puis il poursuit en expliquant connaître les détails.

(Ouch ! Celle-là, elle fait mal mon jojo !)

Me ramenant à cette erreur qui me fait me maudire moi-même, je baisse la tête et préfère me taire. Le nécromancien s’amuse de nos échanges et fait venir sa chose. D’un sourire sadique, il nous invite à présenter nos plaintes au gentâme, lui qui nous a fait une fleur, que nous contestons ses transactions étaient inéquitables, bien que nous y avons cédé de notre gré.

Yliria conteste cette fameuse fleur, évoquant la disparition de notre marque, sachant que cette transaction nous a autant été bénéfique, qu’à Gadory. Du moins, jusqu’à ce qu’il meurt quelques instants après. Puis elle cherche un compromis avec la créature d’ombre et de mystère.

"Cela dit, c'est exactement ce que je souhaite, revenir sur ce pacte. Il n'était nullement question de servitude et peu importe que vous jouiez sur les mots ou les non-dits, c'est un pacte parfaitement contestable. Mais je ne demande pas cela sans contrepartie, ce serait hypocrite de ma part. Vous nous avez donné des informations, nous pouvons en fournir en retour. Et si cela ne convient pas, on peut toujours trouver un terrain d'entente, parce que je vous garantis que je ne resterai pas les bras croisés avec cette marque sur le poignet."

A cela, le nécromant compare l’année de servitude imposée par la marque et l’acte bref de quitter une partie du champ de bataille. De son côté, le dragon conteste les informations obtenues par la transaction. Bien que nous avons été informés de certains aspects de la guerre du côté d’Omyre, il n’était nulle mention de la présence du dragon, du mur végétal séparant les troupes, de la présence de la quasi-totalité des lieutenants d’Oaxaca comme le seigneur Tal’Raban lui-même.

Malgré un argumentaire que je définis comme particulièrement solide, la créature la balaie d’un simple geste, prétextant qu’elle a répondu en fonction du savoir qui était en sa possession. Il s’intéresse plus particulièrement à la proposition d’Yliria, demandant ce qui peut valoir une année de servitude en contrepartie. Ce n’est qu’après une brève réflexion, que la jeune elfe propose le savoir que possèdent les dieux et qui font défaut au gentâme, qui paraît intrigué par cette proposition.

(Obtenir les informations des dieux ? Que savent les dieux que cette chose ne sait pas ? Que sait-elle ne pas savoir, mais que les dieux savent ? Rhaaa, ça me prend la tête tout ça ! Il n’y aurait pas un moyen plus simple de résoudre ce problème ? Posséder une marque impose une année de servitude. Je ne suis qu’un simple guerrier, mais pour ce qui est d’Yliria et de Kiyoheïki, c’est un tout autre problème ! Et si…je vais en entendre une, mais cela pourrait vraiment nous sauver la mise.)

(Jorus ? Pourquoi tu ne penses pas tout haut ? tu m’inquiètes !)

"Et si...plutôt que de supprimer ces marques, transférons-les sur une seule et même personne !" Je plisse les yeux en scrutant la tête vide du gentâme. "Non, vous allez me répondre que vous n'y gagnerez rien !" Je réfléchis brièvement avant de reprendre en tendant le bras. "A nous trois nous devrions avoir quatre marques. Faites le transfert sur moi et rajoutez en une supplémentaire. Ainsi vous aurez une année supplémentaire !"

La créature paraît très intéressée, par ma proposition. Elle y gagne une année de servitude sur les quatre actuellement. Cependant, l’idée est bien moins acceptée par la jeune semi-elfe.

"Il n'en est pas question ! C'est quoi ça ? Encore une merveilleuse idée pour nous aider sans avoir aucune idée dans quoi tu t'embarques ?! Tu ne sais rien de la servitude, Jorus, rien du tout, et il n'est pas question que tu payes à ma place ! Et si c'est pour te racheter de ton idiotie précédente, ce n'est pas en en faisant une plus grosse encore que ça va arranger quoi que ce soit ! Te rends-tu compte de ce que tu proposes ? Tu deviens un esclave pendant cinq ans ! Il a droit de vie ou de mort, de te torturer, de faire tout ce qu'il veut à ton corps et ton âme pendant cinq ans ! Alors tu oublies ça immédiatement !"

Elle revient ensuite vers la créature, non sans me laisser un regard mauvais, m’intimant de l’ouvrir à nouveau. Elle continue de proposer les connaissances des dieux en échanges de la suppression des marques. Je regarde la jeune Yliria avec une certaine tendresse. La voir s'énerver pour m'éviter un tel destin me fait chaud au cœur. Pourtant je ne laisse pas mon idée de côté, aussi invraisemblable puisse-t-elle être à ses yeux.

"J'aimerais te dire que c'est pour me racheter, mais ce serait mentir. Penses-y sérieusement Yliria, vraiment sérieusement. Depuis que je sais la nature de cette marque, je crains des possibilités qu'il pourrait en faire avec nous trois. Imagine simplement que nos ennemis disposent de vos capacités à tous les deux ? La capacité de transformer un champ de bataille en un cimetière de cadavres, ça plus un dragon ! Ma proposition peut te paraître stupide, elle vous prémunit pourtant de vous retourner contre les êtres qui vous sont chers. Je doute qu'Oranan voie d'un bon œil son protecteur dragon devenir un nouvel ennemi. Quant à moi, je suis au moins sûr de rester en vie, tant que la cinquième marque n'est pas totalement engagée. Que risque le monde si je venais à servir Omyre ? L'asservir grâce à ma recette de truite fumée aux herbes ? Contrairement à vous, pas besoin de rassembler des êtres uniques pour m'arrêter. Un pécheur grognon, un ancêtre bossu et d'une fille de joie feront l'affaire ! Non, mettons juste la fille, ou deux...non trois ! Brune, blonde et rousse. Pas de chauve Ça me..." Je frissonne à l'image et reprends sérieusement. "Oublie les filles, mais penses sérieusement à la proposition."

De son côté, le dragon me regarde de son grand œil indescriptible. Il laisse entendre que mon action, sans la connaissance de ce qu’elle peut engendrer est folie. Cependant, il paraît comprendre mes propos voir, les respecte un peu. Il retourne finalement son attention sur le seigneur nécromancien, déclarant espérer que ce service se fera le plus lointain possible et jamais dans l’idéal.

Tal’Raban explique qu’il n’existe pas de lien entre les pactes du gentâme et sa relation avec lui. En aucun cas, il ne semble avoir une quelconque forme d’influence sur le rôle ou les services que nous aurons à rendre lorsqu’il s’agira de respecter la marque. De plus, il s’étonne que nous le prenons pour un ennemi. L’ennemie était Oaxaca, elle n’est désormais plus une menace. Il sait que la réputation qu’il a forgée à son service ne sera pas facilement lavée, mais il déclare n’avoir aucune envie de vengeance, de domination ou d’exercer une quelconque menace sur Oranan, Kendra Kâr, malgré leur politique concernant la nécromancie.

Le gentâme devance Yliria en déclarant que la mort ne pourra rompre le serment. Bien au contraire, les âmes lui sont préférables aux vivants. Une phrase qui, à elle seule, parvient à me glacer le sang. Il retourne ensuite auprès de la jeune elfe en précisant la condition de ce qu’elle propose. Car encore faut-il découvrir un secret qu’il ignore.

Avant de lui répondre, Yliria m’impose sa décision. En aucune manière, elle ne laissera quelqu’un payer pour elle, et encore moins condamner un ami à la servitude. J’oblitère complètement la suite à l’attention de l’être éthéré. Même si je l’ai assisté durant cette bataille, lorsque nous avons mis à terre des lieutenants fidèles à Oaxaca, j’ai toujours le poids de ma trahison sur le cœur. Malgré cet acte que je ne me pardonne pas, elle, le fait. En moi, un vent de renouveau fait refleurir mon caractère, atténué par les récents ravages. Je lève mon poing au-dessus de sa tête, dans une esquisse de frappe qui n’aura jamais d’aboutissement.

"Ce que tu peux être pénible ! Je te taperais bien la tête, si j'avais pas peur que ça te fasse rapetisser ! Bon allez voir vos dieux, moi je retourne à Oranan ! Quelqu'un m'y attends et j'ai vu assez de macchabés pour le moment !"

De son air effronté, elle me pousse à terminer mon geste. Bien que par celui-ci, je n’obtienne aucune satisfaction. Sous sa forme de dragon, Kiyoheïki exprime son inquiétude sur les savoirs des dieux, pouvant être pire que la marque elle-même. Il nous pousse à ne pas nous inquiéter pour lui, expliquant qu’il trouvera bien une autre manière de s’en défaire. Puis il tourne ses grands yeux à moi, avant de me faire comprendre que le terrible pouvoir du dragon, a porté sa faim jusqu’aux portes de la cité. Cette déclaration me touche au plus profond de moi-même, fendant mon cœur en deux. Fixant le dragon dans l’œil le plus proche, j’occulte ce qui m’entoure.

(J’ai affronté des monstres des aberrations cadavériques, une armée de morts, de puissants seigneurs de guerre et même une déesse accompagnée de son dragon pour protéger une seule personne. Tout cela en vain ?)

(Non pas en vain Jorus. Par tes actes et de ceux qui se sont dressés contre la déesse noire, nombre de vie ont été sauvées. Toi-même tu sais que tu n'as pas combattu pour une seule personne. Toute la cité n’a pas été touchée. Je crois comprendre que seuls les défenseurs au plus près des murs ont été touchés. Y a-t-il une chance pour qu’elle n’ait pas été présente ?)

"Aucune." Fais-je, oubliant que je parle à voix haute.

(Vous n’avez pas perdu espoir contre un ennemi qui semblait bien supérieur et vous voilà victorieux. Alors, ne perds pas espoir maintenant. Nul ne sait ce qui lui est arrivé !)

(Si ! Les dieux ! Les dieux le savent forcément !)

Tandis que mes yeux cherchaient à vider mon corps de toute son eau, une mince lueur d’espoir y réside. Je me tourne vers Yliria, l’agrippant comme si ma vie en dépendait.

"Les dieux ! Ils peuvent savoir si une personne est toujours en vie non ?"

"Je ne sais pas, Jorus. Tout Oranan n'a pas été affecté... Ne perds pas espoir..." Tente de me réconforter l’intéressé, d’une voix qui se veut la plus rassurante possible.

J’entends bien le dragon et le nécromancien échanger des mots, mais rien ne semble m’affecter pour l’instant. Mon corps se raidit et mes poings se ferment pour calmer ma frustration.


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Jorus Kayne
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Jorus Kayne » ven. 7 janv. 2022 14:30

Parler avec Tal’Raban n’était qu’une des étapes que mes camarades comptaient effectuer. Parmi elles, Herle Krishok, le nécromancien qui a accepté de négocier une sorte de trève et que j’ai manqué de briser de ma terrible erreur. J’ai davantage suivi les conseils de ma faéra de les suivre afin d’être présent, que par envie de connaître le dénouement. Je n’ai pas vraiment la force d’avancer, bien qu'Ysolde ne cesse de me redonner le moral par ses paroles. Lorsque nous arrivons à son niveau, je reste muet, tandis que les salutations semblent d’usage. Yliria explique que le rapport a bien été remis au roi, ainsi que l’accord que nous avons conclu avec Krishok dans les ruines. Même si la mort du roi a chamboulé nos projets, elle propose que nous allions ensemble négocier avec les kendrans.

(Jorus, il faut que tu te ressaisisses ! Tu as parlé à la princesse de votre accord avec Herle. Il faut qu’ils en aient connaissance !)

Porté par Ysolde, c’est une voix faible qui sort de ma bouche, avant de repartir dans de sombres pensées.

"J'ai...j'ai parlé à la princesse. Elle est au courant du marché que nous avons soumis à son frère."

Si le nécromancien déclare vouloir parlementer à la condition, qu’Yliria accepte rapidement, que nous lui assurons qu’il ne sera pas fait prisonnier, il me demande ce que la princesse m’a répondu.

(Aller Jorus, c’est pas le moment ! Tu te lamente de la mort d’une personne dont tu ignores si elle est en vie ou non ! Tu penses qu’elle est morte sur les remparts, mais tu n’as aucune preuve de cela ! Je t’en conjure garde espoir. On ne sait même pas si elle était en ville avant le siège.)

(Mais…on s’était promis…)

(Promis que pouic ! Tu connais son caractère non ? Il y a plus de chance qu’elle soit restée dans la ville pour aider les habitants, que de se battre sur les remparts ! Tu ignores complètement si elle est en vie ou non. Ce qui est sûr, c’est que tu t’en veux pour ta trahison, tu as peut-être la chance de te racheter maintenant ! Alors inspire un grand coup, mets-toi une claque, chie des paillettes et des bulles si tu veux, mais ressaisis-toi !)

Je place ma tête entre les mains, chassant les mauvaises pensées qui m’assaillent. Ysolde a raison, j’ignore si elle est en vie ou non. Les dieux le sauront certainement et avant de les voir, je dois terminer ce que nous avons entrepris. Après une longue et profonde inspiration, je lui réponds finalement.

"Peu de choses en vérité. Sachez cependant qu’elle souhaitait participer à l’affrontement face à Oaxaca et son dragon, jusqu’à ce que j’évoque le marché sur lequel nous nous sommes mis d’accord. Elle a donc préféré rester en retrait pour être témoin des actes de chacun. En toute honnêteté, je doute qu’elle tente de vous faire prisonnier, mais si tel devait être le cas, je m’interposerais à mon tour."

Le nécromancien accepte de nous accompagner, précisant cependant que même une tentative de me contraindre, serait considéré comme un acte guerre par lui et ses alliés. Nous partons ensemble voir la princesse, qui se voit être protégée par Andelys à la vue du nécromant. Une protection que j’imite à l’attention de Herle pour montrer notre désir de le protéger, les mains ouvertes et désarmées.

(Ha j’avais oublié, qu’elle ne m’a pas en grande estime depuis que j’ai juré de tuer Ybélinor.)

(Si tu penses que cela risque d’entraver les négociations, devance-là et présente tes excuses, même si tu n’y crois pas !)

Je cherche le regard de la princesse et prends une grande inspiration avant de m'incliner et de prendre la parole.

"Princesse ! Je vous prie de bien vouloir excuser le comportement dont j’ai fait preuve en votre présence, à notre dernière rencontre. J’ai été troublé par le nombre sans précédent de morts et face au désespoir, mes mots ont dépassé ma pensée. J’espère que vous pardonnerez un jour ce comportement déplacé. Pourtant, ce n’est pas pour cette raison que je me présente à vous avec ces personnes. Je vous ai fait par d’un rapport de mission transmis au roi lui-même. Voici les différents protagonistes."

Tandis qu’elle lève une main en signe d’absolution, de la mienne, j’invite l’un de mes camarades à continuer. Tobias prend les devants, déclarant vouloir s’assurer que les négociations seront transmises aux prochains gouvernants kendrans. Puis Yliria va expliquer la situation, le refus de Herle Krishok de participer à la guerre, ainsi que son implication dans l’arrêt des hostilités, en persuadant Tal’Raban de ne plus se battre. Elle poursuit ensuite son plaidoyer.

"Je comprends parfaitement votre méfiance à l'égard des obscuromanciens, mais je pense que vous avez tout à gagner à écouter ce qu'il a à dire. J'ai vu des nécromanciens se joindre à vous durant cette bataille alors que des géomanciens et des fulguromanciens luttaient contre vous. Le fluide importe moins que la personne qui le manie et Herle Krishok a prouvé que son allégeance n'allait pas à Oaxaca ou à n'importe lequel de vos ennemis. Prenez simplement le temps d'entendre et de réfléchir à sa demande et à ce qu'elle peut également apporter au royaume Kendran."

Krishok poursuit, demandant à la princesse que l’interdiction de pratiquer la magie sombre, ainsi que de la nécromancie, afin que tous puissent jouir d’une vie à Kendra Kär et dans ses alentours. La discussion prend une direction peu engageante. La princesse commence à dire que la mauvaise opinion des kendrans est bien ancrée. Rien ne garantit la sûreté des manieurs de fluides sombres, malgré le levé de l’interdit. Ce à quoi Krishok rétorque que ces attaques seront simplement punies par la loi kendranne, car fait sur des innocents, après la levée de l’interdiction. Les dents serrées, la princesse précise que cela n’empêchera pas d’enfreindre les lois, et ne fait que signaler les risques encourus. De plus, en l’absence du roi, elle ne peut promettre une décision finale. Une réponse qui semble contrarier Herle Krishok.

Ne voulant pas laisser les négociations se dérouler ainsi, Yliria propose de former les mages possédant des fluides sombres, en partenariat avec le royaume. Cela offre au nécromancien, la possibilité de continuer ses recherches, ainsi qu’une position officielle qui le protégera et pour le royaume, les mages maraudeurs seront réduits, pouvant devenir loyaux au royaume, lorsqu’il sera établi que la magie noire n’est qu’une discipline comme une autre. Herle se propose de superviser la formation, celle-ci ne pouvant exister sans la fin de l’interdiction et inversement. Tobias propose d’utiliser la milice pour aider à changer les mentalités, en incorporant ces fameux mages pour le bien des kendrans. La princesse semble d’accord sur ce point, même si elle ajoute encore ne pas posséder l’autorité pour le faire. Kiyoheïki quant à lui, met l’accent sur ses craintes concernant la rapidité de ce changement. Un lieu officiel et protégé pourrait être la première marche avant l’acceptation. Le nécromancien voit mal cette proposition, prétextant que cela reviendrait à rassembler pour mieux mettre en cage les pratiquants. Exclure la magie noire des murs de Kendra Kâr ne permettra pas son acceptation. Une réponse qui force l’elfe dragon à s’excuser.

(Non ce n’est pas assez ! Plusieurs mages noirs se sont dressés contre Oaxaca. On a besoin que quelqu’un du côté kendran soit une forme d’émissaire, d’orateur de ces événements !)

(Satina en gros !)

(Oui, voilà !)

"Princesse, l’heure n’est plus à savoir qui sont les méchants des gentils. Au sein même de votre peuple, des êtres sont persécutés, car ils possèdent des fluides sombres. Vous l’avez vu de vos propres yeux, la nature du fluide ne détermine pas les actes de ceux qui les possèdent. Je conçois qu’avec la mort du roi, une telle décision, une telle promesse, n’aurait pas le même sens sans l’autorité du souverain. Mais je suis persuadé qu’il existe un moyen d’atteindre un but commun. Yliria l’a évoqué, former les mages est une solution. A vous, je pense, après avoir été témoin de ce jour, de cette bataille, d’être la voix de ceux que l’on refuse d’écouter. Parler à votre peuple princesse. Lui vous écoutera, il écoutera la princesse qui a voulu se dresser contre Oaxaca."

(Ho punaise ! Avec un peu plus de théâtralité, je crois que tu aurais pu me faire chialer !)

Opinant du chef à mes mots, elle me répond avant de se tourner vers le nécromancien.

"La sagesse sort de votre bouche. Je... Je crois que je pourrais défendre votre cause, ser Krishok, auprès des miens et auprès de notre peuple. Mais je ne peux guère vous promettre un résultat en votre faveur."

A ces mots, Kiyoheïki évoque ses craintes concernant les individus dotés de titres importants et pouvant nuire à son discours en faveur du nécromancien. Une remarque à laquelle je préfère simplement me racler la gorge. Peut-être que la princesse y verra un sous-entendu du genre : Ha ba tu vois, j’suis pas le seul à le penser ! Elle commence d'ailleurs à se lasser de nos arguments, jusqu’à ce que Tobias vienne ajouter des arguments qui retiennent l’attention de l’intéressée.

"Il me semblerait en effet dommage que chacun retourne se terrer derrière sa muraille après tout cela. Princesse, ne serait-il pas envisageable d’accueillir à Kendra Kar une délégation en vue des négociations futures ? Une ou plusieurs personnes manipulant l’ombre et bénéficiant d’un droit d’asile au regard de leur contribution lors de cette guerre. Si de telles personnes souhaitent se porter volontaire, évidemment."

"Ca, je peux vous le promettre, ser nécromancien. Vous inviter au Château en tant qu'émissaire diplomatique et porte-parole des porteurs de fluides d'ombre. Vous seriez sous la protection du royaume, et pourrez veiller à défendre votre demande en personne face au nouveau régent. Je peux m'en porter personnellement garante."

Une proposition à laquelle Kirshok consent, bien qu’il ajoute qu’il se défendra en cas d’attaque physique. Tobias rajoute qu’il se tient prêt à défendre ceux qui souhaitent participer pacifiquement à ces négociations. Une déclaration qui ne laisse pas la princesse indifférente.

"Vous serez bien entendu le bienvenu pour défendre les propositions du ser Krishok. Comprenez bien, en revanche, que certaines voix pèsent plus que d'autres. La vôtre aura le poids de celle d'un combattant des champs de Kochii, de survivant de cette bataille, de héros de guerre. Des rôles hélas bien peu politisés. Mais elle vaudra au moins tout ça." Elle se tourne vers le nécromancien avant d’ajouter. "Ser, faisons comme cela. Vous avez mon soutien, tant que vous respectez nos lois d'ici la décision finale."

Celui-ci incline la tête, bien qu’aucune forme de satisfaction n’apparaissent sur son visage. Sans répondre, il tourne le dos, mettant un terme aux échanges avec la princesse. Pour nous, il ne nous reste plus qu’à reprendre nos chemins respectifs.


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Modifié en dernier par Jorus Kayne le dim. 30 janv. 2022 15:41, modifié 3 fois.

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Ezak
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Ezak » sam. 22 janv. 2022 14:15

Précédemment

L’ambiance était étrange, extrêmement lourde. C’était la première fois que je vivais la fin d’une guerre et de ma vie et je n’avais jamais rien vu de comparable. Cela n’avait rien à avoir avec mes anciennes aventures où malgré les pertes alliés nous étions heureux du travail accompli. Ici, malgré notre « victoire » sur Oaxaca, tout puait la défaite. Les mines, les pas, les attitudes, les regards...

C'est le pas lourd qu'avec ce qui restait du camp kendran nous rejoignîmes le camp, la Princesse Satina ayant poliment refusé l’hospitalité Ynorienne, arguant que nous devions au plus vite ramener le corps du Roi sur ses terres. Dans cette optique, les elfes nous assurèrent leur protection jusqu’à Kendra-Kâr. Il fallait dire qu’il ne restait plus grand monde de kendran foulant les terres alentours. En plus de la Princesse, il n’y avait plus que les Généraux Bogast et Andelys, Perussac, Kedaw Ybelinor, Du Val, l’archère Neolia Natakara, et un soldat complètement inconnu au bataillon. Voilà donc tout ce qui restait de l’armée Kendranne. Même quelques heures après le drame, cela restait toujours aussi choquant.

La première chose que j’entrepris en arrivant au camp fut de me laver, en puisant dans les réserves d’eau qu'y s'y trouvaient. D’ailleurs ce fut tout un mouvement général. Personne n’avait vraiment envie d’empester la mort et de risquer d’attraper des maladies. De mémoire, jamais je n’avais été dans un tel état. Jamais je n'avais vu autant de sang étalé sur ma peau et mon armure. En observant mon corps je prenais conscience du toute la boucherie que ça avait été. Mes membres tremblaient encore légèrement de toute cette rage que j'avais jeté dans la bataille. Mais en cela rien ne me distinguait des autres. Nous avions tous eu notre lot de massacre ce jour.

Contrairement à ce qui eut lieu sur l’Azurion, je ne m’étais pas dépêché de laver mon corps de manière frénétique. J’étais bien loin de ces agitations intérieures durant lesquelles je m’étais senti mal d’avoir du sang ynorien et kendran sur le corps. Cette fois, bien que cette bataille fût un fiasco, je n’avais aucune honte de mon apparat. Il était composé du sang impur d’ennemis millénaires de mes peuples. Pourquoi aurais-je dû seulement m’en cacher ? C’était la preuve que j’avais accomplie mon devoir.

Pourtant, je n’arrivais pas à ressentir une quelconque joie. Je me sentais encore un peu abasourdi par les évènements de cette journée. J’avais vraiment du mal à croire que je les avais vraiment vécus. Venir guerroyer et finalement affronter une demi-déesse, être secourus par des dieux, voir des milliers d’hommes s’écrouler en quelques secondes sous une seule et unique volonté d'un dragon garguantuesque… Il y avait vraiment de quoi devenir cinglé. Celà avait été une bataille de cinglés...

Les vivants ne furent pas les seuls à être nettoyés ce soir-là. Le corps du Roi dans l’intimité de la tente Royale fut toiletté également. Je crois même que pour finir, on lui tapota les joues et les membres d’une eau qui dégageait une odeur musquée. C’était bien un Roi ! Je doutais que d’autres cadavres eurent tant d’attention ce jour-là. Après la toilette qui eut lieu en toute intimité, la Princesse Satina resta un moment seul avec son frère. Lorsqu’elle eut passé ce moment de recueillement, les maigres kendrans restants furent autorisés à se recueillir une dernière fois auprès du corps de leur souverain.

Pour être franc, je n’en avais aucune envie, ni n’en ressentais le besoin. Je ne voulais qu’une chose c’était dire adieu à cette journée et je n’étais pas sûr que contempler le corps du défunt Roi m’aiderait en ce sens. Néanmoins, j’étais de ces hommes qui croyaient aux symboles. Ils étaient importants car c’était grâce à eux que se perpétuaient les institutions. Que valait encore le Royaume Kendran, si je n’avais pas, comme tous, affiché mon désir d’unité autour du défunt souverain ?

Durant ce moment, je n’osai guetter les mines, trop émietté moi-même pour vouloir contempler d’autres âmes démantibulées. Au lieu de ça, je gardai les yeux vides fixés sur le visage blafard du Roi.

J'étais ailleurs. l’épilogue de cette guerre ne me plaisait guère. Jamais je n’avais envisagé que nous ne rentrions pas victorieux. Je m’étais imaginé festoyer, boire, chanter, mais au lieu de ça, je rentrai seul la mine défaite. Cela me faisait étrange de ne pas entendre la grande gueule de Mérédor couvrir le rire de tous mes compagnons d’armes. Cette fraternité que j'avais commencé à construire et à laquelle je devais déjà dire adieu.

D'autres soucis me hantaient, moins personnels. Je me demandais si ce jour marqué d’un double drame pour notre Royaume ne serait que le début de la chute. Pas d’héritier légitime, et plus d’armée... Il fallait être de nature sacrément optimiste pour ne pas s’en inquiéter. Mais je n’eus pas à le faire bien longtemps, car une voix me tira de mes sombres pensées. C’était le soldat qui m’était inconnu.

«Pardonnez moi, messire, il me semble vous avoir vu par deux fois récemment. La première me semble être il y a une éternité, et pourtant c'était il y a quelques jours seulement, sous une tente de l'état major Kendran. La seconde fut lors de ce dernier assaut confus contre la déesse noire. Est ce exact?»

Je lui jetai un regard intrigué, le détaillant de mes yeux tristes. Des cheveux noirs encadrant un regard bleu. Un équipement d’une médiocre qualité… Effectivement, il me disait vaguement quelque chose pour avoir combattu contre Oaxaca. Cependant, il ne me disait rien d’avant. Était-il au camp du Val le soir de la tentative d’assassinat ? De mémoire, seuls Andelys et Du Val avaient été nos seuls interlocuteurs l’unique soir où nous avions fréquenté une tente d’Etat-Major.

« En partie, je présume. Nous avons combattu ensemble contre Oaxaca, il est vrai. Mais le seul moyen qu’il y ait pour que nous nous soyons retrouvés tous les deux sous une tente d’Etat-Major, serait que vous eussiez été présent le soir où nous avons empêché l’assassinat de ce dernier. Or, je n’en ai pas l’impression. »

Je le saluai néanmoins, très sobrement pour ne pas perturber la veillée.

« Ezak d’Arkasse. »

Le visage de l’homme blêmit, il n’avait pas l’air très à l’aise. Il s’excusa en avançant que les derniers évènements avaient altérés sa mémoire, avant de se présenter comme étant Tobias Arthès. Il m’invita ensuite à souper avec lui. Il ajouta néanmoins : «a moins que vous ne souhaitiez veiller encore quelques temps auprès du roi?»

"Ne vous ne justifiez pas. Je pense que nous avons tous eus de quoi être perturbés à vie durant cette guerre."

Mes yeux allèrent glisser sur le souverain puis sur tous ceux présents dans la tente avant de revenir vers lui. Il me sembla que j’avais passé assez de temps à veiller et que je pouvais maintenant me retirer sans paraître irrespectueux.

"Soupons donc. Certains ont plus de raisons que moi à être là. Laissons-les se recueillir."

Et je pris avec lui le chemin de la sortie de la tente Royale. Il me mena jusqu’à un feu de camp, encerclé par un petit nombre de petites tentes. Il m’invita, d’un geste, à m’installer, ce que je fis sans me faire prier plus. Je le regardai alors qu’il attrapa dans un coffre brisé quelques légumes qu’il se mit à hacher avec d’autres ingrédients. Sa gestuelle me semblait fluide, cela se voyait qu’il avait l’habitude de cuisiner.

« D'où venez-vous ser D'Arkasse? »

Je répondis d'une voix calme. "De pas très loin en vérité. Je suis né et j'ai passé la majorité de ma vie dans cette région. Je suis à moitié Ynorien."

J’observai un instant son visage. Ses traits me paraissaient être ceux d’un pur kendran.

. "Je ne vais pas vous faire l'affront de vous retourner la question. Vous m'avez l'air tout à fait kendran."

Pendant qu’il me répondit, il extirpa de ses effets une casserole brillante, qu’il plaça sur le feu.

«Kendran, oui natif de Luminion. Je me suis enrôlé dans l'armée du duché pour défendre ma patrie. »

Il remua le contenu de la casserole, pensif, avant d’affirmer qu’il était l’unique survivant de l’armée des Duchés et de me demander si j’avais défendu Oranan.

"Oui... Enfin, comme nous tous ! Je n'ai pas combattu sous leur bannière si c’était là votre question. Cela fait des années maintenant que je défends Oranan face à Oaxaca, mais dans l'ombre."

Je souffle longuement, refusant de m’étancher sur mon passé Omyrihien et mes expéditions en Aliaénon.

"Cette fois, c'est pour l'autre partie de mon sang que je me suis battu, kendran, aidé de mes hommes. Ils sont tous morts, alors je comprends ce que ça fait d'être "le seul survivant".

Évoquer ce drame na manqua pas de me filer un coup au creux de ventre, que je digérai quelques secondes.

"Mes condoléances pour ceux que vous avez perdus."

«Merci, je suis sincèrement désolé pour vos hommes.»

Un silence s’installa alors, comme un hommage silencieux commun. Il fut brisé par le soldat plein de malice qui sorti deux belles saucisses fumées de ses effets.

« Butin de guerre.»

Il les ajouta au plat avant de poursuivre sur un ton plus sérieux : « Où comptez-vous aller à présent ? ».

Je n’avais pas le cœur à rire mais je souris tout de même sa petite plaisanterie. J’attrapai mon outre d’alcool fort et je m’envoyai une belle rasade avant de poursuivre, après une grimace.

"Je rentre avec l'Etat-Major à Kendra-Kâr. Je serai bientôt fait Chevalier de la cour alors je vais là où mon devoir me réclame."

Je fis une pause.

"Kendra-Kâr, Bouhen, Shory, les Duchés... Le Royaume tout entier a subi de lourdes pertes. L'avenir s'annonce sombre...Notre devoir est d'épauler nos dirigeants. J'espère que c'est aussi ce que vous ferez. L’expérience de ceux qui ont survécu à cette guerre sera précieuse. » Dis-je en lui tendant mon outre.

Il ouvrit de grands yeux.

« Chevalier! C'est un grand honneur !»

Il attrapa l’outre mal assuré, la reniflant, hésitant, avant de prendre une petite gorgée. Il manqua de se faire étouffer par une toux avant de me rendre l’outre que je récupérai avec un demi-sourire amusé.

« Pas l'habitude... Pour ma part, je compte rester ici encore quelques jours. Je souhaite offrir une sépulture à les défunts camarades. Après quoi, j'ai moi aussi l'intention de continuer à servir mon royaume, mais d'une manière différente. »

L’air fier, il ajouta : « Je compte me rendre à Kendra-Kar pour une mission diplomatique ».

« Une mission diplomatique ? De quel ordre ? »

Il prit un temps pour réfléchir avant de poursuivre : « Les actions perpétrées par la déesse ont causé du mal, beaucoup de mal, et dans tous les camps. Il serait terrible, maintenant que nous en sommes débarrassés, que les peuples de Yuimen continuent de s'entretuer. Kendra Kar est un centre de pouvoir en Nirtim. Je m'y rend en tant que citoyen des duchés, pour m'assurer que les intérêts que je défends soient préservés.»

Il retira la casserole du feu avant de servir deux plats, dont l’un me fut tendu. Je le récupérai pendant qu’il poursuivait.
.
« Je souhaite la paix, évidemment et un statut convenable pour mon duché, placé depuis plusieurs mois sous protectorat nain. Je souhaite le meilleur pour la succession du trône et mettre un terme à certaines injustices.»

Je gardais le silence quelques secondes alors que je découpai la saucisse pour la glisser dans ma bouche. Je fus assez surpris par la saveur du plat. Pour un repas mangé au coin du feu, au milieu d’un camp boueux, c’était excellent !

"Sans mentir, c'est le meilleur repas auquel j'ai eu affaire depuis de longues semaines. Merci !" affirmai-je avec une pointe de sourire, avant de retomber dans ma réflexion.

Je réfléchissais aux mots du soldat Artès. J’avais énormément de colère et de ressentiment, certes. Cependant, je me devais de ne pas penser qu’à moi. Mon futur rôle de Chevalier imposerait que je défende mon peuple, alors c’est en tant que tel que je réfléchissais en cherchant ce qui était mieux pour lui. Et, oui, il avait raison, chercher autre chose que la paix serait folie. Penser celà, ce n’était pas des bons sentiments mais juste du bon sens. Le Royaume se trouvait déjà dans un état lamentable après les évènements de cette bataille. Toute nouvelle guerre serait un désastre. Néanmoins, je n’étais pas dupe, et je savais pertinemment que si guerre il y avait, elle ne viendrait pas de nous. Face aux forces d’Omyre nos batailles avaient toujours été défensives. Ceux qui ne recherchaient pas la paix sur ce continent n’étaient pas du côté de mes peuples. Alors oui à la paix, mais je pensais qu’il serait naïf et imprudent de ne pas se préparer à la guerre face à des ennemis dont la constance avérée était d’être particulièrement agressifs et expansionnistes. Gouverner, c’était prévoir.

"Vous avez raison, la Paix n'est que souhaitable. Je pense que cette journée nous l'a montrée. Nous n'avons de toute façon plus aucune armée pour nous permettre de faire la guerre. C'est un constat facile pour nous, alors j'imagine que ce sera un constat aussi facile à faire pour d'autres. C'est pourquoi j'ai bien peur que cette paix auquel vous tenez tant, les ennemis du Royaume chercheront à la briser dès qu'ils en auront l'occasion..."

J'avalai encore quelques bouchées avant de poursuivre :

"Je suis très inquiet pour son avenir et j'ai bien peur que nos soucis soient d'abord d'ordre intérieur. De ce que j'ai lu des histoires passées, durant mon instruction, les successions sans héritiers ne sont jamais simples."

« Je partage vos craintes, raison de plus pour nous impliquer dans les évènements qui s'annoncent. J'ai conscience que la parole aura peu de poids en comparaison des autres parties prenantes mais je ferai de mon mieux pour peser. Nos opinions semblent converger, au moins dans les grandes lignes, aussi j'espère que nous pourrons nous entraider, si vous le souhaitez également».

J’acquiesçai à sa proposition.

« Avec plaisir.. J’apporterais mon aide à toute action qui ira dans le sens de la sauvegarde du peuple kendran. Nous allons tous deux avoir de nouvelles responsabilités, dans un monde que nous méconnaissons encore alors j’imagine que cela fait de nous des soutiens naturels. »

«Dans ce cas, que diriez vous de nous rencontrer de nouveau lorsque j'arriverai à Kendra Kar? Je partirai d'ici quelques jours et si je parviens à trouver une monture, j'arriverai probablement peu de temps après l'escorte qui accompagne la dépouille du roi.»

J'avalai quelques bouchées, avant de poursuivre. "Faisons ça. Voyons nous là-bas."

« Où pourrais je vous trouver?»

Je réfléchissai un instant.

"Hé bien, compte tenu du rang qui me sera attribué, j'imagine que je ne serais jamais bien loin de la Cour."

« Dans ce ça, je saurais vous trouver !» Dit-il en terminant le repas avec enthousiasme

« C'était un plaisir de vous rencontrer messire d'Arkasse. »

Nous finirent tous deux nos plats. J'hochai la tête, un maigre sourire sur le visage quand il fut temps de nous quitter.

"Il en fut de même pour moi. A notre prochaine rencontre, sous un ciel kendran."

Et je m’éloignai, allant quérir un coin calme où me reposer.

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Modifié en dernier par Ezak le sam. 22 janv. 2022 16:01, modifié 1 fois.

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Ezak
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Ezak » sam. 22 janv. 2022 15:55

Précédemment

Au lendemain, l’ambiance morne de la veille avait laissé place à une reprise d’activité sur le camp. Il était temps de quitter l’Ynorie. Chacun avait fort à faire après la bataille. Oranan devait dégager ses plaines du charnier à ciel ouvert dans lequel de nombreux charognards - hommes et bêtes compris - se repaissaient déjà. Kendra-Kâr , elle, devait ramener la dépouille de son Roi. Et les elfes devaient aider ses deux alliés dans leur tâche respective. À cet effet, le corps royal avait été glissé sur une charrette, et la cavalerie elfe avait été chargée de l’escorter lui et son Etat-Major. Je fus d’abord dubitatif. Kendra-Kâr était à une vingtaine de jours à cheval et le corps du Roi allait irrémédiablement se décomposer pendant ce temps. Allions-nous vraiment ramener Solennel dans cet état et porter atteinte à son prestige ? Un Roi gonflant et puant, sérieusement ? Mais mes doutes furent le résultat de ma naïveté. On m’expliqua que son corps avait été congelé par magie, et qu’il le serait jusqu’à notre arrivée. C’était vraisemblablement l’un des usages de la cryomancie. Mes connaissances et compréhensions sur la magie étant proches du néant, je ne m’interrogeai pas plus, et nous ne mirent pas longtemps à prendre la route.

Les premiers foulés vers Kendrâ-Kâr se passèrent sans encombre. Nul danger ne nous guetta, malgré le prestige de notre suite. Il fallait dire que la cavalerie elfique qui nous accompagnait était nombreuse. Il aurait fallu être inconscient pour oser tenter quoi que ce soit. Dans cet amas de cavaliers, la charrette de la dépouille du Roi était la chose la mieux gardée. Elle était au centre du dispositif, et trois équipes de six gardes étaient chargés de le surveiller, se relayant jour et nuit. Voulant me rendre utile, on m’autorisa à faire partie du roulement. Signe que désormais l’Etat-Major me faisait confiance.

Les premiers jours, l’air ambiant eut le gout de la première nuit, celui de la défaite et de la mélancolie. J’avais du mal à m’en remettre. Je revoyais souvent ces images de milliers de corps qui s’écroulaient sans vie. Je revoyais encore ce moment de terreur face à Oaxaca.
Parfois sur la route, ou la nuit, lorsque je repensais à certains évènements, j’étais pris d’une bouffée de haine. J’avais envie de prendre les armes et d’aller chasser quelques trainards ennemis pour qu’ils payent, mais je me calmai bien vite, impuissant face à ma détresse interne. Je savais que les pensées qui me traversaient en tourmentaient d’autres que moi. Il suffisait d’observer ces soldats qui, parfois, sans raison apparente, avaient le dos raide, une expression de stupéfaction vissée sur le visage ou une main un peu trop serrée sur leur bride.

Les pas du retour, avec toutes les images qu’ils transportaient, étaient lourds à porter pour tous.


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Faëlis
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Faëlis » mer. 16 févr. 2022 20:25

La générale Keldanor avait également pris place. Alors que l'aynore s'élevait, Faëlis s'approcha d'elle et s'accouda au bastingage à ses côtés. Levant les yeux vers l'île céleste qui approchait, il fit remarquer :

« Une chance de voir la demeure des dieux... et pourtant, de tous les généraux et les souverains présents, vous semblez être la seule à la saisir. M'est-il permis de vous demander pourquoi ? »

Déterminée, elle expliqua vouloir des réponses sur pourquoi leur peuple avait été épargné. Faëlis hocha la tête en entendant cela :

« C'est également une question que j'espérais poser. J'espérais rencontrer Angharrad et Yuia, afin de recevoir leur bénédiction... et des réponses. Je suis heureux pour les nôtres... mais attristé de l'injustice que cela représente pour les autres peuples. »

Pour elle, il n'y avait aucune injustice, juste un dessein divin. Faëlis pinça les lèvres.

« Peut-être... Mais j'espère que cela ne creusera pas de fossés entre des peuples jusqu'ici alliés. Nous avons une chance de voir une air de conflit s'achever. Nous sommes à un instant pivot, à l'issu duquel le monde pourrait connaître une paix durable... ou rebasculer dans la guerre. Espérons que nous échapperons à la deuxième possibilité. »

Avec dureté, elle répondit qu'elle défendrait un soutient face aux hinïon... et potentiellement une riposte face aux garzok. Voilà qui n'était guère enthousiasmant pour l'avenir...

« Une riposte ? Ils ont eux-même perdus beaucoup. Celle qui les poussait à la guerre n'est plus. Nous sommes en position de force, nous devrions en profiter pour négocier une paix durable plutôt que d'attiser un futur esprit revanchard, ne pensez-vous pas ? »

« Pactiser avec ces créatures de l'ombre ? Ces monstres belliqueux ? » s'emporta-t-elle.

Elle semblait farouchement opposée à l'idée, mais admis qu'il n'y aurait finalement d'attaque qu'en cas de nouvelle menace. Faëlis hocha la tête :

« C'est là l'essentiel : si nous attaquons, la guerre continuera encore et encore. Mais bien sûr, il faut rester vigilant. Comme je disais, nous sommes à un point de bascule... En tout cas, nous avons pour l'instant des réponses à obtenir. Souhaitez-vous que je vous accompagne ? Ou irons-nous séparément ? »

Elle préférait être seule à seule avec la déesse, mais lui proposa de repartir ensemble vers l'Anorfain.

« Ce serait un grand honneur, mais je comptais revenir assez vite à Kendra kâr, dans l'espoir de contribuer à maintenir les liens entre ce royaume maintenant bien instable et le nôtre. »

C'est à ce moment là que les nuages s'écartèrent pour dévoiler une formidable île volante. La demeure des dieux rayonnait de lumière, suspendue en plein ciel ! L'aynore s'élevait vers elle avec souplesse, virant doucement de bord malgré sa vitesse pour se diriger vers un ponton aérien. Gonflant la poitrine dans l'air frais de l'altitude, Faëlis se sentit emplis de bonheur. Il était aux portes des dieux !
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Byrnisson
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Byrnisson » ven. 18 févr. 2022 20:54

Chapitre V : Le combo des sans coup


Loin d’être apaisantes, les quelques paroles échangées au cours des dernières minutes ont visiblement exacerbé les tensions. Alors que je sonde les alentours du regard à la recherche d’une cible, les plus belliqueux font déjà étalage de leurs capacités martiales et magiques.
Mais ce début d’échauffourée tourne rapidement court quant à mes côtés, Maâra darde la tête de l’immense dragon d'un puissant rayon de lumière. La bête rugit, déclenchant en moi une salve irrépressible de tremblements. Sa tête pivote, et deux immenses pupilles de ténèbres pointent dans notre direction. Il me vient soudain saugrenue (et suicidaire) de réitérer ma question maintenant que nous avons toute l’attention du géant ailé.

(Tobias, l’encas pour dragon ! Mieux vaut faire profil bas.)

Heureusement, l’intervention de des troupes de Brytha me préserve de cet accès de folie. Les armées de la déesse s’élancent soudainement vers les derniers bataillons garzoks ayant survécu au massacre. Dans le même temps, Brytha transperce les airs, filant en droite ligne vers le dragon noir. Et tandis que dans la plaine, retentit de nouveau le fracas infernal d’une bataille, le ciel se déchire sous les coups d’un duel de titans. Autour de moi, le temps semble suspendu. Généraux, aventuriers, semi-déesse, tous assistent à cette effusion de puissance et du magie brute. Chacun espère que l’entité soutenant sa cause prendra le dessus sur l’autre.
Qui vaincra ? L’incommensurable reptile de ténèbres ou le frêle volatile, chantre de la neutralité ?
Après quelques cabrioles meurtrières ponctuées de coups de crocs, Brytha met soudainement fin à la rixe lorsque le dragon parvient à la mordre. Partiellement bloquée entre les mâchoires du dragon, elle s’enveloppe d’une épaisse brume scintillante qui recouvre bientôt les deux êtres. Quelques secondes passent, interminables, et finalement la brume s’efface en faisant place nette. Impossible, la déesse, le dragon semblent avoir été tout simplement anéantis ! Deux puissances antagonistes effacées et un pas de plus vers la neutralité.

« Sus à la Reine Noire ! Mort à Oaxaca, pour le sacrifice de Brytha ! »

L’appel lancé par l'un des généraux de la défunte déesse déclenche des assauts de toute part. Je repère un mouvement sur ma droite. La silhouette menaçante de Khynt crépite sous l’effet de la magie. Il y a quelques minutes encore, ses pouvoirs décimaient par dizaines les rangs des troupes naines. Il m’apparait prioritaire de la neutraliser avant qu’elle n’en fasse à nouveau usage sur mes alliés. Mais il serait vain de m’y atteler seul. Je m’égosille pour couvrir le vacarme alentours et alpague Throggin et Perussac.

« Seigneur, commandant, allons abattre la modifiée !»

Nain et homme se ruent sur Khynt, et je leur emboite le pas en restant légèrement en retrait. Notre approche, exempt de toute discrétion, est repérée par l’intéressée qui s’entoure immédiatement d’une sorte de coupole composée … de foudre. Ce champ de force, qui encercle totalement notre cible, parait épais, impénétrable, à moins d’en ressortir carbonisé. Le retard que j’ai pris sur les deux généraux vise justement à pallier ce problème. Après un rapide coup de main vers ma bourse, j’en extirpe un petit caillou finement gravé. Une rune d’esquive dont le pouvoir devrait nous aider à traverser la barrière magique.

« Laisser moi Khynt ! Sa mort m’appartient ! Allez plutôt aider les autres »

Je me retourne vers le Worran qui vient de m’aboyer dessus et écarquille les yeux en réalisant que ce dernier se tenait du côté d’Oaxaca quelques minutes plus tôt. Je me réjouis de voir que certains ont trouvé le chemin de la raison, mais reste toutefois prudent. Ce pourrait être une tentative de filoutage d’un worran inquiet de voir son allié trépasser. Je rétorque d’un ton neutre :

« Vous en disposerez librement une fois neutralisé ».

Je plaque ensuite ma rune contre l'épaule de Throggin et ma main sur l’omoplatte de Pérussac. J’active ensuite la rune en prononçant distinctement « Tem ». J’attends que le pouvoir d’esquive imprègne mes deux alliés et exerce une légère pression dans leur dos pour leur faire traverser le rideau de foudre qui nous fait face. Malheureusement ma tentative ne produit pas l’effet escompté. Pérussac et Throggin se mettent soudainement à vibrer, tant et si bien que je suis incapable de les toucher. Leurs corps se contentent d’esquiver ma main en se mouvant contre leur gré. L’énergie s’estompe, sans que je n’aie pu leur faire traverser la barrière.

(Quel gâchis).

Dans le même temps, le worran projette une étrange ondulation magique sur Khynt qui semble momentanément perturbée. L’effet n’est que de courte durée car bientôt, la modifiée incante de sa voix métallique. Elle lève la main et projette vers nous une gerbe d’électricité pure. L’attaque est fulgurante et l’éclair nous transperce tous trois sans que nous ayons une chance d’esquiver. Une vive douleur me déchire la poitrine, à l’endroit où l’éclair ma touché. Incapable de respirer, je pose un genou sur le sol, terrassé par la douleur. Ma main tremblante tâtonne frénétiquement le tour de ma ceinture, à la recherche de la besace dans laquelle j’ai fourré mes potions. Je dégoupille le flacon et en avale le contenu sans retenue. L’extrême amertume du breuvage m’arrache un soubresaut mais je parviens tout de même à déglutir. Le liquide me traverse instantanément l’œsophage et se concentre immédiatement vers ma poitrine. Une vague de fraicheur prend le pas sur la douleur tandis que ma chair se régénère.

Je me redresse pour apercevoir Prérussac et le général nain aux prises avec Khynt. La barrière de foudre, elle, a disparue. Je raffermis ma prise sur mon épée, prêt à en découdre avec la modifiée quand la voix de la déesse noire s’élève au-dessus du tumulte.

« Jamais vous ne pourrez m’exclure ! Dussé-je tous vous tuer un par un, je serai Reine ici, Déesse vivante régnant sur le Monde, exécutant mes opposants et élevant mes fidèles. Ce petit jeu a assez duré, voyez maintenant le pouvoir d’une déesse ! »

Elle ouvre alors largement les bras, déchainant sur nous une vague d’énergie. Pour la deuxième fois en en l’espace d’une minute, je me retrouve projeté au sol, avec en prime une terrible migraine. Une profonde lassitude s’empare de moi et j’ai soudain envie de lâcher prise, de m’abandonner à l’énergie obscure qui m’assaille, espérant seulement que la douleur cesse en retour. L’intervention d’une voix étrangère me tire de l’apathie et d’un moment de faiblesse qui aurait pu m’ être fatal.

« Mages, oubliez vos sorts, donnez à votre magie la forme et les buts que vous lui souhaitez ! Je porte avec moi la magie d’Aliaénon, décuplée en puissance. Contraignez cette déesse sombre, pour la survie de tous ! »

Après quoi, les alentours se retrouvent subitement enveloppés de ténèbres. Étonnamment, la source de cette manifestation obscure n’est pas la reine noire mais une femme inconnue, postée à quelques mètres de moi, le visage teinté d’une intense concentration. Je me plie sans réfléchir au ton autoritaire de cette dame et imagine rapidement un moyen de satisfaire sa consigne. J’en appelle à mes fluides lumineux et ces derniers me paraissent étrangement bien plus dociles qu’à l’accoutumée, plus malléables. J’ai subitement l’impression d’accéder à l’essence même de la lumière. Chaque rayon est un pinceau dont je peux choisir la teinte et que peux manier à l’envie. Grisé par l’ampleur de mon pouvoir, je choisis de matérialiser la copie exacte du seul être qui m’a paru inquiéter la reine noire. Brytha, déesse tueuse de dragon. Répondant à mon appel mes fluides s’élancent à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du sol. D’une simple pensée, ils déforment les rayons de lumière aux alentours pour reproduire une image de Brytha, saisissante de réalisme. Tellement réelle que nombre de mes alliés et ennemis se laissent superbement berner par mon artifice. Moi-même, ne peux m’empêcher de contempler la silhouette sublime et divine de la déesse. Au sol, la mêlée s’agite autours de la déesse noire mais je n’y prête pas grande attention. Je me concentre pour maintenir mon illusion, et la tenir bien en évidence, aux yeux d’Oaxaca.

(Tiens…)

Une forme étrange déchire subitement les nuages, et vient discrètement se placer derrière l’avatar de Brytha. J’ai à peine distingué son contour. On eut dit un énorme volatile.

(Ou serait-ce un navire ?)

Qu’importe, je fais le pari que cette nouvelle arrivée est porteuse d’espoir et je maintien l’illusion du mieux possible afin de camoufler la silhouette mystérieuse qui s’approche furtivement du champs de bataille.


[HRP : utilisation d'une énorme potion de soin]

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Capitaine Hart
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Capitaine Hart » lun. 2 mai 2022 00:14

C'était la charge finale, le dernier assaut. Tous les guerriers qui pouvaient atteindre Oaxaca avaient pointé leurs armes pour la pourfendre une bonne fois pour toutes. La foudre de Cherock, le poing de Xël, le trident de Perailhon et le bouclier de Sirat, et bien d'autres encore, tant d'armes qui frappèrent l'une après l'autre, parfois simultanément, la Reine des reines, l'ultime dictatrice. Alors qu'Oaxaca accusait chacun de ces blasphèmes avec indignation, croulant sous le poids de la haine d'un monde qui n'avait que faire du dernier vestige des règnes divins, Sirius remarqua que Leyna, blessée qu'elle était, ne parvint pas à suivre le courant magique jusqu'à l'ennemie. Quant à lui, il vit bien que la vague approchait son terme, mais ses vestiges l'emporteraient malgré tout jusqu'à son objectif.

Il se vit face à l'horrible face de la Mère des conquêtes. Même criblé d'entailles et épuisé de sa magie, son corps immortel s'accrochait encore à ce vestige de magie qu'elle avait l'intention de déchaîner sur tous les mortels qui la défiaient. Dire qu'il avait fallu au borgne tout son courage pour porter son coup serait mentir. Ici, à cet endroit précis, avec l'écume d'une vague mourante sous ses pieds, devant la femme la plus puissante qu'il avait jamais vu, au tournant de l'Histoire, il n'avait plus besoin de courage. Le courage, ou du moins quelque chose de semblable, c'était ce qui l'avait amené ici. Cet instant qui le voyait à moins d'un mètre d'une divinité meurtrière, entouré de héros prêts à se sacrifier dans une lutte commune pour la liberté, cet instant-là n'était pas du domaine du courage.

C'était un instant de clarté.

Il se souvint du jour où il avait appris à nager. Il devait avoir douze ou treize ans. Il lavait les ponts, sur un navire marchand qui faisait le trajet entre Exech et Darhàm. C'était aussi son premier voyage. Il ne se souvenait pas des visages, mais il entendait encore les encouragements sarcastiques des marins qui le regardaient patauger derrière la sécurité du bastingage. Le navire avait jeté l'ancre. Pour une douzaine de yus, il devait marcher la planche. Une douzaine de yus, à l'époque, c'était une aubaine accompagnée d'un défi. Il avait marché la planche jusqu'au bout, ça, c'était le courage. Mais une fois dans les eaux inconnues, nimbé de froid et de terreur, une fois qu'il avait vu la maigre distance qui le séparait du bateau qu'il avait quitté... Il n'y avait qu'une chose à faire, pas d'alternative. Il avait nagé, ce jour là, avec moins d'adresse qu'un chiot, certes, mais il s'était hissé jusqu'au pont à la force de ses bras et ses petites jambes.

Contre Oaxaca ou l'Aeronland, aucune différence. Lorsque ce moment arrive, le corps et l'esprit se meuvent d'une seule volonté, avec plus de certitude et de détermination que jamais. Sirius n'émit nul rugissement au moment de porter son coup, juste une brève inspiration. Crier, insulter davantage, cela ne lui traversait pas l'esprit, car il puisait instinctivement dans toutes ses forces, sans exception, toute sa concentration, sans compromis. Le Harpon des Profondeurs se logea dans la chair d'Oaxaca, se joignant à tous ceux qui l'avaient précédé.

La Déchue gémit, son faciès vide fixant le ciel dominé par l'image de Brytha qui se désagrégeait petit à petit tel un mirage dans le désert. Car la Brytha qui surveillait la bataille n'était qu'une image projetée, un artifice dissimulant une aynore gigantesque aux ailes d'or. L'engin se posa, et de sa gueule rutilante émergea un cortège qui semblait venu d'un autre monde. Entourés de soldats en armure complète, deux elfes dorés, un homme et une femme, ainsi qu'un humain à la peau d'ébène s'avancèrent vers la vaincue sans montrer le moindre signe d'appréhension. Le premier d'entre eux prit la parole d'une voix maîtrisée.

"Nous sommes les émissaires des dieux, je suis l’Envoyé de Zewen, sa bouche et son visage en ce monde. Et aujourd’hui sonne la Fin d’une Ère pour Yuimen."

Le champ de bataille baigna dans une mer d'incertitude. Aucun de deux qui s'étaient soulevés contre Oaxaca ne réalisaient sur le moment que ces mots signifiaient la fin de la guerre.

La Bouche de Zewen annonça la défaite d'Oaxaca. Artanis Caliawen, la porte-parole des dieux, félicita en leurs noms les vainqueurs et Koushuu, le Roi de Yuimen, captura l'immortelle pour la ramener à la cité cachée dans le ciel, Nyr'Tel Ermansi. Elle y servirait une sentence éternelle. Leurs soldats armés d'or distribuèrent des bourses ornées aux combattants en récompense pour leur héroïsme. Cet acte semblait encore plus irréel que le reste. Un tel gâchis, une si âpre victoire, et à la fin de tout ça, une compensation pécuniaire ? Les fidèles de Brytha, en particulier, se sentirent insultés par ce geste, et s'en allèrent en incitait quiconque avait été ému par son sacrifice à les rejoindre dans leur long pèlerinage vers la Ville Grise de Syllive.

Sirius regardait d'un œil vacant le dos battu de la Conquérante, escortée par Koushuu vers la nef qui la guiderait vers son ultime prison.

"On a... gagné ?"

Il leva son regard vers le ciel. Il croyait à peine à l'aube qui perçait de ses rayons les sombres nuées. Puis il entendit les pas de Mythanorië, de Leyna. Lorsqu'il les vit devant lui, amochés, épuisés, mais bien vivants, il se souvint de toute la peur qu'il avait ressentie, pour lui et ses compagnons. Une sensation nouvelle s'emparait de lui, quelque chose d'étrange, qui imprégnait le présent et se saisissait du passé. C'était comme si un raz-de-marée avait traversé le chemin de sa vie entière et changé le sens de tous les panneaux. Comme si d'un seul coup, tout ce qu'il avait fait, tout ce qu'il avait vécu, tout ce qu'il avait raté et réussi était d'un seul coup imbu d'une nouvelle signification. Tout était sublimé, expliqué, absolu par la puissance de ce présent. Cette sensation, c'était la victoire.

"ON A GAGNÉ !" hurla-t-il.

Il attrapa ses deux camarades et les serra contre lui. Envahi par ses émotions, il versa de chaudes larmes sur leurs épaules poussiéreuses. Il sanglota comme si toute la souffrance contenue en son sein s'était enfin permise de sortir. Car il s'en donnait le droit, car cette souffrance avait désormais un sens, et il l'acceptait pleinement, et il pouvait enfin en pleurer sans honte. Car c'était tout ceci, bon et mauvais, qui l'avait mené jusqu'ici. Il n'avait pas pourfendu Oaxaca, il n'avait pas sauvé les Ynoriens, il ne s'était pas démarqué comme un héros sans peur et sans reproche... Mais le stupide gamin des rues, destiné à rien, le raté qui noyait ses angoisses dans les pires alcools tulorains et qui passait chaque jour à rêver de grandeur car il avait trop peur d'aller la chercher lui-même... Cet imbécile s'était tenu là, à un point névralgique de l'histoire du monde, comme un intrus sur la toile du destin. C'était ça, sa victoire. Et dans cette victoire, il en vint enfin à donner du sens au parcours singulier de Sirius Hartingard.

"En effet. Et vous avez blessé une déesse. Un exploit dont peu de mortels peuvent se vanter."
"Et en faisant ami-ami avec quelqu'un qui... te ressemble pas mal, surtout question jurons."


L’œil du marin se tourna vers Perailhon, isolé de ses confrères. En vérité, les Treize étaient plus divisés que jamais. Sans Oaxaca, il était sans doute plus juste de dire qu'il n'y avait plus de Treize. Quant à son état d'esprit, le mystère restait entier, voilé derrière son casque hermétique.

"... S'il s'agit d'un autre borgne..."

Se remettant peu à peu de ses émotions, Sirius rompit son étreinte. Il passa une main sur son visage humide.

"J'aurais pas pu y arriver sans vous." murmura-t-il en faisant de son mieux pour ne pas pleurer à nouveau.

Il tourna les talons et approcha le Sang-Pourpre légendaire. Au commencement, Perailhon était sa cible, mais l'heure n'était plus aux hostilités. Et tant mieux, car il y avait fort à parier que le Carapacé était tout aussi coriace que Karsinar.

"Qu'est-ce que tu vas faire, maintenant, Pépé ?"

Un rire s'échappa de sa prison d'acier.

"HA ! Tu n'es pas sans audace, le borgne. C'est bien simple, en ce qui me concerne : j'étais amiral de la flotte oaxienne. Oaxaca tombée, elle devient mienne. Alors je les mènerai sur les mers jusqu'à bon port, pillant, fêtant et coulant ceux qui auront l'audace de se dresser sur notre passage."
"Est-ce à dire que les petits artisans dans la même branche n'auront pas voix au chapitre ?"


Mytha allait toujours droit au but. L'arbuste avait parlé en connaissance de cause, la nouvelle répartition du pouvoir allait donner à la Confrérie l'occasion de se démarquer. En effet, à défaut de ne pas pouvoir être la première puissance maritime, quoi de mieux que de se poser d'emblée en rival du meilleur prétendant ? Sirius avait aussi saisi la nuance, et il gonfla le torse.

"Ah, mais on va pas rester petits bien longtemps..." dit-il autant à Mytha qu'à Perailhon, un sourire aux lèvres. "Profite-bien de tes beaux jours, Pépé, parce qu'à l'avenir, je compte bien te piquer le titre de Roi des Mers !"

S'ils pouvaient tous voir son visage à ce moment-là, nul doute qu'ils l'auraient vu rire.

"Ahah ! Libre à vous d'essayer !"

Leyna, qui était restée silencieuse jusqu'ici, se décida enfin à aborder le sujet qui fâche avec son proclamé paternel.

"Si ce sont les chemins du destin, qu'il en soit ainsi. Si à l'avenir nous devons nous battre, père, je n'hésiterais pas."

Sirius se crispa. L'attention de Perailhon semblait tout droit dirigée vers la semi-elfe, et il préférait être très loin de la discussion qui allait suivre, aussi, il profita que personne ne faisait attention à lui pour s'éclipser.

Le pirate marchait lentement, son regard perdu au milieu du moment. Autour de lui, alliés et ennemis vivaient le calme après la tempête. C'était un spectacle invraisemblable, de voir tous ces gens coexister pour ce bref instant au moins. Hors de cette maudite plaine, le monde s'apprêtait à changer, mais pour le moment, ils étaient là, par la force des choses. Mais au fait, par-là, est-ce qu'il reconnaissait Erzéb-
Un autre visage l'ôta de sa réflexion, celui de l'ynorien qui l'avait foudroyé, Cherock. Il avait prouvé sa valeur sur les murs d'Oranan, mais Sirius ne récupérerait jamais ses poils de torse...

"Heyyy !"

Sirius ouvrit les bras et posa une main à l'épaule du mage nerveux. Il se sentait toujours coupable pour ce qui était arrivé. Bien.

"Faut avouer, t'es pas la moitié d'un mage." lui confia le borgne en souriant.

L'expression du jeune combattant se dénoua, laissant à Sirius l'opportunité parfaite pour lui coller un coup de tête en plein dans le nez.

"Mais apprend à viser, quand même."

Le borgne sentit les armes des guerriers dorés se lever autour de lui. Cherock avait reculé de surprise, mais lorsqu'il croisa le regard de son assaillant, il comprit qu'il n'avait pas frappé pour commencer les hostilités, mais pour les achever.

"J'y compte bien," répliqua le mage en se frottant le nez. "Quand tout sera fini et si vous mouiller à l'avenir à Oranan, vous et vos ho... votre équipage serez mes invités. Encore merci capitaine."

Ils échangèrent un sourire, Sirius le salua et ils se quittèrent sans plus de mots. Mais quand même, aïe, ce petit con avait le crâne dur...
Il entendit des voix familières. Sirat était là, Sibelle aussi. Ils avaient l'air d'être en plein débat animé avec un bretteur à la longue chevelure blonde qu'il avait aperçu lors de l'assaut final.

"Mon père n’est pas qu’un marchand, il ne peut pas… il vient de… d’une… c’est un d’Arkasse bon sang !"
"C’est pas grave, cesse de te tourmenter, va le voir, il t’expliquera par lui-même ses raisons."
"Et écoute-le avant de le juger... comme dit Sirat, tu comprendras mieux si c'est lui qui t'explique."


Selon toute vraisemblance, le jeune homme était le fils de Vandrak. Sirius s'en mêla.

"Vandrak était pris entre deux camps. Il s'est juste plié aux exigences du plus dangereux. C'est pas glorieux, mais j'comprends sa situation. Y'a que l'temps pour nous dire s'il sera vu en traître ou en héros."

Son allure était décontractée, comme pour signifier au dénommé Ezak d'Arkasse qu'il ne devait pas se laisser envahir par la situation.

"En c'qui me concerne, c'est qu'une question de perspective. Sacrée moustache, par contre."

Il changea de sujet.

"Alors, Sirat, bien ta crise de foi ? Tu sais que tu m'as manqué, au moins ?"

Aucune animosité entre les deux hommes, Sirius ne lui en avait jamais voulu, et il était soulagé de voir que Sibelle et lui au même endroit sans lames sorties.

"Rabibochés ou toujours fâchés ?"

Cependant, Ezak n'était pas prêt à lâcher l'affaire. Bouillant de rage et de honte, il rumina, les yeux fixés vers le sol.

"Je vous ai demandé et des faits et vous me servez des banalités. Comme si j’en avais quelque chose à cirer de vos misérables avis, surtout venant du bétail d’Oaxaca..."

Elle était pour Sirat, celle-là... L'homme tourna les talons, furieux.

"Ayez au moins la décence d’achever votre œuvre et de faire votre rapport au Général Boga-"

L'humoran s'était rué sur Ezak. La dernière provocation était de trop. Fort heureusement, Sirus eut la présence d'esprit de se placer entre eux.

"Grâce à son geste, le castel et ses serviteurs ont été épargnés. Parfois on a pas le luxe de se prétendre honorable. Et si Bogast veut mon rapport, qu'il lève son vieux cul fripé !"

Horriblement blessé, Ezak s'en alla sans rien ajouter. Cette histoire avait sans doute attaqué la fierté de son lignage, son amour paternel.

"Enfant gâté !" pesta Sirat.
"Et ton navire ? Ton équipage ?" demanda Sibelle.
"Le navire ? Coulé. " répondit-il en souriant à pleines dents. "Mais mon équipage se porte mieux que jamais."

Son regard s'égara vers Leyna et Mythanorië au loin.

"J'ai reçu de l'aide. J'étais venu pour la gloire, mais j'ai fini par me rappeler de ce qui était vraiment important."

Son regard passa de Sibelle à Sirat.

"J'espère que vous aussi."

Les yeux de la guerrière brillaient. Même son calme spartiate ne pouvait complètement étouffer les émotions qui la traversaient.

"Cette guerre, ces combats m'ont fait réalisé une fois de plus la fragilité de la vie. Et moi et Sirat, nous nous sommes réconciliés... nos chemins vont se séparer de nouveau, mais nous savons qu'un jour ou l'autre nous allons nous retrouver."

Elle adressa à l'humoran un regard languissant, puis les quitta, prétextant un rapport au général Bogast. Laissés dans la confidence, les deux hommes partagèrent du vin que Sirat avait ramené d'un monastère dans les Duchés.

"Alors, tu vas faire quoi maintenant ?"
"M'étendre, je pense. Avec tout ce qu'il vient de se passer, les flottes kendranes et omyriennes vont devoir ralentir la cadence pendant un moment. C'est l'occasion rêvée pour développer ma petite entreprise. J'risque d'être pas mal occupé. Et toi ? Tu vas gueuler des prophéties à l'oreille des orques ou tu vas en profiter pour te poser ?"


Il éclata de rire.

"Les orques, entre autres. Je pourrais avoir besoin de ta flotte si elle s’étend."
"J'te ferai un prix d'ami."
conclut Sirius en rendant sa boisson à l'humoran.
"En attendant, reste sage !"

Les deux hommes se quittèrent en bons termes. Il était grand temps d'embarquer. Sirius retrouva ses deux compagnons et embarqua pour Nyr, nouvelle destination, nouvel inconnu.
Modifié en dernier par Capitaine Hart le lun. 23 janv. 2023 03:03, modifié 1 fois.

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Daemon
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Daemon » ven. 5 août 2022 21:31

À travers la plaine plongée dans une nuit qui semblait irréelle, Daemon avançait sans savoir où il allait. Son principal point de repère était l'écrasante magie qu'il pouvait ressentir loin à l'ouest et qui suscitait chez lui un trouble si concret qu'il en avait la nausée. Au dessus de lui, Nienna sillonnait la désolation à la cherche d'âmes vivantes ou non, attentive et surtout préoccupée par la sécurité de son jeune maître qui claudiquait d'une façon pitoyable. Les combats avaient épuisé le semi-elfe et sa récente blessure le vidait de son sang.

Ils progressèrent en silence jusqu'à croiser une masure isolée et ravagée par la guerre. Daemon enjamba une poutre calcinée et s'introduisit dans les décombres. Une bonne partie de la toiture s'était effondré suite à un incendie, ouvrant une perspective sur les sombres nuages. Blottit sur des gravats, il s'autorisa une pause sous le regard inquiet de Nienna. Ses paupières s'abaissèrent et sa respiration se fit plus lente, presque apaisée.

Ses pensées devinrent confuses et violentes, comme dans un rêve agité. Dans un sursaut de lucidité il voulut se lever, mais il ne parvint qu'à tressaillir misérablement. Ses jambes ne lui obéissaient plus... Ses bras aussi demeuraient inertes, tandis qu'il glissait doucement, gisant sur le côté.
L'obscurité le gagna encore et engloutit ses songes hallucinés.

Des sphères embrumées et incertaines, son esprit émergea alors avec une terrifiante acuité. Il se redressa avec légèreté – ses souffrances et sa fatigue envolées – et il devina Nienna en face de lui. Il ne l'avait jamais vu ainsi. Quelque chose chez elle paraissait changé, comme si elle était devenue plus « vraie », plus « vivante »... Il discernait le grain de sa peau, son teint juvénile et ses cheveux qui ondoyaient dans l'onde absente. Il la voyait différemment, jusqu'à son expression... car elle le dévisageait avec une expression stupéfaite et d'horreur.

« Votre corps... maître. Votre corps, votre âme ! »

Daemon inclina la tête d'incompréhension, sans comprendre le comportement aberrant de son invocation.

« Ma douce Nienna. Pourquoi t'affoles-tu ain... »

Il ne put terminer sa phrase. Sa propre voix lui était parvenu dans un écho sépulcral qu'il ne connaissait que trop bien. Il resta un moment figé et en silence, transit d'angoisse. Ses mains se levèrent doucement jusqu'à son visage : il vit à travers.

« Je suis mort ! Encore !? »

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Akihito
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Akihito » mer. 14 sept. 2022 11:31

Dans le chapitre précédent...

Interarc : Le rempart des innocents.

Chapitre VI : Colère du juste ?

Combat avec les garzoks, traque de l'origine de la bête de karsinar et de l'activité garzok.

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Akihito
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Akihito » mer. 14 sept. 2022 11:34

Dans le chapitre précédent...

Interarc : Le rempart des innocents.

Chapitre IX : Accepter et reconstruire.

Retour sur le Charnier des Âmes, séparation avec Camille. Acceptation de la mort d'Anthelia.

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Kiyoheiki
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Kiyoheiki » sam. 30 sept. 2023 18:55

~Auparavant, bien auparavant~


~Porter le Deuil, une fois de plus~
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Les griffes plantées dans la terre dévastée, mon corps ondule avec lenteur au rythme des pulsations de ma perle dorée. À mesure que le vaisseau des envoyés divins prend de l'altitude, l'aura d'apaisement et de calme entourant le Roi de Yuimen s'atténue. Avec elle, l'ensemble des souvenirs récents se fait plus présent, plus lourd à porter. Une bataille historique a pris place sur les terres de mon peuple, dévastant les rangs des vivants, déstabilisant ceux des morts et de ceux qui se trouvent à la frontière entre les dénominations. Mon museau s'élève légèrement vers les cieux que l'aéronef pourfend, ne laissant qu'une poignée d'entre nous au sol. Mes paupières s'abaissent, ravivant les ultimes images de ce conflit.

Un Dragon de cauchemar banni du monde de Yuimen au prix d'un sacrifice aux reflets d'argent. La Sombre Reine, vaincue par les efforts combinés des mortels, destinée à l'emprisonnement éternel. Si toutefois ce terme s'applique réellement à une entité divine ayant déjà prouvé que l'infaisable ne l'était pas tant. Les échanges entre les aventuriers meurtris et les arrivants drapés d'or et de lumière. Le pressentiment que la quête de la jeune Yliria, souhaitant échanger des secrets divins contre le retrait des marques du Gentâme, n'a que peu de chances d'aboutir. La déclaration du Premier Nécromant de fonder son royaume mettant son art noir à l'honneur, sans me répondre quant à la source de ses futurs matériaux. La méfiance teintée d'un soupçon d'espoir du Seigneur Herle Krishok, lors de sa requête concernant la réhabilitation des arts noirs en terre kendraines auprès d'une princesse portant le deuil de son royal frère.

Ma tête draconique descend lentement, mon regard suivant une masse s'éloignant vers le nord. Nulle entité pour servir de guide à qui que ce soit. De mentor prodiguant de rassurants conseils. De figure parentale, qui aurait vécu drame similaire et incarnerait la solution pour se relever de pareille épreuve. Incertitude. Hésitation. Un coeur semblable à celui d'un animal tenu en longe si longtemps que lorsque celle-ci lui est retirée, la créature libérée est perdue. Indécise. Effrayée de ces nouvelles possibilités. Ainsi sont les coeurs des survivants de ce conflit. De ce massacre. De ce carnage, qui représente le plus cuisant échec pour le Dragon d'Or d'Ynorie. Mon corps serpentin s'affaisse un instant sous cette pression, cette culpabilité, cette résignation. Quand bien même une voix millénaire susurre à mon être que jamais mortel, même Dragon, n'aurait pu faire face à la Mort Incarnée à armes égales, les mots n'apportent qu'un réconfort à peine perceptible.

Inspirant profondément, mon puissant corps écailleux se remet d'aplomb. Nombreux sont les héros à avoir quitté les lieux à bord du navire céleste, ne laissant que quelques silhouettes partir en direction de la cité ou quitter la plaine de Kôchii dans une autre direction. Le Dragon d'Or a failli aux siens, il est de son Devoir de les rassembler pour leur faire honneur, une ultime fois. Poussant sur mes pattes, ma silhouette décrit une spirale pour prendre de l'altitude et aviser les environs.

À mesure que je m'élève, l'aspect colossal de la tâche m'apparait. Il me faut ramener les morts auprès des leurs, mais de légers mouvements et des couleurs inattendues attirent mon attention sur les vivants. Mes yeux clignent lentement quand je comprends que certains, à l'instar de la plupart des âmes fortes aux côtés desquelles j'ai lutté, ont survécu au souffle du Dragon Noir. Sont-ce des miraculés ou faut-il y voir le même potentiel que celui qui m'a permis de résister ? J'en aperçois une poignée. Un binôme sur ma droite, une silhouette plus loin s'affairant à tirer et aligner des corps arborant une sorte d'uniforme à la teinte orangée. C'est vers elle que mon corps brillant se dirige en premier, mon vol se faisant un peu plus rapide quand la forme se laisse tomber à genoux et qu'un éclat métallique reflète la pâle lueur du jour.

C'est un jeune ynorien mais dont la tenue ne ressemble pas à celle des habitants d'Oranan. Davantage de couches de tissu, taillées avec des angles plus nombreux et prononcés. Les quatre corps et l'humain à genoux faisaient visiblement partie du même groupe, le coloris des tissus et un bandeau ceignant leur front de manière identique. Le binôme aperçu plus tôt arborait d'ailleurs des tenues similaires. Tous ont une chevelure longue, retenue en un chignon ou une queue-de-cheval. De jeunes gens, hommes et femmes, n'ayant visiblement jamais eu à honorer les rites funéraires classiques. Toutefois, mon regard violet ne s'attarde pas sur les défunts. Il se rive au corps tremblant du jeune homme qui tient son épée d'une main, employant l'autre pour maintenir le fil de la lame contre sa gorge. L'ombre que ma silhouette projette sur lui le fait tressaillir et il lève la tête dans ma direction. Ses yeux sombres s'écarquillent et j'y lis de la surprise, de l'émerveillement et de la confusion pendant un court instant. Puis son expression se ferme tandis qu'il dirige son attention sur les corps.

"Je... Il est... Il est venu. Il est là pour m'encourager... J'arrive. Je..."

Mes pattes touchent le sol quand il cesse de parler et pose de nouveau sa lame contre son cou. Sa mâchoire se crispe et une estafilade se fait sur sa peau poussiéreuse. Ses mains tremblent. Il balbutie.

"Je n'y parviens pas... Aidez-moi... Je vous en prie... Avant qu'ils ne soient trop loin... Ils... Je ne peux pas les laisser partir sans moi..."

Ses doigts se crispent, faisant tinter le métal sous ses paumes gantelées. J'approche mon museau de lui et à mon mouvement, ses yeux se ferment si fortement que tout son visage se tend, le faisant se recroqueviller avant qu'il s'aperçoive de sa réaction et s'efforce de faire le contraire. Avec douceur, je pousse son coude tremblant, faisant jouer son corps pour repousser le fil tranchant loin de sa gorge. Pour qui semble chercher le trépas, il n'oppose aucune résistance à mon évident souhait de le désarmer. Sa prise s'affaiblit d'instant en instant, si bien que ses mains arrivent sur le côté, s'abaissent progressivement et que son épée finit par mollement tomber au sol. Son expression se fait perdue. Hagarde. Ses lèvres rendues rouges par plusieurs morsures finissent par s'entrouvrir.

"Pourquoi... Pourquoi je n'arrive même pas à faire ça pour eux..."

Il regarde ses deux mains qui ne cessent d'être secouées de légers mouvements. Un sourire dépité se glisse sur ses traits, son visage allant se nicher au creux de ses paumes, ses doigts s'accrochant dans son bandeau.

"Je suis un lâche... Pardon...", dit-il dans un souffle chaotique. "Mais je... Je ne... Pas comme ça..."

"Redressez-vous, enfant de l'Ynorie."

Au soudain grondement de ma voix, le jeune homme m'adresse un regard indéchiffrable. Je le vois déglutir brutalement et légèrement tendre le doigt dans ma direction, mais n'en prends pas ombrage.

"Ce Dragon a subi la perte d'un grand nombre des siens en ce jour. Ajouterez-vous la vôtre au fardeau pesant sur son cœur ? "

Le jeune homme détourne la tête, avisant les quatre corps une nouvelle fois.

"En rejoignant vos frères d'armes maintenant, vous leur ferez honneur un instant. Si telle était votre décision, ce Dragon ne l'oublierait point. Mais en leur prêtant main-forte, vos actes auront davantage de valeur pour la population d'Oranan et les survivants. En cela, ce Dragon ne vous en serait que plus reconnaissant.", dis-je posément, abaissant légèrement la tête avant de la retirer pour mieux le regarder, constatant une légère indécision. "Par ailleurs, d'autres comme vous arpentent les lieux dévastés, leur front ceint de ce même bandeau orangé."

Immédiatement, l'ynorien se redresse sur ses genoux, le regard incrédule et soudain empli de vie. Il attrape son arme et bondit sur ses pieds, se tournant pour tenter de repérer le moindre mouvement sur le charnier. J'abaisse la partie supérieure de mon corps et tends la patte avant, l'invitant à prendre place. Son hésitation est palpable, mais sa décision est rapidement prise. Il se hisse sur mon dos et se cramponne à mes crins dorés lorsque je prends mon envol. Il ne nous faut que quelques instants pour rejoindre le binôme repéré, un homme et une femme se tenant auprès de deux corps arborant également le même type d'habits. La jeune femme est la première à me voir arriver et elle tire la manche de son compagnon pour attirer son attention. Tous deux me regardent avec émerveillement, expression qui se change progressivement en appréhension quand ils comprennent que je viens pour eux.

Je les survole, attendant une confirmation de mon passager. Sa prise sur mes crins se fait un peu plus vive et je crois l'entendre s'exclamer puis m'enjoindre à me poser. Je m'y attelle doucement, mon corps serpentin décrivant un arc de cercle autour d'eux. Pas un son n'a le temps de leur échapper avant que mon passager ne saute de mon dos, ne trébuche et ne reparte dans une même foulée sans se préoccuper de l'impression qu'il peut donner.

"A-Xun ! A-Li !"

Son arrivée est accueillie par un "A-Yu" et un "Grand Frère" aussi dénué de retenue l'un que l'autre. Sous mon regard violet, mon passager attrape les têtes de ses compagnons et les attire à ses épaules, les maintenant contre lui en une accolade presque désespérée. Le geste lui est rendu avec autant de ferveur et d'émotions. Silencieux, ma forme écailleuse demeure à l'écart, laissant la réunion avoir lieu. Après de longues minutes, le trio se tourne dans ma direction et s'incline humblement. Je les entends parler des défunts, un signe de tête négatif apprenant tout ce qu'il est nécessaire de savoir quant au triste destin du reste de leur groupe. Mon attention se tourne sur le reste du charnier pendant un bref moment. Lorsqu'elle revient à eux, je les constate inclinés de nouveau, me demandant humblement une faveur. Je l'accepte d'un signe de tête et les invite à prendre place sur mon dos. Je patiente jusqu'à ce qu'ils se sentent suffisamment en confiance puis je bascule mon poids sur mes pattes arrières, libérant l'avant de mon corps pour glisser mes autres pattes sous les genoux et les omoplates des deux corps de leurs frères d'arme.

Le vol en sens contraire se fait dans le silence. Ce dernier persiste, pas même brisé tandis que je pose les deux autres victimes aux côtés des quatre premières, ou que mes passagers s'agenouillent à leurs pieds. Ma forme demeure auprès d'eux un moment, participant à leur recueillement sans intervenir jusqu'à la réception de tristes remerciements. Mon oeil reptilien se rive un court instant à l'estafilade causée par la lame, puis au visage de l'ynorien. Ce dernier masque sa plaie presque nonchalamment, honteusement. L'idée de rejoindre ses partenaires au royaume des morts semble l'avoir pour le moment déserté. Passagère, impulsive, liée à une jeunesse manquant de sagesse. Son geste n'aurait été qu'un triste gâchis, les âmes arrachées par la Mort Éternelle ne finissant pas dans le giron du dieu des défunts.

Mon long corps se détourne d'eux, mes muscles se détendent et me lancent dans les airs. Ma magie, déjà extrêmement sollicitée lors de l'affrontement, l'est une nouvelle fois pour repousser la fatigue des dernières heures. Mon peuple a besoin de son protecteur afin de réunir les siens. C'est là le fardeau causé par mon échec et qu'il me revient d'endosser.

C'est là qu'est mon Devoir.

Modifié en dernier par Kiyoheiki le dim. 23 juin 2024 15:17, modifié 2 fois.

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Kiyoheiki
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Kiyoheiki » dim. 15 oct. 2023 10:42

~Auparavant~


Les présents s'organisent peu à peu, sortant des murs ou contribuant à ramener les corps des défenseurs présents dessus dans le giron de la cité. Mon corps draconique fait de même avec les défunts les plus éloignés, pour épargner les forces des survivants. La tâche est longue et continue, ma magie active maintenant ma forme serpentine en mouvement. Parfois mes pattes griffues portent des victimes, parfois elles tirent des carrioles trop chargées pour que les ânes ou les bœufs parviennent à les tracter sur le terrain labouré par les déplacements. Malgré l'activité croissante à mesure que les minutes s'égrainent, un sombre silence perdure. Solennel. Endeuillé. Tous ici ont perdu des proches. Rares sont ceux qui réalisent encore l'ampleur de ce que nos terres viennent de vivre. Par moments, les regards des miens se tournent dans ma direction puis ils reprennent leur triste activité lorsque je repars sans cesse au-dessus du charnier.

Une poignée d'heures s'écoule, mais pas suffisamment pour que la luminosité décroisse tant. Mon attention est donc rapidement attirée par une lanterne bleue lentement agitée de gauche à droite près des ruines de la porte effondrée. Le phénomène est d'autant plus intriguant que la lanterne et la personne la maniant sont toutes deux grandement familières. L'une est le traditionnel objet accroché à l'entrée de l'herboristerie pour guider ceux dans le besoin, l'autre fait réagir par une brève pulsation ma perle dorée. Ma course dévie de sa trajectoire initiale et je viens prudemment me poser, évitant les passants et les débris jonchant encore les environs. Mon regard violet distingue Dame Talia D'Omble, sa capuche relevée ne cherchant ni à masquer son héritage ni son propre regard rivé à ma forme. Elle semble pousser un souffle et tend légèrement une main d'écailles noires vers ma perle. Ce n'est pas au Dragon qu'elle souhaite s'adresser. Brève hésitation. Il reste beaucoup à faire. Un mouvement de tête lui fait comprendre que les miens ont encore besoin de moi ici, une réponse négative de la sienne provoque une nouvelle pulsation dans ma perle. Ce n'est qu'à l'écoute d'une invitation par une présence ancestrale que mon choix se fait.

Mes yeux se perdent dans la perle pour mieux retrouver ce que j'ai écarté de mon esprit. À mesure que mes souvenirs se teignent de ressenti, mon corps perd son apparence longiligne et se fait paradoxalement plus lourd. Mes oreilles pointues sifflent légèrement tandis que mes pieds bottés reprennent appui au sol. Je tente de faire un pas de plus quand un étourdissement me saisit, à l'instar de la main de ma tendre épouse pour me soutenir. Je cligne des yeux à plusieurs reprises pour chasser la sensation. Nul doute que c'est là la fatigue accumulée qui me frappe durement. Je prends le temps de respirer lentement, de minimiser mon effort le temps que le vertige passe. Lorsque le ressenti s'atténue, j'appose ma main libre sur celle de ma Talia et lève le nez dans sa direction, prêt à la remercier. Mes mots se bloquent dans ma gorge à la vue de son visage plus blême que d'habitude et ses paupières légèrement gonflées. Un étau glacé se fait lentement dans ma poitrine, une redoutable appréhension qui me fige un court instant sur place. Je déglutis et dois faire un effort conscient pour mettre mon corps en mouvement à sa suite.

Lanterne dans une main, mon bras dans l'autre, Talia m'entraine dans ma ville natale. Le silence de la plaine est ici brisé par un flot de sanglots, de mots durs ou d'autres sons. Mes pas se font de plus en plus pénibles tandis que nous avançons entre des rangs de corps étendus avec respect sur le sol, parfois entourés de proches, parfois isolés et au visage couvert d'un carré de tissu voire de leur propre couche supérieure de vêtement. Je redoute un bref instant les réactions à mon endroit, mais les brefs coups d'yeux qui me sont lancés ne durent pas. J'en suis à la fois soulagé et effaré car à chaque silhouette étendue que je vois, ma culpabilité de ne pas avoir fait plus, d'avoir fait mieux, d'avoir agi pour les protéger comme je l'ai juré me fait baisser le regard.

La main de mon épouse glisse sur mon avant-bras, enserrant ma main et lui donnant une brève caresse. Nos pas s'arrêtent dans une rue familière, devant la façade d'un bâtiment qui m'a vu grandir toutes ces années et ses occupants avec. Ma boutique. Mon foyer. Devant lequel deux personnes, le grand milicien Hidate Tanigura et l'un des jumeaux Uzuuma, sont agenouillées auprès... Je sens mon cœur ralentir et mes yeux s'écarquiller, l'étau dans ma poitrine se refermant avec une violence croissante à mesure que j'identifie les trois personnes gisant au sol. Le visage étrangement détendu, totalement contraire à son éternel froncement de sourcil, je reconnais Ayame Nawakura, ma pyromancienne d'apprentie herboriste et amie milicienne. La mère des jumeaux Genjimasa et Kiyomi. Elle repose sur le dos, légèrement tournée sur sa gauche. J'inspire brièvement en suivant du regard sa main rivée à celle du corps voisin, leurs doigts entrelacés ne laissant aucun doute.

Junji. Junji Uzuuma. Son époux. Mon ami de la milice. L'homme le plus enjoué, positif et courageux qu'il m'ait été donné de connaître. Voir son visage aussi impassible et dénué d'émotions me semble irréel. Mensonger. Un tour pendable joué par mon esprit épuisé. Sa tête repose sur les genoux de son frère Genji, penché en avant, qui passe de longs doigts tremblants dans la chevelure dénouée de ce dernier. Il fait un geste lent et répétitif, prenant l'éternel épi présent sur le front immobile et l'écartant vers l'oreille. La mèche persiste et signe à revenir à sa place, obligeant le silencieux homme à recommencer. À côté de Junji, une troisième personne est étendue, les mains posées contre son abdomen. Elle tient la sacoche dans laquelle le petit être animé par la liche Azra voyageait toujours à ses côtés. Le paquet est lui aussi inerte. Talia me guide ou plutôt soutien mon corps pour effectuer les deux derniers pas me séparant d'elle. J'ai la sensation de devoir avancer contre un mur, d'être contraint de lutter contre moi-même aussi bien que contre une paroi invisible hérissée de lames et de piques pour l'atteindre. Chaque souffle, chaque mouvement, chaque pensée m'arrache une partie de mon être.

Lorsque je parviens à m'extraire de cette sensation, elle me laisse vide, chancelant, brutalisé et meurtri jusqu'au plus profond de moi. Je tombe à genoux, mon arme glissant de mon dos pour s'aplatir dans un bruit discordant derrière moi. Mais je n'en ai cure. Je n'entends qu'un sifflement aigu. Je ne vois rien d'autre que cette silhouette dont la tenue claire contraste avec le sol dallé. Mes mains salies de poussière et autres traces se tendent vers elle et hésitent un bref instant tant elles me paraissent indignes de combler ce dernier écart me séparant d'elle. Ma peau se déchire, se brûle, passe à travers une autre barricade mentale. Je persiste, me saigne à blanc, poussant ma volonté à faire se mouvoir ce corps coupable, et je parviens à toucher du bout des doigts le visage encore juvénile de Tohru. Ma pupille. La fillette ayant poussé en une jeune adolescente que j'ai recueillie et élevée en mon foyer. Celle que Talia et moi avions prévu de surprendre avec ce discret parchemin roulé, attendant son heure, camouflé hors de vue dans notre armoire. Celui qui, signé par les autorités, indiquait son ajout au registre de ma famille. Tohru Oda, devenue Tohru D'Omble D'Esh Elvohk.

Je glisse la main puis le bras sous ses épaules, la soulevant doucement et l'attirant contre moi, son visage posé au creux de mon cou. Ma fille. Ma petite fille... J'enserre l'enfant de mes deux bras. Elle est si légère. Si jeune. Si... Si... Si froide. Notre tasse de thé réconfortante dans les périodes complexes ou rigoureuses. Notre lueur dans la pénombre. Notre jeune pousse à la veille de ses plus belles années. La brève inspiration que je prends brise quelque chose en moi. Un son s'échappe de ma gorge, arrachant, lacérant, détruisant ce qui restait d'intact en moi. Peu m'importe l'impression que je peux laisser. Peu me chaut de ne pas incarner le parfait ynorien maître de ses émotions. Ici et maintenant, je suis comme nombre des miens. Un simple parent qui vient de perdre son enfant... À vif. Détruit. Ma petite Tohru... Sa voix résonne encore dans mes souvenirs avant que j'aille me rendre au service des miens, ravivant ma douleur. Je n'ai pas su lui faire quitter la cité à la veille de cette bataille sans précédent.

("Non, je ne pars pas avec les autres."

"Il le faut Tohru. Je ne peux pas me permettre de te savoir là quand le combat sera à nos portes. Tu iras avec Talia, la Vénérable et les jumeaux."

"Non ! Non... Je ne veux pas. Ne m'oblige pas, Kiyo'."

"Pourquoi t'entêtes-tu ainsi ? Je ne veux que te savoir en sécurité."

"Je sais ! Je le sais... Mais..."

"Mais ?"

"Comprends-moi... Le village de papa et maman proche de la frontière. Puis celui de mon cousin. Puis Bouhen, la maison de mon frère et de sa garce de compagne... À chaque fois que quelque chose m'oblige à quitter mon foyer, plus jamais je ne peux y retourner. Alors... Alors ne m'oblige pas à partir, Kiyo'. S'il te plaît ! S'il te plaît..."
)

Tout est de ma faute. Si j'avais insisté... Si j'avais pris le temps de la convaincre... De la rassurer... De lui promettre que Oranan serait là à son retour... Si je ne lui avais pas appris à être cette si courageuse ynorienne qui nous avait alors dit, le plus encourageant des sourires aux lèvres...

("Je vous attendrai avec la meilleure théière de thé ynorien de toute la région ! Alors revenez à la maison. D'accord ?")

Mon chagrin s'extirpe à coup de griffes et de crocs de la prison de mon corps. Je sanglote, crie et m'effondre, sa forme sans vie lovée au creux de mes bras d'incapable.



~Suite~

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Capitaine Hart
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Capitaine Hart » sam. 24 août 2024 16:38

L'aynore se posa et ses occupants le désertèrent en file. Sirius et Erzébeth partirent de leur côté, s'enfonçant de plus en plus profondément dans le champ de bataille désolé. Les plaines de Kochii étaient méconnaissables. Les rizières asséchées avaient été remplacées par des fosses communes desquelles débordaient les cadavres rassemblés par ce qu'il restait de la garde d'Oranan. Des omyriens en grande partie, car les ynoriens tenaient à enterrer leurs morts dignement, mais personne n'était là pour pleurer ceux qui étaient venus de l'autre bout du continent. Une odeur de moisissure recouvrait les plaines, comme si la terrible magie noire qui avait œuvré là-bas avait corrompu la terre elle-même et accéléré la décomposition des corps. Le terrain était calciné par endroits, et parsemé de cratères, Kochii portait les hématomes des sorts meurtriers qui furent lancés au sommet du conflit.

Il oublia presque le motif de leur errance tandis que son regard sondait les champs ruinés jonchés de cadavres.

"Alors euh... T'as dit que tu le tenais d'où, ton anneau ? Un roi ?"
"Pas un. Du Roi."

Sirius se figea.

"Attends, Solennel ? Me dis pas que..."

Silence.

"Héééé, tu s'rais pas en train de te payer ma tête ?" fit-il en la pointant du doigt.

Silence.

"Merde."

Il détourna le regard en se grattant la tête.

"Mort ? Claqué ? Éclaté ? Démonté ? Six pieds sous terre ?"
"Il n'a pas trop souffert, je crois. Ça a été très vite."

Elle entreprit quelques pas au milieu des cadavres.

"Aloooors. Où as-tu fait tomber mon précieux trophée ?"

Sirius se malaxa le front.

"Je vois que t'as vraiment pas lésiné..."

Alors le roi de Kendrâ Kar était bel et bien mort... et il traînait avec la régicide. Il avait tant de mal à y croire. Il était autant attaché à Solennel que le voisin d'un fermier à l'enfoiré de coq qui le réveillait tous les matins. Il n'avait jamais particulièrement aimé le lascar, mais il avait du mal à imaginer un monde où il ne régnait pas sur la Cité Blanche. Il se demanda si les choses allaient changer à Kendrâ Kar, et qui prendrait sa place. Mais du coup, il comprenait pourquoi Silmeria s'attachait à ce bijou, ce n'était autre que son trophée le plus prestigieux. Et autant dire qu'il était complètement perdu. Il lui fallait trouver un moyen de partir sans irriter davantage la baronne. Après tout, il n'y avait plus de soldats pour maintenir l'ordre, si ce n'étaient quelques contingents ynoriens chargés de ramener leurs compatriotes au bercail.

"Elle est ptèt tombée près de la côte..."
"Près de la côte ?"

Elle leva un sourcil en direction de la falaise fendue en deux par l'incroyable navire de Perailhon quelques jours plus tôt.

"Qu'est-ce qui te fait dire ça ? Tu n'es pas venu par la mer, à tout hasard ? Tu commence déjà à envisager de me faire faux bond ?"
"Moi ? Mais nooooon, non, non, non, je me disais juste : si on veut passer la plaine au peigne fin, mieux vaut commencer par le bord, pas vrai ?"
"Si si si si. Ça ressemble à du Sirius tout craché ça. Tu as su duper Von Klaash, je te l'accorde mais ce n'est pas le plus fin de la terre. Allez, on commence à chercher."

Il se mit à sonder les cadavres avec une vigueur renouvelée, tentant désespérément de changer le sujet.

"Sinon, qu'est-ce que tu comptes faire une fois qu'on aura retrouvé ton trophée ? J'veux dire, t'as buté l'homme le plus puissant du Nirtim, c'est quoi, la suite ?"
"Pense au repas que je t'offrirai lorsque tu aura retrouvé mon bien. Ce sera ça, la suite."

Des minutes ressemblant à des heures (ou bien même juste des heures) passèrent, et chaque cadavre retourné ne rendait Sirius que plus nerveux et impatient.

"Raaah ! Fait chier !" cria-t-il en mettant un coup de pied dans la dépouille d'un soldat kendran.

Il s'ébouriffa les cheveux.

"Allons, les doigts les plus agiles de cette bonne vieille terre... "
"C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin, sauf que la botte de foin elle pue la mort. Aaaaah je vais en faire des cauchemars, cette nuit !"

Il se laissa choir sur le sol puis s'assit en tailleur.

"J'EN AI MAAAAAAAAAAAARRE !!"

Son cri résonna dans la plaine et fit s'envoler une nuée de corbeaux. Sa Némésis, quant à elle, ouvrit ses bras comme pour s'imprégner du vent de mort.

"Moi je trouve que ça a un certain charme, on ne sent pas ça tous les jours. Et plus on attend, plus ça sentira fort tu sais. Regarde, j'ai trouvé ça pour toi."

Elle lui balança un œil noirci par la moisissure qui le fit hurler de dégoût.

"Bleu, la couleur de l'espoir."
"On va jamais le trouver, ton machin ! On se choper toutes les maladies au monde à force de remuer les macchabées ! Ce serait la bagouze de Yuimen en personne que ça en vaudrait pas la peine !"
"Je te passerai un linge frais sur le front quand tu crèveras de fièvre." dit-elle en retournant un corps à l'aide d'une hallebarde brisée.

Ils continuèrent leurs recherches pendant des heures. Le ciel commençait à prendre une teinte orangée alors que les deux fouilleurs profitaient d'un moment de repos autour d'un feu improvisé. Chacun assis sur un tas de cadavre, c'était fou comme la mort pouvait prendre une couleur familière. Après un certain temps, les morts ne sont que des choses, des éléments du décor, et ils en avaient assez tripoté pour faire passer même à Sirius son dégoût initial.

Alors qu'Erzébeth grignotait des restes du festin de Nyr, elle reprit sa discussion avec Sirius.

"On s'est combattus par le passé. À de nombreuses reprises, mais je réalise que je ne sais pas grand chose de toi."

Alors qu'il mordait dans un bout qu'elle avait eu la gentillesse de partager, il haussa un sourcil.

"T'es sérieuse, là ?"

Il rompit un bout de bois en deux. Il souffla, exaspéré.

"Y'a rien à savoir. J'en ai eu marre de crécher au bordel de Tulo, j'ai pris la mer, je suis tombé sur une baronne complètement chtarbée et à partir de là ça a été connerie après connerie. Merci pour ça, d'ailleurs."

Il balança les deux bouts dans le feu.

"Et toi alors ? Oh, laisse-moi deviner. Tes darons t'ont jetée dehors et depuis tu communiques avec les autres en les empalant par le fondement ? Nan nan nan, encore mieux. T'étais une pâtissière ordinaire puis un beau jour tu t'es dit "Tiens, et si je foutais de la cigüe dans mes petits pains ?""
"Rappelle moi pourquoi vous avez été enfermés à Keresztur, déjà ?" soupira-t-elle.

Elle jeta un fagot dans le feu.

"Tu as quand même su te soustraire à Von Klaash, ce n'est pas rien. Je suis même assez surprise que tu ne cherches pas à te venger de moi."

Il éclata de rire.

"Me venger ? Moi, de base, j'aurais préféré qu'on se recroise plus jamais, mais c'est fou comme le monde est petit, en fin de compte !"

Il se relaxa quelque peu, conscient que sa question était une invitation à une discussion plus sérieuse.

"La vengeance, je sais pas faire. J'ai essayé, hein, mais c'est tout bonnement pas mon genre. Et pis toi, en particulier, bah..."

Il fit une moue accompagnée d'un signe plat de la main, comme pour dire "couci, couça".

"Kerezstur, c'était un malentendu, et Von Klaash..." fit Hartingard en battant ce souvenir d'un revers de la main. "... un coup de chance."
"Un coup de chance, il me semble que c'était un coup plutôt bien orchestré, à bord de son propre navire. Tu sais qu'on a eu un mal de chien à le récupérer d'ailleurs. Mais pour le reste..."

Elle se mit à dessiner dans le sable avec une flèche perdue.

"Tout ce qui s'est passé ici... À ton avis, combien de personnes vont vouloir se venger de ça ? Et auprès de qui ? Ces corps sans vie à perte de vue, il y en a plus d'un que ça rendrait fou."

Un petit rire cynique lui échappa.

"Et regarde-nous, face à un feu de camp, à dîner des sardines et du pain blanc au milieu des mouches et des cadavres, à la recherche d'une bague."
"On est peut-être tous les deux un peu tarés." fit Sirius en lui rendant son rire.
"Peut-être que nous le sommes... en effet."

Il regarda le ciel, dépité de voir le soleil s'en aller.

"À t'entendre, on dirait que tu penses qu'à ça, la vengeance. Rassure-moi, t'as quand-même d'autres buts dans la vie que zigouiller des têtes couronnées et... pas couronnées ?"
"À dire vrai, je ne sais pas. J'ai toujours été éduquée ainsi. Je ne sais même plus vraiment quoi faire maintenant que ma mission est remplie. Je voulais tuer le Roi par vengeance personnelle et pour plaire à Omyre, Oaxaca, Xenair et toute la clique des généraux, paix à leurs cendres. Au final, je ne sais pas pourquoi j'ai sans cesse cherché l'approbation de ces illustres inconnus alors que j'ai ma petite caste d'assassins... Dis-moi, je suis curieuse. Qu'est-ce que ça te fait, de tuer ?"

Sirius éclata de rire :

"J'aurais jamais imaginé que la terrible Erzébeth était juste en quête de reconnaissance !"
"Erzébeth... tu vis dans le passé." Elle semblait vouloir chasser un vieux souvenir.
"Tuer, ça me fait rien de spécial. Autrefois, peut-être. Mais j'ai appris à ne pas regarder les morts dans les yeux."

Il la considéra un instant.

"Et toi ?"

"Qu'on regarde un mort dans les yeux ou non, je ne ressens rien. Je suis... brisée. Disons-le. Quelque chose me manque. Je ne ressens rien. Et pourtant..."

Elle pointa le ciel avec sa flèche.

"Regarde, Sirius. Les étoiles. Toi qui prends la mer, n'as-tu jamais rêvé de voir une terre cristalline, sans nuage, sans fumée, sans lueur qui nous gâchent ce spectacle. Assise sur une montagne de cadavres, je rêve des étoiles car je n'aspire plus à rien. Je pensais que tuer le roi serait quelque chose qui me ferait avancer, me ferait oublier un peu ce passé qui comme une ancre pèse dans mes filets... mais à peine parti il me manque déjà car je n'ai plus de raison d'être. Es-tu déjà allé loin ? Si loin pour découvrir que ce n'était pas là qu'il fallait creuser ?"

Il écouta attentivement l'elfe dans sa tirade. Il ne s'attendait pas à ce qu'elle se confesse ainsi, et se sentit quelque peu forcé de faire preuve de sincérité.

"Mmmh, à dire vrai, je suis curieux de voir ce qu'il y a tout là-haut. Cela dit, on a pas la même vision de la chose. Mon but à moi, c'était de quitter ma vie pourrie et de prendre la mer, et même pour ça, m'a fallu un coup de pied au cul. Ensuite, tout n'a été qu'improvisation. J'ai aucune idée d'où je vais, mais je refuse de m'arrêter parce que ça me ramènerait à mon point de départ."

Il regarda le ciel, sourit, puis reprit à l'adresse d'Erzébeth.

"Certains partent à l'aventure poursuivis par leur passé, assoiffés de vengeance, ou accablés par le destin. Moi, c'est simple : si je suis pas au large, je décrépis. Je préfère me noyer dans l'eau salée en essayant de voir jusqu'où je peux aller plutôt que dans du mauvais rhum, seul avec mes regrets."

Il se gratta le menton.

"Si tu t'es rendue compte que tu creusais pas au bon endroit, creuse autre part. C'est en creusant qu'on trouve l'or, non ?"

Elle se mâchouilla l'ongle un moment, pensive.

"Je pense que je vais disparaître. Mener une petite vie tranquille, une vie simple. La Laide-les-Maines appartient à Von Klaash. Il reste le Redoutable Jugement qui m'appartient toujours. Il aurait besoin d'un capitaine. Celui-ci, tu n'aura pas besoin de le voler."

Elle s'allongea sur l'écu d'un chevalier délaissé.

"T'es sûre ? J'espère que c'est pas un coup fourré."
"Un coup fourré comment ? Que je te propose de reprendre le Redoutable, que tu prennes poste, que tu complètes l'équipage tel que tu l'entends et qu'une fois au loin tu te rendes compte que j'ai sournoisement remplacé le rhum par du jus de carotte ? Et que je t'observe au loin en ricanant bêtement ?"
"Ouais, ouais, y'a pas marqué "stupide" là-haut." fit-il en désignant son front. "T'as beau faire ta philosophe, j'ai toujours pas envie de te montrer mon dos pour autant. C'la dit, si tu veux prendre des vacances, vas-y, fais toi plaisir."
"C'est que tu as un peu de bon sens, Sirius. Cependant je n'ai pas d'animosité contre toi aujourd'hui. Je te propose ce navire pour que tu puisses à ton tour réaliser ton rêve, en souhaitant qu'une fois ceci fait tu ne sois pas aussi mélancolique que moi."
"Mh..."

Il faisait mine d'hésiter, mais l'ex-baronne l'avait convaincu de ses intentions.

"Donné comme ça, j'vais pas me plaindre."

Il se leva péniblement.

"Bon, on le trouve ton bidule ? Si on continue comme ça, on va y passer la nuit."

Elle rit.

"Ma compagnie te déplaît à ce point, capitaine ?"

Il sourit en retour :

"Quand on connait nos antécédents, c'est déjà surprenant qu'on ait pu se poser si longtemps sans s'étriper. J'ai surtout pas envie de passer la nuit entouré de macchabées."
"Ce sont justes des concours de circonstances. De mémoire c'est quand même toi qui a essayé de me brûler vive. On a jamais eu à croiser le fer. Tu sais quoi, pour être tout à fait franche, je crois qu'avoir parlé de tout ça m'a fait réaliser que cette bague, je m'en fiche. Je n'ai pas à rendre de compte, Xenair est parti, Aerq est mort... je ne souhaite plus continuer tout ça..." fit-elle avec regret.
"Pour de vrai ?" fit Sirius, plein d'espoir.

Il réalisa que cette décision laissait un vide s'installer dans le cœur de Silmeria, ou plutôt, de sa jumelle.

"C'est une bonne chose, non ? T'as plus rien à prouver à personne. En abandonnant ces faux buts, tu te rapproches de tes vraies aspirations. Les humains ne vivent qu'une cinquantaine d'années, mais un elfe qui vit dans le regret souffrira pendant des siècles."
"Vraies aspirations... je n'ai jamais rien fait d'autre. Ma tête doit être mise à prix pour la mort du roi, le mieux est... comme Xenair. Une vie humble, en exil. Quelque part. Quant aux humains..."

Elle avisa les cadavres tout autour d'eux.

"Je crois que l'espérance de vie de cette race est vue à la baisse aujourd'hui."

Elle se releva en époussetant son derrière.

"C'est la dernière fois qu'on se voit, Sirius."

Sirius resta silencieux l'espace d'un instant. Le mot "adieu" lui traversa l'esprit, mais il avait du mal à le dire.

"On dirait bien. Cela dit, si jamais tu veux récupérer ton rafiot un jour, tu sauras où me trouver."

Il se préparait à partir de son côté. Il lui adressa un rictus.

"Enfin, c'est pas garanti que je te le rende !"

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Ezak
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Re: Plaines de Kôchii

Message par Ezak » mer. 28 août 2024 02:23

Le voyage fut long. De Lebher pour Kendra-Kâr, puis, sans attendre, nous reprîmes un Cynore pour Oranan. Remettre les pieds sur ma terre natale me provoqua un sentiment partagé. Heureux mais amer après ce qui s’était passé. C’était certes un lieu de victoire qui avait ramené le nom des d’Arkasse à la cour, mais aussi un lieu de défaite puisque j’avais dû sacrifier beaucoup pour cela. Une partie de mon âme restait ancrée dans les plaines de Kochii. J’y avais lâché tant de sang, tant de sueurs, tant de larmes, tant d’amis. Comme tous les survivants de cette guerre en somme. J’avais insisté auprès de Freida pour pouvoir marcher sur les plaines, un lieu de recueillement pour moi. Il n’y avait plus de corps, plus d’armes, plus de sang, plus de boue créée par un important piétinement de botes et de sabots. L’herbe verdissait, les fleurs s’épanouissaient butinées par les abeilles et, par endroits, les cultures reprenaient. Les seuls stigmates restants étaient visibles au loin, là où hommes et femmes s’attelaient à fortifier des remparts éprouvés.

(*C’est comme s’*il ne s’était jamais rien passé ici…) pensai-je un peu amer. Je ne sais pas à quoi je m’attendais. Un mémorial ? Un sentiment ? Je compris que pour moi ce lieu serait toujours un cimetière. Il pouvait bien y avoir mille cultures, milles arbres, milles animaux que pour moi cette plaine aurait toujours l’odeur du sang et de la putréfaction. Je comprenais maintenant les mots du Général Andelys à propos de la guerre paradoxale en ce qu’elle amenait de gloire et de tristesse.

« C’est beau ! »

La voix de Freida me fit presque sursauter. Elle observait les alentours, dans ce paysage nouveau pour elle loin des étendues blanches dont elle était habituée. Je notai à quel point nous lisions le paysage différemment, car il n’avait pas pour nous la même histoire.

Et ces sentiments me permirent de comprendre le poids qui nous incombait à nous, acteurs et témoins des évènements. Nous devions faire en sorte que les générations à venir n’en retirent que la gloire et la beauté. C’est ce pourquoi maintenant je me bâtis, pour que ceux qui nous succèderaient n’aient pas à voir dans leur paysage un charnier.
Je jetai un dernier regard sur l’étendue de la plaine avant de reprendre la route vers la ville.

« Allons-y ! »

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