Les Habitations

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Yuimen
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Les Habitations

Message par Yuimen » mer. 3 janv. 2018 13:36

Les habitations


Éclectique ! Voici bien le mot pour définir l’enchevêtrement des maisons composant la ville de Darhàm. Une maisonnette Kendrane peut très bien côtoyer une masure Tuloraine ou encore une demeure dans le plus pur style Omyrhien (post-invasion orque, bien entendu) ou Shaakt. Bref, mieux vaut ne pas chercher la logique qui a commandé sa construction, il n’y en a aucune.

La majorité de ces habitations semble avoir connu des jours meilleurs, présentant au mieux des façades défraîchies, au pire des taudis qui tombent en ruine. Seul le quartier de la grande résidence royale apparaît comme un modèle avec ses grandes bâtisses entretenues, abritant la fine fleur des courtisans nobliaux et véreux ainsi que les marchands les plus prospères. Il n’est pas rare d’y croiser des soldats hétéroclites patrouillant dans les rues. C'est l'unique endroit où la sécurité intéresse réellement le roi, d'ailleurs.

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Devon
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Message par Devon » ven. 5 avr. 2019 01:48

Ça pouvait pas mieux finir ...

Je pousse sans frapper la porte en bois de l’établissement, une bâtisse haute de trois étages qui s’inspire de l’architecture Kendran d’après son propriétaire, mais il est sans doute le seul à y voir une quelconque ressemblance. Je me réfugie enfin dans la chaleur que dégage un maigre feu dans l’âtre de la pièce principale, l’eau dégoulinant à grosse goute de mes vêtements et des mes cheveux sur le plancher en bois. Quelques tables trônent au milieu de la pièce en bois au plancher irrégulier et sale, illuminée par la cheminée en pierre, seul élément un tant soit peu luxueux du lieu, et une vulgaire chandelle qui trône dans son support dans un coin de la salle. Comme toujours à cette heure ci, la pièce est vide, peut être à cause de l’aspect miteux du lieu, ou de son emplacement dans la ville, loin des divertissements habituels et des lieux primés de la cité. Seul un individu fait exception à cette règle. Affalé dans une chaise à bascule, les yeux rivés sur un gros ouvrage poussiéreux de compte et de dépenses, le propriétaire me regarde entrer d’un œil mauvais à travers la fumée de sa pipe.
Comme à chaque fois que je rentre dans un état déplorable, trempé, ivre, blessé, mais tant que je m’acquitte des yus qu’il me demande pour le trou misérable qu’il me fournit, il ne me jettera pas dehors, la clientèle ne court pas les rues pour un logement pareil. Mais cette fois son regard se fait plus insistant, presque soupçonneux. Est ce qu’il sait que j’ai tué un membre de l’équipe de Rufus ? Est ce qu’il m’a vu ? Compte t il me balancer en échange de quelconques faveurs ? Dans ce cas il va falloir que je m’occupe de lui maintenant. Il m’a déjà vu ensanglanté, pourquoi cette fois lui semble plus étrange qu’une autre ? Je pensais avoir effacé toute tache de sang, je savais que j’aurais dû jeter ma veste dans l’eau avec le pirate. Ma respiration s'accélère alors que je tente de garder mon calme, ma main se dirigeant lentement vers ma lame à ma ceinture.

“Pas ivre ? C’est bien la première fois” Me lance t-il sous sa barbe bien fourni, levant un sourcil d’un regard interrogateur.

Mes tremblements discrets se calme aussi vite qu’ils étaient apparu, ma main se repose le long de me flanc alors que je tente de reprendre contenance. C’est effectivement bien la première fois que je rentre sans tituber le long du chemin pour me tenir bien droit devant lui. J’enlève mon chapeau d’une main pour le saluer et plonge ma main dans la poche de ma veste pour en tirer les quelques pièces de la journée. Elle me semble étonnamment nombreuse, en cause ma première soirée d’économie involontaire. Je pose sur la table devant lui la somme habituelle, rangeant avec une certaine satisfaction les yus en trop alors qu’il me tend la clé de la chambre que j’occupe, griffonnant de nouvelle notes sur son registre.

“ Y’avait rien de bon à boire”

“ J’en doute pas “Répond t-il d’un ton plein de sarcasme, avant de replonger son regard dans les chiffres qui s’étalent devant lui, me signifiant qu’il n’a pas l’intention de prolonger la conversation.

Monter les escaliers réveil les douleurs de mon affrontement récent, les coups qu’il m’a porté vont sans doute laisser de vilains hématomes. Une douleur aiguë résonne aussi dans mon crâne, j'espère ne pas m'être blessé en le frappant. Je m’arrête aux deux paliers pour reprendre mon souffle, toutes les portes sont fermés et le silence règne, je suis rentré bien plutôt que la fin des festivités dans la ville. Je finis par arriver au sommet de l’auberge où je peux trouver le grenier qui me sert de chambre, le logement le moins cher. Je rentre dans la petite pièce avec un soupir. Simple est le seul mot qui me vient à l’esprit pour la décrire, un simple lit, une simple table de chevet avec un simple petit chandelier, une petite armoire pour le peu de vêtement que j’ai emporté sans payer en quittant Tulorim. Unique trace de luxe de la bâtisse, une fenêtre en vitre avec des volets en bois au toit qui donne sur le port, sans doute la seule partie inspirée de Kendra Kar. Un petit bruit régulier laisse deviner que de l’eau s'infiltre progressivement par le toit rapiécé. Je m’assied lourdement au bord de mon lit pour allumer la maigre bougie qui finira bientôt de se consumer et c’est alors que je remarque ce qui aurait dû me sauter aux yeux dès que je suis entré.
Les reflets de la flamme volatile dansent sur une bouteille en verre finement ornée de la représentation d'un petit trois mâts fendant les vagues. Elle est remplie d'un liquide noir comme la nuit, le bouchon de liège qui la scelle gravé d'une armoirie que je ne reconnais pas, deux sabres de corsaire qui se croisent sur un drapeau. Attrapant avec stupéfaction la bouteille, je reconnais bien vite l'alcool qu'elle contient et mes traits se crispent dans une grimace de dégoût. De l'absinthe noire, une préparation de ses saloperies d’elfes du nord et au contact froid de la bouteille je suis pris d'un frisson d'horreur, est ce que la boisson est empoisonnée ? Et puis comment est-elle arrivée là ? La réponse est pourtant évidente lorsque je sens un courant d'air frais me caresser la nuque, la fenêtre est légèrement entrouverte et de l'eau glisse de la vitre jusque sur mon parquet, origine du clapotement. Je me lève pour la refermer et retourne à ma place, posant fermement la bouteille et je remarque alors la feuille qui patientait en dessous. Prudemment, je récupère le papier jauni et prends le temps de déchiffrer les écritures stylisées. Je souris intérieurement en ne regrettant pas d'avoir appris à lire.

“ Voyons si mon agent a mérité son paiement. Tu n’aurais pas dû recevoir ce message mais je me disais qu’une telle soirée méritait compensation”

Signé J. le message mystérieux n'atténue en rien ma paranoïa montante. Je me précipite pour verrouiller la porte et reste debout au milieu de la chambre, jetant des regards affolés dans les coins de la pièce et essayant de calmer ma respiration. Bien qu’impossible, je me jette sous le lit pour vérifier que personne ne s’y cache, puis j’ouvre en grand ma petite penderie, alors que même un nain aurait du mal à y tenir assis. Personne. Je tombe en tremblant contre mon lit, le sang battant des mes tempes et réveillant la migraine que je suis infligé en frappant le pirate. Je reprends lentement une respiration plus calme et me force à m'asseoir sur mon lit, des centaines de questions fusant à toute vitesse dans ma tête. Comment ça son agent ? Est ce le pirate qui m’a attaqué ? Non, sinon pourquoi m’envoyer une bouteille après l'événement. Qui que ce soit, il m’observe sans difficultés et avec une grande discrétion pour être au courant de ce qui c’est passé ce soir.

Alors que je commence à me dévêtir mécaniquement pour essayer de trouver le sommeil et essayer de faire abstraction de ce que je viens de découvrir, je comprends enfin la signification du message. Dans l’une des poches usées de mes chausses trempées et tachées de boues, je trouve les restes d’un message plié en quatre, qui, par un quelconque miracle, n’a pas été détruit par l’humidité et la terre lors de mon altercation. La décision du mendiant de s’accrocher avec désespoir à ma ceinture me semble bien plus clair. On ne peut vraiment faire confiance à personne dans ce trou à rat. Je déplie avec peu d’assurance et les mains fébriles le petit bout de papier à la lumière déclinante de ma bougie. Ce que j’y lis me glace le sang dans les veines, mes yeux s'écarquillent bien plus que raisonnable.

“Je sais qui tu es et ça m'intéresse beaucoup, je rentrerais bientôt en contact avec toi, mais j’aimerais que tu rendes quelques services à la milice d’abord, histoire d’en finir avec la vie misérable et indigne dans laquelle tu t’abandonnes. Je te surveillerais, à bientôt.”


Je laisse la feuille me glisser des doigts. Non, impossible, pendant une fraction de seconde me reviennent des images que j’ai murés dans ma mémoire, l’humiliation, la déchéance, l’abandon. Comment un vestige d’une vie que j’ai lancé derrière moi il y’a plus d’un demi-siècle pourrait revenir maintenant. C’est ridicule, je suis venu finir ma vie dans l’abandon de Darham pensant que je finirais par crever dans l’oubli et l'indifférence. Mes yeux se posent avec panique sur la bouteille d’absinthe. Je l’attrape avec des gestes peu assuré et fais sauter précipitamment le bouchon que je garde sur la table. J’engloutis sans modération l’intégralité de la bouteille, avant de la jeter avec fracas contre le mur d’en face. Avec les quantités d’alcool que j’ai l’habitude d’ingurgiter, ça ne suffira pas à me rendre saoul comme je le voudrais, mais ça me permettra sans doute de dormir sans trop me tracasser avec ce que je viens de découvrir. Je m’allonge sur le dos, fixant le plafond dans l’obscurité alors que mon voisin du dessous, sans doute ivre, exprime son mécontentement au bruit en se vengeant sur son plafond. Je finis par me laisser emporter par la fatigue et l’alcool alors qu’un croassement presque rigolard passe au loin, au milieu du vacarme de l’orage.

Moi qui m’attendais à une journée normale à Darham, je suis pas déçu ...

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Devon
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Message par Devon » ven. 24 mai 2019 02:25

Réveil difficile

Je me réveille le dos couvert de sueur, collé au maigre matelas qui m’empêche de me casser le dos sur le sommier à chaque fois que je m’allonge. Les cauchemars qui m’ont assailli disparaissent aussitôt que je me redresse brusquement, comme des flocons dans le vent, et mes yeux affolés se fixent sur la fenêtre. Toujours fermée. Pendant un instant les événements de la veille me semblent faire partie de ses mauvais rêves alors que je m’assoie au bord de mon lit, mais je suis bien obligé de constater la présence de la lettre qui m’a renvoyé dans mon passé à mes pieds. Je me frotte les yeux pour finir de me réveiller, espérant peut-être faire disparaître cette maudite feuille de la réalité, mais elle est toujours là lorsque je fixe à nouveau le sol. Je la ramasse et parcours l’élégante écriture, plusieurs fois, m’assurant de bien comprendre son contenu, et ce que cela implique. La migraine que me cause cette découverte est accentuée par mon crâne tambourinant encore d’un écho de douleur qui irradie de mon front, j’espère ne pas m’être blessé plus que raisonnable en frappant le pirate. Mon regard se pose sur les débris de la bouteille, éparpillés au sol contre le mur. Je me lève d’un pas hésitant, titubant jusqu’à ce que j’arrive proche du cadavre en verre et que je récupère les morceaux pour éviter de me blesser plus tard, et aussi pour me changer les idées.

S’il y a bien un objet que j’ai eu l’occasion de voir sous ses formes ces derniers jours, c’est les bouteilles d’alcool, pourtant il ne me semble pas qu’elles contiennent une pierre gravée en leur sein. C’est pourtant ce que je ramasse d’un air intrigué, je n’ai jamais vu un objet de la sorte et il en émane une étrange sensation. Je la range précipitamment dans ma poche, je me renseignerais plus tard sur sa signification. Je reste pendant un moment à contempler les volets fermés de ma fenêtre, perdu dans mes idées noires jusqu’à ce qu’une faim insistante me ramène soudainement à la réalité. Je m’habille machinalement, inspectant brièvement les quelques bleus que le pirate m’a laissé en souvenir, et la routine reprend peu à peu son cours. J’accroche ma flasque vide à ma ceinture, enfile ma veste encore un peu humide, récupère mon tricorne, range la lettre dans une de mes poches, et sors dans le couloir étroit de la demeure, m’assurant de bien verrouiller la porte derrière moi. Je descends lentement les marches qui mènent à la pièce d’accueil, l’esprit embrumé par le réveil difficile, les mauvaises nouvelles et la douleur.

J’arrive dans la pièce principale où plusieurs marins s’étant reposés pour la nuit se préparent déjà à repartir pour un nouveau voyage, ceux qui dorment ici ne restant généralement pas plus de deux nuits au même endroit, je fais un peu exception à la règle. Le propriétaire ne semble pas avoir bougé de sa chaise depuis que je l’ai vu hier soir, le même livre épais incrusté sur les genoux, fumant sa pipe qui a créé un étrange halo flottant au-dessus de lui et faisant abstraction des autres occupants de la pièce. Assis autour de l’unique table de la pièce et grignotant quelques morceaux des restes d’un plat consistant, bien que peu ragoutant, ils échangent quelques mots à voix basse, des rires complices et des regards indiscrets en direction d’une inconnue, assise l’air contemplatif proche de la fenêtre. Je m’installe à ma place habituelle pour mieux observer le centre de leur attention. Le voile pourpre qu’elle porte autour de son visage et de ses longs cheveux gris argentés ne laisse entrevoir que ses yeux de la même couleur que son foulard, mais les formes que laissent apparaître ses vêtements ne laissent aucun doute possible sur son sexe. Accoudée à la fenêtre, son regard perçant fixe un point à l’horizon, inattentive au bruit que font les trois imbéciles, tapotant d’un rythme régulier l’encadrement en bois de la fenêtre. Plus que sa veste en cuir cloutée par-dessus sa chemise blanche en coton et ses bottes noires cirées, c’est la massive arbalète à ses côtés qui m’interroge. Est-ce que le vieux radin qui s’occupe de ce taudis aurait décidé qu’il avait besoin d’une mercenaire en garde du corps ? Je n’aurais pas à me questionner plus longtemps, interrompu par un morceau de papier lancé dans ma direction.

« Le journal du jour, comme d’hab »

Le vieux ne lève même pas les yeux de son bouquin pour m’informer de ce qu’il vient de m’envoyer en pleine figure. Comme chaque matin, je parcours lentement des yeux le torchon qui s’apparente aux nouvelles de la ville, une façon comme une autre de rompre la solitude en s'intéressant à la vie des autres. On y parle de la dernière soirée décadente du roi; en voilà un qui profite de la vie, riche à souhait avec le trafic de sa ville et même pas de responsabilité à prendre puisque quelqu’un d’autre s’en occupe pour lui. Un vrai parasite. La tension qui m’accable diminue légèrement lorsque je remarque qu’aucune page ne fait référence à la mystérieuse disparition d’un membre d’un équipage important du fort Grise-Écume. Je referme les pages qui se terminent sur une phrase résumant une prière à Moura et lance le journal dans le feu mourant de la cheminée en me relevant.

Elle détourne très vite les yeux, sans un seul mouvement de la tête, mais trop tard pour que je n’ai pas remarqué son regard furtif posé sur moi quelques instants plutôt. Je me lève comme si de rien n’était, tente de dissimuler mes faibles tremblements sous les regards mauvais des marins jaloux qui se sont tu, salue le vieillard d’un mouvement de chapeau et sors dans la journée humide et chaude de Darham. Je prends trois grandes inspirations devant le palier, devant le va et vient des marins et des marchandises, des bandits et de la contrebande, avant de me diriger vers le port sous le bas soleil et dans la brume pour une nouvelle journée au dock.

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Devon
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Re: Les Habitations

Message par Devon » ven. 24 mai 2019 02:36

Changer de vie

L’apparence de la ville change progressivement alors que je m’éloigne du port pour approcher le cœur de la cité, plus proche de la demeure du roi fantoche de la ville. Les bâtisses délabrées et aux apparences aussi hétéroclites qu’étrange laissent place à de grandes demeures solides bâti en pierre. Au cœur de la ville demeure ceux qui ont fait fortune dans la bonne marchandise de contrebande au bon moment, les grands capitaines pirates qui ont réussi un jour à trouver le butin d’une vie, ou encore les marchands sans scrupules qui vendraient père et mère pour l’affaire du siècle. Les tours de gardes des sombres soldats de la Seigneur d’Omyre sont bien plus nombreux que dans la basse ville, leurs lourdes armures décorées bien plus imposante que les troupes que l’on peut rencontrer autour du port. Au-dessus de tout se découpe fièrement le palais royal, l’insigne de la ville côtoyé par le récent sceau d’Omyre sous le symbole de Moura, même dans sa prétention le roi n’oserait pas se mettre au-dessus de la reine des mers.

Sous sa nouvelle tenue drapée d’or et de beaux apparats, l’ambiance de la ville reste la même, l’atmosphère de débauche s’y fait plus subtile, mais si les jeux d’argents, l’alcool et les bordels semblent plus raffinés ici, ils gardent le même côté décadent et dépravé qui fait la célébrité de la ville, avec sans doute une touche de vice supplémentaire comme le font si bien les nobles, pour ceux qui se prennent pour la classe sociale supérieure de Darham et il n’est pas rare d’entendre jusqu’au bout de la ville les bruits des réjouissances nocturnes auquel participe le roi, qui ressemble à une véritable orgie infernale qui ferait sans doute rougir le plus viril des marins. Mais si j’aurais pu me morfondre dans la jalousie et la haine en pensant à mon statut disparu dans les profondeurs de Moura, aujourd’hui mon esprit ne tourne autour que d’une idée : survivre. Je fais abstraction des marchands dans leurs beaux atours de soies qui me dévisagent l’air mauvais ou surpris, je m’imagine bien être comme une tâche sanglante au milieu de leur quotidien raffiné, un rappel du double visage de la ville et de ceux qu’ils ont normalement l’habitude de voir lorsqu’ils descendent au port, ce qui arrive de moins en moins pour eux qui peuvent se reposer sur un équipage et se concentrer sur leur stratégie commercial, contenant généralement plusieurs entorses à se pourrait considérer comme du commerce sain et légal. Pourtant au-dessus de l’aspect luxueux de l’endroit résonne au loin l’écho de la clameur malsaine et continue du quartier de la Cour-au-Rat, la pire face que cette ville a à offrir.

Je ne fais attention à rien lorsque je me fais brusquement arrêter par un soldat, un Garzok à la peau sombre qui me regarde droit dans les yeux à travers les fentes de son casque, ses deux camarades humains se tenant derrière lui, le visage inexpressif. Le corbeau qui m’accompagnait jusque-là s’envole soudainement et me laisse face à la garde de la ville. L’orc me souffle son haleine pestilentielle en plein visage alors qu’il me grogne dessus en posant sa main sur son arme, plissant ses yeux rouges et me regardant avec mépris.

« Qu’est-ce que tu fais là ? La vermine comme toi ça reste autour du port et ça vient pas chercher les emmerdes ici » Dit-il avec une élocution parfaite de sa voix grave

Essayant d’effacer de ma mémoire que je suis peut être recherché pour meurtre par des gens peu compatissant, je lui réponds en faisant mon possible pour dissimuler les tremblements dans ma voix. Pendant un très court, une pulsion meurtrière m’ordonne de me jeter sur lui et de mordre profondément avec toute la sauvagerie possible dans son cou, mais j’ai appris à me contenir à force de coup subi en prison.

« Je cherche pas d’ennui, j’en ai marre de la vie sur les docks, je veux m’embaucher dans quelque chose de plus grand, redonner un sens à ma vie en servant la Reine Noire » Un mensonge comme tant d’autre, qui m’ont déjà sauvé plusieurs fois la vie. Il ne sert à rien d’essayer de soudoyer ces gardes-là. Mais mes talents d'acteurs se sont bien émoussés depuis la dernière fois que j'ai eu l'occasion de les utiliser. Il rigole d’un rire sec et sarcastique.

« Sympa, et moi mon rôle c’est de m’assurer que votre espèce reste à sa place, loin d’ici »

« Je vais à la milice »

Son rire s’arrête net, il reprend sa grimace menaçante mais la transforme en un sourire narquois.

« Je vais te laisser le plaisir de t’y rendre, juste pour que tu comprennes c’est quoi une vraie vie difficile. Tu seras bien content de retourner dans ton trou après ça.»

Il me pousse une deuxième fois pour m’envoyer au sol cette fois-ci, hors de son chemin, faisant ricaner ses camarades jusque-là inexpressif, qui donne un coup de pied dans mon tricorne en s’éloignant, déclenchant aussi quelques rires hautains des rares passants. Je les laisses tracer leur route sans rien dire alors que je me relève en époussetant ma veste, céder à une crise de rage ici serait suicidaire, je fini par sentir le goût du sang dans ma bouche à force de me mordre mordu la joue pour essayer de conserver mon calme. Le corbeau revient sur son trône dès que je me remets sur mes pieds et que je réajuste mon chapeau sur mes cheveux rêches et grisâtres.

« Inutile et courageux, merci du soutien … »

Je reprends ma route, essayant de ne pas penser que je viens de me faire traiter comme le mendiant que j’ai rejeté dans la soirée d’hier. Comme toujours je dirige toutes mes pensées haineuses sur le seul point fixe de ma conscience, la vengeance. Je finis par arriver devant ma destination, une grande bâtisse en pierre, le seul symbole visible est au-dessus de la porte d’entrée et il ne fait aucun doute sur qui dirige ce lieu et avec lui la ville. Ce n’est pas celui de Darham. Un sourire ironique solitaire me vient en pensant que malgré tous ses efforts, la Reine Noire a bien du mal à simplement soumettre une bande de voyous récalcitrants et avides de liberté.

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Devon
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Re: Les Habitations

Message par Devon » lun. 29 juil. 2019 04:02

Je fais le chemin inverse dans la grande rue pavée qui descend de la milice, entre les habitations des riches marchands, contrebandiers et pirates de la ville. Il n’y a qu’ici qu’on a le droit à une vraie rue, et pour cause il ne faudrait pas que les cargaisons importantes de produits rarissimes qui remontent jusque dans ce coin de la ville s’abiment à cause du mauvais état de la route, surtout si elles concernent des consommations importantes aux prochaines festivités organisées par l’un des riches propriétaires. Pour le reste, les entrepôts sur la façade du port ne nécessitent pas de si long trajet et suffisent largement à stocker les marchandises, ce qui explique l’état déplorable des autres axes de la ville.

Je marche à grands pas lents au milieu de la maigre foule, perdu dans mes pensées, sans vraiment savoir où je vais et sans me rendre compte que je marmonne dans ma barbe en m’adressant au sombre volatile perché sur mon épaule. Les nuages sont arrivés au-dessus de la ville, laissant prévoir une nouvelle averse dans la nuit.

« Chercher un marin échappé, y avait pas plus simple comme première mission. Comment j’vais faire, manquerais plus que j’sois aussi pourchassé par la milice pour désertion »

Evidemment qu’il ne comprend rien, il fixe ses trois yeux noirs comme la nuit sur moi, inclinant sa tête dans un air d’interrogation comme le fond si bien les oiseaux. Avec un grognement de mécontentement, je continue ma route sans direction, perdu dans mes pensées. Les maisons luxueuses s’alignent comme une véritable haie d’honneur ici et alors que le soleil s’en va progressivement au-delà de l’horizon, elles projettent leurs flamboyantes lumières intérieures sur les pavés, tentants chacune d’aveugler ses concurrentes dans une démonstration ostentatoire et tape-à-l’œil de richesse et de succès. Finalement même les puissants ont besoin de se persuader eux-mêmes qu’ils sont importants, un vrai capitaine sûr de lui et de son équipage n’a pas besoin de ce genre d’artifices pour se faire respecter. Fini les ventes de marchandises et d’objets rares en public, maintenant passe les fiacres qui accompagnent leur propriétaire chez leurs hôtes de soirée pour un repas commercial, une discussion d’affaire autour d’un bon diner, ou tout simplement pour picoler et profiter de l’argent en divertissements décadents et démesurés.

D’un côté un nain descend de son véhicule pour aller rejoindre un Varrockien, un de ces commerçants sans scrupules, qui l’attend les bras ouverts à la porte de sa maison, difficile de dire lequel est le plus large des deux. De l’autre, dans une voiture tirée par deux majestueux chevaux blancs, descend un haut capitaine Kendran, son arrogance plaquée comme un masque sur son visage et vêtu d’un long manteau bleu roi décoré et de son tricorne, qui rejoint certains de ses semblables dans le chalet d’en face, plusieurs bouteilles de bon vin sous le bras, pour une soirée qui s’annonce placée sous le signe de Kubi. Les patrouilles commencent à allumer les torches sur leurs hauts falots, bien plus utiles que les petits braseros qui éclairent les basses rues de la ville, plus efficace pour éloigner les voleurs et coupe-gorges qui se cachent dans l’ombre et qui pourraient être appâtés par l’odeur de l’or qui court dans les rues.

(Y peut pas s’enfuir par les portes, il est encore quelque part en ville et son seul échappatoire c’est par la mer. Où ce sale rat peut bien se terrer.)

Alors que je progresse, l’environnement évolue progressivement alors que je me rapproche du bas de la ville, les belles demeures laissent d’abord place à de drôle de bâtisse qui s’assemble étrangement, à l’architecture aussi variée que la population de la cité, comme si un enfant avait forcé les pièces d’un puzzle les unes à côté des autres, donnant naissance à d’improbables combinaisons. Je ne me rends pas compte du changement d’atmosphère alors que mes pas m’arrêtent devant une bâtisse en bois bien plus misérable que là où je me trouvais il y a encore quelques instants, ou du moins n’ai-je pas senti le temps s’écouler. Je lève les yeux sur l’écriteau qui se balance

« Le rat Lubrique »

Avec un sourire ironique, je pousse la porte en bois alors que le corbeau s’enfuit et je pénètre dans la taverne.

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Re: Les Habitations

Message par Devon » lun. 29 juil. 2019 04:24

Je rentre dans la chaleur de la pièce principale, le feu de la cheminée brûle sans raison et la vapeur de tabac flotte au-dessus de ma tâte comme un brouillard persistant. Je fais un signe de tête au propriétaire grisonnant engoncé dans son fauteuil. Il est seul dans le salon, je remarque l’absence de la personne que je supposais être un mercenaire. Alors que je me dirige vers les escaliers pour rejoindre ma chambre, une main ferme se pose sur mon épaule. Une voix rauque et éraillée me dit avec fureur.

« J’sais c’que t’as fait »

(Putain …)

Je me retourne lentement pour tomber face au visage empourpré du propriétaire, je remarque alors pour la première fois qu’il n’est pas beaucoup plus petit que moi et qu’il est bien plus large d’épaules que ce que j’imaginais. Sa poigne est ferme et je ne vais pas m’en dégager comme ça. Je serre les poings le long du corps alors que je sens encore une rage irraisonnée monter en moi. Il me transperce d’un regard menaçant, attendant une réponse de ma part, me soufflant furieusement des volutes de fumées au visage avec sa pipe. Voyant que je ne réponds pas, il continue :

« Tu m’prend pour un idiot ? T’rentres ensanglantés, plein d’boues, sobre et là j’apprends qu’un marin d’Rufus a disparu sans laisser d’trace et qu’y s’trouvait hier au rat lubrique, au même endroit qu’toi »

« Et ? »

Son air furieux disparait aussitôt sous un air triomphant, il rit furieusement.

« T’sais qu’il a mis la tête du batard qu’un descendu un mec d’son équipage à prix, j’pourrais m’faire un p’tit pactole en t’vendant. Mais j’suis pas idiot, y’a plus à s’faire avec un revenu régulier. Va falloir qu’tu m’paye un p’tit peu plus que d’habitude s’tu veux pas finir ta vie au fond de la baie de Darhàm »

Je me dégage de sa poigne et monte les escaliers sans essayer de savoir ce qu’est sa définition « d’un petit peu plus », sachant très bien que ce sera vite hors de mes moyens et qu’il me vendra. Il n’essaye pas de me rattraper, continue son rire idiot en me lançant :

« Et le nouveau tarif s’applique dès ce soir, et y aura une prime de départ à payer s’tu veux partir définitivement »

Son rire me parvint encore que j’arrive en haut et que je ferme la porte derrière moi. Au moins aucune mauvaise surprise ne m’attend dans ma chambre. Je laisse alors libre cours à la rage que j’ai emmagasinée dans la journée. Sans un cri, tous mes traits se crispent soudainement et je dégaine ma lame pour frapper dans tous ce qui me passe à portés, laisse de profonde entaille dans le bois du mur. Je fracasse avec la garde de mon arme la minuscule armoire avant d’envoyer valser la petite table de chevet contre le mur en face de moi. J’éventre le maigre matelas, dispersant son contenu dans toute la pièce, avant de m’appliquer à briser les lattes du sommier à coup de pied. Je finis par me retrouver au milieu de cette scène de carnage, soufflant comme un forcené, les yeux injectés de sang, la lame toujours dégainée et voulant toujours en découdre. N’arrivant pas à me calmer, j’ouvre en grand la porte et commence à descendre les marches à grands pas. Puisque ce fils de chien veut jouer au plus malin avec moi, on va voir s’il peut me balancer quand il se retrouvera avec le bide ouvert de part et d’autre et ses intestins répandus au sol. Le spectacle qui m’attend dans la pièce principale me ramène aussitôt à la réalité, je lâche ma lame de stupéfaction.

Le propriétaire est affalé dans son fauteuil comme toujours, son livre sur les genoux, la pipe fumante au sol, un énorme carreau d’arbalète au milieu de la poitrine et un couteau planté dans la gorge. Le sang imbibe les pages de son ouvrage, ajoute sa couleur écarlate au dos du fauteuil et goutte lentement au sol. Je n’ai entendu aucun bruit de lutte et je n’ai pas l’impression d’avoir quitté le salon depuis un long moment. Un frisson me parcourt, je ne suis pas en sécurité ici. Je m’approche lentement de cette sanglante mise en scène, une feuille est accrochée au couteau et repose sur la poitrine du mort. Je tends prudemment la main et l’arrache de son macabre support.

“ Eh ben voilà une journée bien agités, de quoi te remettre dans le bain de l’action. Je me suis dit que tu apprécierais de ne plus avoir à te préoccuper de celui-là, il n’a rien à nous apporter. Bonne chance pour le reste.”


Signé J. encore une fois. Je range la feuille dans ma poche avant de me précipiter dans ma chambre en montant les marches deux à deux. Je récupère mes maigres affaires, verrouille la porte derrière moi et m’apprête à m’enfuir. Alors que je repasse devant le cadavre du propriétaire, une idée furtive me vint. J’attrape son gros bouquin et le balance dans le feu de la cheminé, espérant qu’il brulera définitivement avant que quelqu’un ne le trouve. Mourir dans les rues de Darhàm c’est une chose, assassiné dans sa maison alors qu’on héberge plusieurs individus susceptibles de venir d’autres villes et d’avoir des intérêts dans la déstabilisation de la cité en est une autre. Une fois que e suis sûr que le livre contenant mon faux nom et mes paiements est en train de brûler, je ne perds même pas de temps à faire les poches du vieux et sors prudemment de la maison, m’assurant que personne ne puisse voir ce qu’il y a à l’intérieur.

Je me retrouve dans les rues de Darhàm, sans domicile, un cadavre et plein d’autres problèmes sur le dos. Ma cellule me manquerait presque. J’erre un moment dans la rue avant de savoir où aller, une grimace ironique déforme mes traits, Meredith va devoir me rendre un autre service.

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Eteslë
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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » lun. 4 nov. 2019 21:14

Pour le sang d’une femme

La nuit tombe à peine sur les ruelles puantes lorsque la silhouette d’Eteslë s’engage dans le labyrinthe que constitue le quartier. Les odeurs rances provenant du port, portées par les embruns, lui font retrousser le nez, mais l’habitude lui permet de s’en accommoder très vite. Elle marche d’un pas vif, le regard dirigé devant elle, ignorant les quelques corps au sol. Ivrognes ou victime d‘un larcin brutal, elle s’en moque, passe son chemin, se dirige vers la maison qui sera son lieu de travail de cette nuit. Un bâtiment d’allure modeste, que rien ne pourrait différencier des autres, si ce n’est le mastodonte posté nonchalamment près de l’entrée, un air ennuyé sur le visage. Un air faux, fait pour tromper, faire croire à une vigilance laxiste alors qu’il n’en est rien. Rapidement, elle s’approche, le voit tourner son regard vers elle avant qu’il n’ouvre la porte, sans un mot. Ils échangent un bref signe de tête tandis qu’elle met le pied à l’intérieur et que la porte se referme derrière elle.

Loin des odeurs puantes de l’extérieur, les encens et le parfum capiteux qui emplissent l’atmosphère confinée de la maison de passe agressent bien plus l’odorat de la jeune femme qui, après avoir balayé la première pièce des yeux, vide de tout intérêt pour elle, monte à l’étage. Entre les cris des femmes et les râles des hommes, elle entend distinctement la voix de Ferioti, celui qui lui a demandé de venir ici, provenant de son bureau. Sans frapper, elle entre avant de refermer la porte derrière elle. Ses prunelles mauves se posent sur son patron assis derrière son bureau. Maigre, une trentaine d’années, un front dégarni qui laisse des sourcils broussailleux prendre leurs aises sur un visage marqué bien plus par la vie que les combats de rue, il ne ressemble pas vraiment au chef d’une bande de malfaiteurs organisée, mais c’est pourtant ce qu’il est. Un étranger est assis face à lui, dos à la jeune femme, ignorant son arrivée. Elle attend que Ferioti lui indique de s’asseoir, ce qu’il ne tarde pas à faire. Elle se laisse tomber sur le fauteuil avant que ses yeux ne se posent sur l’inconnu. Bien bâti, le visage coupé au couteau, un nez droit et le regard froid, on dirait que ce type est fait pour être un tueur. Ce qu’il est, probablement.

- Eteslë, voici Yvan. Il veut nous proposer un contrat intéressant.

Le haussement d’épaule de la jeune femme arrache un sourire à son patron, mais semble agacer le fameux Yvan qui se redresse, les poings serrés, le visage empreint d'un fureur étonnante. Voyant cela, Ferioti calme aussitôt ses ardeurs d'un ton appaisant.

- Du calme Yvan. Cette jeune femme ne parle pas, ce n’était pas un manque de respect, je vous assure.

- Pourquoi elle ne parle pas ? On lui a arraché la langue ?

Le mouvement de la jeune femme interpelle Yvan qui suit du regard ce que le doigt pointe. Une large cicatrice entaille le cou de part et d’autre, probable tentative de meurtre qui ne lui a pas ôté la vie, mais seulement la capacité à s’exprimer sans souffrir. Cela n’émeut pas plus que cela Yvan qui se contente de poser de nouveau ses yeux sur Ferioti, la voix soudainement plus grave.

- Et ? Pourquoi l’avoir fait venir ?

- Parce qu’elle sera utile, je peux vous l’assurer, quoi que vous proposiez. Tu peux aller à ton poste Eteslë.

Elle hoche la tête et sort aussitôt. Elle commence ses rondes, s’assure de la sécurité, refoule les clients trop éméchés ou agressifs, quitte à employer la force, avec parcimonie. La nuit est relativement calme cette fois jusqu’à ce qu’elle un client visiblement pressé ne la bouscule légèrement dans le couloir de l’étage. Ce n’est pas singulier, mais le fait qu’il se promène seul et qu’il semble nerveux attire l’attention d’Eteslë qui le suit aussitôt. Son travail est simple, elle doit protéger les filles qui travaillent ici et punir ceux qui pourraient prétendre bafouer les règles de l’établissement. Pas qu’elles soient nombreuses, mais même la prostitution a ses lois, et elle est là pour veiller à ce qu’elles soient respectées. Un cri la fait s’arrêter et tourner la tête. Un cri d’effroi. Elle fait volte-face, bouscule sans ménagement un autre client accompagné, tombe nez à nez avec une fille de joie en larmes. Cette dernière bafouille, supplie, parle sans discontinuer si vite que ses paroles sont incompréhensibles, jusqu’à ce que la protectrice des lieux lui serre les épaules pour la calmer. Elle ne dit rien, mais l’autre a compris, l’emmène et le spectacle qu’elle découvre lui fait froncer les sourcils. Attachée nue au lit, une femme couverte de sang est inerte, le corps lacéré par des dizaines d’entailles. L’objet du crime est d’ailleurs toujours là, posé sur la table de chevet, toujours couvert du sang de la malheureuse. Rapidement, elle s’en empare, tranche les liens qui retiennent le corps. Elle pose son oreille contre le nez de la femme, sent un souffle et claque des doigts pour attirer l’attention des spectateurs qui s’agglutinent. Elle désigne le corps, montre son cœur et hoche la tête. Plusieurs soupirs de soulagement se font entendre et deux femmes se précipitent sur la femme blessée, assurent qu’elles la garderont en vie tandis qu’Eteslë se précipite vers le rez-de-chaussée.

- Eteslë !

La voix de la matrone la stoppe aussitôt. Martha est celle qui dirige l’endroit lorsque Ferioti n’y est pas. Une quarantaine bien tassée, un regard brun d’ordinaire imperturbable d’où transparaît une certaine colère alors qu’elle quitte la chambre des yeux.

- Règle le problème… définitivement. Je m’arrange avec Ferioti.

Nouveau hochement de tête, et elle reprend sa course, dévale les escaliers avant de sortir sous le ciel nocturne. Une silhouette se retourne à quelques dizaines de mètres, l’aperçoit et se met à courir. Elle plisse les yeux, inspire. Elle le prend en chasse, court à travers les ruelles sombres, saute par-dessus les ordures, vivantes ou inertes, qui jonchent le sol par endroit, slalome entre les rares personnes dehors et debout à une heure pareille. Elle ne le perd pas de vue, le voit trébucher, reprendre sa course. Elle accélère soudainement, arrive à sa hauteur et, après un bref saut, écrase son genou dans le milieu de son dos. Un cri de douleur, suivit d’une chute sur le sol. Elle reprend son souffle, se redresse, empoigne l’homme par les cheveux et lui fracasse le crâne sur le mur. Un bref cri de douleur avant un deuxième, puis un troisième choc et le corps retombe au sol, le visage couvert de sang, tout comme le mur. Elle le voit ramper en crachant du sang, s’apprête à le rouer de coups lorsqu’il se retourne et demande grâce.

- Pitié, je… je n’ai pas eu le choix, il me l’a demandé.

Elle suspend son geste, se décide finalement à le saisir par le col de son vêtement, arme son poing.

- Non, non, attendez, je peux tout vous dire ! Un type voulait que je fasse ça ou il tuerait ma femme Je vous en prie !

Elle fronce les sourcils, lui indique de continuer d’un mouvement de tête. Le visage tuméfié, le nez cassé et couvert de sang n’empêchent pas le soulagement d’apparaître sur la face de l’homme qui se met à parler.

- Il a pris ma femme en otage, j’ai pas eu le choix. Je vous en supplie, je ferai n’importe quoi ! Je peux même vous dire qu’il est chez moi, avec ma femme. Je vous en prie !

Elle penche la tête sur le côté, semblant réfléchir. La respiration saccadée de l’homme se calme peu à peu, il explique où il habite, supplie à nouveau. Puis le poing s’abat, brise les derniers cartilages du nez qui explose dans une gerbe de sang et de fluides. Son cri de douleur est rapidement éteint par un coup sec sur la trachée et elle le laisse tomber au sol, le regarde chercher de l’air pour respirer en crachotant. Ce type la répugne au plus haut point. Trop lâche pour sauver sa femme, il préfère blesser une autre au lieu de se battre. Elle serre de nouveau les poings en le voyant ramper, se relève, inspire, se positionne au-dessus de son dos, lève son pied. Un coup sec à l’arrière de la nuque, un craquement et il s’affaisse mollement, poupée de chair inerte qu’elle abandonne sans un regard en arrière. Elle doit s’occuper de l’autre à présent. Elle expliquera les choses à Ferioti une fois le problème réglé, ce sera plus simple. Alors qu’elle tourne au coin de la rue et disparaît, une silhouette sort de l’ombre, examine le corps encore chaud, un léger sourire sur les lèvres. Une douce lumière illumine la ruelle et le corps laissé au sol se remet à bouger, levant un regard empli d’incompréhension vers son sauveur.

- Tu me dois une vie… allons en sauver une autre.

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Eteslë
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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » lun. 4 nov. 2019 21:22

Sabre aux poings

Il ne faut pas plus d’une quinzaine de minutes à Eteslë pour parvenir à la maison que lui a indiquée l’homme qu’elle vient d’achever. Elle se fiche bien de la femme, mais elle doit mettre hors d’état de nuire celui qui est derrière tout ça. On ne nuit pas impunément à Ferioti, elle doit bien faire passer le message à ceux qui ne l’aurait pas encore compris. La maison n’a rien de particulier. Une bicoque comme il y en a des centaines à Darhàm, sans réel intérêt. La porte en bois gondolé est brutalement ouverte par la jeune femme qui pénètre sans y avoir été invitée, attirant le regard d’un homme au visage couturé de cicatrices. Assis sur une chaise, un large sabre dépassant de son dos et portant un ensemble d’habits qui le catégorisent immédiatement en tant que pirate pour Eteslë, il semble surpris de la voir débarquer et se lève aussitôt, d’un geste brusque, renversant la chaise sur laquelle il est assis. La pièce, éclairée par quelques bougies, est relativement petite et ne contient que le strict nécessaire pour manger et dormir. Sur le lit, dans le coin gauche le plus éloigné de l’entrée, une femme gît, immobile. Inconsciente, morte ou endormie, difficile à dire, mais les yeux d’Eteslë ne s’y attardent pas, s’accrochant davantage au pirate méfiant qui porte la main à son sabre.

Vivement, elle bondit sur le pirate qui recule aussitôt en tirant sa lame, tailladant devant lui sans rencontrer la jeune femme qui s’est aplatie sur le sol et donne un violent coup de pied dans le tibia de son adversaire. Celui-ci grogne, mais riposte en assénant un violent coup descendant, qui la frôle. Elle l’évite en roulant et se remet debout, les poings levés, les jambes fléchies. Elle déteste ses enfoirés avec leurs lames longues, ce sont toujours les plus dangereux pour elle. Il le sait, elle le voit, il sourit et sort une dague, la gardant dans son autre main.

- On fait moins la maligne, hein ? Dire que cet enfoiré a envoyé sa pute muette, il aur... Qu’est-ce qui te fait rire, hein ?!

Un sourire narquois s’en est effet affiché sur le visage d’Eteslë, lorsqu’elle a entendu l’insulte. Pour elle, ça n’a pas d’importance, mais elle trouve cela comique que les hommes cherchent ainsi à la rabaisser en la comparant à des femmes qu’ils sont bien heureux de trouver pour se vider les bourses. Piqué au vif, le pirate se jette sur elle, son sabre fendant l’air pour trancher sa gorge. Souplement, elle se penche en arrière pour l’éviter. La lame la frôle sans lui causer de dommage. Elle se redresse et, bandant ses muscles, assène deux violent coups à une vitesse ahurissante. Le poing gauche s’écrase sur le poignet tenant le sabre tandis que le pied droit vient heurter le plexus solaire, faisant reculer le pirate sous l’impact, tandis que son arme tombe au sol. D’un coup de pied dans le pommeau, elle l’envoie sous un meuble, hors de portée, laissant malgré tout au pirate l’opportunité de se reprendre pendant ce temps. Il semble soudainement bien plus alerte et calme, comme s’il avait compris que sous-estimer la jeune femme à cause de son manque d’arme était finalement une grave erreur. Toujours armé de sa dague, il semble évaluer ses chances alors qu’Estelë se rue de nouveau vers lui. Son adversaire esquive adroitement le coup de pied qui visait sa jambe avant de riposter après un coup de poing qui cherchait à atteindre son menton. Une profonde entaille apparaît sur le bras d’Eteslë qui sent la morsure du métal la brûler, la faisant instinctivement reculer d’un bond. Guère profonde, l’entaille saigne tout de même abondamment, ruisselant sur son bras jusqu’à son poing serré. Un sourire moqueur et satisfait sur le visage, le pirate raille la jeune femme avant que son visage ne cesse de montrer une quelconque joie face au sourire carnassier d’Eteslë.

Pensant probablement que la jeune femme se moque de lui, il se rue en avant pour en finir. Il enchaîne les attaques à la dague tandis que la jeune femme se contente d’esquiver ou dévier ses coups du plat de la main en donnant de petits coups sec sur le poignet. Elle attend simplement le bon moment pour frapper et prendre un avantage certain. Alors que son adversaire recule d’un pas, d’un geste vif, elle envoie une partie du sang qui coulait jusqu’à sa main vers le visage de son adversaire. Par réflexe, le pirate détourne le visage moins d’une seconde. Une fraction qui suffit à Eteslë pour passer sa garde. Un premier coup le percute sous le menton, le sonnant légèrement, puis les poings s’abattent à maintes reprises sur son visage et les pieds et genoux sur ses jambes, font chuter le pirate au sol sous la violence des coups. Alors même que son adversaire est au sol et a lâché son arme, elle le redresse en le tirant par le col de sa chemise, et le frappe à nouveau, lui brise le nez, les arcades le fait sombrer dans l’inconscience, le rend méconnaissable avant de finalement le lâcher, le souffle court. Elle desserre ses poings couverts de sang et expire lentement en faisant bouger les articulations de ses doigts, vérifiant qu’aucun ne s’est brisé. Elle s’est arrêtée à temps cette fois. Empoignant l’inconscient, elle déchire sa manche et se fait un bandage de fortune avec, dans l’espoir de calmer le saignement de sa blessure. L’agrippant par le col, elle sort, jetant un rapide coup d’œil à la femme toujours étendue sur le lit, probablement morte vu son absence de réaction lors de leur affrontement. Elle l’ignore et sort, traînant derrière elle le corps inconscient du pirate. Elle doit faire vite, ne pas trop attirer l’attention car, même si la milice de la ville n’est qu’un ramassis de trou du cul qui se laisseraient convaincre par une promesse d’argent ou de fille facile, quelques pirates pourraient ne pas apprécier ce qu’elle est en train de faire et se mettre en tête de lui faire regretter.

Son bras blessé pendant sur son flanc, elle avance en tirant son fardeau de son bras valide, la sueur coulant de son front et sur ses tempes. Finalement en vue de la maison de passe, elle accélère et, dans un dernier effort, jette le corps contre le mur avant d’entrer. L’absence du vigile la fait tiquer et, prudemment, elle ouvre la porte, tombant sur un silence qui lui semble inquiétant. Elle se hâte de rentrer le pirate inconscient à l’intérieur et tend l’oreille. Quelques voix lui parviennent depuis l’étage et elle s’approche, monte l’escalier grinçant avant d’apercevoir de la lumière sous la porte du bureau de son patron. Elle entre, sans frapper, interrompant une discussion entre lui, Martha, Yvan, et un homme qu’elle ne connaît pas. Ferioti se lève de son siège, les sourcils froncés.

- Eteslë ! Tu en as mis du temps. Qu’as-tu fait de cet enfoiré ?

La jeune femme hausse les épaules en mimant un tranchage de gorge cynique, faisant soupirer son patron. Elle désigne le sol à ses pieds de son doigt, espérant qu’il comprenne, ce qui n’est pas le cas.

- Quoi ? Le sol ? Ah oui, le sang, pas grave. Va donc te faire rafistoler, tu ne me sers à rien blessée.

Elle soupire, grogne et insiste jusqu’à ce que Martha prenne la parole.

- Je pense qu’elle veut nous montrer quelque chose à l’étage du dessous, c’est bien ça ?

Eteslë hoche la tête, provoquant un nouveau soupir.

- Bon, très bien… Quelle nuit de merde !

Et il n’est pas au bout de ses surprises.

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Eteslë
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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » lun. 4 nov. 2019 21:32

Un trio malvenu

- Mais… MAIS PUTAIN ETESLË TU TE FOUS DE MA GUEULE ?!

Dire que Ferioti a mal pris la présence d’un pirate inconscient et pissant le sang sur le beau tapis de l’entrée est un euphémisme. Un rictus de rage déforme son visage et une grosse veine palpite sur son front alors qu’il attrape la jeune femme à la gorge. Le regard mauve de cette dernière se glace aussitôt et son poing se lève alors que le chuintement d’une lame se fait entendre. Si Yvan ne prend pas part à ce qui ressemble fortement au début d’une rixe, l’inconnu, lui, a sorti un sabre indéniablement d’origine ynorienne qu’il pointe vers la cogneuse, mais c’est Ferioti qui s’exprime d’un calme froid.

- Tu as intérêt à avoir une foutue bonne explication sinon je…

- Lâche… moi…

La voix rauque semblable à un grognement qui sort de la bouche de la jeune femme surprend Ferioti qui ôte aussitôt sa main. Elle baisse son poing et se masse le cou, son regard froid ne quittant pas son patron des yeux. Il y a un léger flottement que la voix de Martha brise, incitant tout le monde à se calmer. Rapidement, elle s’occupe de la blessure d’Eteslë, la badigeonnant d’une crème qui sent fort le thym, avant de la recouvrir d’un tissu propre. Assis sur un fauteuil en se frottant le visage d’un air fatigué, Ferioti lui fait face tandis que les deux autres sont installés de part et d’autre.

- Bon… ce pirate, c’est l’un des hommes d’Akram le Bleu… c’est même l’un de ses trois seconds… et merde ! Par la sainte paire de miches de Moura, qu’est-ce qui t’es passée par la foutue passoire qui te sert de cervelle ? Est-ce que ça a un rapport avec l’attaque sur Miri ?

Lorsqu’elle hoche la tête, le peu de couleurs qui restent sur le visage de Ferioti s’envole aussitôt et Yvan se lève, un fin sourire aux lèvres.

- Et bien pourquoi cette réaction, vous devriez vous réjouir, elle nous mâche une partie du travail, n’est-ce pas merveilleux ?

- Elle l’a ramené en le trainant ici, si quelqu’un l’a vu, nous sommes fichus !

- Il faut seulement prendre les devants. Je vais m’entretenir avec Ed, et nous allons accélérer les choses. Pourrons-nous compter sur sa présence ?

Il désigne Eteslë d’un mouvement de tête et Ferioti l’observe quelques secondes avant de hocher la tête. La jeune femme n’a absolument aucune idée de quoi ils peuvent bien parler, mais elle n’aime guère être impliquée sans avoir son mot à dire. Son froncement de sourcil n’a absolument aucun effet sur Ferioti qui lui renvoi un regard tout aussi sévère tandis qu’Yvan se montre ravi.

- Parfait, elle sera idéale. Nous allons donc vous débarrasser de ce fardeau pirate de ce pas. Bonne nuit à tous.

Et sur ces paroles, tandis que l’autre homme soulève le pirate et le porte dehors, il sort à son tour, un mince sourire aux lèvres. Un lourd silence s’abat sur la pièce après que la porte se soit refermée. Un long soupir de Ferioti brise la léthargie ambiante tandis qu’il s’adresse à Eteslë.

- Rentre chez toi, je te recontacte dès qu’on a besoin de toi. Et tiens-toi à carreau, bordel !

Sans un mot de plus, il se lève et grimpe à l’étage. Faisant peu de cas de l’humeur massacrante de son patron, Eteslë se lève à son tour, salue Martha d’un signe de tête et sort tandis que les premiers rayons de l’aube percent la sombre voute céleste. Ignorant la fraicheur du matin, elle marche d’un pas tranquille, observant la ville s’éveiller avec indifférence, trop habituée à cette vision. Elle atteint rapidement son lieu de vie. Un bâtiment somme toute classique, qu’elle contourne pour ouvrir une trappe menant à un escalier souterrain suivi d’un couloir débouchant sur une ancienne cave aménagée. Il y fait toujours frais, peu importe la saison, et seule la lumière des torches ou bougies placés çà et là lui offre un peu de lumière. Une pièce unique avec pour seuls meubles un lit, une table accompagnée d’une chaise et une vieille commode usée par le temps dont elle n’a guère l’usage. Elle s’y est faite et y passe le moins de temps possible, trouvant que cela ressemble bien trop à l’idée qu’elle se fait d’un cachot, les barreaux en moins. Rapidement elle ferme la porte de la cave et la verrouille, retire son pantalon qu’elle pose sur la chaise et s’étire avant de s’allonger sur sa paillasse, se couvrant de la couverture en laine qu’elle a pu s’offrir après son premier mois de travail. Elle souffle l’unique bougie qu’elle a allumée et patiente, le temps que le sommeil l’emporte, l’ennui de rester allongée ainsi aidant souvent ce dernier à se manifester.

Elle se réveille soudainement après un sommeil sans rêve, ou aucun souvenir d’eux. Quelque chose lui fait aussitôt froncer les sourcils. C’est trop calme. D’ordinaire, la journée, le bâtiment au-dessus d’elle résonne des bruits de la vie quotidienne de ses habitants, des piaillements d’enfants ou des bruits de pas. Mais là, rien, rien du tout, seul le silence et le brouhaha lointain de la rue qu’elle perçoit faiblement. Elle se lève, cherche à tâtons son pantalon qu’elle enfile avant de déverrouiller la porte de la cave qu’elle occupe. Après avoir traversé le couloir d’un pas rapide, elle arrive à la trappe d’accès et l’ouvre d’un coup sec, percutant visiblement une tête de l’autre côté. Surprise, elle l’est, tout autant que les deux shaakts, dont un prostré au sol en se tenant le nez, et le garzok présents qui la regardent d’un air médusé pendant un court instant avant qu’ils ne se mettent en mouvement. Sans réfléchir, elle bondit aussitôt, agrippant la tête du shaakt le plus proche de sa main et venant lui fracasser son genou sur le nez dans une gerbe de sang. Il rejoint son compagnon déjà au sol tandis que le Garzok se redresse en grondant. Le coup de pied fouetté de la jeune femme est aisément arrêté par la poigne du colosse qui soulève Eteslë comme si elle ne pesait rien. Usant de son pied libre, elle assène un violent coup de talon en visant la mâchoire de la peaux-verte qui parvient à mettre son bras entre les deux. Il grogne sous l’impact, serre le poing et l’assène sur le ventre de la jeune femme qu’il envoie valdinguer deux bons mètres en arrière. Le souffle coupé et crachant autant de bile que de sang, Eteslë se remet debout, à la grande surprise des trois individus, l’un des shaakts se moquant de son camarade Garzok qui plisse les yeux, visiblement méfiant.

- T’y vas doucement parce que c’est une donzelle ?

- Absolument pas…

- Je me charge d’elle !

Visiblement énervé par le coup de genou dont il a été victime, l’un des shaakt sort un fouet et une dague. Il fait claquer son arme, provoquant un simple haussement de sourcil chez la jeune femme qui termine de cracher le mélange sanguinolent qui restait dans sa gorge. D'un souple mouvement du poignet, le shaakt envoie son fouet frapper la jeune femme au visage, traçant une estafilade sanglante le long de sa tempe. La brûlure du cuir, ou l’humiliation de se faire fouetter énerve la jeune femme qui s’élance aussitôt vers le shaakt. Pas perturbé pour un sou, il arme de nouveau son fouet qui vient, après un mouvement étrange, frapper le dos de la jeune femme, sans pour autant l’arrêter. Un violent coup de pied vient percuter le poignet de la main portant la dague qui échoue au sol tandis qu'Estelë, telle une furie, se jette sur son adversaire. Un violent coup de poing en plein visage le fait tituber et son attaque avec son fouet permet seulement à la jeune femme de l’attraper et de l’attirer vers elle. Emporté par l’élan, le shaakt reçoit le coude de la combattante sous l’arcade, projetant sa tête en arrière et il chute au sol à nouveau, où le pied d’Eteslë s’écrase contre son visage. Ses deux compères, voyant que la situation dégénère, se portent au secours du shaakt. Le Garzok se rue en avant tandis que le deuxième elfe sort plusieurs dagues qu’il envoie vers Eteslë qui roule au sol pour les éviter, levant les bras en se redressant pour encaisse le violent coup de pied botté du garzok qui l’envoie rouler un peu plus loin, les bras endoloris. Elle se redresse avec peine, reçoit un coup dans l’estomac qui la plie en deux avant que la poigne du garzok ne se resserre sur son visage tandis qu’il la soulève du sol et la colle violemment contre le mur de la bâtisse, la sonnant sur le coup. Ses oreilles sifflent tandis qu’elle se prend un nouveau coup dans l’estomac avant de violemment heurter le sol. Le choc semble lui remettre les idées en place et, toussant pour retrouver de l’air, elle redresse la tête vers le garzok qui semble… sourire ?

- Coriace la muette, ça me plaît. Allez, lève-toi, montre-moi que tu es capable de plus que ça.

Souriant à son tour, elle s’exécute, défiant le colosse du regard qui semble apprécier la chose. Elle titube, parvient à se maintenir debout sans trop fléchir, respirant lentement. Le garzok lui laisse étrangement tout son temps, les bras croisés. Mais elle n’est pas dupe, il est totalement sur ses gardes et sa défense ne laisse aucune faille qu’elle pourrait exploiter. Cela fait un moment qu’elle se bat contre tous types d’adversaires, des ivrognes en passant par les truands et ceux se battant pour l’argent dans les caves de Darhàm, mais ceux qui se méfient et ne la sous-estiment pas sont souvent ceux qui sont les plus difficiles à vaincre. Les bras endoloris, le souffle court et saccadé, son ventre pulsant de douleur, elle se met pourtant en garde, bras levé, genoux fléchis, un mince sourire ensanglanté sur le visage. C’est dans ce genre de moment qu’elle se sent vraiment vivante.

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Eteslë
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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » lun. 4 nov. 2019 21:43

Sous une pluie glacée

Le combat qui devait avoir lieu ne se passe cependant pas comme l’avait imaginé Eteslë ou son adversaire. Alors que la première s’élance sauvagement contre le garzok, un mouvement sur sa droite attire son attention et un violent coup lui est asséné sur la tempe, la jetant au sol avec violence. Elle reste allongée, le visage contre la terre, poussant vainement sur ses bras pour se redresser tandis que sa tête bourdonne et que sa vision se trouble, se dédouble. Elle sent nettement qu’on la plaque un peu plus, et elle entend des voix, dont une inconnue, sans parvenir à voir son propriétaire.

- Vraiment ? Tu t’amusais ? Tu dois suivre les ordres !

- Ce n’est pas tous les jours qu’une humaine se relève de deux de mes coups. Elle pourrait être utile.

- Elle l’est déjà, et tu le sais. Alors maintenant, tu te bouges et tu m’embarques ça ! Quelle perte de temps... Et vous deux là, pas fichus de servir à quelque chose ? Surtout toi Vlaran, battu par une donzelle muette, félicitations ! Et… oh… Coriace, hein ?

Redressée sur ses quatre membres, un filet de sang coulant de sa tempe et de sa bouche, Eteslë tente difficilement de se relever. La coordination de ses membres laisse à désirer et elle a l’impression qu’on lui martèle le crâne de l’intérieur, mais s’avouer vaincue n’est pas dans ses habitudes. Hélas pour elle, une simple poussée du pied du garzok suffit à la faire retomber au sol, déclenchant quelques ricanements. Silencieusement, elle enrage, tente de se relever de nouveau, mais ses membres refusent de lui obéir. Elle crache un peu plus de sang tandis qu’on la traine par le bras jusque dans la rue. Elle sent bien qu’on la jette au sol et qu’une voix forte tonne, parle de Ferioti, la mentionne, mais elle ne comprend pas vraiment, perd le fil, ses oreilles bourdonnent toujours, sifflent par moment.

(Lève-toi… allez lève-toi…)

Mais rien à faire, elle est totalement incapable de bouger à présent. Une main agrippe ses cheveux, l’oblige à relever la tête, dévoilant son cou et elle sent le froid d’une lame se poser sur sa gorge. Sa vision est trop floue pour savoir qui la tient ainsi. Peut-être un shaakt, pas le garzok en tout cas, ses mains ne sont pas aussi fines.

- Je vais adorer te voir te débattre, sur le bateau.

Le shaakt, elle en est sûre à présent, semble se délecter de la situation. Elle sent la pression s’accentuer sur sa gorge avant qu’il ne la lâche brusquement, sa tête cognant contre le sol. Elle grogne, entend un corps tomber, des bruits de courses, des cris. La tête contre le sol, il lui est difficile de comprendre ce qu’il se passe et tourne la tête, semble voir quelque chose passer au-dessus d’elle, puis un autre, peu de temps après. Des flèches ? Elle ne comprend pas ce qu’il se passe, tente de ramper, de se retourner pour avoir une vague idée de ce qui est en train d’arriver tout près d’elle, sans succès. Des mains l’agrippent soudainement par les épaules, la trainent sans ménagement avant de la redresser et de doucement l’accoler contre un mur. Ainsi assise, elle voit enfin ce qu’il se passe. Deux hommes tirent chacun leur tour des traits d’arbalète sur ceux qui l’ont attaquée, les empêchant de se ruer sur eux. Au milieu de la rue, un shaakt, mort, la tempe percée d’un carreau et à côté d’elle, un Yvan souriant.

- Et bien et bien, on dirait que nous arrivons à point nommé.

Elle ne cherche même pas à donner une quelconque réponse, se contente de cracher un peu de sang sur le côté et de respirer profondément, regrettant aussitôt en sentant son thorax la faire souffrir. Tout son corps est douloureux et ses sens finissent peu à peu par revenir, empirant un peu plus les choses. Elle sent la froide pluie lui glacer la peau, l’odeur du sang et du sel marin. Depuis quand s’est-il mis à pleuvoir ? Un autre homme hurle quelque chose et Yvan la regarde.

- Tu peux te lever ?

Elle le regarde, essaie, mais ses bras et ses jambes sont lourds tout en étant mous à la fois, un vrai mollusque de pierre. Elle lutte, parvient à tendre un bras tremblant vers un Yvan souriant qui la relève sèchement, l’attrapant avant qu’elle ne s’effondre en une étrange embrassade que la jeune femme n’apprécie guère, contrairement à Yvan qui lui souffle quelques mots.

- Allons, Eteslë… pas si vite enfin, tu me connais à peine.

Elle grogne en réponse, pas amusée pour un sou. Reprenant son sérieux, il passe le bras de la jeune femme sur ses épaules et l’entraîne, suivi par les deux autres qui surveillent leurs arrières. Moitié marchant moitié traînant les pieds, la jeune femme se laisse entrainer jusqu’à une autre ruelle où un des deux acolytes aide Yvan, s’occupant de l’autre bras de la jeune femme, accélérant ainsi leur fuite dans les ruelles. Sur le fil entre la conscience et l’inconscience, la jeune femme ne sait pas où ils l’emmènent et est de toute façon incapable de les en empêcher. Si cela l’agace, elle n’a même plus la force de le leur montrer. Une porte s’ouvre après un angle de rue et le groupe s’y engouffre. Quelques mots sont échangés et la jeune femme est ensuite allongée sur quelque chose de plus doux que le sol sale des rues de Dahràm. Le visage d’Yvan entre de nouveau dans son champ de vision.

- Bon, tu vas rester là… pas que tu ais le choix de toute façon. Je vais prévenir ton patron et… m’assurer que tout se passe bien. Tu me dois une faveur, ne l’oublies pas.

Il passe lentement son doigt sur le ventre nu d’Eteslë, qui ne réagit pas, se contente de le regarder avec une expression neutre, presque détachée, comme si cela n’avait aucune espèce d’importance. Visiblement déçu de la non-réaction de la muette, il s’éloigne avant de sortir avec ses deux acolytes, laissant Eteslë qui ne tarde pas à sombrer dans une douce inconscience qui lui fait oublier un temps les douleurs de son corps.

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Eteslë
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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » sam. 9 nov. 2019 20:34

La promesse d’un sourire

Difficile de dire combien de temps elle reste ainsi, allongée. Elle entend parfois des voix, murmures rapidement emportés par les songes. Parfois son nom l’interpelle. Jamais elle n’ouvre les yeux, n’en ressent pas l’envie ou le besoin, croyant à un jeu de son esprit embrumé par la fatigue. Les fins rayons d’un soleil trop virulent contre ses paupières closes réussissent pourtant à la faire réagir. Elle grogne, se tourne. Le constat la frappe aussitôt, elle ne souffre plus. Ou du moins pas autant qu’elle le devrait après ce qu’elle a reçu. Elle a déjà encaissé des coups, beaucoup même, mais même elle trouvait qu’elle avait dégusté. Et pourtant, il lui semble que tout est effacé. Elle se redresse. Regrette et se rallonge. Elle est allée trop vite en conclusion et, visiblement, son corps n’est pas encore remis. Lentement, elle appuie son dos contre le mur. Elle étudie la pièce, sommaire. Le lit sur lequel elle est étendue, une longue table accolée au mur opposé auprès de laquelle se trouve une petite table de chevet où sont posés des ustensiles qui ne lui sont pas inconnus. En vérité, toute la pièce lui semble familière, sans qu’elle ne sache pourquoi. Serait-elle déjà venue ? Il y a aussi deux armoires contre le mur du fond, séparées par une bassine en bois d’où la vapeur d’une eau claire l’informe que quelqu’un était ici il y a encore peu de temps. Un linge blanc est posé sur le rebord et elle peut apercevoir un épais ouvrage relié juste à côté. La pièce est étonnamment propre, si on omet les tâches sombres qui parsèment le sol en bois.

Perdue dans son examen, elle n’entend pas les pas s’approcher et tourne vivement la tête lorsque la porte s’ouvre, laissant entrer deux hommes. Lorsqu’ils l’aperçoivent, l’un d’eux se fige et semble tétanisé par la peur, tandis que l’autre s’approche, un sourire aux lèvres. Grand et maigre, une tignasse dorée entourant un visage aux traits gracieux et au nez fin surmonté de pupilles d’un vert feuille, ce sont ses oreilles pointues dépassant légèrement de ses cheveux lâchés qui la renseigne sur son origine elfique. L’autre, un homme aux cheveux noirs coupés courts, à la barbe naissante et au nez de travers laisse toujours apparaître une inquiétude dans ses pupilles brunes. Et son teint mat pâlit lorsque la jeune femme fronce les sourcils en le dévisageant. Elle le connaît, et il ne devrait pas être là, debout, mais mort au fond d’une ruelle sombre, la nuque brisée par ses soins. Comment est-il possible qu’il soit là, vivant et bien portant ? Elle était pourtant certaine de l’avoir achevé. Elle n’en était pas à son premier coup d’essai et voir ce type debout, frais comme un triton, la fait se questionner sérieusement sur sa santé mentale. A-t-elle la berlue ou est-elle simplement en train de rêver ?

Visiblement, l’incompréhension qui semble se lire sur le visage d’Eteslë n’échappe pas à l’elfe qui, souriant, se tourne vers l’homme. Ils échangent quelques mots à voix basse, l’homme étant visiblement peu enclin à rester dans la pièce qu’il finit par quitter après un au revoir des plus sommaires à l’elfe et un regard angoissé en direction de la jeune femme. Celle-ci le regarde sortir, toujours partagée entre l’étonnement et l’incompréhension. L’elfe, quant à lui, s’approche et lui demande d’un ton doux, mais ferme, de se rallonger. N’ayant de toute façon aucune raison de refuser, elle obtempère et le laisse faire un examen. Il l’ausculte avec minutie, semble satisfait avant d’appuyer sur les côtes de la jeune femme qui se crispe aussitôt, une flèche de douleur lui transperçant la cage thoracique. Elle lance un regard furibond à l’elfe qui ne semble pas s’émouvoir outre mesure. Il finit par s’éloigner avant de revenir avec un tabouret sur lequel il s’assoit.

- Et bien Eteslë, je suis ravi de te revoir, même si j’aurais préféré que cela se fasse dans d’autres circonstances.

Devant le visage interrogateur de la jeune femme, il fronce les sourcils.

- Tu ne te souviens pas ? C’est moi qui t’ai soigné après ton repêchage dans les eaux du port, qui t’ai donné ce nom en rapport avec ton pendentif. Ça ne te dis rien ?

Lentement, les morceaux manquant de sa mémoire se remettent en place et elle finit par se souvenir, après quelques instants. Eltoriel, un Hinïon qui lui a sauvé la vie en soignant sa gorge et son corps meurtri. Qu’elle n’a jamais remercié d’ailleurs, préférant s’éclipser sans raison, sans qu’elle-même ne sache trop pourquoi. Elle hoche la tête, attirant le soupir de l’Hinïon.

- Si tu étais restée, j’aurai pu sauver ta voix…

Le ton de reproche fait lever les sourcils de la jeune femme qui hausse les épaules, comme si cela n’avait guère d’importance. Ça en a pourtant, au fond d’elle. Elle n’a jamais entendu le son de sa propre voix, n’en a aucun souvenir. Et les maigres grognements qu’elle arrive à émettre n’ont pour elle aucune valeur. Même ses pensées, avec cette petite voix intérieure, elle n’est pas certaine que ce soit sa voix à elle. Entendre qu’elle aurait pu changer tout cela en étant moins stupide la choque, sans qu’elle n’en montre rien. Elle n’avait jamais de regrets. En un an, jamais elle n’a éprouvé de remords ou de regrets pour quoi que ce soit. C’est un sentiment presque nouveau, qu’elle déteste. Se dire qu’elle a fait une erreur l’énerve, l’entendre de la bouche d’un autre empire les choses, et avouer qu’il a raison achève de la faire haïr ce type qui lui sort ce genre de chose. De nouveau, l’envie de partir la prend, mais, cette fois, elle se montre raisonnable. Quelque peu forcée tout de même, au vu de son état, mais ça, elle ne se l’avoue pas, préfère se dire qu’elle ne fera pas deux fois la même erreur et que cette fois, elle sera patiente.

À peine une heure après, elle se ravise et souhaite partir. Cet Hinïon l’exaspère, à parler sans cesse comme si elle avait envie de l’entendre, et, pire que tout, il utilise la magie. Certes, il l’utilise pour la soigner, mais la magie est quelque chose qu’elle ne parvient tout simplement pas à appréhender autrement qu’avec méfiance. Une méfiance teintée d’une incompréhension face à quelque chose qu’elle ne maitrise pas. Chaque illumination des mains du guérisseur s’accompagne d’une crispation de la jeune femme qui, si au début surprenaient l’elfe, commencent visiblement à l’amuser, comme s’il se moquait de l’ignorante qu’elle était à propos des arcanes. Peu à peu, le corps de la jeune femme cesse de la faire souffrir au moindre mouvement et s’est soulagée qu’elle se redresse sans grimacer tandis qu’il l’examine, les traits visiblement tirés par la fatigue.

- Tu devrais t’en tirer sans séquelles… je me demande quand même comment tu as fait pour te retrouver dans un tel état.

Elle hausse les épaules et il n’insiste pas. Il ne semble guère dérangé par sa patiente peu loquace et celle-ci se rallonge sans plus de cérémonie. Elle le voit ensuite s’asseoir sur une chaise et fermer les yeux, son visage se détendant aussitôt tandis qu’il semble ne plus réellement être présent. Elle croise rarement des elfes, aussi est-elle surprise et l’observe quelques instants. Voyant qu’il ne bouge pas, elle se désintéresse du guérisseur et se lève avec précaution. SI ses jambes la soutiennent, son maintien est quelque peu hasardeux et elle titube un peu avant de se stabiliser. Elle s’examine, remarque que les bleus et hématomes qui parsèment d’ordinaire son corps ont disparu, probablement dû à la lumineuse magie de l’Hiniön. Elle s’étire, constatant avec bonheur que tout lui répond et balaie du regard la pièce avant d’enfiler son pantalon qu’elle aperçoit sur une chaise. Alors qu’elle récupère son haut informe, la porte s’ouvre, laissant entrer Yvan. L’homme se fige en découvrant la jeune femme debout, à moitié nue, son haut à la main. Elle voit clairement les yeux descendre sur sa poitrine, qu’il reluque sans gêne avec un fin sourire sur les lèvres.

- Fais comme si je n’étais pas là…

Ce qu’elle fait d’un haussement d’épaules avant de remettre son haut en état sous le regard perçant de l’homme, visiblement étonné par sa nonchalance. Sentant son regard sur elle, elle relève son regard mauve et l’interroge silencieusement. Il se racle la gorge et ferme finalement la porte après avoir aperçu l’elfe en pleine méditation, ses pas le conduisant sur le lit où il s’assoit à côté de la jeune femme. Une fois son haut enfilé, elle se tourne vers lui, haussant un sourcil.

- Je venais voir si tu étais réveillée et dédommager notre ami elfe pour les soins. Je ne m’attendais pas à te retrouver rétablie et… nue.

Elle roule des yeux en soupirant face au sourire d’Yvan. Cela n’a aucune importance pour elle, mais visiblement l’homme se focalise dessus et elle l’ignore superbement, attendant plutôt que l’Hiniïon ne termine sa méditation. Cela fait, Yvan lui verse une coquette somme qui fait hausser les sourcils d’Eteslë. Visiblement, le paiement n’est pas uniquement dû aux soins et elle se demande si ces deux-là travaillent ensemble depuis plus longtemps. Voyant son regard intrigué, Eltoriel se sent obligé de le lui expliquer.

- Je soigne régulièrement Yvan et ceux qui travaillent avec ou pour lui et en échange, je reste dans l'anonymat, sinon je serai sans cesse ennuyé. Je laisse le charlatanisme au Rebouteux. Quant à tes frais… je les ferai parvenir à ton patron, ne t’en fais pas. Et j’ai aussi ça pour toi.

Il farfouille quelques instants dans un de ses placards et en sort une petite boite en bois contenant une épaisse mixture jaunâtre à l’odeur entêtante qu’il lui tend. Méfiante, elle hésite sous le regard amusé de l’Hinïon.

- C’est un onguent que j’ai fabriqué, il devait apaiser ta gorge. Tu peux aussi le diluer avec de l’eau et le boire, mais je ne garantis pas le goût, seulement les effets. Je l’ai préparé quand tu étais inconsciente.

Véritablement étonnée par son geste, elle reste bouche bée quelques instants, ne comprenant pas qu’il ait fait ça alors qu’elle avait fui un an auparavant. Comprenant visiblement son étonnement, il explique.

- Je n’avais rien de mieux à faire pendant ta convalescence. Et puis cela te donnera peut-être envie de revenir, s’il est efficace.

Le sourire reconnaissant sur le visage de la jeune femme surprend les deux hommes et, même après qu’ils soient sortis, Yvan regarde Eteslë comme si elle était différente. Exaspérée, elle se tourne vers lui, les yeux plissés.

- Tu… devrais sourire plus souvent, de cette façon, tu ne crois pas ?

Un silence de plusieurs secondes s’installe avant qu’Eteslë ne se détourne, prenant la direction de la résidence de son patron, sans rien ajouter. Elle sent de nouveau le regard d’Yvan sur elle et, exaspérée, accélère le rythme. Elle n’a aucune envie de sourire en temps normal. Elle sent la main d’Yvan attraper son bras et elle tourne la tête de nouveau, l’air quelque peu énervé. Mais le visage serein d’Yvan, avec ses yeux d’un vert étrange qui la fixent, la fige. Il approche son visage si près du sien qu’elle peut sentir son souffle sur sa peau et elle serre les poings, prêtent à lui faire regretter un geste de travers, mais il la surprend de nouveau.

- Tu mérites mieux… Je peux t’offrir beaucoup et bien plus que ce que tu ne désires. Quand tout sera terminé, vient me trouver, je t’attendrais.

Il s’écarte et s’éloigne, reprenant la direction de la résidence de Ferioti en laissant une Eteslë perplexe au milieu de la rue. Elle finit par le suivre, ses paroles résonnant dans sa tête tandis qu’elle marche au milieu de Darhàm. Lorsque la résidence est en vue, il se retourne, l’attend, un fin sourire aux lèvres. Elle le surprend à son tour, répondant d’une voix rauque et basse avant d’entrer dans la maison.

- Un jour.

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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » dim. 10 nov. 2019 13:44

Le silence pour seule réponse

La résidence de Ferioti est à l’image de son propriétaire. Simple vue d’extérieur, cachant en réalité bien son jeu. Eteslë entre dans le couloir de l’entrée, n’accordant qu’un bref regard à la décoration pourtant étonnamment somptueuse du lieu. Fils d’un ancien riche marchand, Ferioti a hérité de la fortune familiale et l’a utilisé pour se forger son petit réseau de truands et malfrats en tout genre, le commerce ne lui seyant guère. Ou du moins, c’est l’histoire qu’il se plaît à raconter, mais la jeune femme n’est pas dupe, Ferioti est une crapule, pas un fils de marchand. Après le couloir, elle entre dans un salon où de larges banquettes et fauteuils accueillent généralement les invités. Une domestique est là et se précipite vers l’escalier menant à l’étage, demandant à Eteslë et Yvan d’attendre ici. La cogneuse s’affale sur un fauteuil tandis que l’homme se pose nonchalamment sur une des banquettes. Ils n’échangent rien, pas même un regard, la jeune femme refusant obstinément de lui laisser croire qu’elle lui porte le moindre intérêt. Ses remarques et gestes lui ont semblé trop intéressés pour qu’elle ne soit pas méfiante envers lui. Sa froideur et son mutisme ont tendance à faire fuir les hommes et elle a appris à faire avec, mais les regards d’Yvan depuis les événements chez le guérisseur sont différents, et elle n’est pas certaine de savoir comment y réagir. Les bruits de pas dans l’escalier la sortent de ses pensées et elle tourne la tête vers Ferioti qui ralentit en la voyant avant de finalement sourire et de s’installer dans le fauteuil face à elle. Il salue Yvan d’un signe de tête et reporte son attention sur la jeune femme.

- Content de te voir sur pied aussi vite. Pour ton information, les salopards qui t’ont embusqué travaillent pour Akram le Bleu. Cela fait un moment qu’il nous met des bâtons dans les roues, à plusieurs groupes de la ville. Ce salopard de Sang-Pourpre se croit tout permis, mais nous allons lui montrer qu’on ne plaisante pas avec nous. Te connaissant, tu veux probablement un match retour.

Le sourire carnassier qui apparaît sur le visage d’Eteslë en tire un similaire sur le visage de Ferioti. Nul besoin de préciser qu’elle sera de la partie, les deux savent qu’elle sera la première à casser quelques côtes si le besoin s’en fait sentir. Yvan intervient alors, expliquant ce qu’ils ont concocté depuis le début de leurs entrevues secrètes, depuis quelques semaines.

- Le Sang-Pourpre est un ancien lieutenant de l’équipage du Dragon de l’eau. Il aurait été intouchable si les trois familles pirates n’avaient pas accepté que nous fassions un peu le ménage. Cet idiot s’est attiré les foudres du Rugissant, et nous en avons profité. D’ici quelques jours, nous allons faire comprendre aux pirates qu’ils ne sont pas les maîtres de la ville. On évite les morts, à l’exception d’Akram et de ses deux seconds restants Ichka et Grigor, puisque tu nous as débarrassé involontairement de Bogdof.

Eteslë acquiesce, note les détails dans sa tête sans montrer la moindre émotion ou hésitation. S’attaquer à des pirates est risqué, mais si les dirigeants locaux ont donné leur accord, cela sera une partie de plaisir. Sur mer, les pirates sont redoutables. Sur terre, ce sont des soiffards plus occupés par la boisson et les descentes de reins que par leur sécurité. Elle sait déjà que « on évite les morts » se transformera de toute façon en « pas de quartier » et que ce sera un bain de sang. Les règlements de compte de ce genre ne sont jamais très discrets ou dans la retenue. Il faut frapper fort et avec violence pour se faire comprendre.

- Il y a également un autre objectif. Akram est un pirate et un plutôt bon, de ce qu’on m’en a rapporté. Il doit avoir son butin quelque part sur son navire, puisqu’il n’a plus accès au fort Grise-Ecume. Nous allons demander un petit dédommagement pour les dégâts causés, évidemment. Il y aura trois équipes. Un qui s’occupera de l’équipage, une d’Akram et de ses seconds et l’autre du butin. Tu seras dans la première, mais tu devras rejoindre la seconde dès que la situation sera sous contrôle dans la taverne où ils se réunissent. Des questions ?

Elle hausse les épaules et Ferioti frappe dans ses mains avant de se les frotter, un large sourire sur le visage. Alors que quelques jours plus tôt il semblait désespéré par la situation, il est soudainement bien plus optimiste et prêt à en découdre. Eteslë se demande tout de même ce qui a pu provoquer un tel changement, mais elle est vite sortie de ses réflexions par les deux hommes qui discutent rapidement de quelques détails avant de se serrer la main. Yvan se tourne vers elle, un large sourire aux lèvres.

- Puisque ton lieu de repos est compromis… tu vas venir avec moi, nous allons t’héberger le temps que les choses soient réglées.

La jeune femme fronce les sourcils et secoue la tête. Elle n’apprécie guère à quel point Yvan semble vouloir la garder non loin, soudainement, mais Ferioti semble trouver l'idée appropriée et lui demande de suivre Yvan. Cela tire une grimace à la jeune femme qui obtempère malgré tout et se lève à son tour avant de suivre Yvan qui sort, sans un regard pour Ferioti qu’elle maudit sur dix générations. Elle ‘l’apprécie quand il lui demande de bosser pour lui, beaucoup moins quand il essaie visiblement de contrôler certains aspects de sa vie. Si elle n’est pas capable de lui tenir tête pour le moment, puisqu'elle dépend trop de lui, viendra un jour où elle lui fera comprendre sa façon de penser. A coup de poings pour que le message rentre. Les deux acolytes marchent silencieusement, empruntant de petites ruelles peu fréquentées, par habitude. Soudainement, Yvan s’arrête et fait signe à Eteslë d’approcher, visiblement aux aguets. Fronçant les sourcils, elle s’avance à sa hauteur et se retrouve plaquée contre le mur, une main sur sa hanche et l’autre retenant le poing qu’elle a aussitôt serré. Le visage d’Yvan est collé au sien, sa main caresse doucement la peau nue de son ventre avec son pouce. Son cœur à elle tambourine dans sa poitrine et son esprit cherche à comprendre ce qu’il se passe. Lentement, elle sent son souffle dans son cou avant qu’il n’embrasse sa gorge avec douceur, la figeant, autant de surprise que d’incompréhension. Il la serre contre lui, effleure ses lèvres sans y goûter, plongeant ses yeux verts dans le regard mauve de la jeune femme.

- Dis-moi non, et j’arrête, Eteslë…

Elle fronce les sourcils, mais laisse échapper un son semblant étrange à ses oreilles lorsqu’il pose de nouveau ses lèvres sur sa gorge, embrassant la cicatrice qui l’empêche de s’exprimer. Est-ce vraiment cela le problème, ou essaie-t-elle de s’en convaincre ? Elle sent sa main remonter légèrement, caresser son flanc tandis qu’il lâche son bras pour la coller un peu plus contre lui de sa main nouvellement libre. À son tour, elle bouge son bras. Le poing serré vient le percuter juste sous les côtes et il s’écarte en grognant face à une Eteslë essoufflée comme si elle venait de courir un marathon. Les deux s’entre-regardent quelques instants avant qu’elle ne se détourne et ne marche pour quitter la ruelle, Yvan se reprenant bien vite pour la rejoindre, la dépassant pour lui montrer le chemin, murmurant quelques mots en passant.

- Tu ne m’as toujours pas dit non, Eteslë.

La seule réponse est un silence qui étire un sourire sur ses lèvres, mais la jeune femme fait mine de ne rien avoir remarqué, continuant son chemin comme si rien ne s’était passé, seul le léger rosissement de ses joues pouvant témoigner des derniers instants.

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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » lun. 11 nov. 2019 11:42

Ocre et brun

Yvan conduit Eteslë jusqu’à un quartier plus tranquille de Darhàm, aux maisons visuellement plus neuves, ou en tout cas mieux entretenues. Sans être propres, les rues sont plus claires et légèrement plus spacieuses, laissant une foule plus importante vaquer à ses occupations quotidiennes. Nombres de regards se posent sur la jeune femme, mais un froncement de sourcil de cette dernière suffit à détourner rapidement l’attention des curieux vers la pointe de leurs chaussures. Ecartant les badauds, Yvan et elle se frayent un chemin jusqu’à une habitation d’où il est possible d’apercevoir de coûteux rideaux cacher les fenêtres. Deux hommes à l’entrée les observent et l’un d’eux ouvre la porte, non sans jeter un regard suspicieux à la jeune combattante. La chaleur qui règne dans l’habitation est presque étouffante et happe Eteslë, la prenant par surprise. Rapidement, la mélodie d’une voix cristalline parvient à ses oreilles et, intriguée, elle s’avance dans l’entrée. Une porte sur la gauche est fermée, mais un couloir sur la droite amène à une demi-douzaine d’autres portes. La voix provient de l’un d’elle et Yvan explique, face à l’air curieux de la jeune femme.

- C’est Ori, elle est... Tu la verras tout à l’heure. Suis-moi.

Traversant une large pièce aux teintes brunes ne contenant qu’une table et quelques chaises, il grimpa un escalier sans qu’aucune marche ne grince. Là encore, un couloir amenait à une succession de porte et il ouvrit l’un d’elle avant d’inviter la jeune femme à entrer. La chambre, plus spacieuse que ce à quoi elle s’attendait, contient un lit accolé au mur du fond. A sa droite, une fenêtre donne sur la rue, l’intimité de l’endroit était protégé par d’épais rideaux de la même teinte automnale que le reste de la pièce. Des tons bruns et ocre qui donne à l’atmosphère une sensation de chaleur, déjà conséquente. Sur le mur de gauche, accolés à une armoire, un bureau et une chaise d’un bois sombre et lustré. Elle s’avance à l’intérieur, étonnée par le luxe de la pièce, peu habituée à cela, à part les rares fois où elle allait chez Feriori pour recevoir un boulot. Elle était bien plus habituée aux maisons pourries, à sa cave humide et aux chambres à l’hygiène douteuse des bordels où elle faisait office de sécurité. Prudemment, elle effleure du doigt les draps au doux tissu. Elle se tourne vers Yvan qui n’a pas bougé, l’observant tandis qu’elle examine la pièce.

- Cela te convient ?

Elle ouvre la bouche, la referme, secoue la tête. Elle ne sait pas si elle aime cet endroit ou si elle le déteste. La faute aux paroles d’Yvan, et à l’impression que, si elle accepte, elle aura le plus grand mal à retourner dans la relative misère dans laquelle elle vit le reste du temps. Pourtant, l’envie de s’allonger dans les draps est là, tenace et elle les caresse de nouveau de la main. Une autre caresse la fait sursauter lorsque les mains d’Yvan se posent sur ses hanches. Elle se retourne, la bouche sèche et le corps tendu face aux caresses doucereuses de l’homme face à elle. Le sourire qu’il arbore, tranquille et rassurant, n’aide en rien la jeune femme à réagir comme elle le voudrait. Il se penche vers elle, effleure de ses lèvres la courbe de la mâchoire de la jeune femme, tracé brulant qui accélère le rythme cardiaque d’Eteslë. Le souffle tendu, les lèvres à quelques centimètres des siennes, elle n’ose bouger, ne parvient pas à le repousser, sans savoir pourquoi.

- Un seul mot... Eteslë…

Ses lèvres s’entrouvrent, mais aucun son ne s’en échappe. Assentiment silencieux ou refus empreint de mutisme ? Yvan semble trouver la réponse lui-même et dépose un baiser sur sa gorge avant de se détourner, non sans caresser les hanches de la jeune femme. Il quitte la pièce, la laissant pantelante au milieu de celle-ci. Elle retrouve rapidement ses esprits et sort à son tour avec dans l’idée de quitter la maison. Elle manque de percuter une femme sur le chemin, l’évite de justesse. Celle-ci, se tenant au mur, tourne la tête et Eteslë se fige. Les yeux ternes, presque blanc, la jeune fille, et non une femme, la regarde sans la voir. Les cheveux clairs, le teint pâle et les lèvres roses, elle dénote complètement dans le paysage de Darhàm, semble bien trop fragile et frêle pour vivre ici. Elle tend la main devant elle, cherche à l’atteindre, touche son bras qu’elle serre légèrement avant de toucher son visage de sa main gauche, épousant les contour du visage d'Eteslë qui se laisse faire, comprenant bien vite que la jeune fille, aveugle, a besoin de ça pour se former l'image de la personne face à elle. La surprise se lit soudainement sur ses traits, tandis que ses yeux s'embuent.

- Armalia ? C’est toi ? Tu es enfin rentrée ?

- Ori ! Ah, tu es là.

- Yvan ! C’est Armalia n'est-ce pas ? C’est elle ?

Le visage d’Yvan semble se décomposer lorsqu’il aperçoit Eteslë et la jeune Ori lui tenant le bras. Rapidement, il rejoint les deux jeunes femmes et prend la main de la plus jeune.

- Non ce n’est pas elle… Je te présente Eteslë, elle ne parle pas, mais elle va vivre un peu avec nous, alors accueille la comme il se doit, d’accord ?

- Mais… D’accord… J’espère que tu te plairas ici, Eteslë.

Tandis que la jeune fille descend prudemment l’escalier, son bras lui servant d’appui et de repère, Eteslë perçoit le regard d’Yvan. Un regard tendre et protecteur, entièrement tourné vers la jeune fille aveugle. Sentant probablement les yeux d’Eteslë sur lui, il se tourne vers elle, l’observe quelques secondes avant que ce soit elle qui ne parle finalement.

- Qui ?

- Ori ? Elle est comme ma sœur, mais trop fragile pour vivre en dehors de ces murs, alors je la protège en la gardant ici.

Alors qu’il se détourne, elle lui attrape le bras, fronçant les sourcils pour lui faire comprendre qu’elle n’est pas dupe et qu’elle n’a pas terminé. Malgré la gêne et la douleur de prononcer ce nom, elle veut en savoir plus

- Armalia ?

La douceur et la douleur qu’elle lit dans les prunelles d’Yvan la surprennent et elle le lâche comme si le simple contact de ses doigts sur sa peau l’avait brûlé.

- Une femme… la seule qui comptait autant qu’Ori. Mais elle est partie, à jamais.

Sans ajouter un mot de plus, il se détourne, descend l’escalier en lançant, à l’intention de la jeune femme restée immobile.

- Repose-toi, nous passerons à l’action dans trois jours. Je viendrais te voir demain.

Restée seule, la jeune femme soupire et rentre dans la chambre, fermant la porte derrière elle. La chambre qui lui semblait accueillante semble soudainement l’étouffer et elle ouvre la fenêtre afin de profiter de l’air frais, vivifiant. Elle aperçoit Yvan sortir et se diriger vers une rue adjacente avant de disparaître. Elle serait probablement restée un moment à la fenêtre, si des silhouettes n’avaient pas choisi ce moment précis pour apparaître et se diriger prestement vers l’endroit où elle était. Elle croit percevoir le reflet d’une lame et, sans réfléchir davantage, sort de la chambre et se hâte vers l’escalier. Ces types ne semblent pas là pour prendre le thé, elle va les accueillir comme il se doit.

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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » lun. 11 nov. 2019 16:33

Une raison personnelle

Elle descend les escaliers à toute vitesse, se hâte vers l’entrée, apercevant du coin de l’œil Ori, assise dans un fauteuil face à une cheminée dont la lumière donne de curieux reflets dorés à sa chevelure. Doit-elle la prévenir ? Mais comment se faire comprendre d’une aveugle alors qu’elle ne parle pas ? Elle préfère la tenir dans l’ignorance, espère que els deux types à l’entrée seront capables d’arrêter la menace. Mais lorsque la porte s’ouvre violemment sous l’impulsion du corps d’un des deux gardes, le poitrail transpercé, elle grimace. La voix d’Ori lui parvient, la jeune fille demande ce qu’il se passe. Eteslë jure intérieurement, la rejoint pose une main sur son épaule.

- Cache...toi.

Le peu de couleur sur le visage pâle de la jeune fille disparaît et elle acquiesce, se dirige lentement, à tâtons, vers le couloir où se trouve sa chambre tandis qu’Eteslë se rue vers l’entrée. Un homme, portant une épée courte à la pointe brisée, apparaît soudainement et donne un grand coup de taille vers la tête de la jeune femme qui se jette au sol. La lame s’enfonce dans le bois du mur et la jeune femme en profite pour se relever et se ruer sur l’homme qui tente en vain de retirer son arme. Un coup de pied l’atteint à l’entrejambe et il lâche le pommeau de son épée avant de donner un coup de poing qu’Eteslë évite facilement en s’effaçant sur le côté. Elle empoigne alors le poignet de l’homme, saisit son col de chemise avec son autre main et je projette par-dessus elle, profitant de son élan. Elle le fait lourdement chuter au sol et, le tenant toujours pas le bras, tord violemment ce dernier qui émet un craquement, suivit du hurlement de douleur de l’homme qui se recroqueville sur le sol, son bras cassé replié contre son torse. Le cri alerte visiblement ses camarades, car Eteslë entend un bruit de course. Rapidement, elle saisit un tabouret et se cache derrière le mur, le fracassant violemment contre le premier homme qui rentre, le projetant au sol dans une gerbe de sang accompagnée d’un cri de douleur. Lâchant son arme improvisée, elle se jette au sol pour éviter la dague lancée par le troisième homme et roule sur le côté avant de se relever. L’homme s’étant pris le tabouret se relève, le nez en sang et les deux hommes, portant chacun une épée courte, s’avancent prudemment, s’écartant lentement l’un de l’autre en ignorant le corps prostré de leur camarade.

Elle jauge rapidement la situation. Elle est clairement handicapée par leurs armes et leur nombre, mais la disposition de la pièce devrait l’aider. N’attendant pas de se faire encercler, elle se rue sur celui au nez déjà cassé. Il donne un grand coup d’épée qui lui frôle le visage, égratignant l’arrête de son nez puis elle bondit sur l’homme, lui assène un coup de talon dans la cuisse, l’obligeant à se baisser sous l‘impact. Trop peu pour un coup de genou en plein visage comme elle aime le faire, mais assez pour lui frapper la tempe de son poing. Pas suffisant pour l’assommer, mais assez pour lui faire gagner quelques secondes. L’autre a mis une seconde de trop à réagir et la jeune femme s’écarte rapidement pour lui faire face. Il enchaine les attaques rapides, l’obligeant à reculer en catastrophe pour ne pas finir embrochée, la lame zébrant néanmoins un de ses bras de plusieurs entailles bénignes, mais douloureuses. Sautant par-dessus une banquette, elle évite un coup de taille et cueille son adversaire qui tente stupidement de la suivre de la même façon. Son pied s’écrase dans l’abdomen de l’homme, vidant l’air de ses poumons. Il balaie l’espace devant lui de son épée mais la jeune femme se baisse avant de lui envoyer un violent uppercut dans la mâchoire en se relevant. L’impact, brutal, envoie l’homme au sol et fait grimacer la jeune femme, ses doigts, pourtant protégés, souffrent visiblement et les déplier devient soudainement douloureux. Deux hommes au sol, dont un assommé à l’instant, cela ne suffit pas car le troisième se relève en titubant. Sans compter que celui au bras cassé est également en train de faire de même, bien que plus lentement. Avec d’un côté un bras ensanglanté et de l’autre des doigts fragilisés, Eteslë perçoit sans mal qu’elle doit agir vite si elle ne veut pas se faire déborder. Rapide, elle bondit sur celui au bras cassé, mais l’autre, plus vif qu’elle ne l’a escompté, lui barre la route et l’oblige à reculer, traçant une ligne carmine sur son ventre. Ayant un avantage de portée, son adversaire se rue à l’attaque, l’obligeant de nouveau à reculer avant qu’un coup, donner avec trop de vigueur, ne lui laisse le temps de réagir. Elle dévie le bras armé d’un coup de coude et frappe violemment les côtes avec son genou. Son adversaire se plie en deux sous la douleur et elle en profite. Elle agrippe ses cheveux et, avec tout la force qu’elle peut donner, fracasse le crâne de son adversaire contre l’épaisse table en bois. Il y a un craquement sec, écœurant, puis l’homme cesse de bouger, s’étalant sur le sol tandis qu’elle le lâche. Elle se tourne vers le troisième qui la regarde avec stupéfaction et crainte. Elle entend celui qu’elle avait assommé remuer et elle s’avance rapidement, s’empare du bras cassé de l’homme au sol qui gémit de douleur. Elle s’accroupit, le tord un peu plus, fixe le visage du moribond couvert de sueur.

- Qui ?

- C’est… C’est Akram… il nous a payé pour… trouver... gamine aveugle et lui ramener… Pitié, on n'est pas des pirates, on… on voulait juste se faire un peu de fric…

En enlevant une môme… il ne le dit pas, mais la suite résonne dans l’esprit d’Eteslë qui se relève, hésite, puis l'abandonne en vie, pressée par le temps, se dirigeant rapidement vers le couloir abritant la chambre d’Ori. Elle n’a pas beaucoup de temps, mais comment faire comprendre à une aveugle qu’elle doit se montrer alors qu’elle ne peut pas vraiment crier ? Elle se racle la gorge, tente, d’une voix rauque.

- Ori ?

Elle tousse, regrette aussitôt. Pourtant, la jeune fille apparaît, sortant de derrière un bureau collé à un mur, comme si une cache avait déjà été prévue pour ce genre de cas. Elle avance prudemment et se fige lorsqu’Eteslë s’approche d’elle. Elle tend la main et la jeune femme la saisit. Un sourire et un soupir de soulagement s’affichent sur le visage de la jeune aveugle et elle hoche la tête, comme pour donner l’assentiment silencieux de la conduire autre part, en un lieu qu’elle juge sûr. La jeune femme hésite, se demande ce qui la pousse ainsi à vouloir s’occuper de cette jeune fille qu’elle ne connait pas. Mais elle ne peut la laisser là, pour une raison qu’elle ne comprend pas. La chaude main légèrement crispée dans la sienne lui sert d’électrochoc et elle se met en mouvement, guide la jeune infirme jusqu’à la sortie. Quelque part, elle est heureuse de la cécité de la jeune fille, qui n’a pas à voir les trois corps ensanglantés qui jonchent l’entrée, ceux des deux gardes et d’un troisième, probablement un acolyte des trois autres.

(Pourquoi je m’inquiète pour elle ? Je ne la connais même pas…)

Elle se tourne vers le visage étonnamment serein de la jeune aveugle qui, comme si elle sentait le trouble d’Eteslë, lui sourit. Déglutissant avec difficulté, elle pose sa main sur la tête de la jeune, pour la rassurer, élargissant son sourire et assurant la décision d’Eteslë. Elle la conduira en lieu sûr, elle s’en fait la promesse. Elle se fiche des raisons que peut avoir Akram pour s’en prendre à elle, mais, maintenant, pour la combattante, c’est personnel.

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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » jeu. 14 nov. 2019 23:31

Quelques doux instants

Silencieusement, mais avec une hâte qu’elle ne cherche pas à dissimuler aux passants ou à la jeune fille qu’elle tient fermement par le bras, Eteslë se rend rapidement au seul lieu qu’elle pense être sûr pour elle et sa nouvelle protégée. Le chemin n’est pas sûr, hélas, et le sang qu’elle perd peu à peu est autant une piste fraîche qu’un handicap si un combat devait se profiler, mais elle ne ralentit pas, force la plus jeune à tenir le rythme avant d’enfin apercevoir la maison. Le garde à l’entrée ouvre rapidement la porte par laquelle elle s’engouffre aussitôt, tirant la jeune aveugle avec elle. Le parfum capiteux lui prend de nouveau le nez et elle grimace, ne se fait toujours pas à l’odeur malgré l’habitude. Tremblante, la jeune fille à ses côtés s’accroche plus fermement à son bras valide et elle la rassure en lui serrant brièvement la main avant de la conduite doucement vers l’escalier. Arrivée devant la porte, cette fois, elle toque trois fois, entend la voix de Ferioti et entre. La surprise sur le visage de son patron lui tirerait presque un sourire, encore plus lorsqu’Ori la suit à l’intérieur et qu’elle referme la porte derrière elles.

- Euh… Eteslë ? Depuis quand tu frappes ? Et c’est qui cette gosse ? Dans quoi tu t’es encore fourrée par les baloches de Phaïstos ?

La jeune femme hausse un sourcil sans répondre et Ferioti soupire, désignant les fauteuils devant son bureau. Après avoir aidé la jeune Ori à s’installer, elle s’affale sur le sien et tapote la main d’Ori pour que celle-ci explique rapidement. Ferioti fronce les sourcils à plusieurs reprises tandis qu’elle explique sa relation avec Yvan et le fait qu’Eteslë l’ait amené ici pour la protéger.

- T’as vraiment pas pensé à mieux qu’une maison de passe pour planquer une gamine ?... Enfin j’imagine que personne ne viendra la chercher ici. Je vais faire renforcer la sécurité, toi, va demander à Martha de panser ton bras et de trouver un endroit pour elle… Je vais faire prévenir Yvan aussi. Tu peux y aller.

Elle hoche la tête et, tenant doucement le bras d’Ori, sort du bureau et part en quête de Martha. Elle la trouve rapidement, en train d’injurier un homme avant de demander à ce qu’on le mette à la porte avant de renvoyer les filles au travail. Patiente, Eteslë attend qu’elle cesse de ronchonner avant d’approcher, attirant l’attention de la matrone.

- Eteslë… encore blessée à ce que je vois. Qui est-ce ? Une recrue ? Non ? On ne fait pas dans la charité de Gaïa ici.

Eteslë secoue la tête, désigne Ori et mime le fait de dormir, faisant froncer les sourcils de la matrone.

- Une chambre ? Bon… il en reste une au rez-de-chaussée, viens pas là, je vais te rafistoler. Bon sang ce que tu peux être imprudente…

Amenant Eteslë et Ori dans une pièce attenante au bureau de Ferioti, elle s’occupe de bander le bras blessé de la jeune femme après l’avoir succinctement nettoyé et écoute Ori raconter à nouveau l’histoire de la dernière heure passée. Comme Ferioti, elle fronce les sourcils et jette un regard vers Eteslë qui ne réagit pas davantage qu’auparavant. En revanche, les deux femmes se tournent vers la plus jeune, une même surprise se lisant sur leurs deux visages, lorsqu’elle demande quelque chose.

- Est-ce qu’Eteslë peut rester avec moi ?

La matrone hausse un sourcil et un sourire quelque peu narquois apparaît sur ses lèvres lorsqu’Eteslë lui fait clairement comprendre par des mouvements de tête qu’elle n’en a pas vraiment envie.

- Bien sûr, elle en est ravie. Je vais vous amener à la chambre.

Tandis qu’Ori se lève prudemment, Eteslë saisit le bras de la matrone et lui jette un regard furieux qui ne semble guère intimider celle-ci. Parlant bas pour que la jeune aveugle n’entende pas, elle lui explique.

- Ecoute, tu es blessée, tu as besoin de repos et cette petite ne peut pas se débrouiller seule. Je ne te demande pas de jouer la mère poule, simplement de la surveiller et d’en profiter pour éviter que ton bras ne s’infecte. Compris ?

Non sans soupirer, elle obtempère, suit la matrone tout en guidant du bras la jeune fille jusqu’à une chambre au fond d’un couloir. Munie d’un simple lit et d’une chaise, il y règne une température moins élevée que dans le reste de la maisonnée, la faute à une fenêtre restée ouverte que Martha s’empresse de fermer. Ori étudie la pièce avec ses mains, avançant doucement pour tâter les murs et le lit avant de remercier Martha qui les laisse ainsi, refermant la porte sur le visage dépité d’Eteslë. Laissée avec la jeune fille qui s’est assise sur le lit avec prudence, elle s’avance, occupe l’unique chaise. Un léger silence s’installe jusqu’à ce qu’Ori tourne la tête, comme si elle cherchait quelqu’un.

- Arm…Eteslë ? Tu es là ?

La jeune fille semble paniquée, se lève, sursaute quand Eteslê fait racler sa chaise pour se signaler et elle tend fébrilement un bras. Surprise, mais les paroles de la matrone en tête, la cogneuse se lève lui, prend doucement la main et l’aide à se rasseoir en s’installant à ses côtés. La petite main de la jeune fille qui oscille dans cet âge entre l’enfant et l’adulte lui semble si frêle et douce dans la sienne. Sa voix, douce et harmonieuse, lui tire un sourire qu’elle ne peut retenir.

- Dis, pourquoi tu parles pas ?

La question est innocente, elle le sent dans l’intonation. Doucement, elle dirige la main sur la cicatrice qui orne sa gorge, la laisse l’examiner sans pudeur, s’amuse presque de la réaction curieuse de la plus jeune, s’étonne de ne pas lire le dégoût sur son visage, seulement une certaine tristesse. Elle retire sa main, la place dans celle d’Eteslë et la surprend une fois de plus.

- Dis… j’aimerais qu’on parle mais tu peux pas donc… Je peux poser des questions ? Tu presses ma main une fois pour oui, deux fois pour non et trois fois quand tu ne sais pas, tu es d’accord ?

La jeune femme hésite, jette un œil à leurs mains et hausse les épaules avant de serrer doucement, une fois. A-t-elle connu moment plus doux que ceux qui surviennent alors ? La jeune essaie d’en savoir plus sur sa soudaine gardienne muette, raconte un peu sa vie de sa naissance , déjà infirme, jusqu’à ce qu’elle soit recueillie par Yvan, six ans plus tôt, après la mort de ceux qui l’avaient élevée. Une vie entre quatre murs, mais une vie calme, au contraire de celle d’Eteslë, fait de combats, de sang et d’une certaine solitude qui la lasse autant qu’elle la rassure. Son amnésie, elle l’évoque d’elle-même, sans trop savoir pourquoi, confirme qu’elle ne sait pas qui elle est, qui elle était.

- Tu n’as jamais cherché à savoir ?

Si… Non… L’idée lui traversait l’esprit, de temps à autre, de chercher à savoir ce qui l’avait conduite à se faire égorger et jeter dans les eaux du port. Elle n’est pas sûre de vouloir le savoir, mais aimerait peut-être se connaître elle-même. Et une fois de plus, ce prénom est évoqué. Armalia.

- C’est… c’était une femme très gentille. Elle avait une voix très douce et Yvan était très attachée à elle, mais elle n’était pas d’ici, elle disait venir d’un village caché, loin, mais qu’elle s’y ennuyait. Yvan et elle étaient très proches et elle m’a appris à chanter. Et puis elle a disparu un jour, Yvan est rentré et il a dit qu’elle ne reviendrait jamais. Je ne l’avais jamais entendu si triste. Il l’aimait, j’en suis sûre… il disait qu’elle avait les plus beaux yeux qu’il ait jamais vu.

- Les plus beaux yeux… de vraies améthystes.

Elle perd le fil un instant, une violente douleur lui vrillant le crâne avant de disparaître. Cette voix… elle n’en est pas certaine, mais elle la connait, sans mettre un nom dessus. Elle l’oublie vite, cependant, bavardant à sa manière avec la jeune aveugle, la joignant même lorsque le sommeil la happe. A-t-elle déjà connu sommeil plus doux ? Elle en doute, ne s’en souvient pas de toute façon.

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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » dim. 17 nov. 2019 00:22

Refus catégorique

Elle la sent au réveil, cette petite main qui s’agrippe à elle comme on s’agripperait à un radeau lors d’un naufrage. Allongée sur le lit sans vraiment se souvenir de s’y être endormie, Eteslë tourne son regard vers le visage endormi de la jeune fille à ses côtés. Un visage doux et innocent, encore marqué par les rondeurs de l’enfance, encadré par la chevelure aux teintes dorées. La respiration régulière prouve que son sommeil est paisible et l’idée de la déranger ennuie la jeune femme qui reste plutôt immobile, fixant le plafond pendant de longues minutes avant de profiter d’un relâchement de la poigne adolescente pour s’extirper doucement des draps. Elle s’étire, observe un peu la jeune dormir, se prend à sourire face à la vision d’une innocence préservée au prix d’un enfermement qui doit être parfois difficile à supporter. Malgré le peu de temps passé avec elle, Eteslê apprécie Ori, mais la sait trop innocente, trop isolée du monde pour pouvoir un jour pleinement y appartenir. Darhàm n’est pas une ville pour elle.

Doucement, la porte de la chambre s’ouvre et le visage d’Yvan apparaît. Ses yeux passent de l’endormie à Eteslë, se fixant plus longuement sur la jeune femme à qui il fait signe de le suivre à l’extérieur. Elle referme la porte derrière elle et le dévisage un instant. La maison est silencieuse, le jour a dû se lever et les activités nocturnes ont laissé place au sommeil des filles de joie. Un sourire s‘affiche sur le visage d’Yvan. Pas de malice ou d’amusement, mais de la reconnaissance.

- Merci d’avoir protégé Ori… J’imagine que je t’en dois une désormais.

La jeune femme dénie de la tête.

- Quitte.

- Tu as raison. Une vie pour une vie, ça me convient.

Eteslë acquiesce, s’écarte de la porte et, pensant la discussion terminée, s’éloigne dans le couloir. La poigne ferme d’Yvan sur son bras la stoppe net et elle se retourne, quelque peu exaspérée par le comportement de cet homme qu’elle ne connaît pas. Cela doit se lire sur son visage, car Yvan fronce les sourcils, sans pour autant la lâcher.

- Eteslë… écoute, il faut que je te parle.

Sans l’écouter, d’un geste brusque, elle dégage son bras et recule avant de lui tourner le dos pour s’éloigner.

- Tu ne veux pas savoir qui tu es ?

La question la fige, l’oblige à se retourner et regarder Yvan dans les yeux tandis qu’il approche, qu’il passe doucement sa main derrière sa nuque.

- Je peux te dire que tu...

D’un geste brusque, la jeune femme plaque sa main sur la bouche d’Yvan. Sa respiration se fait saccadée, sa mâchoire se crispe tandis qu’elle le regarde avec autant de colère que d’appréhension. Elle ne veut pas savoir, finalement. Pas maintenant, pas comme ça, comme si c’était facile pour lui de lui balancer la vérité à la figure et qu’elle devait simplement l’accepter comme la parole d’un soit-disant divin. Elle ne veut pas de ça, elle ne veut pas devoir se faire à l’idée qu’elle a eu une vie, avant, qu’elle l’a perdue pour se retrouver ici sans aucun passé, sans aucune réelle identité. D’un geste tendre, il repousse sa main malgré sa résistance, avant de la plaquer contre lui. Surprise, elle se raidit.

- Ecoute, je peux…

- Non !

Elle tousse en s’écartant. Résultante de son emportement verbale, sa gorge la gêne, mais elle fixe ses prunelles dans celles d’Yvan. Il semble perdu, lui aussi, ne semble pas comprendre pourquoi elle refuse d’en savoir plus, sur elle, peut-être sur lui également. Il tend la main, mais elle s’écarte, une douleur lui vrillant soudainement le crâne.

-C'est quoi son nom ?

- Eteslë.


Elle tremble en entendant ces voix. Elles n’existaient pas avant, ne sont là que depuis que LUI, est là, qu’elle a croisé sa route et continue, encore et encore, de tomber sur lui. Elle s’écarte, titube, manque de s’effondrer sur le sol, se rattrape au mur proche, refusant d’un regard et d’un geste du bras l’aide d’Yvan. Sa tête est pleine de questions qu’elle ne s’était jamais posée, dont elle ne veut même pas la réponse. Elle n’en veut pas, de cette vérité qui jetterait aux ordures tout ce qu’elle a essayé de construire, avec ses maigres moyens, depuis plus d’un an.

- Eteslë….

Elle secoue la tête, recule à nouveau, refuse de le laisser parler et, plutôt que de devoir faire face, prend la fuite. Elle claque la porte derrière elle, court aussi vite qu’elle le peut dans les rues ensoleillées de la ville avant de presque s’effondrer dans une ruelle, le front appuyé contre un mur, le souffle court, douloureux… Elle s’était faite à l’idée qu’elle ne saurait jamais, qu’elle ne connaîtrait rien de son passé, et ça lui allait. Mais entendre de la bouche d’un inconnu qu’il peut lui apporter la vérité, comme ça, aussi facilement, ça l’a terrifié, ça l’a rendu furieuse. Résultat, elle fuit, lâchement, s’éloigne de lui et de ses paroles, de lui et de sa voix qui la perturbe bien trop. Elle se redresse, se remet à marcher plus calmement, erre quelques instants avant de prendre une décision et une direction.

Elle atteint rapidement le quartier du port, qui fourmille d’activité à cette heure-ci. Un agglomérat de dockers, de pirates, de vendeurs de toutes sortes, de trafiquants en tout genre et de pêcheurs évoluant dans une cacophonie et des odeurs rances de poissons, de sang et d’autres odeurs bien moins agréables qui lui font retrousser le nez. Un petit paradis pour qui sait trouver son bonheur dans la misère humaine, l’enfer pour la plupart des autres. Çà et là, des hommes et femmes au regard vide, esclaves provenant de raids pirates ou aux origines plus surprenantes. Tout se monnaye, si on est prêt à y mettre le prix, Eteslë l’a compris très rapidement. Mais ce n’est pas cela qui l’intéresse, présentement, non. Elle évite les passants et travailleurs, s’approche d’un bâtiment où elle n’a plus mis les pieds depuis longtemps. Mais aujourd’hui, elle a besoin de ça pour éviter de penser à ces choses qui la perturbent. Elle ouvre la porte, se fait happer par le bruit des conversations et les rires gras de certains pirates. Quelques regards se tournent vers elle tandis qu’elle s’installe au comptoir en posant la somme exacte pour l’alcool le plus fort qu’elle puisse s’offrir. Que la vérité aille se faire foutre, elle a su vivre sans jusqu’à maintenant, elle compte bien continuer.

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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » dim. 17 nov. 2019 21:31

[:attention:] Ce post contient des scènes à caractère sexuel. Reservé à un public averti [:attention:]

De longs soupirs

Lentement, Yvan ramène la jeune femme jusqu’à la maison de passe de Ferioti. La nuit est déjà tombée lorsque le duo arrive dans le quartier, Eteslë se rendant enfin compte du temps qu’elle a passé au Rat Lubrique. L’air frais et le trajet lui ont fait du bien, mais marcher droit relève du miracle et elle se tient toujours à Yvan lorsque celui-ci entre dans la maison. Sous le regard amusé de Martha qui leur indique une chambre vide, le duo se rend jusqu’à ladite pièce. L’ameublement est tout aussi simpliste que les autres chambres : un simple lit et une chaise. Yvan dépose délicatement Eteslë sur le lit et va pour sortir.

- Yvan…

Redressée sur ses coudes, la jeune femme le fixe, la tête dodelinant toujours sous l’effet de l’alcool. Elle voit Yvan soupirer avant qu’il ne referme la porte et ne s’assoie sur la chaise qu’il met face à elle. Un long silence prend place entre les deux, qu’il finit par briser.

- Quand tu es apparue dans le bureau de Ferioti… je n’y ai pas cru. Cela faisait plus d’un an et… j’avais décidé de faire comme si de rien n’était, puisque tu semblais m’ignorer. Mais quand on m’a dit que tu étais amnésique… Je n’ai pas pu m’en empêcher. Et je sais que tu ressens quelque chose, je peux le voir, tu as toujours le même éclat dans le regard. Alors pourquoi ? Pourquoi tu ne veux pas savoir pour toi ? Pour nous ?

Elle se redresse entièrement, le fixe. Elle sent son cœur s’emballer, mais est-ce dû à l’appréhension, aux sentiments de son ancienne vie ou bien aux siens, au présent ? Elle ne veut pas avoir à se poser cette question en permanence, mais n’est pas prête à entendre ce qu’il a à dire à ce sujet, ne se sent pas capable d’affronter de plein fouet la pleine vérité et les souvenirs d’une vie entière. Elle maudit sa gorge, se sent frustrée, pour une fois, de ne pas pouvoir dire tout ce qu’elle pense. Sa main s’y pose, serre, tandis que son regard se charge de douleur et de rage. La main qui se pose sur la sienne la fait relever la tête et plonger son regard dans celui d’Yvan. Il sort une petite boite en bois avec un sourire. Elle reconnaît l’onguent fabriqué par l’Hinïon.

- Tu ne l’as pas emmené la dernière fois. Allonge-toi.

Elle s’exécute tandis qu’il fait curieusement de même avant de plonger ses doigts dans la pâte jaunâtre et de doucement l’appliquer sur la gorge de la jeune femme, la massant doucement. Une odeur mentholée parvient jusqu’à ses narines et une sensation de frais se répand le long de son cou, l’apaise. Pendant de longues minutes, aucun bruit ne perturbe cet instant entre eux deux et elle se prend à somnoler et à apprécier la quiétude et l’intimité du moment. Lorsqu’Yvan referme la boite et tente de se relever, elle le retient faiblement, tirant sur sa manche.

- Reste…

Sa voix reste la même, mais la sensation de gêne diminue peu à peu. Elle ne se dit pas qu’elle pourrait parler pendant de longues minutes, mais elle peut au moins dire quelques mots. Elle le sent hésiter, force un peu sur sa manche et il abandonne, se rallonge à ses côtés.

- Je… Suis perdue. Pas de souvenirs et… peur de la vérité… différente.

Il semble surpris par ces mots, réfléchis quelques instants.

- Je comprends. Je n’avais pas pensé à cela. Je ne vais pas te dire que ça m’enchante, mais je ferais de mon mieux et…

- Un jour…

Il la dévisage et elle sent tout le dilemme qui se joue derrière les pupilles d’Yvan. Elle ne sait pas à quel point ils étaient liés, mais elle imagine qu’il a refait sa vie et elle ne peut qu’imaginer à quel point ce qu’elle peut lui dire peut lui faire mal. Elle-même se surprend à penser cela. Il acquiesce à nouveau, se relève et elle suit le mouvement, chancèle et se rattrape à lui. La main sur son torse, elle le sent, ce battement trop rapide pour être normal, et ses lèvres s’étirent en un sourire qui, lorsqu’elle lève les yeux vers lui, lui fait hausser un sourcil. Sans attendre, elle l’embrasse, le plaque contre le mur pour l’empêcher de s’enfuir. Elle sent qu’il hésite, parce qu’elle n’est pas vraiment elle-même ou parce que l’ancienne personne qu’elle était a disparu, mais elle s’en moque. Ses mains se glissent sous les vêtements d’Yvan, caresse son torse avant qu’il ne la repousse avec fermeté.

- Tu… tu ne peux pas, tu… que ?

La surprise qu’elle lit sans les yeux d’Yvan la fait sourire tandis qu’elle retire son pantalon avant de se plaquer contre lui. L’hésitation dont il faisait preuve quelques secondes plus tôt s’évanouit lorsqu’il enlace la jeune femme et caresse ses courbes avec une envie semblable à celle qu’elle ressent. Rapidement, les habits d’Yvan rejoignent le sol avec les siens et il la soulève pour l’emmener sur le lit tandis qu’elle enroule ses jambes autour de ses hanches. Longtemps, ils s’embrassent, se caressent, s’explorent l’un l’autre dans un silence ponctué des soupirs de part et d’autre. La jeune femme réalise bien vite qu’il connaît tous ses points faibles, qu’il les exploite au mieux tandis qu’elle tâtonne, n’étant pas une professionnelle des plaisirs de la chair sans en être une complète néophyte. Son corps n’est qu’une pulsation d’envie et de chaleur. Tout, de son intimité à son visage en passant par sa poitrine qu'il caresse, semble en feu.

- Yvan…

Une supplique, soufflée du bout des lèvres. Il l’entend, bien sûr, embrasse avant de mordiller la gorge d’Eteslë qui se cambre lorsqu'il s'insinue entre ses jambes. Ses yeux s’écarquillent et sa bouche s’ouvre en un cri silencieux lorsqu’il la fait sienne d'un simple mouvement de hanche avant de s’approprier ses lèvres. Elle ondule contre lui, se joint à lui dans cette étreinte aussi tendre qu'intense, aussi longue que passionnée. Elle finit par lui mordre l’épaule tandis que ses jambes tremblent et que son esprit, l’espace de quelques secondes, se pare d’un blanc lumineux tandis qu’elle se laisse submerger par l'extase et qu’un long soupir rauque s’échappe d’entre ses lèvres entrouvertes. Les souffles sont courts, les corps couverts d’une sueur salée qui ne parvient pas à refroidir leurs peaux ou leurs souffles. Un chaste baiser d’Yvan ramène Eteslë au présent tandis qu’il s’allonge contre elle avant de l’enlacer, ses mains caressant tendrement son dos et son bras.

- Tu m’as manqué ma douce.

- Tu es sûre de toi ?
- Je n’ai pas le choix… s’il l’apprend et la trouve…
- Sois prudente ma douce…
- Je le serai.


-Eteslë ?

Elle émerge, papillonne et la douleur qui lui vrillait la tête s’estompe tandis que son regard accroche celui, inquiet, d’Yvan. Elle déglutit, peine à comprendre ce qu’il vient de se passer. Encore ces voix, qu’elle semble connaître. Un souvenir ? Seraient-ce des souvenirs qui lui reviennent en lui vrillant l’esprit ? De quoi parlaient-ils ? Elle ferme les yeux, expire doucement tandis qu’un drap est rabattu sur elle par Yvan. Il semble très protecteur avec elle, ne la lâche pas et la couve autant avec ce tissu qu’avec son propre corps. Elle lève les yeux vers lui, pose une question silencieuse à laquelle il ne répond pas.

- Dors, je veille.

Elle ne comprend pas. Contre quoi veille-t-il ? Mais la fatigue, l’alcool et la chaleur du moment ont raison d’elle et elle se laisse finalement happer par le sommeil, croit sentir une caresse sur sa joue. Mais peut-être n’est-ce qu’un rêve, là aussi.

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Eteslë
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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » mar. 19 nov. 2019 22:14

Sans regrets ?

La lumière qui perce à travers les épais rideaux réveille Eteslë qui se sent aussitôt nauséeuse. Un mal de tête lancinant lui fait regretter chaque verre qu’elle a bu la veille avant même qu’elle n’ouvre les yeux. Plutôt que d’affronter le soleil et la migraine qui semble s’installer, elle se retourne, se love contre le corps à ses côtés. Elle ouvre brusquement les yeux et constate la situation. Nue avec un homme, tout aussi nu qu’elle. Elle sait qu’elle a beaucoup bu hier, mais de là à coucher avec un inconnu… Elle lève la tête et son cœur accélère encore une peu plus tandis que sa mémoire finit par se rassembler. Les yeux verts d’Yvan la fixent tandis qu’un sourire orne son visage carré et qu’il glisse sa main sur la hanche de la jeune femme. Elle lui attrape le poignet par réflexe, puis le relâche, le laissant poser la main sur ses courbes. Elle n’a jamais été mal à l’aise avec ce genre de chose, mais la tendresse d’Yvan et les mots prononcés hier soir la rendent quelque peu nerveuse, peu habituée qu’elle est à ce genre de geste. S’il s’en aperçoit, il n’en laisse rien paraître, se contente de la caresser lentement, sans un mot. Elle grimace sous la migraine, ferme les yeux un instant, les rouvre lorsqu’il la soulève pour l’installer à califourchon sur lui, le drap tombant au sol. Elle fronce les sourcils face à son sourire mutin. Ses mains remontent vers sa poitrine, mais des coups frappés à la porte l’arrêtent, la voix de Ferioti se faisant entendre à travers le battant.

- Yvan ? Tu sais où est Eteslë ?

- Oui, elle est là, mais n’est pas dans une tenue très adéquate pour sortir tout de suite.

La concernée le regarde d’un air furieux tandis qu’il lui renvoie un sourire malicieux et qu’ils peuvent entendre le ricanement de Ferioti.

- Parfait. Eteslë, quand tu auras fini de t’envoyer en l’air avec ce cher Yvan, j’aurai besoin que tu montes dans mon bureau. Mais prends ton temps, peut-être que ça te fera du bien de te décoincer le cul un peu, tu es trop sur les nerfs. Je vous laisse une heure, je pense que ça devrait suffire. Ah et, il parait que c’est bon pour la gorge, alors profites en.

Le rire d’Yvan meurt rapidement dans sa gorge en voyant les yeux d’Eteslë se parer d’une dangereuse lueur et il la laisse s’écarter sans protester cette fois. La jeune femme oscille entre l’énervement et le malaise, le tout accentué par la migraine qui ne semble pas vouloir la quitter pour le moment. Alors qu’elle remet son pantalon, Yvan l’enlace, la faisant se raidir.

- Ecoute… Je sais qu’hier soir l’alcool a joué, et que j’en ai profité. Si tu regrettes, j’aimerai le savoir.

Elle se dégage, termine de s’habiller et ouvre la porte, s’arrête et tourne le regard vers Yvan, lui aussi en train de se rhabiller. Comme s’il avait senti son mouvement, il tourne son regard vers elle, la scrutant de ses iris vertes. La jeune femme déglutit tandis qu’un feu s’allume dans son bas ventre et que son cœur tambourine dans sa poitrine.

- Attend… Ici.

Elle quitte la pièce avant que la réaction d’Yvan ne la fasse changer d’avis et monte rapidement les escaliers jusqu’au bureau de Ferioti. Lorsqu’elle entre, il semble étonné de la voir, mais lui fait signe de s’asseoir, ce qu’elle fait. Un léger silence prend place avant qu’un large sourire ne se dessine sur le visage du trentenaire.

- Yvan est plus rapide que je ne le pensais… ou alors tu es plus douée que tu ne le laisses croire, je peux te trouver un autre travail si tu veux…

Le grognement exaspéré d’Eteslë élargit son sourire et il lève les mains en signe de paix.

- Une simple plaisanterie, ce n’est pas souvent que tu as ce genre de relation, c’est assez surprenant... mais revenons à ce qui nous intéresse. On passe à l’action ce soir, et je serai absent jusque-là, j’ai mon propre rôle à jouer. Je vais te demander quelque chose. Je te fais confiance, parce que malgré ton… caractère, tu as toujours été loyale.

Il baisse la voix, comme s’il avait soudainement peur d’être entendu et la jeune femme se penche, intriguée.

- Je pense qu’il y a une taupe parmi nos hommes. Je sais que ce n’est pas toi, mais je tiens à te prévenir que les pirates ne seront pas forcément aussi surpris que prévu. Si tu parviens à trouver qui est à la botte des pirates… liquide le dans la foulée, mais sois en sûre, tu as compris ?

Elle hoche la tête, surprise, n’ayant pas pensé à une telle éventualité, tout en comprenant la démarche de son patron. Les traîtres doivent être éliminés, cela va de soi.

- Bien… nos hommes ne savent pas que des sous-fifres bossant pour Yvan et Ed seront de la partie, vous aurez largement l’avantage numérique. Cela devrait surprendre la taupe et te permettre de la repérer le cas échéant. Si tu n’y parviens pas, ne t’en occupes pas plus et fais simplement en sorte que les pirates, puis les seconds soient neutralisés. Des questions ?

Elle hausse un sourcil et soupire devant le sourire narquois de Ferioti. Il est le seul à se payer sa tête dès qu’il le peut au sujet de sa difficulté à s’exprimer, parce qu’il est le seul qui peut le se permettre sans recevoir un coup de poing dans les gencives. Si elle a appris à faire avec, elle est surprise qu’il fasse encore ce genre de plaisanteries après plus d’un an à travailler avec elle. A croire qu’il aime les blagues redondantes.

- Tu devrais apprendre à écrire. Pour réussir à communiquer.

Elle hausse les épaules. Le papier coûte cher, elle n’a pas d’argent à gaspiller dans ce genre de broutille et se débrouille très bien comme ça depuis un an, pas besoin de changer. Surtout que les gens sachant lire autour d'elle ne sont pas si nombreux et qu'apprendre ne la tente pas vraiment. Il soupire et la congédie d’un geste, lui souhaitant bonne chance pour le soir-même. Elle s’empresse de sortir et de chercher Martha, trouvant cette dernière et lui demandant, à l’aide de gestes plus ou moins explicite, un remède contre le mal de tête qui continue de lui taper à l’intérieur du crâne. La seule chose qu’elle reçoit est une cruche d’eau et l’ordre de dormir, ce qui la laisse quelque peu circonspecte et c’est à reculons qu’elle retourne dans sa chambre où l’attend Yvan. Elle entre sans frapper, trouvant Ori et Yvan en pleine discussion animée. Celle-ci s’interrompt lorsqu’elle rentre, mais le large sourire d’Ori et le regard amusé d’Yvan ne lui disent rien qui vaille puisqu’elle semble en être le sujet. La jeune aveugle se lève avec l’aide d’Yvan et se dirige vers Eteslë. Elle lui serre doucement le bras avec un sourire.

- Je suis heureuse. Je vais vous laisser, vous avez sans doute des choses à vous dire. Tu m’as manqué.

Raccompagnée jusqu’à sa chambre, la jeune disparaît de la vue d’Eteslë qui boit de longues gorgées d’eau, regrettant finalement de ne pas avoir de l’alcool sous la main pour tomber au sol et ne pas avoir à assumer ce qu’elle a dit plus tôt. Elle s’effondre sur le lit, enfouit son visage dans l’oreiller et soupire longuement avant de sentir une main sur son dos. Elle déglutit et se retourne, faisant face au regard perçant de l’homme avec qui elle vient de passer une nuit. Elle le voit ouvrir la bouche et se prépare mentalement.

- Je ne vais rien dire.

Elle écarquille les yeux et son air surpris tire un sourire à Yvan.

- Tu n’en a pas envie, je l’ai bien compris et je ne veux pas que ton esprit soit perturbé alors que nous allons risquer beaucoup ce soir. Lorsque tu viendras vers moi pour en savoir plus, je te dirais tout, mais en attendant….

Il lui offre un clin d’œil et s’approche avant de l’embrasser, réveillant à nouveau le feu dont il semble être le seul responsable, la laissant fébrile et, pour une fois, sûre de ce qu’elle veut à ce sujet.

- Dis-moi si ce qu’il s’est passé cette nuit était une erreur.

Lorsque la jeune femme ôte d’elle-même son haut avant de l’attirer contre elle et de l’embrasser en retour, un large sourire s’affiche sur le visage d’Yvan.

- Je vais prendre ça pour un non alors.

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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » dim. 15 déc. 2019 23:15

L'innocence est la première victime

- Ne bouge pas !

Eteslë grogne de frustration alors qu'Eltoriel examine son flanc avant qu'une douce lueur ne résorbe la blessure, ne laissant presque aucune trace. Sa main l'inquiète davantage et il lui fait boire une horrible mixture, mélange entre du vomi de mouettes et de la bière Garzok. Ou du moins c'est ce que le goût lui donne comme impression. Elle ne peut s'empêcher d'afficher une mine dégoûtée, faisant sourire l'Hinïon qui use à nouveau de magie pour soigner sa main sous le regard suspicieux de la jeune femme. A quoi servait la mixture s'il utilise la magie ? Son regard croise celui d'Eltoriel qui la rassure.

- C'était un élixir pour te redonner quelques forces, je me suis dit que tu en aurais besoin. La nuit risque d'être encore longue de ce que j'ai compris.

Elle le remercie d'un hochement de tête et l'elfe s'en va s'occuper d'un autre tandis qu'elle se relève. Yvan vient aussitôt vers elle, un air étrange sur le visage. Elle perçoit une inquiétude au travers de ses prunelles et fronce les sourcils tandis qu'il l'entraîne un peu à l'écart, faisant signe à Kolïn de rester où elle est, cette dernière voulant la suivre. Le regard d'Yvan se pose un instant sur la jeunette. un sourcil se hausse mais il se détourne rapidement pour regarder Eteslë dans les yeux.

- J'ai besoin de toi. C'est Ori, elle est toujours chez Ferioti et je crains que ce cher Ed ne l'apprenne auprès de ton patron. Ne fais pas cette tête, je ne dis pas qu'il nous trahirait, mais Ed est particulièrement doué pour faire parler les gens sous la torture... et s'il apprend où elle est...Ori te fait confiance, peux-tu la ramener ici ? Envoyer nos hommes la ferait seulement paniquer et il faut faire vite. Je suis trop reconnaissable et j'ai confiance en toi, tu veux bien faire ça ?

La jeune femme hoche la tête et presse le bras d'Yvan pour lui assurer qu'elle fera au plus vite. A peine a-t-elle fait un pas qu'Yvan lui jette un manteau dessus, lui conseillant de le porter afin d'être moins repérable. Elle s'en recouvre et se hâte vers la passerelle, Kolïn sur les talons, avant de quitter rapidement les alentours du port, évitant les coins les plus fréquentés pour aller au plus vite vers la maison de passe où se trouve Ori. Kolïn ne pose aucune question, ce qu'Eteslë apprécie, bien que sa présence l'ennuie. Elle aurait préféré qu'elle reste au bateau, en relative sécurité. Le fait qu'elle s'inquiète pour la jeunette l'étonne elle-même, mais elle ne s'attarde pas sur les déambulations de son esprit, se concentre sur le chemin et arrive enfin devant la maison de passe. Et aussitôt, quelque chose l'alarme. Tout est fermé. Aucune lumière ne filtre des fenêtres, aucun homme n'attend d'entrer, rien. C'est pourtant le milieu de la nuit, mais c'est comme si le bordel n'avait pas ouvert.

- Reste. Ici.

Kolïn semble étonnée, mais Eteslë ne perd pas davantage de temps et se rue vers l'entrée qu'elle ouvre à la volée, uniquement accueillie par le silence, l'obscurité et une odeur au goût métallique sur sa langue. Son cœur rate un battement et elle se précipite dans le couloir où se trouve la chambre d'Ori. Celle-ci est vide, aucune trace, quelle qu'elle soit. Elle commence à fouiller chaque pièce de la maison, ouvrant les portes à la volée après avoir allumé une bougie qu'elle trimbale avec elle. Rien, tout est vide au rez-de-chaussée et cela l'inquiète encore davantage. Elle se hâte vers l'escalier lorsque Kolïn apparaît face à elle. Eteslë ne prend pas le temps de lui faire comprendre de rester en bas, elle grimpe les marches quatre à quatre, la jeunette sur les talons. Plus elle avance, plus l'odeur est forte, tenace et écœurante. A la faible lueur de la bougie, elle aperçoit les premières traces qui maculent le sol, traînées écarlates qui semblent se diriger vers la chambre la plus éloignée de l'escalier.

Elle court aussitôt, le souffle alarmée, le cœur frappant ses côtes avec force, l'esprit embrumé par une panique qu'elle ne pensait pas pouvoir ressentir. Ori est si douce, si innocente, elle refuse qu'elle meurt. Elle ouvre la porte à la volée, porte la bougie à bout de bras et ses yeux balaient la chambre des yeux. Abjecte est la vision qui s'offre à elle et elle ferme violemment la porte derrière elle, dans une tentative de préserver un peu les yeux de la jeune Kolïn. Elle s'approche, tend la main, se rend compte que son bras, non, que tout son corps tremble. De rage, d'horreur, de dégoût, elle ne peut le dire. Peut-être tout ça à la fois face à ce qui est sous ses yeux.

Nue, tailladée sur tout le corps, Ori est là, inerte, couverte de son propre sang. La rage brouille la vision d'Eteslê lorsqu'elle arrache les cordelettes maintenant la jeune fille attachée contre le mur. La jeune fille s'effondre sur Eteslë qui la dépose sur le lit où elle peut aisément deviner ce qui lui est arrivée au vu des traces qui le maculent. Elle tremble de rage cette fois, mais doit se contenir, penser avant tout à la jeune aveugle. Elle se penche sur Ori, tâte son cou, passe sa joue au-dessus de son visage et écarquille les yeux avant de déchirer en hâte les draps pour bander au plus vite les plaies avant de prendre la frêle jeune fille dans ses bras. Elle ouvre la porte d'un coup de pied, croise le regard horrifié de Kolïn.

- Elle est... ?

Eteslë secoue la tête et se met à courir vers le bureau de son patron, dépose la blessée et fouille la pièce au plus vite, en tire deux flacons qu'elle verse sur les plaies, arrêtant un saignement déjà trop important. Elle n'a pas de temps à perdre et reprend son fardeau pour se ruer à l'étage inférieur avant de courir aussi vite que la jeune fille dans ses bras le lui permet. Elle ne réfléchit pas, se contente de courir, ne pense pas à la mort imminente de la jeune aveugle, du sang qui macule ses mains et son torse, de son regard à moitié fou, à mi-chemin entre la rage pure et l'angoisse la plus primaire. Elle va sauver Ori, et après, elle ira buter cet enfoiré et tous ceux qui ont, de près ou de loin, participé à cela.

Enfin, elle aperçoit le deux-mats et accélère subitement, distançant une Kolïn médusée qui peinait déjà à la suivre. Elle grimpe à bord sans attendre et à peine le pied posé sur le pont, hurle, à la surprise général.

- ELTORIEL !

L'Hinïon, qui s'entretenait avec Yvan, tourne aussitôt la tête vers elle tandis qu'elle tousse. il est véritablement surpris, puis il aperçoit de voir le corps qu'elle tient dans ses bras. Il se rue vers elle tandis qu'elle dépose la jeune fille au sol. Elle laisse l'hinïon s'en occuper et retient un Yvan qui se précipite lui aussi vers Ori. Il tente de la repousser, mais la jeune femme lui découche un coup de poing dans le ventre, s'attirant un regard à la fois furieux et médusé, mais cela a au moins le mérite de l'arrêter.

- Laisse-le... Sauver.

Elle le sent trembler contre elle et elle accompagne sa chute sur le pont de bois alors qu'il s'effondre à genoux. Elle ne le lâche pas alors que le pont s'illumine d'une lueur blanche. Elle le voit fermer les yeux et murmurer une prière pour le salut d'Ori. Elle, elle ne prie pas, ne croit pas en ces dieux, mais crois en l'hinïon qui s’acharne sur le frêle corps inerte. Et tandis qu'elle sent Yvan s'accrocher à elle comme un marin à la seule planche de bois à la dérive au milieu d'un océan, elle le presse un peu plus contre lui avant qu'une douleur lancinante ne lui vrille le crâne.

- Pas cette fois, tu ne gagneras pas cette fois !

- Tu as déjà perdu Eteslë. Et tu ne reverras jamais ta fille !

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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » ven. 27 déc. 2019 17:19

Comme un relent d’égouts

Le silence se fait après le dernier mot d'Eteslë. Les trois principaux acteurs de toute cette affaire semblant réfléchir à cette possibilité. La jeune femme, de son côté, n'arrive pas à s'ôter cette idée de la tête. Tout devient pourtant clair avec cette information. Il sait où elle habite et a pu y envoyer quelqu'un, il savait où trouver Ori, connaît les horaires où la surveillance est la plus faible, il peut fermer la maison de passe selon son bon vouloir. Il a tout intérêt à ce qu'un truand influent comme Ed voit son activité s'effondrer par une guerre intestine après avoir liquidé des pirates devenant parfois encombrant malgré leur régularité en tant que clients de son bordel. Sans compter le magot disponible. Non, décidément, elle pense vraiment que son patron est, d'une manière ou d'une autre, lié à tout cela. Qu'il est derrière toute cette affaire, tirant les ficelles pour nettoyer gêneurs et concurrence. Et elle, au milieu de tout ça ? L'a-t-il sacrifiée sur l'autel du profit et de la renommée ? Elle aurait été trahie ? Après tout ce qu'elle a fait pour lui, un an à se salir les mains pour son compte, tout ça pour... ça ? Elle enrage finalement, serre les poings, une lueur dangereuse dans le regard. Elle tourne le dos à Ed, pousse un Yvan étonné et se hâte vers l'escalier menant à l'étage inférieur lorsqu'on lui saisit le bras.

- Pas si vite Eteslë, que vas-tu...

Yvan se tait aussitôt en voyant l'air de la jeune femme. La lueur meurtrière qui scintille dans ses pupilles lui fait lâcher aussitôt le bras qu'il retient. Il se garde bien de la toucher à nouveau, l'incite davantage à se calmer en lui disant qu'ils ne sont sûrs de rien. Mais la jeune femme ne semble pas décolérer. Sa respiration est rapide, ses yeux emplis de colère et ses muscles tendus, comme si elle allait frapper quelqu'un. Qu'il se soit servi d'elle tout ce temps avant de la jeter ainsi la rend plus furieuse qu'elle ne l'a jamais été. Elle se détourne d'un Yvan pâle et descend les escaliers, bousculant sans ménagement ceux qui s'y trouvent encore. D'un pas rapide, elle sort dans la rue en ouvrant violemment la porte, ignore le grognement de douleur de celui qui s'est reçu le battant en plein visage et s'éloigne à grands pas des lieux. Qu'ils parlent entre eux, qu'ils perdent leur temps, elle n'est pas faite pour ça, préfère agir dans l'instant, sans réfléchir. D'un pas vif, elle suit el chemin inverse, traverse à nouveaux les rues boueuses et nauséabondes du quartier, ne s’embarrasse pas de discrétion, brisant sans remords le nez d'un gêneur venu l’importuner. Elle n'est pas d'humeur à tailler la bavette avec qui que ce soit. Encore moins que d'ordinaire.

Elle ne prend pas la direction de la maison de passe, sait pertinemment qu'il n'y sera pas. Elle préfère tenter sa chance du côté de son habitation, là où il garde ses biens, son argent, ses femmes. Elle se hâte, prend des raccourcis, passe par de sombres ruelles familières où s'échangent autant d'étranges marchandises que de coup de poignards. Elle écarte un nouvel importun d'un coup de coude sans même lui accorder un regard. Pourtant, une main se pose sur son épaule. Elle se retourne vivement, arrête son bras qui allait châtier l'impudent. Essoufflée, Kolin est là, face à elle, tentant de prendre sa respiration, les mains sur les genoux, le dos voûté. Eteslë fronce les sourcils, lui ordonne d'un geste de repartir, mais, têtue, la jeunette campe sur ses positions. Un tic nerveux agite les lèvres d'Eteslë qui n'apprécie guère l'attitude de la gamine. Elle lui saisit la mâchoire, approchant son visage du sien, ses yeux furieux faisant pâlir la jeunette.

- Repars !

Un ordre qui, dans son esprit, doit suffire. Elle la relâche et se retourne, reprend son chemin, mais les bruits de pas qui font écho au sien la font se retourner, sourcils froncés. Elle est toujours là, évidemment, cette gamine têtue. Elle a même le culot de la défier du regard. Dans d'autres circonstances, peut-être qu'Eteslë aurait apprécié ce trait d'humeur, mais, à ce moment précis, cela l'exaspère plus qu'autre chose. Elle serre les poings, se fait menaçante envers la jeunette qui recule d'instinct avant d'avancer à nouveau, poing serrés, une détermination farouche transparaissant dans ses prunelles.

- Tu as dit que tu m'apprendrais ! Laisse-moi venir ! Comment je peux apprendre si je ne suis pas avec toi ?!


Elle n'a aucune envie de palabrer plus longuement, serre les poings et inspire longuement avant de se détourner et de reprendre sa route sans un regard pour la plus jeune. Elle se maudit d'avoir accepté cette histoire d'enseignement alors que, pour la seconde fois, elle entend les pas de Kolin suivre les siens. L'envie de l'assommer est grande, mais laisser une jeune fille inconsciente dans ses ruelles reviendrait à lui réserver un sort pire que la mort, aussi se contient-elle et se contente de l'ignorer. Une petite dizaine de minutes plus tard, elle pénètre dans la maison de Ferioti où seule l'obscurité et le silence l'accueillent. Elle tend l'oreille sans percevoir quoique ce soit et se dirige aussitôt vers la chambre du propriétaire des lieux. Elle l'ouvre à la volée, mais tout est vide. Pas la moindre âme qui vive. Comme un pachyderme dans un magasin de porcelaine, elle fouille fébrilement chaque meuble, chaque endroit où un indice sur la localisation de son patron pourrait se trouver. Kolin l'observe, dubitative, avant de suivre son exemple, avec certes moins de rage dans ses mouvements. La fouille de la chambre ne donne rien et le bureau subit alors le même sort, avec le même résultat. De rage, Eteslë fracasse une chaise contre le mur et se fige, haletante .

- Eteslë ! J'ai trouvé !

La voix de Kolin lui parvient et elle se rue aussitôt vers elle. Dans le salon, face à la cheminée, elle pointe cette dernière et s'en approche avant de tirer sur le tisonnier. A mesure qu'elle tire, la paroi du mur s'ouvre, révélant une échelle descendant dans les profondeurs des souterrains. Lorsqu'elle passe la tête à l'intérieur, une odeur de renfermé parvient jusqu'à ses narines, accompagnée d'une autre qui lui indique rapidement ce qu'est ce passage. Une échappatoire vers les égouts de la ville. Elle-même ne s'est jamais aventurée là-dedans, mais l'idée ne l'effraie absolument pas. Elle empoigne l'échelle et la descend rapidement, suivit de près par Kolin qui n'est visiblement pas décidée à la lâcher d'une semelle. A peine Eteslë pose un pied dans les égouts qu'un premier problème se pose : comment retrouver Ferioti dans ce satané labyrinthe souterrain ? A ses côtés, Kolin allume une torche, faisant tourner le regard d'Eteslë vers elle. Un large sourire s'affiche sur le visage de la jeunette lorsque la jeune femme hoche la tête en une appréciation silencieuse. Cela ne l'avance guère, hélas, elle ne sait toujours pas quel chemin prendre. Mais la faible lueur de la torche révèle quelque chose qu'elle n'a pas vu jusque-là. Quelque chose brille au sol et, lorsqu'elle se penche, son doigt rencontre une substance liquide, huileuse. Elle prend aussitôt cette direction. L'huile est encore chaude, elle ne doit pas avoir beaucoup de retard. Kolin sur ses talons, elle s'enfonce dans les égouts puants de Dahràm.

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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » dim. 5 janv. 2020 14:29

Pour une nouvelle vie

Ils progressent en silence. Eteslë, qui ferme la marche, se tient toujours sur ses gardes malgré qu'elle ait abaissé ses poings. Mené par Ferioti, le petit groupe s'extirpe finalement des galeries nauséabondes en empruntant une échelle les amenant dans le sous-sol d'une demeure que la cogneuse devine cossue au vu de l’impressionnante cave à vin dans laquelle elle émerge. Sans perdre de temps, Ferioti grimpe au rez-de-chaussée complètement désert malgré un mobilier de bois précieux et d'objets dans de nobles matériaux. Eteslë observe le décor d'un air absent, plus intéressé par ce que Ferioti peut lui dire que par l'environnement qui l'entoure. Elle se prend à céder à une impatience grandissante, soupirant en les voyant s'affairer à rassembler de volumineuses malles et caisses. Ferioti relève la tête vers elle et lui demande de patienter quelques minutes encore. De mauvaise grâce, elle obtempère, s'adossant au mur sans faire mine de les aider. Elle a au moins la certitude que leur fuite ne vient pas d'un coup de tête. Comptaient-ils vraiment fuir ? La question lui trotte dans la tête alors que les malles et autres sont disposées dans l'entrée. Finalement, Ferioti lui fait signe et s'installe dans le salon après avoir allumé quelques bougies. Sur ses gardes, elle ne s'assoit pas, préférant s'accoler au fauteuil pour surveiller le colosse. Cela fait sourire Ferioti alors que Martha s'installe à ses côtés.

- Tu nous excuseras pour l'accueil, nous n'avons pas de thé à t'offrir, je le crains.

Elle ne retient pas un rictus qui fait se soulever légèrement les commissures de ses lèvres sans pour autant bouger de sa place, préférant garder le trio dans son champ de vision. Un silence s'installe tandis que Ferioti farfouille ses poches avant de déposer une bourse sur la table. Bourse qui ne tinte pas comme des pièces, mais contient une poudre lorsqu'il l'ouvre pour la lui présenter.

- Une épice, et une précieuse. Cette petite bourse vaut plus que tu ne peux l'imaginer. Je t'ai déjà raconté que je suis fils de marchand n'est-ce pas ? Et bien je comptais justement reprendre ce genre d'activité. Mais le milieu dans lequel nous évoluons est sans pitié et le quitter... et bien n'est pas chose aisée. Alors j'ai décidé de créer cette mascarade et en profiter pour foutre le camp. Oui, j'ai créé les tensions avec les pirates, les poussant à agir contre nous pour ensuite avoir assez de soutien parmi la pègre pour me débarrasser d'eux et l'affaiblir suffisamment pour mettre les voiles en toute impunité. Après tout, qu'auraient-ils fait avec leurs forces épuisées ?

Elle le regarde froidement. Qu'il fiche le camp elle n'en a cure, mais se faire trahir pour ce motif l'enrage. Il n'a pourtant pas fini.

- Et j'avais ma petite revanche à prendre. Toujours, ces enfoirés m'ont pris de haut, je voulais leur montrer qu'ils n'étaient rien, rien du tout. Les savoir en train de s’entre-tuer pour des raisons faussées alors que j'avais tout préparé me comble de joie, vois-tu. Navré que cela ait dû tomber sur ton Yvan, je n'avais pas prévu votre relation... mais j'ai mis trop de choses en jeu pour reculer à présent. Tu as été très utile Eteslë, pendant cette année, et je te respecte bien plus que la horde de bouseux sodomites qui travaillait pour moi, mais maintenant, si tu te mets en travers de mon chemin...

- Ori... Violée...

- La petite aveugle ? Je suis peut-être un malfrat, mais je ne suis pas un monstre. Je l'ai attaché, certes, mais je l'ai drogué avant de lui faire quoi que ce soit, et son innocence n'a jamais été menacée. Je savais que cela enragerait Yvan, mais ce n'était qu'une mise en scène pour parvenir à mes fins, elle n'a pas souffert et sa pureté n'a jamais été en jeu.

Elle plisse les yeux, guère convaincue. Comment peut-elle croire aux paroles d'un traître ? Et comment être sûr qu'il est sincère ? Après tout, il est passé maître dans l'art de manipuler les autres et mentir doit lui être aussi facile et naturel que de respirer. Il doit sentir sa méfiance car il soupire en s'enfonçant un peu plus dans son fauteuil. Le regard inquiet de Martha le fait hocher la tête et il lui serre doucement la main avant de tourner de nouveau son regard vers Eteslë. La jeune femme, d'abord immobile, finit par soupirer. Elle a une dette envers Ferioti, lui qui lui a permis de ne pas finir en loque dans les pires rues de la ville. Elle s'écarte du fauteuil, s'éclaircit la gorge.

- Dette payée. Tu peux partir.

Il hoche la tête et un éclat de soulagement passe dans les prunelles de Martha alors que tous se lèvent. Ils sortent de la demeure, située à l’extrême centre-sud. Par cette route, Ferioti lui explique qu'il compte se rendre à Kendrâ-Kar avec la complicité de quelques marchands peu respectueux des lois oaxiennes. Lui compte refaire sa vie loin de cette ville puante et malfamée. Ils chargent les malles et caisses dans une charrette que le colosse est chargé de conduire alors que le couple se dissimule jusqu'aux portes de la ville. Avant de partir, Martha s'approche d'elle et lui prend doucement la main.

- Si tes pas te mènent à Kendra-Kâr, nous serons ravis de t'accueillir. Merci Eteslë...

Elle se contente de hausser les épaules, tirant un sourire à l'ancienne matrone qui rejoint la charrette alors que Ferioti s'approche une dernière fois d'elle et lui lance une bourse qu'elle attrape au vol.

- Ton salaire, puisque tu n'en auras plus de ma part. Tu devras trouver un autre moyen de vivre à présent... mais je ne me fais guère de soucis, tu as l'air d'avoir les choses en main.

Le sourire narquois et le regard lubrique qu'il lui lance la fait grogner, mais elle acquiesce néanmoins et les regarde finalement s'éloigner en silence. Elle ne sait même pas si elle a pris la bonne décision, de les laisser partir. Toute la pègre cherchera à savoir, va les traquer dans toute la ville. Elle comprend finalement pourquoi il a décidé de lui raconter tout ça. Jamais elle ne pourrait répéter tout cela, ni même l'écrire. Jusqu'au bout, cet enfoiré se sera servi d'elle... Elle soupire et retourne dans la maison qu'elle explore. Étrange qu'une telle demeure soit vide de tout habitant. Et puis, en passant dans un couloir, elle finit par comprendre en détaillant un tableau représentant le propriétaire des lieux. Un couple et trois enfants. L'homme, dans sa trentaine, ressemble bien trop à Ferioti pour que les connexions ne se fassent pas dans son esprit. La demeure familiale des Ferioti, à n'en pas douter. Le fait qu'il abandonne tout derrière lui, comme ça, lui laisse un sentiment étrange. Lui fuit son passé pour se reconstruire ailleurs, démarrer une nouvelle vie. Elle, sans passé, essaie de faire la même chose, avec un succès plus que relatif.

Elle continue son exploration, tombant sur des ouvrages, des parchemins qu'elle n'essaie même pas de lire, n'en étant pas capable. Tout dans cette maison respire la bourgeoisie aisée. Ferioti n'a finalement pas toujours menti lorsqu'il disait être fils de marchand. Elle flâne un peu, finit par se servir dans la cave, savourant le goût d'un vin, certes capiteux, mais délicieux. Au vu de la réserve, elle pourrait s’enivrer jusqu'à l'inconscience, mais ce n'est pas son but, elle calme juste les émotions qui la traversent. Gorgée après gorgée, doucement, elle s'avachit dans un fauteuil en soupirant. Que va-t-elle faire à présent ? Elle n'en a pas la moindre idée. Quoi qu'elle aurait décidé à propos de Ferioti, elle aurait dû se poser la question, mais la réponse ne lui vient pas. Ou du moins elles sont plusieurs à se bousculer aux portes de son esprit sans qu'elle ne parvienne à s'arrêter sur l'une d'entre elle. Pour la première fois aujourd'hui, elle se laisse aller et baisse sa garde, finissant par somnoler. Elle ne sait pas de quoi son lendemain sera fait et, pour le moment, elle préfère s'en foutre, laissant son corps récupérer de cette nuit trop agitée.

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Eteslë
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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » mer. 15 janv. 2020 23:10

La poigne de la rage

Le sommeil est de courte durée. A peine ferme-t-elle les yeux qu'elle entend son nom venir de non loin. Elle tend l'oreille, pense avoir rêvé avant que la voix ne recommence, plus proche cette fois. Elle se lève du fauteuil, repose la bouteille dont elle n'a finalement même pas bu le tiers et se dirige vers la source du bruit qu'elle pense percevoir. A-t-elle rêvé ? Elle se le demande alors qu'elle tend l'oreille, sans rien déceler pourtant. Puis un bruit monte depuis la cave, un bref bruit de coup contre une surface en bois. Intriguée, elle s'y dirige à pas de loup. Elle entend finalement des pas de l'autre côté de la porte menant à la cave et va pour l'ouvrir. Elle suspend son geste lorsque le battant pivote, laissant sortir Yvan qui s'arrête à son tour en la voyant. Il pousse un léger soupir, visiblement soulagé de la voir avant de poser une main fébrile sur son épaule.

- Où ? Où est-il ?

Un lourd silence s'abat alors lorsque la jeune femme se contente de le regarder sans faire le moindre geste pour répondre. Après près d'une minute dans une atmosphère qui devient de plus en plus tendue, elle sent la main d'Yvan se crisper sur son épaule et il repose sa question, d'une voix d'où tremble une fureur contenue, mais tapie dans l'ombre. Elle ne se démonte pas pour autant et le fixe toujours avant de lentement décrocher la main de son épaule en serrant avec force le poignet qui la retient. Les deux semblent se défier du regard et les autres personnes présentes dans la cave, notamment Kolin et Akram, semblent eux aussi se figer face à l'échange silencieux mais brutal qui se joue actuellement. Face à la jeune femme, Yvan semble fulminer de l'intérieur et Eteslë s'écarte finalement pour le laisser passer. Elle a payé sa dette à Ferioti, mais elle n'apprécie pas l'attitude d'Yvan alors qu'il la dépasse en la bousculant presque. Elle offre un hochement de tête à Kolin qui lui sourit faiblement, visiblement fatiguée d'avoir couru. Elle retourne ensuite s'asseoir dans le fauteuil qu'elle a quitté peu avant, attendant qu'Yvan ait terminé de fouiller les lieux Elle l'entend retourner les lieux à l'étage et entend ces pas furibonds dans l'escalier alors que les autres investissent peu à peu les lieux avec davantage de précautions. Kolin s'approche d'elle, mais Yvan, le visage déformé par la colère, la devance et se pose devant Eteslë. Il respire avec force alors qu'il se plante devant elle. Sa voix monte, grondante, menaçante.

- Où ?

- Parti.

Un bref silence suit la déclaration d'Eteslë avant qu'un rire nerveux ne secoue les épaules d'Yvan. Il regarde autour de lui, aperçoit la bouteille entamée et s'en empare, prenant une rasade aussitôt avant de violemment jeter la bouteille contre l'un des murs, tâchant les décorations d'une couleur rouge délavée. Il se tourne à nouveau vers Eteslë qui n'a pas esquissé le moindre mouvement, observant silencieusement la scène. Cela semble l'enrager encore plus. Il s'approche et la saisit par le col de son haut, la forçant à se relever avant de coller son visage contre le sien, ses yeux pile en face des siens.

- Tu m'agaces prodigieusement Eteslë. Ton mutisme n'est pas toujours aussi absolu, tu sais parfaitement où il est, mais tu refuses de le dire... Pourquoi ? Après tout ce qu'il a manigancé ! Après qu'il t’ai trahi ! Après CE QU'IL A FAIT A ORI ! OU EST-IL ?!

Perdant le peu de calme qu'il arrivait à conserver, Yvan attrape Eteslê à la gorge. La vive douleur de sa poigne serrée sur sa gorge la fige et sa bouche s'ouvre en un cri silencieux alors qu'elle empoigne le bras et serre de toutes ses forces, cherchant à le faire lâcher prise, sans succès. Kolin tente de venir à son secours, mais elle finit rapidement au sol alors qu'Akram entre dans la pièce après avoir entendu les cris de la jeune fille. Eteslë commence à suffoquer et, pour le faire lâcher prise, lui enfonce son pied dans le bas-ventre. Yvan se plie en deux et elle en profite pour s'écarter vivement, toussant et crachotant tout en se massant la gorge. Face à elle, l'homme qui disait l'aimer il y a de ça moins d'une journée semble fou et toute la colère qu'il contenait jusque là se dirige soudainement vers elle, puisque l'ennemi n'est plus là.

- Combien ? Combien t'as-t-il payé ? Hein ? Ou alors était-ce en échange d'une petite sauterie ? Il gère des putes, alors il doit savoir baiser une traînée mu...

Il ne peut terminer de cracher ses mots qu'un chandelier vient s'écraser sur sa tête, le faisant tomber au sol en poussant un cri de douleur. Ivre de rage, il se redresse avant de se ruer sur Eteslë, la plaquant au sol avec violence. Alors qu'il lève le bras pour la frapper, elle attrape son haut et, tirant dessus, lui donne un coup de boule. La douleur lui vrille la tête mais le coup semble porter ses fruits car elle parvient à se dégager d'Yvan. Ce dernier se tient le visage, mais ses yeux se reposent rapidement sur la jeune femme qui se masse le front en grimaçant. Un regard empli de haine pure. Il se relève en titubant. Eteslë fait de même et les deux amants se jaugent du regard pendant une fraction de seconde avant qu'Yvan ne prenne finalement la parole.

- Il est parti... l'as-tu aidé ? Aurais-tu pu l'arrêter ?

Elle renifle alors que son nez commence à goutter à cause du coup de boule donné juste avant. Elle fait non de la tête. Non aux deux questions. Kolin intervient, rappelle à Yvan qu'ils étaient trois, armés, et qu'elle était seule. Les épaules de ce dernier semblent s'abaisser légèrement et, doucement, il s'avance. Sur ses gardes, Eteslë se tend, prête à riposter, mais, à sa grande surprise, Yvan ce contente de s'approcher sans faire mine de l'attaquer. Lentement, il tend la main et finit par caresser la joue de la jeune femme qui se tend imperceptiblement, frémit à ce contact. Un discret sourire se peint sur le visage d'Yvan alors qu'une intense tristesse émane de ses yeux.

- Je suis désolé.. je n'aurais pas dû... Je.. tu n'es pas responsable...Tu as le droit de me frap...

Il ne termine pas sa phrase qu'un crochet du droit l'envoie de nouveau au tapis. Médusé, il se redresse, la main frottant sa mâchoire endolorie alors qu'Eteslë plie et déplie les doigts pour faire passer la sensation d'engourdissement suite au coup qu'elle vient de lui porter.

- Tu... Tu n'as même pas hésité !

Elle hausse un sourcil en lui lançant un regard mauvais. S'il pense qu'elle peut aussi facilement passer l'éponge sur ce qu'il a dit et fait, alors c'est un imbécile qui ne la comprend tout simplement pas. Lasse de tout cela et voulant prendre le plus de distance possible avec Yvan, elle se retourne et se dirige aussitôt vers la sortie. Alors qu'elle y parvient, elle entend des pas derrière elle. Kolin, évidemment, mais également Yvan. Si un regard suffit à faire comprendre à la première qu'elle n'est pas d'humeur, le second, lui, s'approche malgré tout.

- Ma douce, écoute...

- Non !

- Je suis sincèrement des...

- Trop tard. Yvan.

Et sans un mot de plus, elle quitte les lieux, sans un regard en arrière. Alors que le soleil commence à réchauffer peu à peu la fraîcheur vive du petit matin, Eteslë se dirige par instinct vers son chez elle, cette cave miteuse que Ferioti lui a gracieusement permis d'occuper. Maintenant qu'il n'est plus là, peut-elle vraiment encore espérer y vivre ? Non pas que l'endroit lui plaise, mais elle n'a nulle part où aller à présent. En d'autres circonstances, peut-être aurait-elle pu se rendre chez Yvan, s'il n'avait pas agi ainsi. Il l'a blessée, autant avec ses gestes qu'avec ses paroles et elle ne se sent pas le cœur à lui pardonner, pas alors qu'elle s'était ouverte à lui la veille. Elle ne sait plus quoi faire à présent. Elle va simplement dormir, peut-être qu'une miraculeuse idée lui viendra pendant son repos. Elle n'y croit pas vraiment, mais a-t-elle simplement le choix ?

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Eteslë
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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » mer. 15 janv. 2020 23:20

Chemins différents

Il faut une bonne heure à Eteslë pour réussir à s'orienter et retrouver le chemin de la cave qui lui sert d'habitation. A peine entrée, et sans prendre le temps d'allumer une bougie, elle s'étale sur sa couche. La tête observant sans le voir le plafond de la pièce où elle loge, elle se masse la gorge, là où Yvan, ivre de rage, l'a saisit plus tôt. Elle n'a plus mal, mais il lui semble encore sentir la poigne féroce de l'homme sur sa cicatrice. Elle soupire, sa dextre remontant le tissu miteux qui lui sert de couverture avant de chercher un repos qu'elle pense mérité après une telle nuit où toutes les emmerdes du monde lui sont finalement tombées dessus. Plus de patron, plus de boulot, probablement plus de logement puisqu'il lui appartient, plus aucune certitude ni de but.. Elle se sent vide, vraiment vide, encore plus que lorsqu'elle s'était éveillée sans souvenirs. Elle a l'impression que l'année qui vient de s'écouler n'a servi à rien. Elle est toujours au même point de départ: sans argent, sans souvenirs du passé, seule, sans aucun objectif. Un nouveau soupir lui échappe alors qu'elle se tourne, se retourne, courant après un sommeil qui lui reste inaccessible à cause de ses pensées. Lasse, elle finit pas se lever et faire quelques exercices dans la pièce plongée dans l'obscurité. Elle tente d'épuiser davantage son corps pour que celui-ci, trop épuisé, prenne le pas sur son esprit et lui accorde enfin le repos tant attendu.

Elle s'écroule finalement, en nage, le sang battant contre ses tempe et le palpitant tambourinant dans sa poitrine. Sa bouche est sèche, son front humide, mais elle ferme les yeux, inspire lentement, expire de la même façon, calme peu à peu son corps qui, finalement épuisée, lui offre la délivrance d'un sommeil qui lui permet de s'échapper quelques heures. Un sommeil qu'elle pense sans rêve, n'en ayant aucun souvenir au réveil. Et à peine son esprit s'extirpe des brumes du repos qu'il est de nouveau assailli par la seule vraie question qu'elle se pose à l'heure actuelle. Que faire ? Doucement, ses doigts effleurent sa gorge. La vision d'Yvan enragé cherchant à l'étrangler lui revient en mémoire et elle se tourne sur le flanc, soupire. Elle a cru pouvoir se reposer sur lui, en apprendre un peu sur son ancien elle, celle qui n'était pas si éloignée de son présent. A présent, elle préfère ne plus avoir affaire à lui. Au fond d'elle, elle comprend en partie sa réaction, elle n'a pas été des plus diplomates et Ferioti a touché à la seule personne qu'Yvan chérit plus que tout au monde. Elle comprend qu'il s'énerve, mais elle ne veut pas laisser passer une telle chose. Si lui la connaît, il était encore un inconnu quelques jours auparavant pour elle. Se passant une main lasse sur le visage, elle soupire à nouveau avant de se redresser lorsque l'on frappe à la porte. Prudente, la jeune femme se lève en tendant l'oreille alors que les coups reprennent. Ils ne sont pas violents, mais c'est la voix derrière la porte qui la fait ouvrir.

- Eteslë ? C'est Yvan, je suis avec Kolin... Il faut qu'on te parle.

Elle peut lire la surprise sur son visage alors qu'elle ouvre sans plus attendre. Peut-être s'est-il attendu à ne pas recevoir un quelconque accueil de sa part. Pourtant, la jeune femme ouvre, le regarde avec une froideur qui le fait se tendre. Elle peut le voir déglutir face à son regard alors qu'elle s'efface pour le laisser entrer. Kolin le suit, pas plus à l'aise bien qu'un léger sourire orne son visage juvénile. Les deux invités étudient rapidement la pièce qui ne paie pas de mine. Eteslë referme la porte et s’assoit sur sa couche, fixant son regard sur un Yvan visiblement mal à l'aise face aux prunelles mauves de la jeune femme. La discrète toux de Kolin rompt le silence pesant qui a pris place et Eteslë tourne sa tête vers elle. Elle se demande ce qu'elle, parmi toutes les personnes possibles, fait là avec Yvan et la jeune fille semble comprendre sa question silencieuse alors qu'elle s'assoit face à elle, à même le sol.

- Je voulais te remercier en personne. Quand il a demandé de me tuer, tu t'es mise sur son chemin et, maintenant qu'il n'est plus là, je n'ai plus besoin de travailler pour lui, ni apprendre à me battre. Je voulais juste que tu le saches, j'ai une dette envers toi, Eteslë. Voilà...

Intérieurement, Eteslë se sent soulagée. Soulagée de ne pas devoir gérer une jeune fille. Soulagée de ne pas devoir lui apprendre quoi que ce soit. Soulagée qu'elle s'en soit sortie et cesse de travailler dans le monde obscur qui ne lui sied absolument pas. Elle contente de hocher la tête, ses lèvres se redressant en un très léger, mais sincère, sourire. De nouveau, elle se tourne vers Yvan qui, silencieux, s'est contenté de suivre l'échange. Il se passe la main dans ses cheveux ébouriffés. Maintenant qu'elle l'observe, Eteslë peut apercevoir les cernes sous ses yeux, son dos voûté, son regard traversé par de l'hésitation et des regrets en plus d'une certaine inquiétude qui lui fait légèrement froncer les sourcils. De quoi peut-il bien s'inquiéter la concernant ? Elle ferme brièvement les yeux avant de prendre une posture moins fermée, posant ses mains sur ses jambes. Comme s'il attendait ce genre de signe, il se racle la gorge pour prendre la parole.

- Eteslë... je ne te demande pas de me pardonner, mais j'aimerais que tu m'écoutes vraiment. Ori m'a passé un savon en apprenant ce que j'ai fait et elle aimerait te voir.

La jeune femme hoche la tête. Elle s'est inquiétée pour la jeune aveugle, elle peut bien aller lui rendre visite après tout. Elle se demande brièvement comment s'est passé son réveil, mais lorsqu'Yvan ouvre à nouveau la bouche, elle concentre son regard et ses pensées sur lui.

- J'ai réfléchi et j'ai compris que tu n'avais pas eu le choix et que tout cela te mets dans une merde noire, puisque tu dépendais de cet... de Ferioti. J'ai fait en sorte qu'Ed comprenne aussi cela, sans quoi tu aurais eu affaire à lui... Autant te dire que ça aurait pu ne pas être moi qui serait venu te voir, ni avec des intentions pacifiques. Je me suis porté garant et j'ai étouffé les choses du mieux que j'ai pu...

La jeune femme se pince l'arrête du nez en entendant cela. Elle n'a pas pensé une seconde à ce que la pègre vienne lui chercher des noises à ce sujet, il faut bien l'avouer. Elle a pensé qu'ils partiraient à la recherche de Ferioti, mais il y a eu des témoins de sa dispute avec Yvan, elle aurait dû se douter que ce ne serait pas si facile. Quelque part, il lui a sauvé la mise, encore. Elle lui est redevable, encore, et elle déteste ça. Le triste sourire sur la visage d'Yvan montre qu'il ressent ce que la jeune femme a en tête. Il demande gentiment à Kolin de l'attendre à l'extérieur. La jeune fille hésite mais obtempère après un signe de tête d'Eteslë. Une fois la porte refermée, un silence pesant prend à nouveau place. Contre toute attente, c'est Eteslë qui le brise cette fois.

- Et ? Maintenant ?

- C'est compliqué... Ed ne te fais pas confiance, il ne t'emploiera pas et après ce qu'il vient de se passer, son influence a grandement diminué, la situation est très tendue avec les autres groupes de la pègre. Les choses risquent d'exploser... Je compte mettre Ori à l'abri, quitter la ville, Akram nous a offert un passage sûr vers une ville nommée Tulorim, sur un autre continent, la vie y serait plus douce. Tout ce que je veux c'est protéger Ori... Veux-tu venir avec nous ? Elle aimerait et... j'aimerais aussi.

Eteslë ne répond pas immédiatement. Elle regarde ses mains. Est-elle faite pour une vie de ce genre ? Elle n'en sait rien, n'a pas souvenir d'autres choses que le crime, les bagarres et la vie misérable de Darhàm. Changer d'air ? Découvrir autre chose ? Douce perspective en soi, mais une petite part d'elle-même souhaite autre chose, lui crie de faire ce qu'il faut pour retrouver ce qui lui manque le plus. Elle lève les yeux vers Yvan qui soupire aussitôt. A-t'il compris avec ce simple mouvement de tête et son regard qu'elle ne partira pas avec lui ? Probablement, il la connaît, bien mieux qu'elle ne se connaît elle-même. Elle se racle la gorge.

- Murène... Omyre ?

Le visage d'Yvan se tend, de même que ses épaules alors que ses poings se serrent. La simple évocation de la sombre cité semble éveiller quelque chose au fond de lui. Une peur indicible, un rejet total et complet. Eteslë ne sait que peu de choses sur cet endroit, n'en a que peu entendu parler, à part que comme l'épicentre de la force et de la puissance sur Yuimen. Le Garzok saoul qui braillait ses paroles n'avait de cesse que de chanter louanges après louanges sur Oaxaca avant de finir égorgé dans une ruelle moins de dix minutes plus tard. Elle n'en ait guère plus, mais l'air d'Yvan la rend bien plus méfiante qu'auparavant. A-t-elle le choix ? Elle n'en est pas si certaine. Elle veut, finalement, trouver une raison à sa vie, savoir d'où elle vient pour savoir où aller ensuite. Yvan lui a donné cette volonté, mais elle le fait pour elle, avant pour tout.

- Tu es certaine ?

La jeune femme prend son temps pour répondre. Elle n'est plus vraiment sûre de rien en ce moment. Finalement, elle décide de couper la poire en deux.

- Omyre... premier.

Elle sous-entend et Yvan ne peut cacher un léger sourire. Doucement, il s'approche, tend la main. Eteslë l'observe, hésite, puis le laisse finalement faire. Il la prend dans ses bras et la serre doucement. Elle finit par l'étreindre à son tour après quelques instants, avouant à demi qu'elle lui pardonne. Ils restent un moment ainsi, sans rien dire, avant qu'il ne s'écarte et se lève. Elle fait de même, le suit, se ravise avant de ramasser ses maigres possessions et de quitter la cave sans un regard en arrière, mais sous celui, scrutateur, d'Yvan. Elle dormira ailleurs à partir de maintenant.

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Eteslë
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Re: Les Habitations

Message par Eteslë » sam. 18 janv. 2020 15:56

Visages gravés

En sortant sous le ciel bleu et lumineux, Eteslë plisse les yeux, se couvrant de sa main le temps que ses yeux s'habituent à la lumière naturelle. Il lui semble que cela fait une éternité qu'elle n'a pas vu le soleil, la faute à son travail de nuit, les jours pluvieux et ses pérégrinations dans les lieux les plus sombres qui soient. Une fois ses yeux habitués, elle emboîte les pas de Korin et Yvan. La jeune fille les quitte finalement après quelques minutes, arguant qu'elle doit retourner auprès de sa famille et leur annoncer la « bonne » nouvelle concernant leurs dettes. Eteslë se contente de hocher la tête, mais se crispe lorsque la jeunette la prend dans ses bras. D'abord interdite, elle lui tapote maladroitement le dos sous l’œil amusé d'Yvan qu'elle foudroie du regard. Lorsque Kolin la remercie à nouveau, elle se contente d'un léger sourire avant de la regarder s'éloigner. La jeune fille lui fait de grands signes auxquels elle répond, de manière plus mesurée, avant qu'elle ne disparaisse au coin d'une rue. Eteslë laisse un échapper un discret soupir, à la fois de soulagement et de dépit. Soulagement pour ne pas avoir à éduquer une si jeune fille à l'art de la castagne, dépit de voir qu'elle était probablement la seule à être victime de la disparition de Ferioti.

- Tu l'aimes bien, avoues-le.

Eteslë se contente de hausser les épaules, mais Yvan se semble pas dupe. Oui, elle apprécié la jeune fille, mais quelle importance à présent ? Elle lui fait plutôt signe d'avancer. Elle le voit lever les yeux au ciel avant de se mettre en route et retient un soupir exaspéré avant de le suivre dans le dédale des rues bondées en ce milieu de journée. Elle remarque rapidement qu'Yvan n'emprunte que les rues les plus larges et fréquentées, comme s'il craignait de passer par celles qu'elle a l'habitude de prendre. Elle fronce les sourcils, accélère le pas pour se mettre à sa hauteur, pour observer son visage. Un visage fermé, sans émotions particulières, mais elle peut voir ses yeux scruter les alentours en permanence, à l'affût. Cela ne lui plaît guère et elle ne tarde pas à le lui faire savoir. Un léger coup de coude judicieusement placé dans les côtes d'Yvan lui fait tourner la tête vers elle. Elle entend distinctement le claquement de langue agacé qu'il émet et fronce les sourcils un peu plus alors qu'il l'entraîne doucement vers un mur où il s'adosse, sans cesser de jeter des coups d’œil autour d'eux.

- Je ne fais pas totalement confiance à Ed. Il a dit qu'il ne te touchera pas, mais je ne suis pas tranquille malgré tout, pas après ce qu'il s'est passé...

Elle hoche la tête. Cela ne lui semble guère étonnant, mais elle doit presser son départ dans ce cas. Elle tire yvan par le bras et ils se remettent à avancer, jetant des regards paranoïaques à chaque coin de rues, chaque croisement avant de finalement atteindre la baraque d'Yvan. Ils y pénètrent sans tarder et la porte est verrouillée derrière eux. D'un geste, Yvan invite Eteslê à le suivre, ce qu'elle fait après avoir posé ses maigres possessions dans un coin. Elle le suit jusqu'à la lumineuse et spacieuse chambre d'Ori. Lorsqu'il frappe, la voix juvénile de la jeune aveugle les invite à entrer et Eteslê est surprise par la pièce dans laquelle elle se trouve. Lumineuse et spacieuse, ordonnée de telle sorte que le centre soit vierge de tout élément qui pourrait gêner la jeune fille lors de ses déplacements hasardeux. Un grand lit près de la fenêtre, un bureau sur le mur opposé. Elle y est assise, et Eteslë peut distinctement entendre un grattement frénétique provenir de la silhouette penchée de la jeune fille. Lorsqu'Yvan lui dit qu'Eteslë est présente, elle s'arrête et se lève. Ses mains sont noires et Yvan s'empresse de lui tendre le tissus qu'elle cherche à tâtons pour les essuyer avant de se tourner vers la cogneuse qui s'est approchée. Un large sourire illumine le visage adolescent alors que ses mains se tendent pour se retrouver serrer doucement par la jeune femme muette.

- Je suis contente que tu sois là, j'avais peur qu'Yvan t'ait fait définitivement fuir.

Cela tire un sourire à Eteslë qui la dirige doucement vers le lit où elle s’assoit en sa compagnie. Longuement, bien après qu'Yvan ne les laisse seules, elles discutent. Ou plutôt, Ori parle et Eteslë lui répond en pressant sa main selon ses réponses, ajoutant parfois une précision de sa voix éraillée, jamais plus de trois mots à la fois. La jeune fille semble triste à l'idée que la cogneuse ne vienne pas avec eux, mais elle comprend ses raisons et n'essaie pas de lui faire changer d'avis. Elle se dit elle-même effrayée par l'idée de devoir quitter cet endroit vers une ville inconnue, de devoir traverser les mers pour y parvenir, de devoir apprendre à vivre ailleurs. L'inconnu n'est jamais facile à appréhender, Eteslë en sait quelque chose, et elle ne peut que compatir à l'angoisse qui étreint le cœur d'Ori à l'idée même de ne pas savoir où elle va, sa condition l'empêchant tout bonnement de voir ce qu'elle quitte et ce qu'elle va rejoindre. Mais à choisir, elle préfère qu'elle s'angoisse quelque temps plutôt que de risquer encore sa vie en restant ici. Lorsqu'Yvan frappe à la porte, Ori lui sourit tristement avant de retourner à tâtons vers son bureau. Eteslë, elle, la regarde quelques instants avant de suivre Yvan qui lui donne un sac en toile une fois qu'ils rejoignent le salon.

- Pour ton voyage... Non ne fronce pas les sourcils. Il n'y a que de la nourriture, de l'eau, une carte et une couverture, juste les besoins basiques. Je te dois bien ça, et je ne voudrais pas que tu ne reviennes pas de ton voyage... J'ai aussi ça.

Il lui tend un rouleau, lui faisant hausser un sourcil dubitatif. Elle ne sait pas lire, alors ce rouleau ne lui sert strictement à rien. En voyant l'air de la jeune femme, il sourit et insiste jusqu'à ce qu'elle le prenne dans sa main, l'observant avant de finalement remonter ses yeux vers lui. Il lui sourit avant de finalement expliquer. Il lui raconte que, jadis, avant de vivre à Dahràm, il a passé une grande partie de sa vie en Omyrhie, notamment à Omyre même, et en particulier dans l'arène, où il s'est fait quelques contacts, notamment l'un des maîtres s'occupant de l’entraînement des fous qui veulent passer dans l'arène. Cette lettre lui est destinée et Eteslê hoche la tête avant de la ranger dans le sac en toile donné par Yvan. Cependant, il la regarde avec un regard légèrement teinté d'inquiétude et la met en garde.

- Si tu peux, évite l'arène malgré tout. J'ai confiance en maître Gorchak, mais je préfère que tu ne coures pas de risques inutile en allant là-dedans. N'y va que si tu n'as d'autre alternative, d'accord? Omyre est déjà suffisamment dangereuse sans te jeter tête baissée dans cette antichambre des Enfers.

Elle hoche la tête. Elle fera ce qui lui convient, mais elle prend note de son conseil. Ne connaissant rien d'Omyre hormis les rumeurs plus ou moins exagérées la concernant, elle se demande si cette ville est aussi horrible ou merveilleuse qu'on le décrit. La force y est Reine, elle l'a bien compris et n'hésitera pas à tailler son chemin à coup de poings si besoin. Yvan lui propose de rester jusqu'à leur départ, trois jours plus tard. Elle lui rend un regard méfiant qui le fait sourire. Il lève les mains comme pour signifier qu'il ne va rien tenter, mais la jeune femme plisse tout de même les yeux face à son sourire trop charmant pour être tout à fait honnête. Il s'approche doucement et Eteslë recule prudemment, sa main retenant l'homme en appuyant sur son torse. Cela ne fait qu'accentuer son sourire.

- Tu veux me toucher à ce point ?

Elle ne répond pas, le fixe sans bouger davantage alors qu'il s'approche, se penche vers elle. La porte de la chambre d'Ori s'ouvre alors, faisant reculer Yvan qui ne cache pas un certain agacement. Le sourire narquois d'Eteslë n'arrange rien alors qu'il se dirige vers la jeune aveugle pour la guider, non sans lancer à la jeune femme un regard sans équivoque. Il guide néanmoins la jeune aveugle qui tend alors un parchemin à la cogneuse. Curieuse, Eteslë le prend et écarquille les yeux. Dessiné dessus, à l'aide d'épaisse couche sombre qui semble donner un relief à l'image, elle peut voir son propre visage, celui d'Yvan et celui d'Ori, tous trois souriant. Le dessin est criant de réalisme malgré l'absence de couleur et la jeune femme, surprise, regarde la jeune aveugle sans comprendre comment elle a pu parvenir à un tel résultat. D'une voix fière, Yvan lui explique en caressant tendrement les cheveux de sa protégée.

- Elle a toujours eu un don incroyable pour mémoriser des choses après les avoir touchées. Elle a commencé ce dessin quelques mois après ton arrivée, tu l'avais laissé tâtonner chaque millimètre de ton visage pour qu'elle puisse y arriver. A ta disparition, elle avait laissé tomber et... je suis surpris que tu l'aies gardé.

- J'avais l'espoir qu'elle reviendrait... Je pensais ça te ferait plaisir.

- Merci.

Un large sourire illumine le visage de la jeunette lorsqu'Eteslë prononce ce mot d'une voix tendre. Délicatement, elle roule le précieux cadeau et se promet de trouver de quoi le protéger pour le garder avec elle. Lorsqu'Ori s'approche et l'enlace, elle lui caresse les cheveux en lui rendant son étreinte. Elle n'a pas passé tant de temps que cela avec elle, mais c'est comme si elle la connaissait depuis longtemps. Peut-être un relent de sa mémoire disparue, comment savoir ? Lorsqu'elle lui demande de rester cette nuit, la jeune femme ne se sent le cœur à refuser et acquiesce. Cela tire un sourire à Ori, mais également à Yvan qui s'empresse de lui faire un clin d’œil. Il ne récolte qu'un regard noir et un soupire exaspéré en échange. Comme si elle allait céder si facilement.

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