Le Temple de Moura

Répondre
Avatar du membre
Yuimen
Messages : 2483
Enregistré le : mar. 26 déc. 2017 19:17

Le Temple de Moura

Message par Yuimen » mer. 3 janv. 2018 13:57

Temple de Moura

Image

A la Déesse la plus vénérée de la cité, il fallait bien un temple digne de ce nom! Moura est la protectrice des Marins, maîtresse des Océans et de ses fureurs. Nombreux sont les forbans qui se disent sans foi ni loi et qui pourtant vénèrent Moura. Tout homme qui prend la mer sans la prier prend de grands risques...

Le Temple de cette cruelle Déesse Marine est situé à la bordure occidentale du port de Darhàm. L'extérieur est plutôt surprenant et incongru, il ne donne pas vraiment la vision que l'on pourrait avoir d'un temple. En effet, il s'agit d'une épave d'un majestueux bateau mis à sec pour accueillir en son sein l'antre de la Déesse, laquelle est représentée en grande pompe sur la proue du navire dont toute la coque est ornée de dessins marins: scènes de navigation ou représentation de créatures des profondeurs de l'océan.

Mais c'est quand on entre dans le Temple qu'on en remarque la singularité la plus surprenante. Au milieu de la sombre pièce creusée dans cette coque vide, une large ouverture sur ce qui est réellement le temple: un temple souterrain. Sur quatre étages en dessous du niveau du sol s'étend un cylindre majestueux et fait de pierres bleutées et sombres. De ce gouffre à l'architecture divine proviennent les échos de vagues puissantes issues du fond de l'abysse qui donne directement sur la mer. C'est en haut de ce gouffre que l'on fait parfois des offrandes et sacrifices à la Mer, à Moura, afin de s'assurer un voyage sans peines.

Tremblez, si en ce lieu vous ne vénérez pas la Puissante Déesse!

Avatar du membre
Devon
Messages : 60
Enregistré le : mar. 22 janv. 2019 01:44

Re: Le Temple de Moura

Message par Devon » ven. 17 janv. 2020 01:39

<-

Problème de foi

Comme toujours les docks sont le théâtre d’une agitation constante et incontrôlée, mais je les traverse sans trop faire attention à ce qui m’entoure, le bâtiment que je cherche se trouve à l’autre extrémité du port et il me faut une bonne dizaine de minutes de marche rapide pour l’atteindre. Ma mine se fait de plus en plus sombre alors que j’approche de l’immense épave renversée qui accueille le culte de notre déesse marine. Impossible de ne pas se sentir minuscule devant le majestueux galion qui trône à sec le long du port. Comme toujours je m’arrête un bref instant à quelques mètres de la proue du navire échoué pour en admirer les magnifiques dessins et gravures représentant le courage des hommes qui naviguent sur des océans déchainés et peuplés de créatures mortelles. Je m’approche de la grande porte aménagée dans la coque qui délimite l’entrée du temple, laissant le temps au corbeau de s’enfuir alors que je retire mon tricorne et le pose contre ma poitrine avant de pénétrer dans la pénombre de l’immense pièce qui fait le temple, légèrement intimidé, prêt à affronter mes échecs et regrets.

La différence de luminosité oblige mes yeux à quelques secondes d’adaptation, renforçant ce sentiment qui envahit tous les visiteurs du temple. Ce n’est pas ma première visite et pourtant il m’est toujours impossible de ne pas être impressionné par l’architecture du lieu, l’énorme ouverture centrale qui laisse visible les quatre étages souterrains du temple, les lumières bleutées qui illuminent les murs de la même nuance de couleur, la grande colonne centrale, le son des vagues et de l’eau qui résonne en écho jusque dans les profondeurs du lieu de culte, difficile de ne pas se sentir comme en pleine mer une fois qu’on a franchi le seuil. Je m’approche presque timidement du centre de la pièce pour contempler la chute centrale, oubliant pendant un moment mon amertume en admirant ce singulier spectacle. Mais même les plus belles distractions n’occupent pas assez longtemps l’esprit pour tout oublier, je me détourne de la pièce et cherche des yeux le prêtre que je suis venu trouver. Comme toujours le premier étage grouille de marins de toute espèce venue faire une offrande ou chercher une bénédiction auprès des fidèles avant de repartir en mer, respectueux du culte de Moura mais sans doute pas de véritables serviteurs de la déesse, et certainement au même sens que nous les sangs-pourpres, ils sont sans doutes plus effrayés par la perspective de disparaitre au fond de l’océan que de satisfaire la divinité marine. Pour avoir été capitaine de mon propre navire et avoir reçu l’éducation d’une Earion, le culte de la déesse avait une importance capitale dans ma vie antérieure, comme tout sang-pourpre elle était mon amante, jusqu’à ce qu’elle m’abandonne…

Je ressens un bref pincement au cœur à cette pensée, non c’est sans doute ma blessure qui m’élance, ça fait longtemps que j’ai décidé de ne plus lui donner une part aussi importante dans ma vie, et pourtant je n’arrive pas à m’en défaire, comme une routine trop bien installée. Je traverse la foule pour descendre vers l’étage inférieur. Inutile d’aller plus loin, j’aperçois bien vite des prêtres qui circulent entre les piliers en pierres bleus, discutant entre eux ou prodiguant des conseils à des croyants venus chercher conseils. C’est ce que je suis aujourd’hui. Me voyant débarquer à leur niveau, un prêtre s’éloigne du groupe avec lequel il bavardait pour venir à ma rencontre. Un éarion de taille moyenne avec la peau de la même couleur que l’océan vient se poster devant moi, levant ses yeux vitreux pour accrocher mon regard, sa chevelure d’un bleu plus clair flotte derrière lui imitant un hypnotisant mouvement aquatique. Il me salue respectueusement et je fais de même d’un mouvement de tête accompagné de mon tricorne. N’attendant pas plus de présentation, il m’interroge d’une voix claire et posée.

« Que puis-je pour vous ? »

Dans ce lieu saint, je me décide à faire un effort sur ma locution, j’évite de prendre le ton blasé que j’utilise habituellement en ville.

« Je viens chercher conseils, j’ai quelques … questions »

« Bien sûr, je vous écoute »

Il ferme les yeux et prend une de mes mains entre les siennes palmées. Une façon de ressentir la voix de la déesse à travers ses fidèles j’imagine. Je lui décris alors un tissu de mensonges qui pourrait s’apparenter à ma situation et mon histoire, en n’oubliant pas d’omettre évidemment les détails les plus compromettants. Je réduis mon statut de capitaine à celui de simple pirate et ma peine de prison à quelques années. Sa mine se renfrogne une première fois lorsque que je lui raconte la fois où notre capitaine a décidé de faire affaire sur la terre ferme pendant de longs mois plutôt que sur la mer, ce qui a conduit à la mort de la plupart d’entre nous et la capture des « autres » pour un séjour en prison, loin de notre port d’attache.

« Votre capitaine avait-il au moins fais un précieux sacrifice avant un tel blasphème ? »

Mon air devient plus grave pour ce que je prends comme une insulte personnelle.

« Toujours il n’aurait jamais failli à sa tâche »

« Il vous a quand même conduit à la mort en se damnant pour avoir tourné le dos à Moura, mais peut-être y a-t-il une chance de rédemption pour vous qui n’avait fait que le suivre dans sa trahison »

Je n’ai rien à répondre à cela, une fine de goute de sueur perlant dans mon dos alors que je me retrouve face à face avec ma plus grande erreur. Je commence à lui décrire mon cauchemar récent. Les ténèbres abyssales, le gigantesque œil doré, l’immense mâchoire, je décris avec le plus de détails possible la scène à laquelle j’ai assisté. Il ouvre lentement les yeux et me jette un air entre la peur et l’incompréhension, il me lâche précipitamment la main et me laisse planter là alors qu’il disparait dans la foule d’acolyte. Je reste figé ainsi sans trop savoir quoi faire, perturbé par sa réaction et ses déclarations récentes. Je n’ai pas trahis Moura, je revenais sur la mer, ce n’était qu’un détour qui a mal tourné, j’étais toujours dévoué corps et âmes, c’est elle qui m’a abandonné et laissé à mon sort sur la terre ferme. Mes réflexions philosophiques internes sont interrompues par l’arrivée à grands pas du prêtre qui m’a laissé ici, accompagné d’un autre earions, les ornements de sa tenue me laissent deviner qu’il a plus d’expérience et de grade que son acolyte qui l’a ramené. Il s’arrête devant moi sans aucune salutation et me demande précipitamment de lui décrire à nouveau mon rêve.

Je le regarde interdit pendant quelques secondes avant de m’exécuter. Les deux prêtres ferment les yeux pendant la durée de mon récit, mais je peux voir son supérieur grimacer et secouer la tête comme s’il ne croyait pas à mon histoire. Une fois terminé, le novice regarde son supérieur comme si il attendait mon jugement, celui-ci me regarde la mine grave, l’air presque attristé, mais c’est d’une voix sourde de colère qu’il me répond.


« Sortez d’ici, vous n’avez plus rien à faire dans ce temple »


Ça réponse me choque pendant un moment. J’évite de répondre avec un ton trop agressif mais je sens une rancœur violente monter en moi. Je maitrise ma voix mais un léger tremblement me trahis sans doute.

« Pardon ? Je peux savoir ce qui vous fait dire ça »

Il se rapproche de moi et me dit d’un ton sifflant à voix basse, comme s’il craignait qu’on l’entende.

« Moura n’a plus rien à voir avec vous et ne venez pas vilipender vos délires hérétiques dans notre temple »

Il me pointe du doigt les escaliers derrière moi. Je crispe les poings pour me calmer mais la douleur qui se réveille dans ma blessure ne me ramène pas à la raison pas, bien au contraire. Je remarque alors les regards tournés vers nous de plusieurs prêtres et fidèles qui passaient par là , assistant à la scène. Ce public me rappelle que nous sommes dans un lieu public et sacré, faisant redescendre la pression dangereuse qui montait en moi, je tourne les talons en maugréant plusieurs insultes dans ma barbe, le regard assassin dirigé devant moi alors que je monte à pas vif les marches pour m’éloigner de lui et laisser le temple derrière moi. Je ne fais attention à personne et me retrouve bientôt immobile dans la chaleur étouffante du port sans avoir remarqué mon trajet, le corbeau sur mon épaule, ressassant sans arrêt les mots du prêtre. C’est ridicule, je ne vois pas en quoi mes paroles lui font croire ça. Il ne me reste qu’une initiative, je réajuste mon tricorne sur mon regard sombre et me remets en route vers ma destination, un lieu qui m’attire depuis mon arrivée dans la ville mais que j’ai toujours essayé d’éviter. Dans mes tripes, un mal profond s’agite timidement à la simple pensée du temple suivant sur ma liste.

->

Répondre

Retourner vers « Darhàm »