Accoudé au bastingage, le regard perdu dans l'écume soulevée par le Baliste, Daemon profitait des derniers instants de calme. Le vent du nord avait gonflé les voiles de la flotte de Perailhon, qui pu investir la baie d'Oranan bien avant l'arrivée des forces Kendran. L'armada de la cité blanche était pourtant bien visible, mais dans l'obligation de louvoyer pour avancer contre le vent.
Leur bâtiment demeura donc à distance de la bataille, dont le semi-elfe ne pouvait se détourner. Les projectiles pleuvaient comme averses d’automne, et incendiaient voiles et bois des navires, recouvrant la perspective de panaches noirs ou blancs. Les voiles noires et les voiles rouges s'entrechoquaient en sinistres craquements, et une explosion magique souleva un nuage brûlant qui fit frémir l'ensemble, tandis que le tumulte métallique des armes et des cris dégénérés leur parvenait avec une limpidité surnaturelle.
Une secousse sortit Daemon de sa torpeur. Ils venaient d'accoster un navire aux voiles telles des ailes repliées de papillon. Les flèches volaient de toute part, mais le pont surélevé du brick permis à l'équipage de s'abriter convenablement, en comparaison de ce que devait être sur la jonque. Les grappins achevèrent d'amarrer et de solidariser les deux bateaux, tandis que certains bataillaient déjà en bas. Daemon put observer le balais des hommes d'équipages, qui se coordonnèrent sans communiquer entre eux, soulevant une passerelle qui s'abattit sur le pont de l'autre bateau.
Azra ouvrit la marche, invoquant au passage un sortilège qui provoqua une détonation sèche et sifflante ; suivi par Ezak et ses hommes, avec une rigueur et une fureur militaire qu'on lui devinait sans peine.
Daemon quitta l'observatoire et ton tableau épique pour s'intéresser à la bataille menée par ses compagnons.Les ynoriens étaient clairement en mauvaise posture, moins nombreux, sur une position basse qui les exposait davantage aux tirs des arbalètes. La majorité d'entre eux était pourtant pourvue de bon équipements, des soldats, qui savaient tenir une formation et qui résistaient d'un bloc.
Trop concentré à observer les échanges, Daemon manqua d'essuyer un trait, découvrant par la même un archer dissimulé sous la toile tendue à l'arrière de la jonque. Bon, après tout, il était lui aussi censé participer au combat. Récolter une tête ou deux lui évitera les remontrances, se dit-il.
Il se précipita au gaillard arrière pour bondir sur le bastingage, assis sur ses talons, il avait une bonne vision sur l'étrave. La toile tissé lui parut idéale. D'ici il pouvait l'atteindre sans soucis, puis se glisser dessous... Main sur la garde de son sabre, il se concentra pour effectuer son grand saut.
Il se propulsa dans les airs, virevoltant la tête en bas au dessus de la mêlé, parmi les voiles qui battaient au vent, pour atterrir sur la toile à l'arrière de la jonque. La réception aurait pu être parfaite, si le tissu ne rompit guère sous son poids. Il disparut à travers et finit sa course dans un grands fracas de bois, planches et barreaux de cages qui volèrent autour de lui. Les battements d'ailes des oiseaux libérés et paniqués soulevèrent un nuage de plumes et de particules de foin. Daemon chassa avec de grand geste de main les volailles qui se débattaient et, en pleine confusion, il devina l'éclat scintillant de la lame qui fondre sur lui. Le sabre le manqua de justesse pour aller se figer dans la coque du navire. Daemon échangea un regard médusé avec le marin Ynorien, tout aussi surprit que lui, et il le repoussa d'un coup de pied. Une nouvelle estoque lui répondit et il n'eut guère le choix de se replier dans un coin. Les coups de sabres s’enchaînèrent alors à un rythme démentiel, et Daemon, comme un chat acculé, bondit depuis la coque sur des tonneaux, pour rebondir sur une caisse, évitant la lame par ses acrobaties.
Enfin l'occasion de dégainer son sabre se présenta. Un soldat ynorien apparut alors sous la toile et dégaina à son tour. Face aux deux adversaires, dans un duel au sabre, le semi-elfe vint à douter de finir indemne. Son maniement de l'épée en était encore à ses balbutiement. Hormis quelques tentatives dans la salle d’entraînement, il ne s'y était guère essayé, il commençait donc à peine, depuis la réception du cimeterre de Al'Carbonn en cadeau.
En face de lui se tenaient deux Ynorien, apparemment expérimentés, et il n'oubliait pas qu'Oranan était la patrie de la voie du sabre...
Préférant prendre l'initiative, Daemon souleva son sabre et brassa de l'air pour faire reculer au mieux ses adversaires, mais les brèves parades suivit des quelques tailles qu'il subit, le firent instantanément reculé. Visiblement ces deux là connaissaient leurs affaires. La différence de niveaux entre eux était flagrante. Mais alors que des cris montaient, une violente secousse anima la jonque et la toile s'affaissa partiellement. Daemon profita de la surprise et dirigea sa lame sur le soldat, le transperçant au flan.L'homme tituba en arrière et disparut dans une brèche qui s'était ouverte dans le pont.
Ce n'était cependant pas fini. Il en restait encore un. Les sabres furent levées et les échanges sérieux débutèrent. Son adversaire réussit sans mal à l'acculer en arrière. Ses feintes étaient ingénieuse et poussaient Daemon à parer avec de mauvaises postures que seule sa souplesse put corriger, car l'ennemi l'amenait toujours où il le souhaitait. Il subissait le rythme qu'il lui imposait. Impossible de prendre les devants, d'avoir une ouverture, le tranchant de la lame s'opposant entre eux.
Daemon en vint à vouloir utiliser ses fluides d'ombres, mais face à un adversaire aussi réactif, cela n'aurait pas été sans conséquence. La peur l'investissait jusqu'à l'absurde... Pourquoi craignait-il tant le tranchant de cette lame ? Serviteur de Phaïtos qu'il était, souffrance et mort étaient ses alliés, c'était son art, son arme... Une seule solution prédominait: pour avoir une chance d'atteindre son adversaire, il ne devait plus craindre pour sa misérable vie.
L'attitude de l'ynorien fut plus attentive, il sentait un changement à venir. Daemon choisit d'ignorer toute crainte, toute volonté de survie, et se concentra sur la seule chose qui compte : l'anéantissement de son adversaire. Il se précipita tête baissé avec un hurlement de rage, aussitôt coupé par la lame dressée entre eux. Peu importait, son bras droit meurtrier s’abattait et... Daemon eut un hoquet de surprise. Sa poitrine était percée de part en part, mais surtout, le marin avait arrêté son sabre en le saisissant au poignet... Sa frappe était-elle si prévisible ? En tout cas c'était un échec.
Saisit par la panique, il saisit l'épaule de son adversaire avec les griffes de son gantelet. Un hurlement fit lâcher prise le marin, qui le projeta au sol d'un coup de pied. Médusé, l'ynorien se frotta l'épaule sans parvenir à comprendre la morsure.
Étendu au milieu des débris comme un pantin sans vie, un sabre en travers de la poitrine, Daemon fixait son adversaire les yeux révulsés... Il n'avait plus le choix.
Survint alors l'inattendu, car de la brèche qu'il avait ouvert dans la toile surgit Mikkah, glissant d'un boute jusque sur crâne du marin, qui tomba raide. Le jeune haffiz sautilla en pleurnichant, le cuir de ses mains brûlé par la corde pendant sa décente... Il finit par se pencher sur blessé avec une moue de compassion, Daemon tenta de prononcer des remerciement, mais ne réussit qu'à cracher du sang noir.
Mikkah ôta alors la lame en travers de sa poitrine en utilisant ses bras (et non ses mains encore à vif).
Un nouveau marin ennemi s'introduisit alors sous la toile tendue. Une aubaine pour Daemon... Avant que les yeux yonoriens s'habituent à la pénombre, le fluide obscur du semi-elfe avait déjà fait effet. L'homme porta une main à sa poitrine, sur laquelle une auréole de sang se formait. Il tomba la tête la première.
Daemon se releva et évalua l'étendue des dégâts sous son pourpoint. La blessure n'était pas totalement renfermées mais elle avait cessé de saigner, sans pour autant avoir cessé d'être douloureuse.
« Merci Mikkah... Je t'en dois une. »
Après avoir épousseté les plumes et la paille dans ses cheveux, il entreprit d'attraper deux poulets encore sur place. Lorsqu'il rejoignit le pont hors de la toile, il dut enjamber un monceau de corps ynoriens. Il n'y avait pas de victimes de leur côté, ou pas à sa connaissance. Accompagné de Mikkah, il rejoignit le pont du Baliste où il confia son butin à un membre de l'équipage, un peu surpris de recevoir deux poulets.
Une dispute semblait avoir éclaté en Laeten et Kurgoth. Apparemment le capitaine ne semblait plus vouloir de l'orc et de ses manières bourrues sur son navire. Ce fut d'ailleurs un autre navire, lui aussi pirate selon toute vraisemblance, qui vint les accoster. Une femme blonde et un vieux loup de mer cherchèrent à poser pied avant toute manœuvre d'accotement. Ce qui surprit Daemon au point qu'il dut cligner des yeux plusieurs fois pour s'assurer ne pas avoir rêver, ce fut la vitesse avec laquelle la demoiselle eut changé de pont, c'est-à-dire : instantanément.
Le vieux barbu envoya une énorme claque dans le dos de Laeten, qu'il salua comme un vieil ami. Après quelques bourrades, le capitaine du Baliste en vint à leur demander l'objet de sa présence, et la femme blonde répondit sans ambages. S'ils étaient venue à leur rencontre, c'était comme envoyé des treize. La femme avait pour rôle de soutenir et « superviser » les mercenaires de Karsinar... Son autorité naturelle était évident, mais son approche ne manquait pas de toupet, se dit Daemon. Elle demanda alors aux mercenaires de se faire connaître, avant de s'intéresser au cas de Kurgoth qui beuglait abandonné sur son esquif.
La jeune femme ordonna qu'on aille le récupérer, et le vieux loup de mer obtempéra.
Époussetant les dernières plumes coincées dans ses paramith, Daemon adressa un regard inquiet à Azra.
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(((Tentative d'apprentissage de la CC Sacrifice. Utilisation du sort Transfert de blessure pour diminuer la blessure à la poitrine de grave à légère.)))