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Je suis réveillé au beau milieu de la nuit par des bruits de pas dans l’escalier grinçant. Des pas lourds qui semblent pourtant se vouloir discrets. Preuve en est que j’entends quelqu’un ordonner à un autre de faire moins de bruits. Je tends l’oreille et secoue la tête pour me mettre les esprits en place.
« Et si ils se réveillent ? »
« Aucune chance. J’ai assez épicé leurs plats pour un long sommeil, c’est même pas sûr qu’ils y survivent. C’est de l’argent facile. En plus il parait qu’il y a un type plein aux as cette nuit. »
« C’est vrai qu’il avait un bras entièrement en argent ? »
« Ouais ! Je l’ai vu ! On prends les Yus et on se barre de la cité avant que ça ne dégénère trop. »
Bande de sales chiens. Je me lève doucement avant que leurs silhouettes ne se dessinent dans l’interstice de la porte et pose mon manteau en boule sur le lit pour le recouvrir de la couverture moisie. Je m’empresse de le faire rapidement et silencieusement puis j’attrape mon arme et me cache dans un coin de la chambre derrière la porte pendant que les brigands se partagent les chambres. J’ai entendu trois voix mais j’en déduis qu’ils sont quatre, un par chambre, peut être plus.
Je patiente tandis que la chaîne de ma porte se brise sous l’assaut d’une pince. Je retiens mon souffle, lame au poing pendant que la silhouette pénètre la chambre et se dirige doucement vers le lit en dressant un poignard. Je le laisse s’éloigner de la porte avant de la pousser doucement pour atténuer la lumière du couloir qui s’immisce dans la pièce, restant ainsi dans l’ombre alors que je m’avance sur la pointe des pieds. Je détaille un instant le pauvre bonhomme devant moi, un humain, aussi surprenant que ça puisse être. Vêtu de vieux habits sombres et usés, maigrichon, pas très grand. Jeune sans doute, à peine adulte peut être, peu importe, il va payer pour attenter ainsi à ma bourse et à ma vie. Je passe mon bras d’argent devant son visage et le saisis au cou avec brutalité, ramenant son corps maigre contre ma lame pointée vers son dos, traversant son torse en sectionnant sa colonne. Il a à peine le temps de pousser un soupire que je le sens s’éteindre, perdant l’usage de ses membres pour devenir aussi mou qu’un poulpe. Je l’allonge sur le sol pour ne pas faire de bruit et m’approche de mes affaires pour saisir une fiole de fluide, conscient que sans armure et malgré l’effet de surprise, j’aurais besoin de ma magie. Attentif, je tends l’oreille pour m’assurer que j’ai un peu de temps. Quand j’entends que la chambre d’à côté se fait fouiller j’en profite et retire le bouchon de liège pour engloutir la liqueur noire qui répand une froideur glaciale dans ma bouche, ma gorge, ma poitrine, mon ventre. Tout mon corps devient froid comme la mort alors que je vois apparaître un voile sombre devant mes yeux. Je frisonne, de froid, d’excitation et d’un sentiment de toute puissance. De ma peau se libère des volutes ténébreuses qui me donnent un aspect d’homme englouti dans une fumée noire et c’est à cet instant que la porte derrière moi s’ouvre lentement pour laisser passer un rayon de lumière vacillante.
« Qu’est-ce que ! »
Je me tourne brutalement, laissant la magie recouvrir mon visage pour dessiner une nouvelle peau. Une peau blafarde, livide, ravagée par la décomposition, provoquant une terreur traumatique chez l’individu plus âgé et plus épais que le précédent qui se tient dans le cadre de la porte. D’effroi il lâche son couteau de cuisinier en poussant un hurlement de panique avant que je ne lui fonde dessus, tranchant sa tête qui roule sur le sol.
Je sors ensuite de ma chambre d’un pas lent, à la rencontre des autres brigands alertés par les cris. A la fois surpris et effrayés, ils se ruent tout de même sur moi. J’avais vu juste, ce sont bien des gamins ou presque. Sans doute des gosses sans le sous qui ont trouvés la combine pour se faire de l’argent facile. Droguer les clients de l’auberge avec la complicité du cuisinier pour ensuite venir la nuit leurs faire les poches. Plutôt malin je l’admets. Ils ont juste manqués de chance, ma Foi me protège. Le plus costaud arrive en premier, dénué de mon armure, je reprends une posture de bretteur, me souvenant des leçons de Dolvan. De profil, pieds écartés, jambes souples, une main en retrait. J’accueille mon adversaire en déviant de ma lame son coup maladroit et lui assène une violente gifle de ma main fondue dans le métal, l’envoyant se percuter contre le mur. Le second s’agite avec sa dague, donnant des coups dans tous les sens que je parviens à parer, puis à dévier, le faisant toucher son allié. Là encore je me sers de ma main libre pour frapper ce jeune bandit qui s’écroule sur le sol.
« Je vous en prie ! On s’excuse ! Prenez l’argent ! »
Sanglote le garnement à terre, la lèvre fendue et dégoulinante de sang.
« Evidemment que je vais prendre l’argent. Ainsi que vos vies pour les offrir à Phaït… »
Je suis interrompu par un objet qui me percute brutalement le dos.
« Courrez ! »
Hurle une voix fluette, celle d’un enfant encore loin de l’adolescence, à l’inverse de ceux qui sont face à moi. Je tourne la tête, apercevant un jeune garçon brandissant une petite casserole, prêt à la lancer comme projectile improvisé, les yeux larmoyants d’effroi. Mais le plus costaud ne compte pas fuir. Il me charge, me plaque contre le mur derrière moi en m’assenant un premier coup dans l’estomac et un second dans la mâchoire, il arme un troisième coup face à mon visage mais je le prends de vitesse en balançant tout mon corps en avant, me rappelant de l’étrange vision que j’avais eu quand j’étais inconscient à Kôchii, des dégâts que j’avais infligés à ce squelette venu mettre à l’épreuve ma foi grâce à un coup de tête brutal. Je me souviens de ce balancement partant du thorax pour finir au sommet du crâne et ça ne loupe pas, bien que je sente une plaie s’ouvrir sur mon front, le visage face à moi est en bien plus mauvais état. Son nez est éclaté, dégoulinant de sang. Il est étourdi, laisse retomber son bras tandis qu’il titube en arrière. Je dresse ma lame et lui traverse le torse, provoquant les cris de détresse de ses deux camarades. Je pare le jet de casserole venant du gamin grâce à mon bras d’argent avant de répliquer d’un souffle magique qui s’extirpe de ma main squelettique pour le frapper avec violence, le faisant chuter dans l’escalier en provoquant un vacarme de bris de bois et d’os avant qu’un dernier son étouffé ne résonne, suivi du silence. L’autre sanglote toujours, rampe en arrière pour tenter de s’échapper alors que j’essuie le sang qui roule sur mon visage d’un revers de manche, l’air impassible et calme.
Je me dirige ensuite d’un pas lent vers le pleurnichard qui supplie pour sa vie jusqu’à ce que ma lame traverse son cœur, l’achevant sans plus de douleur. Je jette un regard vers les chambres où les clients n’ont pas bougés une oreille malgré les cris. Je pénètre dans l’une d’elle pour me rendre compte que la personne est morte, étouffé par son propre vomi. Je darde un regard méprisant sur le cadavre en songeant que si un plat plus appétissant m’avait été ramené je serais peut être dans le même état. J’entreprends de fouiller ses affaires, cherchant ce qu’il y a d’intéressant malgré qu’il se soit déjà fait dépouiller. Je fais de même avec le pleurnichard dans le couloir puis le costaud avant de poursuivre avec les deux derniers brigands qui ont déjà commis leurs larcins.
J’essuie mon épée sur un cadavre avant de la ranger dans son fourreau puis récupère le couteau de cuisine du brigand le plus gras pour me découper un bout de sa chemise afin de m’essuyer le front. J’enfile ensuite mon équipement sans me précipiter. Je ne pense pas que quelqu’un va venir ici avant le lever du jour que je juge, après un coup d’œil par la fenêtre, pas avant quelques heures. J’attache ma ceinture et sangle mon bouclier avant de quitter la pièce pour descendre les marches grinçantes, retrouvant au rez-de-chaussée le corps disloqué du gamin. Difficile de dire si c’est mon sort ou la chute qui lui a prit la vie. Je me penche au dessus de lui et passe une main sur son visage pour fermer ses yeux terrifiés.
« N’ai crainte petit, Phaïtos accueille aussi les enfants au sein de son royaume. »
Comme aux autres, je lui fais aussi les poches, prenant ce qui est plus utile aux vivants qu’aux morts. Je me redresse et entends une autre présence venant de derrière le comptoir. Un mélange de sanglots et de respirations frénétiques ressemblant à de la panique. Je pose ma main sur le manche de mon épée en me dirigeant vers la cuisine d’un pas toujours calme, lent, régulier, faisant craquer les planches de bois sous mes bottes.
Je découvre le nain, recroquevillé sur un tas de paille, attaché au mur comme un animal. Il supplie, jurant qu’il ne savait pas. Je l’ignore, comme on ignore un déchet sur le bord du chemin, je ne me fatigue même pas à lui ordonner de se taire. Il le fait de lui même en constatant que je n’ai que faire de son existence. J’ouvre alors les placards, les tiroirs, les coffres, à la recherche de nourriture potable. Je déniche une miche de pain un peu dur et un couteau dans un tiroir. Je pénètre dans la réserve, trouvant ce qui doit être une cuisse de sanglier, ou un autre animal y ressemblant, fumé, suspendue au mur et dégageant un fumet appétissant. Je le retire de son crochet pour l’amener en cuisine et le poser sur le plan de travail pour m’en découper une tranche sous le regard médusé et apeuré du Thorkin. Je m’installe à une table, prenant enfin un repas mérité de viande et de pain.
Une fois rassasié, je fais preuve de bon cœur et jette un quignon de pain à l’animal rasé qui tremblote dans son coin avant de me relever et de rassembler des provisions pour le voyage à venir. Pain, haricots secs, viande salés et fumés. Je laisse en revanche le seau où grouille la vermine qui lui sert d’ingrédients, le refermant d’un geste sec en grognant, ne manquant pas de faire sursauter le Thorkin. Je pense en avoir assez pour le trajet, je quitte finalement l’auberge pour rejoindre la rue, en quête d’un endroit où acheter ce qu’il manque pour le voyage.
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(( Suite d'apprentissage de la capacité "Coup de tête.". Suite de ce
rp. Fait les poches des brigands et vole des provisions.))