Le Parc "La Bise d'Ynorie"

Répondre
Avatar du membre
Yuimen
Messages : 2483
Enregistré le : mar. 26 déc. 2017 19:17

Le Parc "La Bise d'Ynorie"

Message par Yuimen » mer. 27 déc. 2017 16:13

La bise d’Ynorie, parc de Kendra Kâr
Image


Voilà treize siècles que les Ynoriens se sont détachés de l’empire Kendran pour fonder la douce Oranan, et rares sont les legs qu’ils laissèrent derrière eux. L’art de la composition et de la présentation du jardin est de ceux-là.

Durant de nombreuses années, les yeux de la noblesse de la Cité Blanche se tournèrent vers la république d’Ynorie, contemplant l’étrangeté subtile, les différences épanouies et l’indépendance raffinée du nouveau peuple. Accueillant le sourcil levé l’exotisme que développaient les Oraniens, la noblesse tâcha de récupérer à son compte quelques bribes de cette nouvelle culture. C’est lors d’une visite de courtoisie d’un haut notable Kendran, que le royaume des plaines d’Haenian remarqua les richesses de la civilisation émancipée.
Le Comte Adrian découvrit les rizières élancées, les champs céréaliers balayés des lumières mielleuses du soleil. Il sentit les bises du vent frais agiter sa barbe grise et porter à ses narines les senteurs sauvages de cerisiers en fleurs, mêlées aux parfums d’essence de prunier effleurant les kimonos de soie délicate. Il vit les jardins, ces étendues verdoyantes et veloutées où se dessinaient harmonieusement des courbes de fleurs chatoyantes bordant des ruisseaux chantants. Il sentit le parfum âpre des bois blancs et fruitiers, courbés comme des vieillards épuisés par l’âge, dont le chapeau fait de feuillage dense aspirait les rigueurs du soleil et nourrissait une ombre fraîche et paisible. Il reposa ses jambes fatiguées et régala ses yeux enchantés sous le couvert des kiosques aux boiseries peintes, composant la musique chuintante du ruissellement de la pluie sur les toits sombres en demi-lunes. Lorsque revint la lumière, il l’embrassa la figure haute vers le ciel en traversant un pont enjambant le murmure des eaux, ramassa un tendre abricot arraché aux frondaisons par l’averse et croqua sa chair sucrée en s’éloignant vers les arches dressées supportant des carillons argentins qui se fendaient de la plus somptueuse des mélodies.

Le Comte Adrian regagna la Cité Blanche et dépensa sa fortune en engageant ces artisans, ces ouvriers de la nature qu’étaient les Ynoriens, afin d'enseigner à son propre peuple les subtilités de leur art.

C’est ainsi que naquit la Bise d’Ynorie, parc du Comte Adrian se nichant au cœur de Kendra Kâr. Jardin splendide aux tons émeraudes, nimbé d’arabesques ingénieusement tramées par la flore rutilante. L’eau y file, étayée des pétales rosés d’arbres chaleureux dont on importa les graines, et l’endroit est un délicieux lieu de détente et de promenade, loin des murs gonflés et étouffants de la Cité. Il y règne une quiétude particulière, bercée des chuchotements solitaires du vent et des clapotis de l’ondée rutilante. Le Comte y a artistiquement instauré de nombreux kiosques et abris, disposés aux endroits stratégiques afin de permettre le repos des promeneurs accablés. Leurs toits protègent des eaux et gardent des frissons de la bise, tout en permettant de garder l’œil sur les arbres aux branches fleuries agitées par la respiration du ciel.

On quitte toujours nostalgique et alangui la Bise d’Ynorie, dépassant les arches arc-en-ciel et leurs cloches argentines et mélodieuses pour regagner les rues grises de la Cité.

Humbert Helboldt
Messages : 12
Enregistré le : lun. 31 déc. 2018 10:13

Re: Le Parc "La Bise d'Ynorie"

Message par Humbert Helboldt » jeu. 3 janv. 2019 11:54

...

Les discussions étaient quelque peu... vaniteuses.
À vrai dire, Helboldt se sentait un peu inutile en un tel lieu. Autour de lui, ces femmes parées de broderies pourpres, de bijoux nacrés, de robes encombrantes et de rubans bleus, rouges, verts – du moment qu'ils pourraient, un instant seulement, attirer l'attention -, ces femmes semblaient donc rivaliser d'audace pour jouer un rôle de pures marionnettes, de vaines poupées de bois, petites coquilles vides couvertes d'un masque de politesse vernie.

Il aurait préféré – c'est dire – s'occuper d'un Ferdinand excité comme une puce par le dernier cadeau que le Baron lui avait fait (une sorte de jouet de métal sophistiqué, commandé auprès d'artisans gris-elfiques de passage, un petit soldat qui avançait tout seul en émettant des cliquetis insupportables et pourtant si chers à l'enfant) que de continuer à écouter vaguement ce qu'il se disait dans cette discussion aussi puérile que les émerveillements d'un gosse et ô combien plus ennuyeuse.

C'est que la Baronne, loin de lui avoir laissé du répit pour préparer ses pigments – ainsi que quelques onguents pour quelques bleus qu'elle s'était faits et qui brisaient ignoblement la blancheur de son teint, sur ses cuisses pourtant constamment couvertes d'une paire de collants, d'une jupe de lin et d'une robe qui lui tombait jusqu'aux pieds -, la Baronne l'avait emmené dans ce fameux parc, la Bise d'Ynorie, pour y rencontrer ses “amies”.

Il fallait reconnaître que la définition d'“amie” était singulièrement limitée à l'appartenance à une couche sociale semblable autant par le rang que par la fortune matérielle. Et ces femmes, brebis du Royaume et élite de la nation, restaient là à glousser tout le jour, échangeant des traits d'esprit édictés par d'autres afin d'en retirer un prestige instantané et l'impression d'intelligence, chassant de ces jolies formules de rhétorique tout le sens qu'elles avaient pu avoir autrefois, toute la sagesse qu'elles avaient pu porter.

Au moins faisaient-elles l'effort de mémoire.

Il y avait bien la beauté de ce parc en plein milieu de la capitale, l'agencement subtil des bosquets, la tendre quiétude farouchement brisée par le bavardage oisif de ces femmes de nobles...

- Arcturus Quint ne disait-il pas déjà : la beauté plaît aux yeux, la couleur charme l'âme ? Et justement, Baronne, vous avez là de forts jolis ongles...

Le regard de la Baronne s'alluma tandis qu'il croisa celui d'Helboldt. Ses yeux s'écarquillèrent, pris d'une vague panique, ceux de la noble s'excitèrent d'une lueur maligne et elle brandit ses doigts avec grâce aux yeux de toutes.

- N'est-ce pas ? C'est M. Helboldt, qui nous fait l'honneur de sa présence en ce jour, qui m'a concocté les pigments que vous voyez ici.

Elle gloussa.

- Ce n'est certes pas lui qui les a appliqués, bien que je serais ravie de voir ses talents dans ce domaine également.

Elle haussa un sourcil et orienta son regard sur lui : soudain, tous les autres convergèrent vers cet homme discret qui n'avait pas osé parler. Il tenta de se faire aussi petit que possible, ce qui était fort difficile : sans doute ses timides rougissements firent-ils sourire certaines de ces dames, qui cachèrent leur amusement derrière un éventail brusquement déplié.

- M. Helboldt est le précepteur de nos enfants depuis quelques temps, et je l'emploie depuis peu à ce genre d'affaires. Les meilleurs hommes ne combinent-ils pas un esprit élevé et un attrait pour les arts manuels ?

Une rumeur d'assentiment lui servit de réponse : alors, une dame à l'âge maladroitement masqué par un peu de poudre blanche sur les rides se pencha vers lui, tandis que d'autres conversations plus réduites émergeaient çà et là.

- Votre compagnie m'est précieuse, jeune homme... Et vos colorants sont bien meilleurs que les précédents.
- Comment ? répondit-il avec surprise.
- Eh bien, ç'a toujours été dans la fantaisie de la Baronne de porter des ongles teints, n'est-ce pas ? Personne n'oserait voler le style si particulier de la “Baronne des tableaux”... D'ailleurs, vous avez entendu parler de ce vol terrible à Oranan, n'est-ce pas ? fit-elle en s'adressant cette fois à Agatha elle-même, qui avait rapproché sa chaise en toute discrétion. Et dire que vous vous trouviez sur place il y a à peine...
- Mais heureusement, j'étais en parfaite sécurité, rétorqua l'intéressée. Oh, j'y pense, mesdames... juste avant ce vol tragique, j'ai eu l'occasion de faire faire des copies de ce tableau volé.

Elle s'arrêta un instant, consciente de tous les regards braqués sur elle, et ferme les yeux en ramenant sa main à la poitrine d'un geste des plus affectés.

- Une splendeur, vous pouvez me croire. Je serais honorée de vous en vendre quelques uns. Mais naturellement...

Elle se pencha un peu vers elle, toutes suivirent le mouvement. Helboldt lui-même, sans trop savoir pourquoi, s'approcha également un peu, comme si la confidence allait être d'importance.

- La famille est furieuse de cette affaire et a déjà tenté de nous récupérer toutes les copies. Un marché est un marché, leur avons-nous répondu ! Qu'importe, ils nous accusent d'avoir volé l'original – nous !

Toutes semblèrent outrées par une telle supposition ; la Baronne put continuer.

- Nous leur avons promis d'être discrets dans nos affaires à ce propos, par égard pour eux. Je n'ai moi-même le droit d'en parler qu'à mes plus proches amies.

Des sourires attendris furent échangés dans toute cette assistance d'une dizaine de femmes.

- Les prix seront légèrement rehaussés en raison de toutes ces difficultés. Mais vu leur nombre limité, je ne doute pas que nous trouverons tout de même preneurs.

La Baronne se renfonça dans son siège et croisa les jambes : déjà, les dames discutaient entre elles, certaines lançaient des regards courroucés à leurs rivales à ce vaste jeu de pouvoir et de renommée, d'autres cherchaient à attirer l'attention d'un serviteur, comme pour lui faire passer un message urgent – comme l'achat express d'un tableau, tant que les autres étaient occupées ici. Mais ç'aurait été du plus mauvais effet : Helboldt, en observant toute cette agitation silencieuse, tourna un regard admiratif vers Agatha, qui ne s'était pas départie de son sourire malicieux. C'était sans conteste la plus habile ici – et Helboldt ne put éteindre en lui une pointe d'orgueil d'être au service d'une telle femme.

La vieille dame à côté de lui s'agita finalement, attirant l'attention sur elle en s'éclaircissant la voix.

- Mais ce vol n'est pas le seul : les temps sont inquiétants. Savez-vous qu'un autre a eu lieu à Bouhen il y a à peine quelques jours ? Le voleur, cette fois, a failli être attrapé, mais encore une fois sans succès. Mon conseil, c'est de bien prendre garde à ce que nos biens restent à nous. Comme disait Simron d'Audembert, mieux vaut veiller au grain paisible que courir à la fortune instable.

Elle hocha de la tête d'un air convaincu.

- N'avez-vous pas peur pour tous vos tableaux et vos œuvres d'art, Agatha ?
- Absolument pas. Premièrement, Kendra Kâr est la ville la plus sûre du monde, loin devant Oranan et Bouhen, cela va sans dire. Notre Royaume, bien que pris dans cette affreuse guerre contre la Reine noire, reste le joyau de la civilisation yuiménienne : et ces vols à répétition ne prouvent bien que notre supériorité. Car il n'y en a eu aucun entre les murs de notre cité, vous en conviendrez ?

Toutes opinèrent du chef : l'argument était convaincant.

- Néanmoins, sachez que mon mari et moi-même avions acquis il y a quelques années une copie du tableau volé à Bouhen. C'est notre péché mignon, les œuvres d'art – vous l'avez toutes constaté en venant chez nous.

Helboldt hocha également de la tête, cette fois-ci. Il ne pouvait que reconnaître que le Baron était un sacré collectionneur.

- Nous avons décidé de faire appel à des professionnels pour copier ce tableau également. Évidemment, cette offre ne s'adresse qu'à vous, chères amies.

Les dames gloussèrent. La tension était redescendue : seule restait crispée la vieille noble qui avait évoqué ces vols. Alors que commençaient à nouveau des discussions privées, Agatha suggéra, bas au professeur :

- Et si vous emmeniez Mme de Larchevelis faire un tour dans le parc ? Ma chère, vous m'avez l'air bien fébrile... M. Helboldt vous fera prendre l'air frais, et je vous ferai passer des onguents et des crèmes qu'il nous préparera.

Helboldt eut à peine le temps d'approuver que la vieille Larchevelis, soudainement bien plus vivace, s'était levé et lui agrippait le bras, pour l'entraîner avec elle, le visage à nouveau rieur. Il lança un regard désespéré à Agatha, qui s'était déjà détournée de lui. S'il n'avait pas reconnu la vieille noble dans un premier temps, le nom que la Baronne lui avait donné était associé à un certain train de vie... très galant, depuis qu'elle était veuve. Elle assurait à ses protégés intimes un certain faste et une présence au lit qui faisait la joie des ragots les plus indécents, avant de se détourner d'eux et de les lâcher pour un plus jeune, plus beau, plus agréable. Bref, Mme de Larchevelis était ce qu'on appelait communément une véritable tatou-raptor.

Ils commencèrent à s'éloigner du groupe : elle l'entraînait d'un pas vif vers des bosquets où leur conversation pourrait être plus libre – au grand dam d'Helboldt, qui ne savait comment paraître aussi poli que possible tout en lui signifiant un net refus.

- Vous savez, c'est rare de croiser des carrures comme la vôtre... Vous semblez ma foi bien bâti, jeune homme, aussi bien de corps que d'esprit.

Les ennuis commençaient. Sa main s'approchait déjà dangereusement de son poitrail – elle serait bien déçue de n'y rencontrer que de fort rares muscles, Helboldt étant un intellectuel consommé doté d'une certaine flemme pour tout ce qui se rapportait aux activités physiques.

- Mais, dites-moi, vous n'êtes pas depuis fort longtemps au service des Cappique, n'est-ce pas ? Et dire que vous servez de précepteur à leurs enfants... Je veux dire...

Elle détourna le regard en dépliant son éventail. Un rictus dédaigneux passa sur son visage.

- Leur noblesse n'est point de sang, mais d'or. Je suis certaine que vous trouveriez davantage votre compte à un emploi d'alchimiste à plein temps, mon ami.

Helboldt écarquilla les yeux, incapable de trancher sur la nature de son dégoût : les avances impudiques de cette vieille femme, qui pourrait être sa mère peut-être, ou son mépris atroce pour tout ce qui n'était pas d'un sang pur ? Pourtant, il ne pouvait nier être attiré par la proposition en soi – seule la forme le gênait. Il détourna le regard, cherchant un échappatoire : il n'y avait que les dames plus loin, quelques demoiselles accompagnées d'un chevalier galant, et des employés ynoriens qui s'occupaient du parc.

- Eh bien, madame...

Elle s'approcha encore plus de lui, lui parlant presque à l'oreille.

- Combien vous paie le Baron ? Je vous promets le double.

Il évitait son regard et suivait l'un des Ynoriens qui, l'air ailleurs, traînait un râteau. Étrangement, il n'était pas vêtu du même kimono traditionnel que ses acolytes, mais en arborait un plus sombre, d'un gris presque noir.

- Vous devez avoir eu accès à certains documents sensibles du Baron, ou pourrez les consulter sous peu... Donnez-m'en le contenu, je vous protégerai contre toute vengeance, et vous couvrirai d'or.

L'Ynorien était de plus en plus suspect : il avait déposé son râteau dans un coin et lançait des regards fuyants, à droite à gauche, comme s'il cherchait à n'être pas repéré.

- Car c'est cela que vous souhaitez, n'est-ce pas ? J'ai beaucoup d'or... Suffisamment pour nous deux.

Il avait sorti un couteau et s'approchait du groupe des dames : Helboldt poussa un cri, repoussa brusquement Mme de Larchevelis qui fit quelques pas en arrière et perdit son équilibre dans un rosier, puis courut derrière l'Ynorien.

Il se concentrait, essayant d'incanter en courant, chose peu aisée. Ses fluides et son adrénaline bouillonnaient en lui : sous ses yeux, la scène semblaient irréelle, entre le Soleil qui se reflétait sur cette lame comme pour tenter de l'aveugler, son pas lent et assuré vers le dos de la Baronne, les dames qui riaient sous leur parasol.

- Attention, Agatha ! hurla-t-il juste avant de libérer de ses mains le sort qu'il préparait.

L'assassin n'était plus qu'à un mètre de la Baronne et levait sa main, déjà prêt à frapper ; un cri de terreur jaillit des gorges de ces dames, tandis qu'Agatha se retournait en fronçant les sourcils ; les fluides coururent de ses pieds dans le sol et la terre autour de l'inconnu se mit à trembler. Il le sentit et hésita, un instant de trop : la terre se releva et l'emprisonna d'un seul coup dans un ferme étau de boue.

Les dames paniquées se levèrent et s'enfuirent dans toutes les directions, dans une fuite aussi désorganisée qu'inefficace. Elles formaient, seules, des cibles faciles pour le tueur ; de plus elles étaient gênées dans leur débâcle par leurs longues robes et leurs escarpins qui les forçaient à trottiner plus qu'à courir.

La Baronne conserva pourtant son sang-froid et contourna prestement l'étau pour rejoindre Helboldt.

- Protégez-moi. Les autres ne vont pas tarder à attirer des gardes, mais nous devons l'occuper et l'empêcher de fuir.

Ces paroles étaient sensées et Helboldt se calma légèrement : tirant d'une poche le parchemin de la frappe du golem, il déglutit et revisualisa rapidement la marche à suivre. Il n'avait guère plus le temps de s'entraîner à présent – il fallait agir, et vite, l'étau commençant déjà à s'effriter.

Il souffla un grand coup et se lança dans la danse étrange, après avoir fourré le parchemin entre les mains de la Baronne pour avoir les siennes libres. Il sentait l'énergie monter, le mouvement faire effet, ses fluides s'agiter : mais leur force était déconcentrée par ceux qui la veille, déjà, lui avaient semblé mal placés. Il tenta de libérer une frappe alors que l'Ynorien, l'air fou furieux, prenait conscience de la fuite des dames et, apercevant le professeur et la Baronne, s'approchait d'eux d'un air menaçant.

Mais rien ne vint. Ses fluides ne sortirent même pas pour investir le sol : tout cela n'avait simplement eu aucun effet, comme s'il l'avait mal exécuté. La Baronne, d'un geste agacé, lui remit brusquement le parchemin entre les mains et son doigt dessina une spirale suivant les dessins :

- Lisez-le comme ça, voyons !

Elle le repoussait déjà en arrière et, alors que l'Ynorien abattait sa lame sous les yeux horrifiés du précepteur, elle esquiva avec aisance le coup porté en se déportant sur le côté. Il baissa les yeux sur le parchemin et, assemblant mentalement les mouvements dans l'ordre qu'elle lui avait désigné, tout semblait soudain plus clair, plus cohérent, plus puissant.

Il laissa s'échapper le parchemin qui chuta au sol comme une feuille morte et reprit le rituel du début. Il tentait de garder son calme : mais Agatha, sous ses yeux, esquivait à nouveau un coup ennemi et semblait de plus en plus acculée, en mauvaise posture ; l'Ynorien lui tournait presque le dos, ne faisant pas attention à lui, et des gardes accouraient – mais il fallait qu'il réussisse son coup.

L'Ynorien abattit sa lame encore une fois, Helboldt relâcha ses fluides et un pic de pierre s'éleva du sol pour frapper l'assassin qui s'en trouva déstabilisé et laissa tomber son arme ; Agatha donna un coup de pied pour envoyer la dague hors de portée.

Coup de chance ou maîtrise aboutie du sortilège ? La magie avait été bien faible, n'ayant que gêné le tueur ; quoiqu'il en soit, le visage du précepteur se couvrit d'un sourire franc, qui fut de courte durée : l'Ynorien se retourna vers lui, visiblement furieux, et lui décocha un fantastique coup de poing au ventre qui l'envoya valser au sol, inconscient.

...

Répondre

Retourner vers « Kendra Kâr »