La Cité des Ombres
Les Voies Médianes
Jour 1 – début d’après-midi.
L’arrivée de Leyna dans la cave, croisant une Yliria déterminée, la laissa devant un spectacle bien plus posé qu’à l’étage : dans l’arrière-salle de l’endroit où ils étaient apparus, son capitaine semblait s’occuper d’une lecture à la douce lumière d’un arbre vivant enflammé. Une elfe ouvrait un tonneau, éclairée par une plus petite aux airs curieux. Mitya parvint à ouvrir le gros récipient cylindrique, non sans effort, pour y découvrir une grande quantité de bière. Alcoolisé, certes, mais de là à faire flamber une torche ? S’ils en avaient besoin, en vérité, car Dracaena venait de révéler un de ses pouvoirs pyromantiques : la lanterne vivante. Était-ce réellement une bonne idée d’user de magie, comme l’avait fait Akihito un peu plus tôt ? Et tel qu’il l’avait lui-même prononcé dans son discours ? Peut-être était-ce sa racine analysant l’eau du canal qui l’avait troublé. Une eau propre, en vérité. Pas pure comme un ruisselet montagnard dévalant des glaciers, mais propre. Certainement pas une décharge ou un système d’égouts. Plutôt une voie navigable intérieure, alimentée par une eau renouvelée sans arrêt, ou purifiée entre temps. Comme une rivière qu’on aurait redirigée par la pierre sur un chemin précis.
En tout cas ça permit à Hart de lire les passages les plus intéressants de la dernière page du livre de comptes de la boutique. Des rentrées et des recettes, marquées d’un nombre sans symbole ; le coût sans doute. Des noms y étant associés, et un bref descriptif de la nature de l’échange. Les nombres négatifs représentaient les arrivées : des tissus divers et variés, tant par la matière que par la couleur ou la qualité. À prix dérisoire par rapport à celui de vente, sous forme de robes, tuniques et rideaux. Habits et autres pièces en tissu travaillé. Mais ce fut bel et bien la dernière entrée qui était la plus intéressante. Alors que les entrées négatives étaient simplement notifiées « livraison », celle-ci, d’un montant bien plus élevé, semblait être une sortie. Un montant bien plus élevé que l’entièreté de ce qui figurait sur la page. Et en sus un descriptif plus long des biens vendus (donnés ?) : cinq robes de soie, trois de coton, deux de laine. Dix tuniques, une vingtaine de chausses, des chainses de lin et autres braies. Des rouleaux de tous les tissus possibles et imaginables, de couleurs et de qualités diverses. Tout ça sur une seule ligne qui semblait être un départ, tant matériel que pécuniaire. Et affublé à cette opération, un nom : Cedran de Montfort. Étrange transaction unilatérale, s’il en était. Un racket en bonne et due forme ?
Itulë restait au centre de la pièce, immobile, lampadaire temporaire armée de sa torche enflammée. Elle ne disait plus rien, sinon une brève réponse au pirate-comptable :
« Les autres. »
Au rez-de-chaussée, Ezak se cachait courageusement. Fanielle le rejoignit dans sa position basse, répondant machinalement sans trop y réfléchir, toute dépassée qu’elle était par les événements.
« Oaxaquoi ? Ils sont bien plus de treize : ce sont des chevaliers qui font régner l’ordre dans la Cité Supérieure. Et le pire crime à leurs yeux est l’usage de magie. Ils emmènent tous ceux dont elle émane, et l’on ne les revoit qu’en échange de lourds sacrifices. Ce sont des protecteurs. Ils… il vaut mieux avoir à faire à eux qu’aux Chevaliers des Cieux. »
Elle s’interrompit. À leur côté, une flaque noire émanant du corps d’une Silmeria toujours inerte se changea en son double. Hrist avait été invoquée et se tenait à côté du semi-cadavre en devenir de son modèle. Bergeac, voyant ça, s’exclama :
« Qu’est-ce que ça encore ? De la magie ? De nouveau ? N’avez-vous pas compris qu’elle vous perdrait ? Allez, dehors ! »
Il désigna la porte à l’elfe blanche apparue, menaçant et ferme.
Dehors, justement, c’était un capharnaüm sans nom : Akihito hurlait pour prévenir les gens d’en bas. Xël renchérit en faisant lui hurler la tête en pleine chute. En contrebas, les regards se dressèrent – du moins le conclurent-ils – et la masse des gens sous la chute de la tête se changea en une sorte d’émeute paniquée, chacun y allant du coude et des jambes pour sauver sa vie. Mais irrémédiablement, la tête tomba, dans un fracas qui résonna dans toute la vaste cité. Un énorme
Akihito et Xël étaient bien placés pour le voir : de nombreuses silhouettes avaient, malgré leurs efforts, été écrasées par l’objet gigantesque et vivant. La petite troupe de chevaliers menée par la jolie blonde noir et or accéléra le pas encore un peu plus. Leur meneuse passa à côté de Mathis sans le calculer, tout en lançant sur le côté une sorte de… grenade fumigène qui laissa aussitôt s’échapper une épaisse fumée noire, signalant leur position à tous. La grenade atterrit au sol juste après le passage d’Huyïn, à qui ils ne prêtèrent pas la moindre attention. Le chat-bipède put rejoindre sans mal Naral Shaam, qui souffla à ce dernier :
« Ne restons pas là. »
Ils poursuivirent leur route le long de la corniche, longeant tous ces commerces jusqu’à arriver à une bâtisse plus grande, semblable à une sorte de temple (le bâtiment qui ressort, à gauche de l’image de la ville. Ici, du monde grouillait également, même si les regards étaient tournés vers les contrebas, où l’immense tête avait atterrie. Naral, qui avait vraisemblablement eu comme idée de se réfugier là, sembla contrit de constater que ça n’était sans doute pas la meilleure idée : la grande porte était flanquée de deux gardes en armure noire et or, ornée sur le buste d’un soleil. Leu bouclier de même. Des tapisseries pendaient du bâtiment, jaunes et noires, le même soleil y siégeant. Nul doute possible, c’était une caserne de l’Ordre du Soleil Noir.
Les yeux dorés se tournèrent vers le chat masqué, comme cherchant son soutien pour une idée. Se mêler à la foule de curieux ? Continuer leur route plus loin ? Confronter les chevaliers en jouant un rôle de délateur pernicieux ? Ils n’eurent guère le temps de se poser la question qu’une troupe nombreuse sortit du bâtiment. Une vingtaine de soldats masqués de noir, drapés d’or et d’ébène, dans une armure aussi classe qu’impressionnante, quoique plus légère que celle des six chevaliers et de leur blonde commandante. Aussitôt, ils se mirent en route sans attendre un instant vers la boutique de tailleur, où la fumée noire montait vers les hauteurs. Ils étaient encore invisibles de ceux qui étaient là-bas.
Mathis, s’il s’était vu dépasser par la jolie meneuse, se trouva moins bien loti lorsqu’arriva sur lui la première paire de ses suivants. Ils le bousculèrent sans ménagement vers le côté, refusant toute réponse à son approche légère. Expliquant leur attitude par un sec commentaire :
« Dégagez, citoyen. Quittez les lieux pour votre sauvegarde. »
Jorus, de son côté, était passé derrière la formation. Personne ne semblait l’avoir remarqué, invisible à leurs yeux. L’un des deux derniers de la troupe tourna un instant le regard dans sa direction approximative, mais secoua instantanément la tête en concluant d’un murmure :
« Ce devait être le vent. »
Plantée au milieu de la route, Yliria avait l’air d’une sentinelle, devant laquelle l’humaine blonde se planta, la regardant d’un air sévère et s’exclamant d’une voix mêlant autorité et douceur :
« Cédez le passage, ma Dame. Ces hommes sont des pratiquants de magie, nous allons procéder à leur arrestation. »
Sans attendre, les six chevaliers passèrent de part et d’autre de leur capitaine et d’Yliria, s’avançant vers Xël et Akihito d’un pas décidé. L’un d’eux les apostropha, sec :
« Rendez-vous séant. À genoux, les mains derrière la tête. »
Étonnamment ils n’étaient… pas armés. Aucune épée, dague ou martel. Rien que leur armure scintillante. Et bien vite, ils furent une moindre menace pour les rescapés de Kochii. Car un bruit profond monta jusqu’à eux, audibles dans la rue, dans la boutique et même jusque dans la cave. Un grondement, sourd, menaçant, guttural. L’Enfer invoqué, la Mort ultime personnifiée. La tête du dragon, toute séparée de son corps qu’elle était, se préparait à dévorer des âmes. De nombreuses âmes. Toutes les âmes.
[XP :
Akihito : 0,5 (Crier)
Leyna : 0,5 (repli stratégique)
Huyïn : 0,5 (Y aller au culot)
Xël : 0,5 (Crier plus fort)
Ezak : 0,5 (interrogatoire et nécrophilie)
Mathis : 0,5 (Y aller encore plus au culot)
Mitya : 0,5 (Tonneau ?)
Jorus : 0,5 (L’homme invisible)
Silmeria : 0,5 (Morte, mais seulement à moitié)
Hart : 0,5 (Comptabilité)
Yliria : 0,5 (Bodyguard)
Drac : 0,5 (De Feu et d’Eau) – attention, c’est avec la clé que tu trouves que la porte s’ouvre.]