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Je reste de marbre quand cette boule de muscles se permet de juger ce qu’il s’est passé en Ynorie, me traitant en plus de pilleur. Chienne de garce, ce que je ramène n’est autre que ce qui m’a servi de déguisement et il est plus que temps de m’en séparer. Mais si il y a des artisans assez demeurés pour m’en donner des pièces alors je ne vais pas me priver. Patiemment, sans même taper du pied ou des doigts sur le comptoir, je la laisse faire son spectacle, cherchant et ramenant des pièces d’armures dans le capharnaüm qu’elle oserait nommer boutique. Je m’équipe au fur et à mesure, ne voulant pas traîner plus longtemps que nécessaire. De plus, faire ceci avec une seule main n’a rien de simple et je suis heureux d’être presque aussi habile de ma main gauche que de ma main droite. Elle s’éclipse ensuite vers l’arrière boutique pour en revenir avec une ceinture qui ne paraît pas être à sa place tant elle est brillante et en bon état. Je la noue autour de ma taille et y mets en place ma nouvelle arme, mes bourses de runes et de pièces ainsi que la gourde contenant mes potions. Elle dresse rapidement la facture en déduisant la valeur de ce que j’ai ramené, me permettant tout de même d’économiser la moitié du prix. Je crois pendant un instant qu’elle oserait me faire l’affront de s’éclipser sans répondre à ma question mais son cerveau barbare s’en souvient au dernier moment et alors qu’elle s’apprête à retourner dans sa forge elle se retourne pour me donner le nom des bâtiments que je recherche ainsi que la direction à prendre tout en me mettant en garde, sous entendant que je pourrais être un vulgaire voleur.
Je quitte la forge sans même un remerciement. Débarrassé de mon déguisement de soldat de la cité blanche et affublé d’un équipement plus local, j’arpente à nouveaux les rues vers le bâtiment que m’a désigné la Garzok. Je m’approche de ce qui pourrait être une artère principale, je me demande même si ce n’est pas le chemin que j’ai emprunté avec le reste des troupes pour atteindre la tour. Le vacarme de l’émeute se fait toujours entendre et je suis témoins d’un Sekteg qui se fait abattre d’un carreau alors qu’il essaie de fuir comme beaucoup d’autres. J’entends des bruits de fracas comme si on détruisait une rangée de cabanons. Je me colle au mur quand j’entends le bruit des bottes et les vociférations hargneuses d’un Garzok armé à la tête de ce qui semble être un groupe de purificateurs. La patrouille passe sans me remarquer, poursuivant les fuyards en lâchant des salves d’arbalètes meurtrières.
Il semble qu’une sorte de purge ait démarrée et je ne tiens pas à en faire les frais. J’attends une poignée de secondes avant de rebrousser chemin. La forgeronne m’avait indiqué que la boutique se tenait deux rues plus loin et je l’ai sans nulle doute dépassée. Nouveau bruit de course aux pas lourds, je bifurque pour éviter de les croiser, pénétrant dans une ruelle encore plus étroite où se trouvent bon nombres de cachettes pour des coupe-jarrets. Je dégaine mon arme et avance d’un pas rapide mais prudent, scrutant avec attention chaque recoins pour ne pas me faire surprendre. Je débusque un Sekteg recroquevillé de peur sous une couverture miteuse derrière un tas de gravas. Il me jette un regard implorant et pathétique quand il m’aperçoit ne faisant qu’accentuer le mépris que j’ai déjà à son encontre.
« Le Vieil Occulus. »
Articulais-je distinctement pour ne pas devoir me répéter et user d’avantage de salive pour cet être dégoûtant. Après un regard apeuré dans la direction d’où je viens il désigne d’un doigt tremblant une direction qui m’enfonce plus encore dans les ruelles sombres avant d’à nouveau se terrer dans sa cachette. Je lui accorde une grimace agacé avant de poursuivre mon chemin avec la sensation que les murs se rapprochent au fil de ma progression. Je ne relâche pas mon attention, patiente à l’abri des pierres sales quand j’entends du mouvement, toujours prêt à frapper jusqu’à ce que j’atteigne une rue plus grande et déserte. J’y pénètre comme dans un nouveau monde, entendant le brouhaha du chaos qui grandit quelques rues plus loin. Ici il semble déjà être passé. Je progresse dans un dédale de tentes arrachés, de taudis de bois et ferrailles renversés, de restes de nourritures avariés mélangés aux flaques de sang et cadavres disséminés qui font déjà le festin des rats qui perturbent le silence de mort qui s’est abattu ici par leurs petits couinements.
Je distingue au milieu des habitations délabrés ce que je recherche, une vitrine aux stores clos avec sur le haut de la porte une inscription poussiéreuse m’indiquant que je suis au bon endroit. Je pousse la porte après avoir rangé mon arme, pénétrant dans, surprise, une boutique sale et puante, une de plus. Un vieux Garzok s’extirpe d’une pile de grimoires, donnant au passage un coup de patte dans une fiole qui roule sur le sol et qui termine sa course dans un tas de parchemins usés. Il lâche une quinte de toux glaireuse avant de racler ce qu’il reste dans sa gorge d’un long reniflement dégoûtant. Je jure sur Phaïtos que si il ose m’adresser la parole avec cette morve visqueuse et sombre qui dépasse de ses lèvres épaisses je l’égorge sur le champ. Il n’en est rien, je l’entends déglutir avant de pousser un soupir las qui embaume la pièce d’une odeur de bile. Il s’approche ensuite, passant entre les étagères poussiéreuses où sont exposés des objets poussiéreux tout en me demandant ce qui m’amène à une heure si tardive et dans un climat si particulier.
« Je viens vendre. Et acheter. »
Il m’invite à le suivre jusqu’au comptoir en m’encourageant à ne rien toucher. Je me garde bien de lui dire que je suis bien trop occupé à regarder où je marche pour éviter le désordre qui encombre le plancher. Je fouille dans mon sac en attendant que le vieux sorcier passe derrière son comptoir avec sa démarche sénile avant de déposer d’autres objets encombrant devant ses yeux vitreux. Le pantalon Kendran qui accompagnait mon accoutrement de soldat ainsi que les vêtements que je portais à bord de La Baliste. Je le laisse inspecter les bouts de tissus et commenter sur le prix de revente sans même vraiment l’écouter avant de lui faire part de ce que je souhaite acquérir:
« Je voudrais un manteau, pas de la récupération, je le veux neuf et capable de résister aux pires intempéries ainsi que deux fioles de fluides d’obscurité. Je suis certain que vous avez ça ici. Enfin… »
Poursuivais-je en extirpant une rune de ma bourse.
« Êtes vous capable d’identifier ceci ? »
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(( Ventes : Pantalon Kendran (100y)+ pantalon de toile et veste de marin ( 30y). Total de 130 yus.
Achats : 1 manteau de bonne qualité ( 200y) + 2 fluides d’obscurité 1/4 ( 500 y) + identification de runes. Total de 700 yus.))