Remise en forme.
- Ah bah te voilà revenue ? J’te croyais morte depuis le temps.
- Presque.
Le maître de l’arène, Gorchak, hausse un sourcil intrigué, face à la courte réponse de la jeune femme qui prend rapidement congé pour aller s’échauffer. Elle n’est pas venue pour se faire taper sur la couenne, mais simplement utiliser le matériel pour une petite remise en forme avant de retourner au casse-pipe. Elle déteste imaginer son corps autrement qu’au meilleur de sa forme et ne lésine pas sur les moyens pour vérifier que tout fonctionne correctement. Même si ses muscles ont un peu fondu, elle reste en relative bonne forme physique, même si elle sait bien qu’il lui faudra bien plus que trois pauvres jours pour se remettre complètement d’aplomb. Le mannequin de paille qu’elle a réussi à récupérer en prend pour son grade le temps que la jeune femme finisse en sueur, mais déjà un peu plus satisfaite qu’à son arrivée. Si elle n’a pas à combattre une créature sortie des enfers, elle devrait pouvoir se débrouiller. Reste que son bras toujours bandé n’est pas aussi efficace qu’avant et cela l’ennuie.
Lui revient l’idée de jouer avec les muscles de ses adversaires, son bras manquant certes de force, mais pas de précision, elle peut essayer de trouver une technique adéquate ici. Jetant un œil aux alentours, elle repère un petit groupe d’esclave censé servir de mannequin d’entrainement plus réel que les sacs de paille. D’un geste, elle demande à Gorchak qui la laisse choisir un humain à la morphologie tout ce qu’il y a de plus banale. Parfait pour détailler ce dont elle a besoin. Elle se dit que, de plus, il sera plutôt content d’avoir affaire à elle plutôt qu’avec le shaakt qui s’entraîne à retirer la peau avec son fouet sur un pauvre hère bâillonné pour éviter que ses cris ne résonnent dans la salle.
- Bouge pas !
L’esclave obéit docilement, la crainte se lisant pourtant dans ses yeux pas encore tout à fait éteints par les mauvais traitements. Pourtant, la jeune femme ne commence pas par lui taper dessus. Elle réfléchit et presse son pouce à divers endroits de ses épaules, observant les réactions du bras attaqué. Elle continue ainsi pendant un moment à divers endroits. Toutes les articulations des bras et des jambes y passent, la jeune femme observant les réactions en détails avant de passer aux muscles en eux-mêmes. Elle y passe ainsi près d’une heure sans jamais faire beaucoup plus qu’appuyer très fort sur les muscles de l’esclave qui commence à la regarder d’un air bizarre. Elle capte son regard et hausse un sourcil.
- Quoi ?
- Vous ne frappez pas ?
- Tu préférerais ?
Vu sa réaction, ce n’est pas le cas et elle se replonge dans son étude pendant encore une bonne demi-heure avant de s’écarter. Elle est parvenue à plus ou moins repérer ce qui agit sur tel ou tel endroit, elle doit à présent vérifier que ce qu’elle essaie de faire à une quelconque application réelle et utile. L’esclave pâlit quand elle s’étire et fait craquer ses doigts, mais la jeune femme ne s’en préoccupe guère. Ce n’est pas comme si elle allait le massacrer à coup de poing par pur plaisir. Taper sur quelqu’un qui ne se défend pas n’a pas vraiment d’intérêt, il faut bien l’avouer. Une fois échauffée, elle lui fait tendre le bras sur le côté et frappe une première fois son épaule. Si peu fort que l’esclave ne réagit à peine, excepté son air surpris. La jeune femme recommence, en y mettant un peu plus de cœur à l’ouvrage et cette fois l’esclave manque de partir en arrière en grimaçant. Elle le retient en lui attrapant sa tunique de jute et le remet droit et en position. Jauger sa force est nouveau pour elle, d’habitude elle se contente de frappant aussi fort que possible, mais elle doit s’adapter mieux que cela. Elle recommence. L’esclave grimace, mais son bras ne semble pas avoir de problème. Elle hésite et décide d’essayer autrement.
- Tends ton bras.
Il s’exécute et la jeune femme lui fait plier, puis plier le bras, puis baisser, lever, avant de hocher la tête. Elle lui fait reprendre sa position initiale et frappe du poing entre l’aisselle et le haut de l’épaule. Elle le voit bien grimacer, mais son bras reste stable. Elle est pourtant presque certaine que c’est le bon endroit. Elle recommence en frappant un peu plus fort, sans résultats plus probants. Elle laisse son cobaye étirer son bras pendant quelques minutes qu’elle met à profusion pour réfléchir à autre chose. Peut-être fait-elle fausse route ? Elle grogne et appuie à nouveau son doigt sur la jonction de l’épaule et du bras qui devrait régir. L’esclave grimace et son bras semble faiblir un instant, attirant l’attention de la jeune femme. Elle recommence et elle observe la même réaction alors que le coup de poing ne faisait pas cela. Elle plisse les yeux et fait reprendre sa position à l’esclave. Plutôt que de frapper avec le poing, cette fois, elle essaie autre chose et frappe avec le bout de ses doigts. Elle les sent s’enfoncer dans les muscles et constate avec intérêt que la réaction de l’esclave, bien qu’imparfaite, est prometteuse.
Elle passe un moment à jauger la force nécessaire et l’endroit exact des points qu’elle doit frapper, en trouvant quatre pour chaque bras, au niveau de l’épaule, des biceps, triceps et juste après l’intérieur de coude. Les poings des jambes se concentrent autour du genou, plus difficile à atteindre, mais frapper la cuisse donne aussi des résultats satisfaisants. Après près de deux heures, elle pense avoir chopé le coup de main et annonce à Gorchak en avoir fini avec l’esclave. Le pauvre hère est en sueur et grimace, mais comparé à celui qu’un Garzok a utilisé pour entrainer ses coups de poings, il est plutôt bien loti et quitte la sale, non sans jeter un regard mauvais à Eteslë qui l’ignore purement et simplement. Mieux vaut lui qu’elle. Elle finit par quitter la salle, n’y revient que le lendemain. Après les échauffements d’usage qu’elle préfère ne pas négliger, elle se tourne vers Gorchak qui semble peu étonné.
- Ouais, ouais, j’ai vu ton manège. Y’a de l’idée, mais c’est pas terrible comme technique si tu veux mon avis. Une armure un peu dure et elle est complètement inutile… enfin, tu fais ce que tu veux, t’es pas un soldat après tout. Hey, Jallad, viens voir !
Un humain au teint halé et à la musculature affinée s’approche. Lui aussi semble se battre à mains nues. Il salue Gorchak et offre un bref signe de tête à Eteslë qui fait de même, par réflexe. C’est Gorchak qui s’occupe de faire les présentations.
- Deux cogneurs, ça vous fera du bien de vous entrainer ensemble. Jallad est arrivé il y a une semaine, il voulait devenir plus fort et a quitté son désert pour ça. Eteslë… Bah elle voulait des infos, va savoir ce qu’elle fiche encore ici. Bref, vous vous mettez sur la tronche pour entrainer vos techniques, moi j’ai mieux à faire que vous chaperonner vu que vous ne vous battez pas dans l’arène. Postez-vous dans un coin et faites vos trucs, je surveillerais ça de loin.
Les deux s’exécutent et Eteslë perçoit le regard curieux de l’humain. Elle l’ignore et se met en garde face au sourire de son adversaire.
- Pressée, hein ? T’as l’air d’avoir dégusté y’a pas longtemps, je ne vais quand même pas frapper une femme bless…
Le pied d’Eteslê qui se fige à un centimètre de son visage le coupe net et il cligne des yeux tandis que la jeune femme reprend sa pose. Elle semble avoir fait passer le message et il se lance en avant, faisant fuser son poing, vers le torse d’Eteslê qui l’intercepte et repousse son bras, frappant le plexus solaire en profitant de l’ouverture. Elle remarque pourtant que son adversaire est plus doué qu’il ne semble vouloir le faire croire, car il a bien amorti le choc en bondissant en arrière sitôt son coup arrêté. Elle attaque cette fois, enchainant un déluge de coups de poings dévié de plat de la main avant une riposte de son adversaire qu’elle contre d’un tranchant de la main sur son poignet.
- D’accord… On va peut-être s’amuser.
Il prend alors une pose étrange, une jambe levée et repliée devant lui, un bras en défense levé devant son visage et un autre derrière, prêt à frapper. Surprise, Eteslë se méfie et à raison. Jallad attaque rapidement, son pied fusant fers Eteslë qui l’évite de justesse, mais l’homme continue son attaque en utilisant l’élan de la première pour faire un salto pour abattre son pied sur le crâne d’Eteslë. La jeune femme arrête in extremis l’attaque en croisant les bras, mais le choc est rude et elle grimace, trop lente pour contre-attaquer, regardant Jallad s’éloigner d’un autre salto. Il reprend sa pose, un sourire aux lèvres, ce qui agace prodigieusement la jeune femme qui fonce sur lui. Les mouvements gracieux et aériens de son adversaire, accompagnés de salto, deviennent vite un enfer pour la cogneuse qui peine à le toucher et à l’éviter. Un coup lui percute l’épaule et un autre la cuisse, mais elle tient bon. Elle parvient à passer l’allonge de ses jambes et à frapper la jonction de son épaule comme elle le faisait avec l’esclave, mais le coup n’a pas l’air de faire d’effet et elle se replie d’urgence face à un nouvel assaut.
- Un peu faiblarde cette attaque…
Piquée au vif, la jeune femme repart à l’assaut, réussissant à donner un sérieux coup dans les côtes de son adversaire qui grimace et subit un haussement de sourcil moqueur. Il riposte, mais la cogneuse s’y attendait et dévie le coup et en profite. Son coup file et frappe le muscle de l’épaule avec force et précision. Une grimace de douleur et de surprise se peint sur le visage de Jallad lorsque son bras se met à pendre, sans force, sur le côté de son corps. La jeune femme recule d’un bond et observe son adversaire rendu bien moins dangereux. L’effet n’est pas très long et bien vite le combattant peut à nouveau bouger son bras qu’il étire, ouvrant et fermant son poing pour vérifier que tout fonctionne.
- Intéressant…
Il repart à l’assaut et ils échangent une série de coups et de ripostes bien plus du goût d’Eteslë : brutaux et sec, efficaces avant tout. Elle profite d’un coup de pied un peu trop entreprenant pour frapper à nouveau un muscle avec la pointe de sa main. L’effet n’est pas celui escompté, mais force son adversaire à reculer pour ne pas la laisser retenter la chose. Loin de se décourager, la jeune femme attaque à nouveau, épuisant visiblement son adversaire moins endurant. Si elle prend un sacré coup sur son flanc droit, elle parvient à lui coller un joli cochet qui le fait partir en arrière. Profitant de déséquilibre, elle frappe à nouveau. De la pointe de sa main, elle frappe juste au-dessus d’un genou, d’un coup descendant. La jambe s’effondre et le combattant avec et elle le suit pour le mettre au tapis. Il tente bien de frapper de son bras, mais elle frappe à nouveau le muscle de l’épaule et le bras tombe mollement alors que le poing de la jeune femme s’arrête juste au-dessus de nez de Jallad qui lève son bras valide.
- J’ai perdu ! je sais m’avouer vaincu quand il le faut. Impressionnante technique…
Satisfaite, la jeune femme hoche la tête et se redresse avant de lui tendre la main. Jallad la saisit bien vite et se relève après avoir vérifié que sa jambe répondait correctement. Si Eteslë est curieuse concernant l’étrange technique qu’il a utilisée, elle est surtout satisfaite d’avoir maitrisé celle sur laquelle elle travaillait. Comme s’il lisait dans ses pensées, Jallad la retient par le bras alors qu’elle comptait repartir.
- Un échange de technique la prochaine fois ? Je serais ravie d’échanger avec une autre pratiquante des arts de combat.
Elle hoche la tête, récoltant un regard presque enfantin de Jallad qui semble réellement ravi d’apprendre et d’échanger. Elle-même est intéressée après tout, même si elle n’appellerait pas ce qu’elle fait un quelconque art de combat. Elle se contente de taper plus fort que le type en face. Pourtant l’idée lui plaît. Comme une sensation familière dont elle ne trouve pas l’origine. Comme si son corps se souvenait, lui. Alors elle compte bien voir ce que Jallad peut lui offrir. Mais cela attendra, elle a une réunion importante à laquelle assister. Il est grand temps que la pègre reconnaisse son implication dans tout ça, après tout. Elle ne travaille pas gratuitement.
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Apprentissage de la CC "Frappe Paralysante"