Le Port

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Yuimen
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Le Port

Message par Yuimen » mer. 27 déc. 2017 17:23

Le port
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La pêche est une des activités principales du port ! Prenez place à bord d'une barque et gagnez la mer pour pêcher votre poisson !

Du fait de sa position stratégique, Bouhen est aussi un grand port pour ce qui est de la marine de guerre, elle possède les plus beaux vaisseaux. Plus loin, les arsenaux fourmillent d'activité pour construire les futurs navires de la marine Royale.

Le port est parfois bouché par des végétaux ! Que se cache-t'il derrière cet étrange phénomène ?

Les bateaux sont rachetés à 1/4 de leur prix.


La demande doit être postée, avec le lien du post, dans le sujet d'Interventions GM.
Prix et explications des navires : Règle des voyages maritimes

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Oljyn
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Re: Le Port

Message par Oljyn » mar. 24 mars 2020 21:25

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J’ai eu besoin d’une quinzaine de jours pour faire le voyage entre Gamerian et Bouhen. Fort heureusement les voies sont pavés et de nombreuses patrouilles font le trajet entre les deux cités pour prévenir des attaques de bandits et sans doute, maintenant, de Garzoks. Plusieurs se sont moqués de moi et de mon équipement de pêche, demandant si je m’étais perdu. Une certaine xénophobie règne dans ce comté. Tout comme à Gamerian, l’origine vient probablement du conflit qui a opposé Kendra Kâr à l’Ynorie. Des gens rancuniers, racistes et armés. J’étais ravi. Néanmoins j'étais parvenu à la cité fortifié sans encombres, une véritable promenade de santé comparé au voyage que j’avais fais avec le forgeron. J’espérais que pour lui aussi ça c’était bien passé et qu’il était arrivé chez lui sans croiser de mauvaises surprises.

Bouhen est donc une véritable cité fortifié, protégée par de hauts remparts, illuminés la nuit, qui la préserve d’invasion venant de la terre ou de la mer. Malgré son allure militaire je remarque de nombreux convois marchands qui passent la grande porte enchâssé dans les remparts. Je pénètre sans trop de difficultés, encaissant simplement quelques remarques sur la forme de mes yeux ou la couleur de ma peau. Cible de regards méprisants, je mord plusieurs fois l’intérieur de ma joue pour ne pas décocher de bonne droite de pêcheur au cours de ma traversée de la cité, empruntant pour cela des ruelles étroites et sales jusqu’à atteindre le port.

Un port impressionnant où se croisent bateaux de pêche, barques, navires marchands et vaisseaux de guerre. En parcourant les docks, je remarque un navire dont l’équipage est composé d’hommes grands aux cheveux sombres et aux yeux clair. Nulle doute qu’il s’agit d’hommes venant d’Imiftil. Je m’approche à grands pas et interpelle l’un d’eux.

" Hey ! Où est-ce que vous allez ? "

Un homme se redresse pour m’observer avec un regard méfiant.

" En quoi ça intéresse un pêcheur ? "

" J’aimerais rentrer à Tulorim. "

" Rentrer ? "

Il se gratte la tempe avant d’observer derrière lui et s’adresser trop bas pour que je puisse l’entendre à une personne que je ne peux pas voir. Je l’aperçois tirer sur le coin de ses yeux pour mimer les miens avant de hausser les épaules. L’instant d’après un autre Whielois se montre. Plus large d’épaule encore que le premier pourtant costaud, il possède de longs cheveux noir noués en queue de cheval ainsi qu’une large barbe noire bien entretenue. Il est habillé plus richement également, d’une tenue variant du bleu au pourpre et exposant à ses doigts des bijoux rutilants. Il m’adresse la parole d’un ton hautain, de celui du bourgeois pétant plus haut que son cul.

" Votre nom ? "

" Oljyn Shazano. "

" Monsieur Shazano. Ai-je l’air de tenir un piteux navire transportant des passagers en guenille ? "

" Vous... "

Je me retiens au dernier moment de lui répondre qu’il a l’air d’être un trou du cul, me souvenant que j'avais besoin d'un navire pour traverser l'océan. Il hausse un sourcil en attendant la fin de ma phrase.

" Vous avez l’air d’un trou du cul. "

Je couvre ma bouche, pensant d’abord que je n’avais pas réussi à me retenir mais je me rends compte que les mots ne venaient pas de ma gorge mais d'une jeune femme passant à côté de moi sans même s’arrêter. Blonde aux yeux bleus avec un nez fin, elle est assez belle mais son regard dardé vers le riche Whielois transparaît une certaine cruauté qui l’enlaidit. Elle porte une tenue noire et à sa ceinture est fixée un long sabre fin et un couteau. Elle arbore également une large cape sombre qui lui recouvre les épaules et descend jusqu’à ses genoux protégée par de longues bottes de cuir. En passant à côté de moi je remarque un bruit mat de bois frappant le pavé, elle se déplace à l’aide d’une béquille qui soutient sa jambe gauche.

" Venez Oljyn. Je vais vous emmener à Tulorim. Vous y serez bien avant cet imbécile."

Je jette un regard vers le bourgeois qui a pris une couleur rouge pivoine alors que son visage est déformé par la colère. Pourtant il n’ose rien dire, absolument rien. Il se contente de se draper de manière théâtrale dans sa cape hors de prix et fait volte face pour retourner se terrer dans sa cabine après, bien sûr, que je lui ai adressé un sourire moqueur.

Je rattrape assez rapidement la dame qui se dirige vers un fier galion aux voiles azur et où l’équipage cosmopolite semble tout de même à majorité Kendran et sérieusement armés. Elle se présente d’un ton assuré.

" Capitaine Sanavia. Je vais répondre aux questions que vous pourriez vous poser. Je suis une corsaire, pas une pirate. Le trajet ne vous coûtera rien si ce n’est aider à bord et enfin j’ai reçu une grave blessure à la jambe lors d’un tournoi dans l’arène de Kendra Kâr. "

Elle me lance un regard méfiant avant de me demander.

" Vous n’êtes pas malade au moins ? "

" Euh...non. "

" Alors bienvenue à bord du Lys Azur. "

Dit-elle en ouvrant la marche pour grimper à bord de son navire.


>>>

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Yliria
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Re: Le Port

Message par Yliria » sam. 2 janv. 2021 13:29

<< Précédemment


J'observai le port qui s'approchait doucement. Autant les navires que la grande agitation qui régnait sur le quai et me préparait pour encore un moment peu agréable à côtoyer une ville emplie d'humains peu amènes. Vérifiant mes affaires, je redressai le nez pour croiser le regard de Cherock. Il semblait dubitatif et je n'eus aucun mal à deviner pourquoi. J'avais encore sa phrase dans ma tête et ma réponse commença d'un voix trop fluette avant que je ne me reprenne en me traitant d'imbécile.

- Parf... hrrm Oui, tout va bien pour l'instant. C'est le masque qui t'intrigue, je me trompe ?

Devant l'évidente réponse affirmative et la question silencieuse, je haussai les épaules.

- Je ne vais jamais en ville sans. Trop d'ennuis, surtout ici. Je l'enlèverai une fois la ville derrière nous.

- Alors pourquoi dans l'auberge, tu... Non c'est bon, ça ne me regarde pas. Il va falloir vendre le bateau et ne trouver un autre pour retourner à Oranan. Ou alors on prend un Cynore... Ça serait peut être plus prudent.

Je devais avouer que je n'avais pas penser à cela une seule seconde, aussi restai-je muette quelques secondes, réfléchissant aux possibilités.

- Je... je n'en sais rien. Bêtement je pensais y aller... bah à pied, mais ce n'est peut-être pas la meilleure idée pour protéger ta maman. Demande-lui son avis je pense. Je ne sais même pas où on peut embarquer dans un Cynore sur ce continent.

- Bonne idée, il faut que... Mmmh ?

Je haussai un sourcil lorsque Cherock s'interrompit en observant le port que nous atteignions. Il indiqua un navire à Fred, un navire aux voiles vertes et sauta à quai alors même que le petit bateau n'était pas amarré, laissant Fred gérer la manœuvre. Il me confia sa mère qui retint de justesse une expression inquiète en voyant son fils sauter d'un bateau en pleine manœuvre pour courir sur le quai comme s'il avait Valshabarath aux trousses. Je l'entendis hurler un nom tandis que je sautai sur le quai à mon tour lorsque Fred eut enfin amarré la petite embarcation. J'aidai sa mère à grimper à son tour avant de me diriger avec elle vers le navire où les choses prirent une tournure plus qu'imprévue. Une femme hurla le prénom de Cherock et je vis ce dernier être projeté à terre par une boule de feu. Sans réflechir, je tirai ma lame, ordonnai fermement à Elena de rester en retrait avant de foncer vers l'affrontement qui prit une tournure étrange. La femme s'était jetée sur Cherock et le secouait en lui hurlant dessus à propos d'un message alors que lui se mettait à rire. Je restai plantée là, Stellarhyss au clair et enflammée, face aux regards surpris de quelques marins et celui plus suspicieux d'un homme mûr dont le visage me disait quelque chose. Je haussai le ton pour tenter de me faire entendre par dessus les hurlements de la folle hystérique visiblement pas prête de se calmer.

- Cherock ? Qu'est-ce qu'il se passe là ? Besoin d'aide ... ?

- C'est bon Yliria, tout va bien. Tu peux ranger ton arme. Elle ne va pas me tuer.

Je haussai un sourcil dubitatif face à cette déclaration alors que le jeune femme se relevait, esquivant adroitement la main de Cherock qui voulait la rapprocher de lui. La mère de ce dernier s'accapara aussitôt l'attention de la jeune femme en débitant tant de paroles et à un débit si élevé que je perdis le fil sans même essayer de le retenir, ne retenant que le nom, Anthélia. Il me semblait l'avoir déjà vu quelque part... Cherock se faufila jusqu'à moi et me permis de mettre un souvenir sur cette impression.

- Elle était avec moi à la taverne, tu te souviens ?

- Ah ! Oui...

Une bien curieuse façon de dire bonjour qui me laissait perplexe. J'imaginai qu'elle devait être inquiète au sujet de l'Ynorien, mais de là à presque l'achever... Je haussai les épaules et rengainai ma lame après l'avoir éteinte, la tension régnant dans mes épaules s'évanouissant presque totalement. Presque...

- C'est... une coutume ynorienne de se jeter sur les gens après les avoir presque tué pour ensuite les secouer en leur hurlant dessus ? Oranan ne me tente guère...

Je me payai ouvertement sa tête, mais la question était là, en sous-texte. Quelqu'un pouvait-il m'expliquer ce qu'il se passait exactement ? Le rire de Cherock résonna à nouveau à mes oreilles, attirant quelques regards avant qu'il n'enchaîne en reprenant son souffle.

-Pfiou... Elle savait qu'elle n'allait pas me tuer, c'est avec elle que j'ai expérimenter l'incrustation de runes de mon manteau. Quand à me secouer comme un prunier... disons qu'Anthelia s'est fait beaucoup de soucis à mon sujet, et à raison. J'ai l'habitude et la réputation de me fourrer dans un paquet de situation très compliquées...

(Marrant... Cela me rappelle quelqu'un... Une certaine semi-sha...)

(Oui, je sais... Tu deviens prévisible, je m'y attendais.)

Son ricanement me fit rouler des yeux avant qu'ils ne se posent à nouveau sur Cherock dont le visage rougi semblait bien loin de celui que j'avais pu voir quelques jours plus tôt. J'observai un instant la petite troupe, le capitaine et toute l'agitation qui régnait près du navire avant de revenir vers l'Ynorien. Mes mains se croisèrent dans mon dos et je serrai les poings pour les empêcher de trembler alors que mon rythme cardiaque augmentait peu à peu.

- Tu devrais la rejoindre, elle semble vraiment tenir à toi. Peut-être que tu pourras marchander avec le capitaine pour qu'il vous ramène à Oranan, ce sera moins dangereux que d'y aller à pied. Et plus rapide.

(Yliria... Tu avais dit oui.)

(C'était avant... ça. Rien que l'idée me donne envie de m'enfuir... ou vomir... les deux en fait.)

(Tu ne risque ri...)

(Tu n'en sais rien! Et j'ai eu assez de contacts avec des mâles humains pour un moment, honnêtement.)

Plus je fixai l'équipage qui s'agglutinait non loin et plus je me sentais mal. Alyah avait probablement raison, comme souvent, mais me retrouver à nouveau cloitrée sur un bateau avec autant d'hommes me terrifiait. Cherock ne comprenait pas et je n'avais pas la force de rentrer dans le détail. Lui disait que nous serions les bienvenus à bord, mais je n'en avais rien à faire. Je ne voulais plus penser à tout ça. Alors son argent pour payer ma place, je m'en fichais.

- Fais ce que tu veux, je...

J'inspirai pour me détendre. Je ne voulais pas que ça me hante, mais c'était trop récent, et juste y penser... je sentis ma voix trembler. Ce n'était pas sûr pour moi. Plus rien ne l'était.

-Je peux pas...Ils vont...

Je me sentais mal, vraiment mal. Alyah tentait de me calmer en murmurant des paroles réconfortantes, mais c'était comme si je l'entendais de derrière un mur, ça semblait si lointain... la main dans mon dos me fit relever les yeux vers Cherock. je ne voulais pas qu'il me touche, mais il me poussa gentiment avec lui, m'éloignant de l'agitation. Je le laissais me pousser, parce que je ne savais même pas si j'aurai eu la force de décider moi-même de bouger. Son visage se porta à ma hauteur et j'eus un léger mouvement de recul. nous étions seuls, au bord d'une jetée, non loin. Trop loin pour être entendus, trop près pour ne pas être observés.

-Chhhhhh... Allez Yliria, calme toi... C'est bon, tu ne crains rien, il n'y a que toi et moi là. Tu me fais confiance ? Alors fais comme moi... Inspire... Expire... Inspire... Expire... Voilà comme ça, suis ma respiration... Inspire...

J'eus du mal, mais je calquai ma respiration sur la sienne et, peu à peu, mes tremblements se calmèrent et je pus à nouveau réfléchir correctement. Je poussai mon masque sur le côté de mon crâne, essuyant les larmes mêlées à la sueur qui avait coulée sur mon visage pendant cette crise. Je me sentais toujours fébrile et vraiment pas à mon aise, mais au moins la seule chose que je fixai c'était le visage interrogatif et inquiet de Cherock.

- Désolée je... En voyant tous ces types... et le bateau.. l'idée de monter à bord... je... J'ai revu. Paniquée je... je veux pas qu'ils me touchent... J'peur de... J'préfère mourir que revivre ça. Je peux pas...

Je ne comprenais même pas moi-même. Ce n'étaient pas les mêmes hommes, ni le même bateau, ni les mêmes conditions. Mais j'avais juste peur que ça se produise à nouveau... Je secouai la tête, me frottai les yeux en inspirant. Je me trouvai pathétique, mais je ne savais pas comment gérer ce genre de choses. Lui proposait de veiller sur moi, parlant avec une voix douce. L'idée qu'il abandonne carrément sa mère pour m'aider, alors qu'il avait tant fait pour la sauver, ne me plaisait pas trop. J'avais encaissé tout ça pour la sauver, moi aussi. Je ne pouvais pas vivre comme ça, à avoir la peur au ventre en permanence. Je devais juste trouver un moyen de me calmer et de ne pas paniquer. Alyah me souffla quelques mots et je hochai la tête. Cela valait le coup d'essayer, tout plutôt que d'être incapable de réagir à cause d'enfoirés qui n'étaient même plus de ce monde. À nouveau je secouai la tête.

-J'ai juste... Besoin de... je sais pas trop. Tout a été trop vite et j'ai pas... j'ai pas réussi à tout supporter.

Mon regard se perdit un instant sur le navire et je fermai les yeux en inspirant avant de fixer Cherock.

- Si je suis pas revenue avant la nuit, c'est que je ne viendrai pas. J'ai besoin de... de me recentrer, seule. Je suis désolée, ça m'a pris soudainement et je veux pas que ça empire alors... Je suis désolée.

Je reculai en repoussant doucement son bras, remis mon masque et fichai le camp du port en empruntant le même chemin que j'avais déjà pris il y avait finalement peu de temps. Je voulais juste trouver un peu de paix et réfléchir à ce que je devais faire. Dans ce genre de moment, Papa me manquait encore plus que d'habitude...

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Xël
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Re: Le Port

Message par Xël » dim. 3 janv. 2021 15:00

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Nous arrivons au port militaire, toujours en ébullition. Des marins s’activent dans tous les sens, chargeant les frégates en matériel. Une certaine tension est palpable, il est clair que quelque chose se prépare et je ne doute pas que cela ait un lien avec ce qu’il se passe plus au nord. Nous montons à bord d’un bâtiment où Bogast nous attend. Il patiente à côté d’un scorpion fixé au navire, discutant avec un artilleur à la peau dévoré par le vent salé, aux cheveux gris et aux yeux clairs.

« Ah Almaran ! Vous voilà. Bienvenue à bord du Saline. Je vous présente le premier artilleur Grimes. »

Je salue militairement le marin qui me le rend d’un signe de tête désinvolte pendant que le général poursuit.

« Il accepte de nous prêter son matériel, évitez donc de tout détruire. »

L’artilleur hausse les sourcils en jetant un regard à l’aeromancien avant de donner l’impression de tourner la langue dans sa bouche. Camille et Edmen se mette à l’écart avec un sourire jusqu’aux oreilles tandis que Bogast me fait signe d’approcher.

« J’estime que vous maitrisez suffisamment le sort d’amélioration magique pour que nous puissions passer à autre chose. »

J’incline la tête. En effet mes dernières semaines m’ont servi à maîtriser ce nouveau sort, canaliser la puissance nécessaire, rapidement et selon différentes formes d’objets et je suis impatient de découvrir quel nouveau tour de magie Bogast souhaite m’apprendre.

« Vous avez déjà vu un dragon il me semble. »

« Oui. Plusieurs même. »

Dis-je, un peu surpris par la question alors que l’artilleur grommelle une phrase incompréhensible dont je perçois simplement les mots dragon et herbe de Shory.

« Alors ça devrait être assez facile pour un mage comme vous. Observez attentivement Almaran. »

Comme les fois précédentes le mage émérite me montre l’exemple. Il s’approche du scorpion et pose sa main sur le projectile de l’arme de siège avant de se concentrer. Je garde un oeil sur le trait où les flux de magie se concentrent jusqu’à ce que j’y discerne une forme de dragon à la couleur grise parcourue de reflets bleus. De petite taille, il se fond dans la flèche quand Bogast retire sa main.

« Allez-y. »

Ordonne t-il à l’artilleur qui tire sur le levier de la machine de siège. La corde claque, le trait file à toute vitesse vers l’océan où aucun navire ne barre sa route. Soudain je perçois deux ailes, ou plutôt des esquisses d’ailes aux contours agités. Des petites ailes de dragons qui portent le projectile à toute vitesse vers l’horizon avant que celui-ci ne touche la surface de l’eau à bonne distance en terminant par un choc ressemblant à un vent violent.

« Les mages ont généralement du mal à visualiser un dragon pour le lier au projectile mais pour vous ça devrait aller n’est-ce pas ? »

J’acquiesce tandis que le marin recharge son arme en grommelant d’autres mots incompréhensible.

« Ce sort fait le bonheur des artilleurs et des archers mais il est assez long à préparer. Prenez votre temps Almaran. »

Je perçois entre des mots mâchés de l’artilleur qu’il n’a pas toute la journée.

« Visualisez un petit dragon qui porterait le projectile pour le faire atteindre sa cible et lierait sa force magique à celle de l’impact. »

En effet, visualiser ce sort ne me paraît pas difficile. Je m’approche du scorpion sous l’oeil méfiant de Grimes. Je ferme les yeux et pose la main sur le bois lisse. J’inspire, j’expire, entrant dans une phase de concentration. Je laisse ma magie filer du bout de mes doigts en lui donnant l’aspect que je désire. Le premier dragon qui me vient à l’esprit est celui qui s’est retrouvé face à moi dans les plaines en cendres d’Elscar’Olth, crachant sur moi son souffle incandescent. Je ressens mes fluides s’agiter, dessiner la tête de lézard, les ailes aux membranes écaillées, la longue queue aiguisée, les griffes acérées plantées dans le bois du projectile. Mais un second dragon apparaît soudain sur mes paupières closes. Le dragon rose, Naral Shaam. Les images s’enchaînent alors; je le vois à Nagorin, tenter d’arracher la vie des Esserothéens, le carnage sur le parvis du temple, son souffle morbide sur les remparts de Fan-Ming. Inévitablement je songe à Vallel, croulant sous la tour d’Orsan tandis que les dragons tentent de s’entre tuer. Puis vient le souvenir de mon envol vers le Titan, je revois la destruction du Bourg d’Or, toutes ces vies prises. C’est alors que Luminion accapare mon esprit comme un cauchemars, ajoutant encore de la haine et de la fureur à mes émotions ressentis si subitement. C’est comme ressentir un coup dans l’estomac. Mon coeur bat frénétiquement, mes oreilles bourdonnent, ma poitrine devient brûlante tant la colère me brûle de l’intérieur et fait bouillir ma magie qui se libère, s’échappe à mon contrôle pour venir nourrir mon sort. J’ouvre des yeux hagards, humides de rage, vers l’artilleur qui croit que j’en ai fini. Malgré l’avertissement de Bogast qui se rend compte trop tard, comme moi, que mon sort à échappé à mon contrôle. Grimes tire le levier, libérant un jet bien différent du precedent. La corde ne supporte pas le choc et se coupe en deux, fouettant les bords du scorpion en soulevant des échardes et de la poussière dans un claquement terrifiant. Mais ce n’est rien à côté du bruit que fait le morceau de bois au pic de fer, porté à présent par deux longues ailes à l’aspect de tornade. Filant sur l’eau en creusant une tranchée sur son passage, agitant la surface des quais en secouant les navires. Il file à la vitesse de la plus rapide des tempêtes en diffusant un son assourdissant. Je reste immobile, figé par la fureur de mon propre sort qui s’élève maintenant dans les airs, trop rapide pour tomber dans l’eau. Il monte vers les cieux encore et encore avant de retomber. Un véritable dragon, immense, incontrôlable, invincible, qui percute l’eau en provoquant un bruit proche d’un coup de tonnerre. Soulevant une vague qui agite tout le port, renversant les plus petites embarcations, précédé d’un souffle qui fait trembler le mat des frégates de guerre. Le souffle retombe finalement pour laisser place au vent de panique qui court sur les quais. Mon regard se pose sur l’artilleur qui écarquille les yeux avant que mon regard effrayé ne se pose sur Bogast.

« SILENCE ! »

Sa voix recouvre les cris de colère des marins et de frayeur des marchands et promeneurs. Tous se figent sur place à l’entente de cette voix impérieuse, audible sans aucun doute dans tout le port. Sûrement un autre sort que je ne connais pas. Il poursuit, d’un ton assuré, sans équivoque.

« Ceci fait partie d’un entraînement militaire de la marine Royale. Tout est sous contrôle. Veuillez retrouver votre calme et reprendre vos activités ordinaires. »

Il se détourne du port d’où s’élèvent des chuchotements de la part des marchands, acheteurs, vendeurs, pêcheurs et aventuriers avant de se tourner vers les soldats de la zone militaire.

« Quant à vous messieurs. Retournez au travail sans attendre. Si une simple brise vous fait perdre vos moyens alors je crains le pire ! »

Les hommes s’exécutent, reprenant leurs postes pour remettre de l’ordre sous le regard inquisiteur du Général Bogast qui pose finalement un regard furieux vers moi.

« C’est moi qui ai fait ça ? »

Dis-je d’une voix tremblotante.

« Qui d’autre ?! Bougre d’andouille ! » rugit-il.

« Vous cherchez à tous nous faire tuer ?! Bon sang Almaran je vous avais dit un petit dragon pas la putain de bête noir d’Oaxaca ! A quoi vous pensiez ?! »

« Je... je... j’ai perdu le contrôle. »

Bégayais-je en montrant mes mains tremblantes.

« Sans blague Almaran ?! Je ne cesse de vous répéter de vous canaliser ! Vous pensez vraiment qu’un artilleur veut tirer un tel monstre sur un champs de bataille ? »

Je secoue la tête de droite à gauche, comme un enfant qu’on gronde provoquant chez le général un élan de colère. Il me bouscule avec force avant de reprendre.

« Reprenez vous Almaran ! Apprenez à vous contrôler ! Ou vous ne serez pas le bienvenue au sein de nos troupes ! Descendez de ce navire à présent ! Allez méditer sur votre folie destructrice et reprenez des forces ! »

Je reste immobile, toujours figé. Agressé par les mots de mon professeur et mes souvenirs de guerre.

« EXECUTION ! »

Rugit-il à nouveau en me faisant sursauter. Je me met à courir pour descendre du bâtiment, m’éloignant du navire pour trouver un coin plus éloigné des regards furieux qui se dardent vers moi. Je trouve finalement un endroit ou peu de personnes circulent où sont trop occupées pour me prêter attention. Je m’affale sur une pile de caisses, les yeux posés sur la mer encore agitée avant d’observer mes mains dressées devant moi. Cette sensation de puissance incontrôlable, je l’ai déjà eu je m’en souviens. Dans la forêt d’émeraude, quand j’ai poussé cette créature titanesque à s’effondrer sur les hommes bêtes. Bogast a raison, je dois absolument apprendre à contrôler ces souvenirs.


>>>


((Tentative d'apprentissage du sort Renfort draconique : Le magicien peut matérialiser un minuscule dragon magique aux couleurs de l'élément du fluide utilisé, ce qui lui prendra un premier tour. Ce dragon fluidique se liera à une munition qui pourra alors être tirée au prochain tour, les ailes magiques du dragon portant la munition à une vitesse plus rapide que d'habitude, laissant moins de chance à l'adversaire de l'esquiver. Il confère également ses propriétés élémentaires au projectile, ce qui inflige des dégâts supplémentaires. Jet de blessure physique + jet de blessure élémentaires de l'élément utilisé. 1/2 ))
Modifié en dernier par Xël le mar. 5 janv. 2021 22:56, modifié 2 fois.

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Yliria
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Re: Le Port

Message par Yliria » lun. 4 janv. 2021 13:38

<< Précédemment

-Marche la tête haute, tu n'as rien à craindre.

- Je n'aime pas être le centre de l'attention, ce n'est pas si facile.

Le prêtre se contenta d'un sourire tout en continuant de marcher d'un pas serein à travers le temple où je le suivais d'un pas un peu moins assuré. L'élémentaire de lumière, auquel je n'avais toujours pas donné de nom et dont la présence avait quelque chose d'étrange, se baladait autour de moi en faisant de lent cercles. Chaque ondulation le faisait miroiter et je ne pouvais m'empêcher de le trouver à la fois mignon et magnifique, avec ses couleurs chatoyantes. Et il attirait clairement le regard puisque tout le monde s'arrêtait pour le fixer lui, avant de poser les yeux sur moi. Des regards plus surpris que mauvais qui me faisaient me dire que le prêtre avait eu une bonne idée et que cela pouvait marcher. Cela n'en restait pas moins pénible d'être dévisagée ainsi et je fis de mon mieux pour fixer le sol en suivant scrupuleusement le prêtre jusqu'à la grande porte où il se tourna vers moi.

- J'espère que tu as trouvé ce que tu étais venue chercher. N'hésite pas à te rendre dans un autre des temples de notre déesse, même si je n'y suis pas.

- Je... Je ne sais pas comment vous remercier.

- Nul besoin de me remercier, je ne suis qu'un simple prêtre. Remercie plutôt Gaïa de nous avoir mis sur le même chemin..

Je hochai la tête, un sourire un peu crispé sur le visage. Quelques fidèles et prêtres nous observaient de loin et cela devenait de plus en plus gênant, aussi remis-je mon masque sur mon visage avant de jeter un œil à l'élémentaire. Après une courte réflexion, je tendis la main vers lui, touchant son ventre.

- Va Ssussun, je t'appellerai bientôt.

Et, juste comme ça, l'élémentaire brilla plus intensément une petite seconde avant de disparaître en ne laissant qu'une petit traînée lumineuse qui disparut bien vite elle aussi. Je me sentais un peu étrange, mais je me promis de trouver comment l'invoquer et comprendre la relation que j'avais avec lui, exactement. La voix du prêtre me tira de mes réflexions.

- Ssussun ?

- « Lumière » en Shaakt. Ça m'est venu comme ça. Ça a quelque chose d'assez satisfaisant d'utiliser leur langue pour nommer quelque chose qu'ils détestent.

- Tu es plus fourbe qu'on pourrait le penser.

Le sourire amusé qui étirait ses lèvres démentait quelque peu les mots qu'ils venaient de prononcer. Il s'inclina et je fis de même avant d'inspirer. Ce moment au temple avait été plus que nécessaire et, même si l'apparition de l'élémentaire n'était pas prévue, j'avais pu au moins trouver un moyen de surmonter les récents événements. Du moins je l'espérais.

- Fais bonne route, Yliria. L'Ombre s'étend plus vite que d'ordinaire ces derniers temps, aussi sois prudente et, qui sait, peut-être que tu trouveras l'opportunité dont tu as besoin pour vivre pleinement en pleine Lumière.

Sur ces paroles tout aussi cryptiques que la dernière fois, il me fit un signe et reprit le chemin du temple, rapidement accaparé par d'autres prêtres qui me jetaient de drôles de regards. Je fixai la scène quelques secondes avant de quitter le temple pour retourner au port. La journée avait bien avancée et la nuit n'allait pas tarder à tomber, la voûte céleste se parant déjà des couleurs du crépuscule. Je ne savais pas trop ce qu'il avait voulu dire et ses paroles tournèrent dans ma tête avant qu'Alyah ne me ramène à la réalité et ne me fasse me poser une bonne question.

(Tu retournes avec Cherock?)

(J'imagine...)

(Tu as l'air plus qu'incertaine.)

(C'est juste... J'ai peur que rester avec lui me rappelle constamment ce qu'il s'est passé.)

(C'est possible, oui, mais il peut aussi t'aider à surmonter cela. Et tu n'as pas à rester seule, surtout en ce moment. Rester près d'un visage amical t'aidera forcément.)

(Tu as sans doute raison.)

Je soupirai mais pris tout de même la direction du port. Les rues se vidaient peu à peu, ais en arrivant près des quais, l'agitation était bien plus forte que d'ordinaire et j'entendis même les vociférations d'un homme portant un uniforme militaire. Faisant profil bas, je me hâtai le long des bâtiment, rasant presque les murs pour ne pas attirer l'attention. A croire que cela m'était impossible car un homme m’interpella en me sommant d'attendre. J'accélérai le pas pour m'éloigner, peu désireuse de parler à qui que fusse, mais l'homme se retrouva subitement devant moi, levant la main en signe d'apaisement. Par réflexe je portai la main à ma rapière en écartant un peu les jambes pour me stabiliser. Les cheveux courts, la silhouette athlétique, il portait l'uniforme des soldats de Bouhen et ce fut la seule raison pour laquelle je ne dégainai pas. Ça et son expression calme, loin d'être menaçante. Il leva cette fois les deux mains comme pour prouver qu'il n'avait pas d'arme, ce qui était étrange. Mais pas aussi étrange que la suite.

- Attendez. Je ne vous veut aucun mal. Est-ce que vous êtes Yliria ?

- Que... Qui êtes-vous ? Comment vous connaissez mon nom ?

- Mon nom est Xël. J'ai croisé un Shaakt du nom de Nildan qui vous recherche. Il pense que vous êtes en grand danger.

Je le fixai, hésitante. C'était quoi cette histoire ? Un shaakt était dans les parages et me cherchait? Cela ne me plaisait pas du tout. Alyah me prévint à ce moment précis que c'était un aéromancien, et plutôt puissant en plus de cela et je ne me sentis que plus méfiante.

- Je ne sais pas qui est ce Shaakt, et de toute façon il arrive un peu tard. Qu'est-ce qu'il vous a dit ?

- Il m'a dit qu'il était votre frère, enfin demi-frère. Vous vous êtes à priori fait de puissants ennemis. Il voulait vous trouver avant eux.

Je restai bouche bée. Un frère ? Toute cette histoire sortait de nulle part et je ne savais pas trop quoi en penser. Ça ne pouvait pas être vrai. Et pourquoi serait-il aller voir un soldat humain si c'était le cas ? Plus je réfléchissais, moins cela avait de sens. Je jetai des regards autour de moi, m'attendant presque à voir débarquer une de mes cousines ou ce fameux frère sorti de nul part, mais rien ne bougea en ce sens.

- Je vois... Désolée, je pense qu'il vous a menti, je n'ai à ma connaissance aucun frère. Monsieur... Xël, c'est ça ? Vous ne me devez rien mais est-ce que vous pourriez juste... oublié m'avoir croisé ?

- Il m'a simplement demandé de vous dire que votre famille vous recherche, que vous avez des griefs contre eux mais vous invite à vous rendre à Caix Imoros. Mais il doutait que vous écouteriez. Rien de plus.

Je secouai la tête, retenant un reniflement dédaigneux. Comme si j'allais y aller. Je fixai un instant le fameux mage qui avait, somme toute, une expression amicale et ne semblait pas une menace, ni même avoir quelque chose à faire de mes origines. C'était... étonnant et bienvenue.

- Merci de m'avoir prévenue je... ferai attention.

Son sourire s'élargit et il assura qu'il n'irait pas non plus, à ma place. Il avait parfaitement raison. Surtout que ma famille était originaire de Gwadh, qu'elle était cette histoire de Caix Imoros ? Pourtant je n'étais pas au bout de mes surprises avec cet homme, qui semblait curieusement impliqué là-dedans.

- Mais est-ce que vous avez vraiment des problèmes ? Parce que vous avez l'air de quelqu'un qui a des problèmes.

- Je préfère ne pas en parler. Je ne veux impliquer personne là-dedans.

Il sembla faire peu de cas de ma réponse, me disant simplement que je faisais ce que je voulais et s'écarta finalement de mon chemin en me conseillant d'être prudente. Je le fixai un instant, surprise et repris mon chemin, répondant à son sourire d'au revoir par un signe de tête avant d'accélérer le pas pour rejoindre le navire où Cherock se trouvait toujours. Il se passait trop de choses ces temps-ci. Un élémentaire de lumière, un frère sorti de nul part qui informait des mages sur mon compte... je commençai à me demander si j'avais fait quelque chose pour susciter autant de remous en si peu de temps.

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Xël
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Re: Le Port

Message par Xël » lun. 4 janv. 2021 14:11

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Difficile de reprendre mon calme, harcelé par les souvenirs de mes rencontres avec des dragons. J’essaie de me rattacher à la mémoire du seul qui ne m’a pas mit en colère, celui qui m’a porté à Fan-Ming pour charger cette horreur de Titan. Mais impossible d’y penser sans que mon esprit n’y lie les massacres et les dévastations qui ont eu lieu sur Aliaénon. J’abandonne l’idée de toute méditation, mes mains tremblent encore en repensant au sort que je venais de lancer, à la réprobation de Bogast, aux regards accusateurs des marins. Je pointe mon regard vers l’horizon qui commence tout doucement à s’obscurcir. Les minutes s’écoulent et je reste là, à observer simplement les eaux du port le regard vide. Sans même me soucier des horaires imposés par ma formation. Une silhouette dans ma vision périphérique attire mon regard ; un corps presque enfantin qui marche d’un pas rapide, la visage masqué dirigé vers le sol. C’est la couleur de ses cheveux qui me fait tourner la tête; des cheveux blancs aux mèches noires. Cette personne colle à la description que m’a fait Nildan et je l’observe passer devant moi avec un regard à la fois béat et hésitant. Je me redresse avant qu’il ne soit trop tard et qu’elle disparaisse de ma vue.

« Attendez ! »

Je l’aperçois se raidir mais elle ne s’arrête pas, au contraire elle accélère le pas ce qui me fait pousser un soupir. Rapidement un portail s’ouvre à côté de moi pour que j’apparaisse l’instant d’après devant elle, assez loin pour ne pas être trop intrusif. Conscient que mon comportement n’a rien de rassurant. Je lui fais un signe d’apaisement, loin d’arborer un visage hostile. Je peux sentir l’hésitation se dessiner sur mon visage, loin d’être certain qu’elle soit celle que Nildan recherche. Elle a tout de même un comportement qui pourrait coller à ce qu’il m’a décrit. Elle est tendue, prompte à se défendre et s’apprête à dégainer sa lame en me voyant si insistant. Je lève doucement mes mains pour lui signifier que je ne compte pas l’attaquer.

« Attendez. Je ne vous veux aucun mal. Est-ce que vous êtes Yliria ? »

Etonnée, elle me demande comment je connais son nom et qui je suis. Toujours calme, je me présente et lui explique que Nildan la recherche. Je la vois hésiter mais elle répond finalement qu’elle ne sait pas qui est ce Shaakt et qu’il arrive un peu tard. Mais elle demande tout de même ce qu’il a raconté. Je suis amusé de voir quelqu’un mentir aussi mal mais poursuit tout de même.

« Il m’a dit qu’il était votre frère, enfin demi-frère. Vous vous êtes à priori fait de puissants ennemis. Il voulait vous trouver avant eux. »

Son regard me juge comme si j’étais un demeuré, je connais bien ce regard. Puis elle s’excuse et m’explique qu’elle n’a à sa connaissance aucun frère avant de retirer sa main du fourreau de son arme. Mais il est clair qu’elle est perturbée et qu’elle a des soucis avec quelqu’un pour autant regarder derrière ses épaules. Finalement elle me demande de juste oublier l’avoir croisé. Je hoche la tête avant de répondre.

« Il m’a simplement demandé de vous dire que votre famille vous recherche. Il m’a aussi dit que vous aviez des griefs contre eux mais vous invite tout de même à vous rendre à Caix Imoros. Il se doutait aussi que vous n’écouteriez pas. »

Je baisse mes mains à mon tour avant d’ajouter.

« Rien de plus. »

Elle secoue la tête avant de marmonner l’évidence qu’elle n’irait pas là-bas. Elle me remercie et m’assure qu’elle sera prudente. Je lui adresse un sourire en rétorquant sincèrement qu’à sa place je ne m’y rendrais pas non plus. Cette cité à très mauvaise réputation. Mon regard se fait cependant plus sérieux, m’inquiétant vraiment pour elle.

« Mais est-ce que vous avez vraiment des problèmes ? Parce que vous avez l’air de quelqu’un qui a des problèmes. »

Elle acquiesce mais m’explique qu’elle ne veut impliquer personne après un soupire. Loin de vouloir m’immiscer dans la vie de cette fille dont je ne sais rien et ayant surtout déjà beaucoup de choses à gérer, je lui réponds avec un sourire que je comprends avant de m’écarter de son chemin en lui demandant d’être prudente. Elle semble avoir du mal à le croire mais elle incline la tête avant de poursuivre sa route d’un pas pressé. Je l’observe partir avec une étrange sensation avant d’être perturbé par un appel venant de mon dos.

« Hé Xël. Tu devrais rentrer à la caserne avant d’avoir des problèmes. Bogast met fin à l’entraînement pour aujourd’hui. » insiste Camille sur ce dernier mot. « Le comte a demandé à le voir. Je pense qu’il veut savoir pourquoi une tempête c’est abattu sur son port. »

« Oh merde. »

Je prends mon visage entre mes mains, coupable de lui avoir attiré des ennuis. Mais la main du lieutenant se pose sur mon épaule.

« Hey ! T’en fais donc pas. C’est un général mandaté par le roi pour entraîner un héros. Le comte ne représente aucun risque pour lui. Allez rentrons ou même moi je vais passer un sale quart d’heure. »


>>>
Modifié en dernier par Xël le lun. 4 janv. 2021 21:44, modifié 1 fois.

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Yliria
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Re: Le Port

Message par Yliria » lun. 4 janv. 2021 14:57

<< Précédemment
Un temps pour guérir

La nuit commençait à tomber lorsque j'arrivais finalement au niveau du navire où Cherock devait se trouver. Parler avec le prêtre m'avait un peu soulagée, et même si sa magie y était pour beaucoup, je me sentais un peu mieux, même sans elle. Mettre le doigt sur ce qui m'angoissait avait été crucial et je devais maintenant apprendre à mieux gérer ce genre d'émotions. Rien n'allait être facile, il m'avait prévenu, mais je ne me voyais pas vivre dans la peur constante que cela se reproduise. L'élémentaire avait été une surprise et ma curiosité quant à sa présence était plus forte encore maintenant. L'idée qu'un shaakt soit à ma recherche dans les environs parvenait quand même à noircir le tableau. Je soupirai. Comme toujours, rien n'était simple.

J'arrivai finalement sur le quai où se trouvait le navire. L'endroit semblait désert, mais j'aperçus sans mal les deux silhouettes accoudées au bastingage. Je soupirai, sachant que faire demi-tour n'était plus une option, et allait à leur rencontre alors que Cherock descendait sur le quai, la femme, Anthélia, restant un peu en retrait. Je retirai mon masque alors qu'il s'arrêtait devant moi, l'air un peu soulagé.

- Je suis content de te voir de retour. Tu vas mieux ?

- Je crois... Je vais faire de mon mieux en tout cas. Désolée pour tout à l'heure, j'ai juste... j'ai pas su réagir comme il fallait.

Mon regard dériva un instant sur le navire, puis sur la femme aux cheveux blonds qui semblait attendre un signe. J'inspirai avant de fixer à nouveau Cherock, prenant finalement au dernier moment une décision que j'aurai dû prendre il y avait des heures de cela.

- Je vais venir avec vous si c'est toujours possible. Si besoin je marchanderai avec le capitaine, j'ai un peu d'expérience en navigation. Et... Merci de m'avoir attendu.

Je suivis Cherock qui m'invita à grimper sur le navire en affirmant que c'était naturel, ce qui me fit honnêtement chaud au cœur. Une fois sur le pont, je fis finalement la connaissance de la femme qui l'accompagnait, Anthelia, qui avait apparemment appris l'art du tatouage à Cherock.

- Salut Yliria. Cherock m'a raconté comment tu l'avais aidé -tu me permets de te tutoyer ?-, et je te remercie d'avoir aidé cette tête brûlée.

- Oh... euh, c'est plutôt lui qui m'a aidé...

Je les observai se chamailler gentiment avant que Cherock ne m'emmène jusqu'à la cabine du capitaine, devant laquelle il s'arrêta en se tournant vers moi.

- Le capitaine Croane a assez navigué pour en avoir plus ou moins rien à faire de l'ethnie de ceux sur son navire. A l'exception des Garzoks, pour des raisons évidentes, et des Sindeldi. Mais il aime savoir qui navigue sur son navire. Tu ne vois pas de problèmes à répondre à quelques questions ?

- Des questions ? ça dépend lesquelles... J'imagine que je n'ai pas le choix de toute façon...Donc je vais dire oui.

Après un hochement de tête, Cherock pénétra dans la cabine et je l'y suivis, mes yeux balayant la petite pièce. Elle était propre, évidemment, et sommaire. Un bureau au centre, un hamac sur le côté, surmontant une malle et accompagné d'une étagère où était posée une corne. A l'opposé se trouvait le manteau du capitaine et une malle ouverte où des livres épais semblaient reposer. Le capitaine, lui, était penché sur un de ces livres, mâchouillant un bâtonnet qui me sembla vaguement familier, sans que je ne me rappelle de son origine. Lui et Cherock parlèrent brièvement de la fameuse corne, apparemment venue d'une créature marine nommée Drakarn, avant qu'il ne pose ses yeux sur moi.

- Tu es la semi-shaakte, c'est ça ? Approche un peu.

J'obéis en faisant un bref pas, certaine de ne pas aimer être ainsi scrutée, mais il n'y avait visiblement aucune malice là-dedans, car il esquissa un sourire.

- Pas la première fois sur un navire, hein ?

Je haussai un sourcil, un peu surprise. Il avait deviné ça tout seul ou bien Cherock l'avait renseigné ?

- Non. J'ai passé plus d'un mois en mer avant de venir à Bouhen, donc j'ai pris l'habitude. Me débrouille pas mal sur la vergue. Cherock m'a dit que vous aviez des questions...

Et il en avait. Souhaitant simplement savoir la raison de ma présence et pourquoi il devrait m'accepter à son bord. Je répondis en toute franchise que j'étais perdue dans la région, que Cherock m'avait proposé de le suivre et que j'avais accepté. Je n'avais rien d'autre que ma parole à mettre en jeu, mais j'assurai pouvoir défendre le navire en cas d'attaque. J'étais étrangement familière de ce genre de chose, ce qui sembla l'intéresser, et il demanda des précisions.

- Et bien... J'ai combattu un pirate particulièrement sanguinaire, Malfred, pendant mon voyage jusqu'ici. Et... avec un ami, on a affronté Klakhyss, la Peste-Mer, et on est parvenu à la tuer, définitivement. Ma rapière et mon bouclier sont fait à partir de sa carapace et de l'une de ses pattes. Donc j'ai quelques peu l'habitude des combats en mer.


Dire que la capitaine fut surpris serait un euphémisme. Sa mâchoire sembla se décrocher face à mes explications et se leva brusquement, demandant à inspecter mes armes. J'hésitai. J'y tenais particulièrement et je ne voulais pas que quelqu'un les abîme ou les prenne, mais je les lui tendis de bonne grâce, veillant à ce qu'il ne fasse rien risquant de les abîmer tandis qu'il expliquait à un Cherock perdu ce qu'était Klakhyss. Il me tendit finalement mes armes en affirmant que j'étais plus que bienvenue sur le navire, m'arrachant une grimace gênée. Je hochai pourtant la tête en le remerciant de me laisser monter à bord et sortis de la cabine en compagnie de Cherock.

- Eh bah, le moins qu'on puisse dire, c'est que tu es pleine de surprises. Une tueuse de créature presque mythique... AH ! Si j'avais su !

Je le regardai, un peu perplexe, alors qu'il lâchait un petit rire.

- Enfin, tout s'est bien passé on dirait. Tu as eu le temps de manger ?

- Oui, je m'attendais à pire comme question... J'ai grignoté sur le chemin entre le temple et le port, mais je ne serai pas contre un truc plus consistant. Et... concernant Klakhyss, si ça peut rester entre nous, ça m'arrangerait. S'il te plaît.

- Mmh ? Bien sûr oui, si tu veux. Mais pourquoi tu veux pas que ça se sache ? Il y a de quoi en être fière, au contraire.

- J'ai pas honte de l'avoir abattue, mais je suis pas la seule responsable et de nombreux marins sont morts avant qu'on en vienne à bout... Et ça attirerait l'attention, je préfère éviter.

Il hocha la tête, compréhensif. Lorsque je lui demandais si je pouvais dormir à l'écart des marins, il affirma qu'il avait discuté avec le capitaine, et que je pouvais utiliser la cale si je me débrouillai pour me trouver un coin. Je soupirai de soulagement et suivis Cherock jusqu'au coin dans la cale que je pouvais utiliser comme endroit pour dormir. Il y avait des caisses et des tonneaux partout, mais l'endroit était encore relativement sec et j'avais largement la place d'y installer un hamac. Je posai mes affaires dans un coin où je pouvais accrocher le hamac et hésitai un instant, puis me tournai vers Cherock.

- Je pense que ça fera largement l'affaire pour quelques jours. On se voit toujours demain matin pour s'entraîner ?

Face à son hésitation, un petit sourire orna mes lèvres. Je hochai la tête malgré tout. Je n'allais pas le forcer de toute façon.

- Ce n'est pas une obligation. Je m’entraînerai de toute manière, libre à toi de me rejoindre ou non.

J'allais pour me retourner et me coucher, puis finalement arrêtai mon mouvement à mi-chemin.

- Euhm... Tu pourras souhaiter bonne nuit à ta maman de ma part ? Elle a été gentille avec moi et... Je.... Non, c'est idiot je la verrai demain... Je soupirai, dépitée. Je n'étais vraiment pas doué pour expliquer ce que je ressentais. Ce n'est rien. Bonne nuit Cherock... et à demain.

Il acquiesça, puis j'écoutai en silence son astuce pour les cauchemars et hochai la tête. Cela ne coûtait rien d'essayer de me sortir seule d'un cauchemar en me disant de me réveiller, mais j'avais des doutes sur l'efficacité vu la teneur des cauchemars en question. Sa main tapota gentiment ma tête, me tirant un regard surpris par ce soudain élan d'affection. Je le regardai s'éloigner, circonspecte, tandis qu'il quittait la cale pour aller dormir lui aussi. Je me frottai le visage, retirai mon équipement avant de m'étaler dans le hamac solidement attaché. Je mis un temps infini à fermer les yeux pour finalement me réveiller en sueur, le souffle court et le cœur battant la chamade. Je mis un moment à me calmer et toute envie de dormir m'avait désertée, aussi sortis-je sur le pont, sur la pointe des pieds. Je m'installai à la proue, au bout de la figure, les pieds nus ballottant dans le vide. Je détachai finalement mes cheveux et les laissai onduler sous la maigre brise, fermant les yeux en savourant l'air frais, loin de celui confiné de la cale. Quelques marins montèrent à bord, visiblement après avoir profité d'une dernière soirée agitée au sec, mais je n'attirai pas l'attention, cachée par l'obscurité.

Peu à peu la nuit laissa place au jour et je fixai l'horizon tandis que le soleil montait lentement au dessus de la mer scintillante. Je baillai finalement et m'étirai avant de me frotter mes yeux douloureux. Finalement je n'allais pas faire de folie ce matin et sécherai l'entraînement. Profitant de l'heure matinale et de l'absence presque totale de la moindre âme sur le pont, je décidai de m'installer ailleurs et grimpai dans les cordages pour me placer sur le grand mât. Me postant dans le nid de la vigie, j'avais une vue imprenable sur le port, la ville et l'océan s'étendant à perte de vue.

(Un jour j'aurai un bateau et je partirai explorer les mers...)

(Un bien beau projet.)

(Oui hein ?)

Je baillai et fermai les yeux, adossée au mât et les pieds dans le vide, la peau caressée par le soleil, les vent et les cheveux flottant légèrement autour de mon visage. Là je me sentais bien, vraiment bien.

(Ne t'endors pas ici!)

(Hum hum... je sais...)

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Akihito
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Re: Le Port

Message par Akihito » ven. 8 janv. 2021 22:51

Dans le chapitre précédent...

Troisième Arc : Encre de feu, Ancre de sang.

Chapitre XIV : Retrouvailles enflammées.

Plusieurs heures plus tard, Akihito se réveilla d'un sommeil enfin réparateur et vide de tout cauchemar. Le fond en bois d'un bateau, comme l'avait justement indiqué sa mère, était loin d'être le matelas idéal. Mais lui en avait vu d'autres, aussi à part quelques raideurs dans le dos, il se sentait reposé, frais et dispos. Mais rien ne l'avait préparé à la vue d'une jeune semi-shaakte coiffée d'une coupe purement ynorienne, et dans le style ancien s'il vous plaît. Yliria arborait deux chignons disposés de part et d'autre à l'arrière de sa tête, comme les anciennes prêtresses de Rana il y avait des décennies. La coupe avait peu à peu perdu son caractère sacré et il n'était pas rare de voir des ynoriennes arborer cette coupe. Mais sur une shaakte, c'était.... Étrange. Il la dévisagea un long moment, encore en train de se demander s'il n'était pas encore dans un monde de songes ou s'il était bel et bien éveillé. C'est Hitomi qui le tira de ses réflexions en lui demandant ce qu'il pensait de sa coupe. Yliria prit alors conscience qu'il était réveillé et malgré le rouge qui lui monta aux joues, sembla elle aussi curieuse de sa réponse.

(Malgré ses airs de guerrière, Yliria reste une femme. Son apparence doit lui importer.)

(Un poil misogyne ça, mon cher Porteur.)

(Pas du tout ! Moi aussi j'y fais attention... Mais c'est juste que les femmes ont plus tendance à...) commença à se justifier Akihito.

(Mais oui je sais, allez maintenant répond leur au lieu de les fixer comme un poisson mort.)

« Euhm... C'est... Comment dire... C'est très étrange, mais ça lui va bien... bredouilla Akihito avant de se reprendre devant le haussement de sourcil de sa mère. Je veux dire, c'est un peu comme une rose au milieu d'un champ de neige : c'est une vue surprenante, mais pourtant très jolie. Alors Yliria avec une coupe Ynorienne... Ca me fait le même effet. »

Le regard que posait jusqu'alors la jeune fille sur lui se détourna subitement après ce qu'il estimait être un compliment, ou tout au plus quelque chose qui n'était pas insultant. Perplexe, il demanda à Amy ce qu'elle en pensait : après tout, il n'avait pas la science infuse.

(Je t'avoue que je ne sais pas vraiment non plus. Peut-être qu'elle est simplement embarrassée ?) s'interrogea la Faëra, visiblement pas plus avancée que lui.

Encore un peu confus, Akihito se leva malgré tout et rejoignit sa mère qui lui faisait signe. Il lui fit comprendre qu'il la rejoindrait sous peu avant de trouver Fred. Ce dernier était à l'arrière de l'embarcation comme le jour précédent et maniait le petit gouvernail, se levant de temps en temps pour ajuster la voile.

« Eh Fred, désolé d'avoir dormi. Tu as besoin d'un coup de main ? Que je prenne le relais ?

- Oh non, tout va bien. La mer est bonne aujourd'hui, alors ça devrait aller. Mais je vous appellerai au besoin.

- Entendu. Merci de nous guider.

- Y a pas de quoi. N'oubliez juste pas votre promesse avec le capitaine de la Slive. »

Akihito hocha la tête dans un sourire pour enfin aller s'asseoir à côté de sa mère, non sans jeter un oeil à Yliria au passage, qui s'obstinait à lui tourner le dos. S'il commençait réellement à se poser des questions sur une potentielle maladresse de sa part, Hitomi lui fit rapidement changer ses idées.

« Raconte à ta vieille mère comment s'est passé ce voyage vers Shory. »

Prenant sa voix de conteur qu'il avait calqué sur celle de Brumal, le Thorkin marchand de Mertar, il lui fit le récit de ses aventures. Le voyage en mer, la rencontre avec le Drakarn, Samy qui tombe à l'eau, la visite de la cité Blanche et la rencontre providentielle de Lilo le tailleur, l'incident du temple de Valyus... À cette occasion, il dévoila son bras à sa mère qui eut du mal à cacher son expression horrifiée en voyant la cicatrice parcourir tout son bras.

« Mais je vais bien, et je n'en ai aucune séquelle. Tout ça grâce à Anthelia.

- Tu parles beaucoup de cette jeune femme. Elle ce qu'elle ne serait pas ta... »

Le sourire gêné qui orna ses lèvres se transmit rapidement à la mère Ynorienne, dans une version plus teintée de tendresse, avant qu'elle ne l'enjoigne à poursuivre son histoire. L'enchanteur ne se fit pas prier et lorsqu'il termina enfin de raconter son duel avec la psychomancienne sur le chemin du retour, le mousse leur annonça qu'ils arrivaient enfin à Bouhen. Akihito sentit son estomac gargouiller, la faim se faisant sentir après une journée entière à voguer. Il se mit néanmoins aux aguets, cherchant si des traces des quelques navires qu'il avait vu appartenant aux hommes de Kisp ne mouillaient pas dans le port. À son grand soulagement, il n'en décela aucun. Il se tourna ensuite vers sa mère, qui fixait d'un regard étrange Yliria avec dans les mains un masque qu'il n'avait jamais vu. Ils échangèrent tout deux un coup d'oeil et il haussa les épaules. Il n'en savait pas plus qu'elle, malheureusement. Aussi décida-t-il d'aller lui parler, voulant s'assurer que tout allait bien. Entre son regard fuyant et maintenant ce masque de bois...

(peut-être qu'elle essaye de cacher ses origines Shaaktes ?) Supposa Amy pendant qu'il ramassait lui aussi ses affaires avant de rejoindre la jeune fille qui en avait fait autant.

(Peu probable. Dans la taverne de Bouhen, elle ne le portait pas.)

« Mmmh... Tout va bien Yliria ? »

Apparemment, elle était suffisamment intelligente pour comprendre sa question sous-entendue. Et malgré une voix d'abord quelque peu aigue, sa voix habituelle repris subitement le pas pour lui assurer qu'elle allait bien.

« Je ne vais jamais en ville sans, ajouta-t-elle en tapotant son masque de l'index. Trop d'ennuis, surtout ici. Je l'enlèverai une fois la ville derrière nous.

(Ahah, un point pour moi.) s'exclama satisfaite Amy, que Akihito ignora en s'amusant néanmoins de sa réaction.

- Alors pourquoi dans l'auberge, tu... Non c'est bon, ça ne me regarde pas. Il va falloir vendre le bateau et en trouver un autre pour retourner à Oranan. Ou alors on prend un Cynore... Ca serait peut-être plus prudent.

- Je... Je n'en sais rien. Bêtement je pensais y aller... Bah à pied, mais ce n'est peut-être pas la meilleure idée pour protéger ta maman. Demande-lui son avis je pense. Je ne sais même pas où on peut embarquer dans un Cynore sur ce continent.

- Bonne idée, il faut que... Mmmh ? »

Quelque chose interrompit Akihito en plein milieu de sa phrase. Alors qu'il s'approchait lentement du port de Bouhen, les navires amarrés se faisaient de plus en plus visibles. Et l'un d'eux en particulier attira l'attention d’Akihito. Un navire d'une trentaine de mètres, dans un bois sombre, et surtout des voiles vertes frappées d'une plume argentée. En tendant l'oreille, l'enchanteur parvint même à entendre les vociférations éloignées du capitaine, vêtu de son manteau bleu marine qui, décidément, ne le quittait jamais. Il sourit : la question n'allait même pas avoir à se poser sur le moyen de transport.

« Je sais comment on va rentrer, annonça-t-il avant de se tourner vers le barreur. Eh, Fred ! Amarre-nous à côté de ce bateau, là ! Oui, celui avec les voiles vertes ! »

Akihito le rejoignit pour lui donner plus d'indications, l'aidant à manœuvrer pour qu'il s'installe près de la Slive, le bateau du capitaine Croane. Alors qu'ils approchaient, le jeune homme se demanda comment le capitaine pouvait bien être là en même temps qu'eux. S’il pensa d'abord à de la pure chance, un brin de réflexion de la part d'Amy lui fit remarquer que son propre départ d'Oranan s'était fait le même jour que son arrivée. La Slive avait dû partir quelques jours plus tard, et le temps que Akihito cherche Yliria dans les Collines Salées, le navire marchand avait rattrapé son retard. Il y avait peut-être une seconde explication, mais celle-là lui paraissait plutôt crédible.
Lentement, la petite pinasse se plaça sur un quai adjacent et confiant un instant sa mère à Yliria et la fin de la manœuvre à Fred, il sauta à terre avant de se diriger vers la Slive.

« Croane ! Capitaine Croane ! » Hêla le jeune homme.

Interrompu dans ses ordres, le Kendran darda un regard furieux vers celui qui osait interrompre ses hurlements. Puis un large sourire se dessina sur ses lèvres, avant qu'il ne se tourne vers le pont, hors du champ de vision d’Akihito.

« Eh ! Ton bellâtre est sur le quai ! »

("Ton bellâtre ?")

À qui pouvait-il bien s'adresser pour qu'il surnomme l'enchanteur "bellâtre" ? Une personne s'imposa rapidement à lui, et lorsqu'il vit le visage de Frans surgir par-dessus le bastingage, il comprit qu'Anthelia devait elle aussi se trouver à bord. La question sur ce qu'ils pouvaient bien faire là fut rapidement balayée d'une part par la joie de retrouver son mentor et son amante, mais aussi par le sourire désolé qu'arborait le fulguromancien.

« Désolé Akihito, il va falloir que tu serres les dents... »

L'air circonspect de l'enchanteur mourut quand il entendit une voix qu'il connaissait par coeur hurler son prénom. Se retournant vers Anthelia, la première chose qu'il vit fut l'énorme boule de feu le percuter et l'envoyer voler au sol. À peine remis de sa surprise, c'est une tatoueuse folle furieuse qui se jeta sur lui, à terre, avant de le secouer dans tous les sens.

« "JE REVIENS" ! "JE REVIENS", C'EST UN MESSAGE POUR TOI ESPÈCE DE CRÉTIN ?! ABRUTI ! TU TE RENDS COMPTE À QUEL POINT ON ÉTAIT INQUIET, HEIN ?! "JE REVIENS" ! »

Ses vociférations continuèrent avec véhémence pendant que lui se mettait lentement mais simplement à rire, d'un rire heureux et soulagé de retrouver celle qu'il aimait.

« AH PARCE QUE CA TE FAIT RIRE EN PLUS ?! ESPÈCE DE... DE...!

- Moi aussi je suis content de te revoir, 'Theli. »

Sa phrase eue l'effet escompté et en une seconde, toute colère quitta le visage d'Anthelia. C'est à ce moment précis que choisit Yliria pour intervenir, lui demandant s'il avait besoin d'aide. La tatoueuse tourna alors le regard vers Yliria, un air surpris sur le visage.

« Elle..? Mais... Ca serait pas la shaakte de la dernière fois...? murmura-t-elle avant d'attraper l'enchanteur par le col de son manteau en rapprochant son visage du sien. Akihito, t'as intérêt à avoir une bonne raison à tout ce qui se passe, sinon...

- J'en ai une, mais si tu continues de me secouer dans tous les sens, ça risque d'être difficile de t'expliquer quoi que ce soit. »

Avec une moue boudeuse et un claquement de langue désapprobateur, elle finit par le lâcher, mais ne l'aida aucunement à se relever. Akihito se releva enfin et en voyant qu'Yliria avait sa rapière enflammée à la main, il s'empressa de calmer les choses.

« C'est bon Yliria, tout va bien. Tu peux ranger ton arme. Elle ne va pas me tuer.

- Du moins, pour l'instant, grogna Anthelia, esquivant la main d’Akihito désireuse de l'attraper par le bras.

- Pour l'instant. Bref, 'Theli, tu as raison, c'est bien la même fille qu'on a rencontrée avant de rentrer à Oranan, dans l'auberge. Elle s'appelle Yliria. Et celle derrière, c'est ma mère.

- Ta... Mère ?

- Oh c'est toi Anthelia ! Akihito m'a parlé de toi, et tu es comme il t'a décrite ! »

Hitomi finit par s'avancer vers le couple, arborant un sourire radieux, prenant complètement au dépourvu la tatoueuse. Elle le fut encore plus quand elle la bombarda de questions, passant en mode moulin à paroles, laissant à peine le temps à la pauvre femme de répondre à ses questions. Pendant ce temps, Akihito observa la scène avec un regard attendri avant de se glisser près d'Yliria, qui avait encore l'air sur ses gardes.

« Elle était avec moi à la taverne, tu te souviens ?

- C'est... Une coutume ynorienne de se jeter sur les gens après les avoir presque tués pour ensuite les secouer en leur hurlant dessus ? Oranan ne me tente guère... »

La pique d'Yliria le fit rire de nouveau, à tel point qu'il dut reprendre son souffle à deux fois.

« Pfiou... Elle savait qu'elle n'allait pas me tuer, c'est avec elle que j'ai expérimenté l'incrustation de runes de mon manteau. Quant à me secouer comme un prunier... Disons qu'Anthelia s'est fait beaucoup de soucis à mon sujet, et à raison. J'ai l'habitude et la réputation de me fourrer dans un paquet de situations très compliquées... »

Yliria lui dit alors qu'il devait rejoindre Anthelia puisque visiblement, elle tenait beaucoup à lui. Et qu'ensemble, ils allaient peut-être pouvoir retourner à Oranan en négociant avec le capitaine Croane. Akihito s'apprêtait à répondre d'un ton évident que oui, c'est comme ça que ça allait se passer avant de remarquer que non seulement elle ne semblait pas s'inclure dans le voyage, mais elle semblait également tendue. Il fronça les sourcils avant de se détendre. Il devait sûrement se faire des idées.

« Le capitaine Croane m'en doit une, alors il acceptera sûrement. Puis au pire, on payera un peu plus aux frais de feu Kisp. Vu que cet enfoiré nous a forcés à en arriver là, autant qu'il nous paye le retour, non ? »

Il avait beau ne pas être un mentaliste, il voyait bien que quelque chose n'allait pas. Yliria, pour une raison inconnue, commençait à paniquer. Sa voix tremblait, ses yeux fous balayaient sans cesse le pont, le quai, et revenaient toujours à lui. Et comble de tout ça, il voyait des gouttes couler de sous son masque. Ça ne ressemblait pas à des larmes, plus à une transpiration abondante... Mais avec la paroi de bois couvrant le visage de la jeune fille, il n'était pas sûr.

L’enchanteur capta le regard de sa mère, qui accaparait l'attention d'Anthelia. D'un signe de la tête, il l'avertit que quelque chose n'allait pas avec Yliria, et qu'il allait s'éloigner un peu. L'Ynorienne fronça les sourcils, Akihito n'étant pas sûr qu'elle ait bien compris le message, mais elle continua quand même de bombarder de questions la tatoueuse. Frans et le capitaine étaient eux descendus et regardaient le spectacle d'un oeil curieux, aussi ne dirent-ils rien lorsque d'une main dans le dos, il poussa doucement Yliria avec lui à l'écart.

« D'accord d'accord Yliria... Calme toi, ça va aller... »

Elle était réticente à le suivre, il sentait bien que sa main dans son dos poussait plus qu'accompagnait l'avancée d'Yliria vers le bout désert de la jetée. Mais elle n'eut pas la force de résister très longtemps, et lorsqu'ils se retrouvèrent hors de portée des autres, il se mit face à elle, se baissa un peu pour être à son niveau et chercha son regard.

« Chhhhhh... Allez Yliria, calme-toi... C'est bon, tu ne crains rien, il n'y a que toi et moi là. Tu me fais confiance ? Alors fais comme moi... Inspire... Expire... Inspire... Expire... Voilà comme ça, suis ma respiration... Inspire... »

De sa voix la plus calme, il tenta de calmer la jeune fille. Au fil des inspirations, les tremblements cessèrent, peu à peu. Ses épaules se déraidirent, ses yeux retrouvèrent un peu de leur clarté. Yliria semblait avoir pu se calmer... Du moins, pour l'instant. Il reprit donc la parole et d'une voix douce, rassurante, lui demanda ce qu'il n'allait pas. Il faisait aussi tout ce qu’il pouvait pour éviter Anthelia qui tentait de le vitrioler sur place avec la seule fureur de son regard.

« Désolée je... En voyant tous ces types... Et le bateau.. L'idée de monter à bord... Je... J'ai revu. Paniquée je... Je veux pas qu'ils me touchent... J'peur de... J'préfère mourir que revivre ça. Je peux pas... »

Le visage d’Akihito se ferma un peu. Il n'avait pas pensé à ça, pas du tout. Il était bien trop heureux de retrouver sa mère et Anthelia que ce passage avait complètement été occulté de sa mémoire. Il n'avait pas vraiment envie de s'en rappeler de toute manière, mais pour Yliria, c'était évidemment bien plus compliqué.

« Je... Désolé, je n'avais pas pensé que ça pourrait te gêner. Le capitaine Croane et son équipage n'ont rien à voir avec les types de Kisp. Ce sont des types bien, vraiment. Si tu décides de monter dessus, je te donne ma parole que rien ne t’arrivera. Et si jamais l'un des hommes de Croane tente quoi que ce soit... Il faudra qu'il me passe sur le corps. Mais si tu ne veux vraiment pas et je le comprendrai... »

Akihito s'interrompit, partagé par ses envies. D'un côté, il refusait de laisser sa mère partir sans lui, après ce qu'il s'était passé. Certes, elle serait en sécurité avec Frans sur le bateau, peut-être même plus qu'avec lui. Mais il voulait rester auprès d'elle. Et de l'autre côté...

Il observa la jeune fille devant lui, en piteux état avec ses yeux rougis et ses joues humides. Mentalement, elle n'allait pas tenir le coup. Un rien pourrait suffire à la faire basculer dans une folie furieuse qui la mettrait aussi bien en danger que ceux qui l'entourent, fussent-ils innocents. Et quelque part... Il était un peu responsable de son état.

« ... Si tu ne veux vraiment pas, alors je trouverai une autre solution. Mais je peux pas te laisser dans cet état, seule. »

Au final, Yliria déclara qu'elle avait besoin de temps. De temps pour réfléchir, pour décider de la marche à suivre pour elle. Elle s'excusa, plusieurs fois, avant de dire que si elle n'était pas revenue le soir même, ils ne devaient pas l'attendre. Et elle partit ainsi, sans que Akihito ne la retienne. Cela lui laissant un goût amer dans la bouche, mais il avait fait ce qu’il pouvait. Et ce qu’il estimait faire : la forcer serait contre ses principes et la volonté même de la jeune fille. Alyah, la Faëra de la semi-shaakte, abonda dans ce sens.

(Navrée pour ça, je ne l'ai jamais vu ainsi... Je lui ai soufflé l'idée d'aller au temple de Gaïa, elle connaît les lieux et je pense que ça l'aidera, ou que l'un des prêtres en particulier l'aidera. Elle a besoin de souffler après tout ça, de réussir à encaisser ce qu'elle a vécu. A toi de voir si tu veux lui laisser le temps, mais ne lui court pas après, c'est tout ce que je te demande.)

Il n'eut ni le temps de répondre, ni les mots pour le faire. Il regarda simplement avec une expression compliquée la silhouette masquée s'enfoncer dans les rues de la ville.

(Ca part mal, pour faire un bout de voyage avec elle.)

(Que veux-tu. J'ai fait ce que j'ai pu.)

(Et ça te conviens ?) demanda Amy sur un ton suspicieux.

(Je préférerai qu'elle nous accompagne, évidemment. Mais elle a trop de pensées en tête pour que ce soit évident pour elle de choisir. Et c'est bien trop personnel pour que je me mêle de ça.)

(Mouais. Ca ne me parait pas très honnête comme réponse.)

(Et pourtant, ça l'est…)

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Akihito
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Re: Le Port

Message par Akihito » ven. 8 janv. 2021 22:52

Dans le chapitre précédent...

Troisième Arc : Encre de feu, Ancre de sang.

Chapitre XV : Tout rentre dans l’ordre.

La nuit tombait sur le port, et Akihito attendait, accoudé au bastingage, le retour hypothétique d'Yliria. Anthelia était à côté de lui et même si son humeur s'était considérablement améliorée, elle en voulait toujours un peu à l'enchanteur. Ce dernier gardait tout de même son sourire en coin : si elle attendait avec lui, c'est qu'elle ne lui en voulait plus. Après son explication sur l'enlèvement de sa mère et son départ précipité, ses traits s'étaient considérablement radoucis. Elle continuait donc d'afficher une mine boudeuse pour la forme, histoire de bien lui faire comprendre qu'il n'avait pas intérêt à la laisser en dehors de ce genre d'affaires à l'avenir.

(Message reçu 5 sur 5), s'amusa à penser Akihito, avant qu'une petite silhouette masquée n'émerge de la rue principale. Ses pas étaient hésitants de prime abord, mais devinrent plus franc à mesure qu'ils la rapprochaient de la Slive. Ce qui donna une raison de plus à Akihito d'être content en cette fin de soirée. Descendant tranquillement la rampe menant au quai, il accueillit la semi-shaakte.

« Je suis content de te voir de retour. Tu vas mieux ?

- Je crois... Je vais faire de mon mieux en tout cas. Désolée pour tout à l'heure, j'ai juste... J'ai pas su réagir comme il fallait. Et je vais venir avec vous si c'est toujours possible. Si besoin je marchanderai avec le capitaine, j'ai un peu d'expérience en navigation. Et... Merci de m'avoir attendu.

- C'est tout naturel. Allez, viens avec moi. »

Akihito l'invita à monter sur le navire, et ils firent face à Anthelia qui les attendait en haut.

« Je n'ai pas vraiment fait les présentations correctement. Yliria, voici Anthelia, celle qui m'a appris l'art du tatouage.

- Salut Yliria. Akihito m'a raconté comment tu l'avais aidé -tu me permets de te tutoyer ?-, et je te remercie d'avoir aidé cette tête brûlée. »

Elle dit ça avec un petit sourire en coin, tout en ponctuant sa phrase d'une petite frappe sur l'épaule d’Akihito. Ce dernier répéta ses dernières paroles en la singeant, avant d'emmener Yliria avec lui jusqu'à la cabine d'un capitaine, devant laquelle il s'arrêta pour se tourner vers elle.

« Le capitaine Croane a assez navigué pour en avoir plus ou moins rien à faire de l'ethnie de ceux sur son navire. À l'exception des Garzoks, pour des raisons évidentes, et des Sindeldi. Mais il aime savoir qui navigue sur son navire. Tu ne vois pas de problèmes à répondre à quelques questions ? »

La jeune fille parut plus résignée que réellement enclin à répondre aux questions du capitaine. Akihito hocha la tête, et l'invita à pénétrer dans la petite pièce. Il se fit d'ailleurs la réflexion que c'était la première fois qu'il la découvrait, lui aussi. Une petite pièce bien entretenue, avec un hamac accroché sur le côté droit de la cabine, au-dessus d'une malle d'où dépassaient des vêtements et en dessous d'une étagère sur lesquels trônaient ce qui devait être un tableau de chasse marin. Akihito aperçut avec une certaine fierté une corne de Drakarn, sans nul doute celui qu'ils avaient affronté lors de leur premier voyage. Accroché à un renfort de bois, l'éternel manteau du capitaine composait l'essentiel de la couleur sur la paroi opposée au hamac, avec une caisse où étaient rangés quantités de livres qui s'apparentaient fort à des registres marchands. Et le marchand, lui, semblait penché au-dessus de l'un de ces fameux comptes, l'air soucieux en mâchouillant un bâtonnet dont l'enchanteur avait bien du mal à identifier l'identité.

« Jolie corne, s'amusa Akihito en pointant du menton la petite étagère.

- Une bien belle corne, en effet. Moura m'en soit témoin, j'ai pas croisé de bestiole pareille depuis que vous avez quitté mon navire. Et ce n'est pas pour me déplaire... Enfin, venons-en à nos affaires. Tu es la semi-shaakte, c'est ça ? Approche un peu. »

D'un regard critique, le capitaine observa la jeune fille de pied en cap, avant d'esquisser un sourire.

« Pas la première fois sur un navire, hein ?

- Non. J'ai passé plus d'un mois en mer avant de venir à Bouhen, donc j'ai pris l'habitude. Me débrouille pas mal sur la vergue. Akihito m'a dit que vous aviez des questions...

- Ca se voit à ton équilibre. Et j'ai quelques questions, en effet. Simplement ce qui t'amène ici, pourquoi tu vas à Oranan. Et aussi, qu'est ce qui me permettrai de te faire confiance pour te laisser voyager à bord de mon navire. J'en dois une à notre ami ici présent, mais c'est toujours mieux d'avoir les informations de la principale concernée. »

Yliria expliqua brièvement sa situation, sa recherche d'objet, et le fait que son objectif d'aller à Oranan tenait plus de la volonté d’Akihito que de la sienne, bien que ça ne la dérange pas à la vue de sa situation. En gage de sa bonne foi, elle ne pouvait que mettre sa parole en jeu, et affirmer pouvoir défendre le bateau en cas de problème. Elle disait déjà avoir de l'expérience là-dedans. Un point qui sembla intéresser le capitaine, qui lui demanda de lui en dire plus à ce sujet.

« Et bien... J'ai combattu un pirate particulièrement sanguinaire, Malfred, pendant mon voyage jusqu'ici. Et... avec un ami, on a affronté Klakhyss, la Peste-Mer, et on est parvenu à la tuer, définitivement. Ma rapière et mon bouclier sont faits à partir de sa carapace et de l'une de ses pattes. Donc j'ai quelque peu l'habitude des combats en mer. »

SI Klakhyss était un nom complètement étranger à Akihito, ce n'était pas le cas pour le capitaine. Il observa donc avec un certain amusement sa mâchoire se décrocher sous la surprise, se relevant brusquement. Il demanda d'une voix fébrile à inspecter les fameuses armes d'Yliria, ce qu'elle laissa faire après un instant de réflexion. Un peu lassé d'être le seul à ne rien comprendre, l'enchanteur se fit entendre.

« Mmmh... Désolé, mais c'est quoi, un Klakhyss ? C'est si impressionnant que ça ?

- Pas un Klakhyss, LE Klakhyss ! La Peste Mer ! Un véritable fléau qui pouvait briser un navire en deux comme si c'était une coquille de noix ! À côté d'une telle monstruosité sortie tout droit de l'enfer d'Omyre, le Drakarn est une vaste blague. Et je pèse mes mots. »

Ce qui eut le mérite de faire siffler d'admiration Akihito. Elle avait réellement abattu une créature aussi dangereuse ? Pour avoir affronté le Drakarn, Akihito n'osait pas imaginer la puissance colossale d'une saloperie qui ferait passer le monstre qu'il avait affronté pour un jouet pour enfant. Le capitaine retourna bien vite à son étude, avant de finalement rendre ses affaires à la jeune fille.

« J'ignore si c'est vrai, mais cette chitine a l'air assez robuste pour effectivement venir de cette saloperie qu'est la Peste Mer. Alors si c'est le cas... Mademoiselle, vous avez rendu un fier service à la communauté des marchands, et ça sera un honneur de vous compter parmi mes passagers. »

Le capitaine Croane conclut son invitation avec un profond signe de tête, emprunt de tout le respect qu'il mettait derrière ces mots.

Yliria, quant à elle, expliqua que la Klakhyss était effectivement une horreur qu'elle n'aurait souhaiter à personne de rencontrer. Elle remercia le capitaine et lui demande s'il avait d'autres questions, ce à quoi il répondit par la négative. Il semblait visiblement conquis par sa passagère, et les envoya se coucher en leur annonçant un départ demain à l'aube. Il chargea Akihito de lui montrer où s'installer, ce qu'il acquiesça d'un hochement de tête. Une fois les deux compères dehors, il jeta un regard admiratif à la jeune fille.

« Eh bah, le moins qu'on puisse dire, c'est que tu es pleine de surprises. Une tueuse de créature presque mythique... Ah ! Si j'avais su ! »

Il partit dans un petit rire, avant de se tourner vers elle de nouveau.

« Enfin, tout s'est bien passé, on dirait. Tu as eu le temps de manger ?

- Oui, je m'attendais à pire comme question... J'ai grignoté sur le chemin entre le temple et le port, mais je ne serai pas contre un truc plus consistant. Et... concernant Klakhyss, si ça peut rester entre nous, ça m'arrangerait. S'il te plaît.

- Mmh ? Bien sûr oui, si tu veux. Mais pourquoi tu ne veux pas que ça se sache ? Il y a de quoi en être fière, au contraire. »

Akihito était surpris de cette décision, mais les raisons que l'enchanteresse évoqua furent un mélange d'humilité, de volonté de discrétion et de respect envers ceux morts durant le combat. Il hocha la tête, comprenant le fond de sa pensée.

« Soit. Je vais voir pour le repas en revanche... La majorité des marins sont partis manger dehors, profitant de leur escale. Alors je peux aller voir pour te trouver quelque chose dans la cuisine du bateau, mais je ne te garantis rien de très chaud.

- Ne t'en fais pas, je ne suis pas difficile. Tant que c'est mangeable, je peux le manger. Et sinon je... je me demandais si je pouvais dormir à l'écart des marins... 'fin si c'est possible.

- Alors... j'en ai parlé avec le capitaine, évidemment sans évoquer les vraies raisons. La vérité est qu'il n'y a qu'un seul vrai espace pour dormir, à savoir le dortoir. Mais il a dit qu'il ne voyait pas d'objection à ce que tu dormes dans la cale, aux seules conditions de te débrouiller pour fixer le hamac et celle de ne pas avoir l'idée farfelue de voler quoi que ce soit. J’imagine que ça te va ? »

Cela lui convenait, apparemment. Après un arrêt dans la cuisine de Vulin où ce dernier leur avait donné du pain du fromage et un bol de soupe, l'enchateur lui avait rapidement fait faire le tour du bateau. Dans la cale, ils arrivèrent à trouver un endroit un peu à l'écart pour installer la jeune fille qui finit par tendre son hamac entre un tonneau qui sentait fort le hareng et une caisse estampillée d'un symbole que Akihito ne reconnut pas, mais qu'il attribua à une compagnie quelconque.

« Je pense que ça fera largement l'affaire pour quelques jours. On se voit toujours demain matin pour s'entraîner ? »

La question prit un peu le fulguromancien au dépourvu. Il avait déjà oublié ce détail, aussi éluda-t-il la question.

« Euh... Je ne sais pas trop. Me battre sur la terre ferme et sur un navire en mouvement, c'est assez différent. On verra demain ? »

Sa réponse en demi-teinte ne gêna visiblement pas la jeune fille, qui lui assura qu'elle s'entraînerait quoi qu'il arrive. Il n'aurait qu'à la joindre s'il le décidait ou non.

« Euhm... Tu pourras souhaiter bonne nuit à ta maman de ma part ? Elle a été gentille avec moi et... Je.... »

Elle voulait visiblement rajouter quelque chose, mais se ravisa dans un soupir. Akihito se disait qu'elle avait vraiment des soucis à affirmer ses envies et à penser un peu à elle, trop occupée par le regard des autres. Elle finit par se retourner et commença à s'installer dans son hamac. Se souvenant de ce qu'il lui avait promis plus tôt dans la journée, il se porta à son niveau.

« Je lui dirais, ne t'en fais pas. Et au sujet de tes cauchemars... Je ne sais pas ce que c'est, mais je vais te donner mon astuce. Quand tu es au milieu de ton cauchemar, arrête-toi un instant. Compte jusqu'à trois en te disant à voix haute "A trois, je me réveillerai." Ca peut paraître tout bête dit comme ça, mais c'est surprenant d'efficacité. Une histoire d'auto persuasion, il me semble... Moi, ça me sortait presque toujours de mes cauchemars. Alors tu ne dormiras pas autant, mais je préfère toujours ça à un sommeil agité. Essaye, tu verras bien. »

Dans un sourire et un élan d'affection pour Yliria qui restait malgré tout une jeune adolescente avec des problèmes d'adolescents, il tapota sa tête sous son regard surpris.

« Repose-toi bien. Si jamais, je suis près de la porte du dortoir, tout de suite à droite. N'hésite pas à me réveiller, si besoin. »

Il se releva et dans un petit signe de main, s'éloigna en cachant à grande peine un bâillement. Il avait lui aussi besoin de sommeil, sa sieste sur le bateau ayant été loin d'être suffisante. Et l'idée d'avoir le poids réconfortant d'Anthelia se pressant contre lui dans le hamac était aussi douce que la peau de la tatoueuse.

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