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Deuxième Arc : L’art de faire parler la Foudre
Chapitre XXXV : La fierté des hommes
Le soleil se couchait sur la ville de Kendra-Kâr et l’ynorien sentait peu à peu la fatigue prendre le pas sur son énergie. Il lui fallait donc trouver une auberge dans laquelle il resterait pour les jours à venir. Anthelia chercha à le convaincre de venir avec elle chez Jack et Marie mais il refusa obstinément : il y avait des moments dans lesquels il n’avait pas sa place pour le moment et ce premier soir devait en être un. C’était un instant privilégié entre des parents et leur enfant. Elle gonfla les joues de mécontentement mais abdiqua pour une fois devant la logique de son ami. Elle admit du bout des lèvres qu’elle ne souhaitait pas non plus qu’il se sente mal à l’aise, aussi se mirent-ils en tête de trouver une auberge.
La première qu’Anthelia lui proposa fut l’Auberge du Lion. Un établissement prestigieux, emplit de noblesse et dont les chambres, propres et bien rangées, étaient de la meilleure qualité. Mais là aussi, Akihiko ne se sentit pas à sa place. Les personnes qui y résidaient portaient toutes des vêtements brodés d’or, étaient parés de bijoux hors de prix et peu d’entre eux mangeaient dans la salle commune à voir le balai des serveurs qui montaient aux chambres, les bras chargés de victuailles. Ce fut un non catégorique et instantané pour Akihiko.
« Tu as vu tous ces gens ? Je vais détonner dans cet établissement, même si je ne doute pas que je serai mieux traité que partout ailleurs dans la ville.
- Monsieur le Héros ne se sent pas à la hauteur de petits nobliaux et riches commerçants ? se moqua Anthelia.
Avec ton nouveau manteau et ton sabre, tu pourras sans souci te fondre dans leur groupe.
- Peut-être bien. Mais mes finances ont été bien entamées par mon manteau et je me demande combien vont me coûter ces protections chez Argaîe, alors je n’ai pas envie de payer une fortune pour dormir un peu mieux que dans un lit classique.
- Si tu insistes… Direction l’Auberge de la Tortue Guerrière alors. »
Marchant quelques minutes et s’éloignant sensiblement du château tout en restant dans l’avenue principale de la ville, la jeune femme l’emmena dans une auberge plus classique mais répondant tout de suite bien plus aux goûts de Akihiko. Une auberge de voyageurs, à la salle de restauration bien remplie et où planait une ambiance festive. Ici et là, des personnes buvaient, riaient, trinquaient, mangeaient et buvaient encore.
(Ca, ça me rappelle déjà plus l’auberge des Hommes libres.) pensa Akihiko en hochant la tête d’un air satisfait. Il se tourna vers sa guide.
« Merci pour la visite. Je ne veux pas te retenir trop longtemps.
- Tu ne raccompagnes pas une jeune fille seule chez elle ? Les hommes ne sont plus ce qu’ils sont aujourd’hui.
- Si je t’avais proposé, tu m’aurais incendié en me disant que tu étais une grande fille et que tu pouvais te débrouiller toute seule.
- Humpf, grogna la jeune femme en plantant ses yeux verts dans ceux bicolores de l’ynorien.
C’est une question de principe, tu dois quand même proposer. Tu l’as bien fait avec la fille Ôkami.
- D’accord, d’accord… Mademoiselle Anthelia, me feriez-vous l’insigne honneur de laisser ma modeste personne vous raccompagner jusqu’à votre domicile, de sorte à ce que vous puissiez vous reposer dans les plus brefs délais ?
- C’est fort aimable à vous, Monsieur Yoichi, mais je suis parfaitement capable d’assurer ma sécurité si quelque malandrin décidait de m’attaquer.
- Vous m’en voyez soulagé ma Dame, mais laissez-moi au moins vous faire don de ma protection. »
Il s’approcha de la jeune femme et enserra délicatement le protège-bras de cuir qui enserrait le bras droit de la tatoueuse. Il ferma les yeux et convoqua ses fluides pour enchâsser dans la protection un puissant Choc de Valyus, sort qui laissa une trace luminescente bleu électrique à la surface du cuir. Rouvrant les yeux, il libéra sa main et la laissa regarder la marque qu’il avait laissée d’un regard confus.
« C’est un sort que j’ai transféré dans votre protection mademoiselle. Ainsi, si un quelconque assaillant venait à vouloir abîmer votre joli minois, vous serez en mesure de déchaîner une partie de mon pouvoir sous la forme d’arcs électriques. Je ne doute pas de votre capacité à vous défendre, mais permettez à l’humble enchanteur que je suis de savoir son amie protégée par ses soins. »
Akihiko allait lui expliquer comment utiliser son sort, mais Anthelia ne lui en laissa pas le temps et passa ses bras autour de son cou, l’attirant dans une étreinte à laquelle elle mit fin avec un
« Merci » chuchoté à l’oreille qui provoqua un frisson dans sa colonne vertébrale. La femme le salua et disparue bien vite dans le crépuscule tombant sur la ville. Akihiko entra de son côté dans l’auberge et fut happé par le bruit régnant dans l’établissement. Il se fraya un passage jusqu’à l’homme qui semblait diriger les lieux. Malgré le brouhaha, il parvint à se faire comprendre et une poignée de yus échangée plus tard, il monta au deuxième étage s’installer dans sa chambre. La chambre était petite mais propre et le lit simple qui l’agrémentait était, après avoir été testé, assez confortable pour qu’il y passe des nuits reposantes comme il les aimait. La porte semblait quant à elle assez solide pour ne laisser personne entrer sans une clé ou bien la forcer par la force. Il pouvait sans problème laisser ses affaires ici, jugea-t-il. Mais par mesure de précaution, il les cacha sous le lit contre le mur et apposa un cercle protecteur tout autour, le marteau de Valyus en main pour en amplifier ses effets. La personne qui prendrait le risque de vouloir lui prendre ses affaires recevrait une sacrée surprise. Observer le sort qu’il venait de créer le fit penser à son sort de transfert magique qu’il avait utilisé plus tôt pour Anthelia. Enchanter une partie de son équipement n’était pas une mauvaise idée : il était en sécurité dans cette ville alors il pouvait bien se permettre de consommer ses fluides. Il enchâssa ainsi deux sorts dans sa cotte de maille et ses gantelets : la première reçu le sort lui permettant de repousser les projectiles métalliques et les seconds d’un sort de création de lance magique : il pourrait ainsi profiter de son allonge pour frapper, comme avec le drakarn.
Rassuré à la vue des marques luminescentes sur ses gants et sa cotte de maille, il sortit de sa chambre et la verrouilla derrière lui, laissant son marteau trop encombrant dedans. C’est simplement armé de la Kizoku qu’il descendit et se rendit au comptoir. Là, il héla une femme qui devait être dans la quarantaine, une kendrane au sourire contagieux et au regard pétillant malgré les quelques mèches argentées qui parsemaient sa chevelure.
« Bonsoir mon brave ! Qu’est-ce que je vous sers !? On a du pot-au-feu et du harney cuit ce soir ! cria-t-elle pour se faire entendre par-dessus une crise de fou rire particulièrement bruyante.
- Bonsoir ! Je ne connais pas le second plat mais s’il ne contient pas de fruits de mer, c’est ce que je vais prendre !
- Parfait !! Je vous mets une pinte avec ?!
- Oui, s’il vous plaît ! »
Akihiko alla ensuite s’installer à une table en hauteur près d’un mur et juché sur son tonneau, observa la foule qui festoyait tout autour de lui. Il aurait avec plaisir rejoint une table pour partager un repas et quelques chopes, mais il ne voyait aucune place de libre. L’auberge était réellement un rendez-vous pour tous les voyageurs car partout où son regard se promenait, nombre des personnes qui étaient attablés portaient des habits de voyage ou du moins ce qui y ressemblait. Plusieurs avaient même encore leur besace ou leur sac à leurs pieds. Finalement, un garçon qui ne devait pas avoir plus de treize ans passa et déposa sur sa table une sorte de volaille baignant dans un jus flairant bon la bière dans une écuelle en bois, avec de grosses carottes coupées en morceaux et des pommes de terre. Une chopine de bois bien remplit conclut son repas et le serveur fila retourner en cuisine. La viande blanche se découpait facilement avec la cuillère en bois fournie, ce qui permit à Akihiko de prendre une bouchée suivie d’une gorgée de bière, comme venait de lui suggérer le garçon avant de partir.
(Délicieux !)
Un repas consistant, solide, délicieux et chaud. Voilà qui ravissait l’estomac et les papilles de Akihiko. La bière n’était pas en reste et bien qu’elle ne soit pas aussi bonne que la Rougette de Narem, elle était meilleure que celle d’Oranan. Les ynoriens avaient beaucoup de recettes et d’alcools délicieux, mais lorsqu’il s’agissait de bière et de brassage, c’était une catastrophe.
(C’est une chose qui n’a pas changé en quelques siècles.)
(Tiens, tu as fini de bouder ?)
(Mmh.)
(Amy, il va falloir que tu m’expliques ce que tu as avec Anthelia. Non, avec les femmes en générale. Tu réagissais de la même façon avec Aurora, je me souviens.)
(Aurora ?) demanda-t-elle, ne se souvenant visiblement plus du nom.
(Aile Grise si tu préfères, la sindelle pilote d’Aynore.)
(Ah oui. Elle.)
(Tu vois, c’est exactement de ça que je parle. Je ne suis plus le jeune homme qui bégayait quand une femme lui adressait la parole. J’ai mûri. Tu n’as pas à te comporter aussi agressivement avec toutes les femmes que je rencontre.)
(C’est… C’est pas ça. Ce n’est pas que pour toi.)
Akihiko mâcha pendant plusieurs secondes sans rien dire, attendant que sa Faëra continue de lui fournir des explications. Il eu même le temps de boire une longue rasade avant qu’elle ne se décide enfin à poursuivre.
(C’est… Comprends moi bien, Akihiko. Ce n’est pas de la jalousie ou quoi que ce soit. Je n’ai jamais considéré un de mes porteurs comme plus que mon Maître et même si je le voulais quand même, ça serait impossible pour moi. Encore que…)
(Encore que ?)
(Rien, juste qu’il existe des cas extrêmement rares de Faëras ayant réussi à prendre une taille humaine et à devenir tangible. Mais je m’égare, ce n’est pas le problème. Tu vois, l’amour est un sentiment que même si nous ne le vivons jamais, ne nous est pas inconnus à nous, les Faëras. Après tout, cela fait des millénaires que nous suivons nos Maîtres et Maîtresses et ils tombent ou sont tous tombés amoureux. On comprend bien ça, c’est un sentiment logique lorsque l’on est mortel de s’attacher à une personne plus qu’à une autre, vouloir partager sa vie, avoir une descendance, ce genre de chose…)
(Les Faëras ne se reproduisent pas ?)
(Non. Puisque nous ne pouvons pas mourir, il existe un nombre défini d’individus dans notre peuple qui ne change pour ainsi dire presque jamais. Parfois, une Faëra naît d’un ou de plusieurs fluides, mais c’est aussi rare que la neige en pleine été.)
(Mmmh…)
Akihiko terminait de manger son repas et le même garçon était passé lui proposer de re-remplir sa chope, ce qu’il avait accepté. Il regardait donc, juché sur son tonneau et adossé au mur de pierre beige, les tables lentement se vider tandis que des personnes à l’apparence plus locale prenaient place autour d’un verre. Il observait tout ce beau monde sans vraiment y prêter attention, tout à sa discussion avec Amy.
(Des porteurs et des porteuses amoureuses, j’en ai vu défiler. Et… Pour une raison que j’ignore, ils finissent tous par en souffrir. Certains parce qu’ils s’entichent de personnes qui ne les aiment pas en retour, d’autres parce qu’ils survivent à leur amant ou amante. Ca les a ravagés Akihiko, réellement. Plusieurs d’entree eux n’ont pas supporté de vivre sans cette personne et ont… Décidé.. De..)
(Si c’est dur pour toi, Amy, ne le dit pas. J’ai saisi ce que tu voulais dire.)
(Merci… Pour moi, j’ai subi ça comme un véritable abandon. Et j’en suis venu à détester l’amour. Pourquoi poussait-il mes porteurs dans de telles extrémités ? Moi je me retrouvais seule après. Mais qui était égoïste ? Était-ce moi pour ne pas accepter que quelqu’un puisse avoir autant d’importance pour mon Maître ? Ou ce même Maître qui ne se rendait pas compte de l’importance du contrat qu’il avait passé avec moi ? Aujourd’hui encore, je n’ai toujours pas la réponse à cette question. Mais de mon point de vue, l’amour n’apporte que trop de souffrance. C’est pourquoi j’ai tenté de t’éloigner toi comme une partie de tes prédécesseurs des hommes et femmes qui les attiraient...)
(Et cela a vraiment arrangé les choses ?)
(Pas vraiment. La plupart ont décidé de rompre leur lien avec moi. D’autres ont décidés de suivre mes indications et n’ont jamais connu l’amour. Ils n’en ont jamais souffert, mais n’en ont jamais profité non plus. Est-ce que cela en vaut vraiment la peine ?)
Akihiko posa sa chope, les vapeurs d’alcool rendant son visage chaud. Il n’avait pas encore atteint le stade de la vraie ivresse mais n’en était pas loin, il attendait d’abord de finir cette conversation pour la mener jusqu’au bout avec ses entières facultés mentales.
(Honnêtement Amy, je ne saurais pas te dire. Tu sais aussi bien que moi que je n’ai jamais connu cette sensation, mais j’ai eu l’occasion de la voir à l’œuvre. Chez mes parents comme chez d’autres couples, comme Hatsu et Vohl. L’amour, ça rend fou. Mais ça rend fort aussi. Il faut faire attention à ne pas y succomber, mais je crois que l’éviter totalement est une erreur tout aussi importante. En bien des points, on peut dire que l’amour est semblable à la colère.)
(Je… Crois que je comprends ce que tu veux dire.)
(Je ne sais pas ce que l’avenir-)
En plein milieu de sa conversation télépathique avec la petite être d’air, Akihiko ne faisait pas attention à ce qui l’entourait. C’est pourquoi il ne vit pas arriver l’homme passablement éméché sur sa droite qui le percuta dans les jambes. La bière dans sa main se renversa et éclaboussa ses jambes et une partie de son manteau.
« Eh ! Faites attention ! » protesta l’enchanteur en voyant que l’homme, un kendran d’une trentaine d’années aux cheveux ras et vêtu comme un artisan progressait sans lui jeter le moindre regard. Son interpellation le fit néanmoins se retourner et il s’approcha d’un pas titubant avant d’attraper Akihiko par le col.
« Kesta le blanc bec ? C’moi qu’tu parles comme ça ? »
Avant même de le laisser dire quoi que ce soit, l’ivrogne lui envoya un coup de poing qui le cueillit à la joue, le faisant chuter de son tonneau. Le silence tomba sur les tables aux alentours alors que d’une voix goguenarde, il continuait.
« Vous m’faites marrer vous l’z’ynoriens. Zavez prit vot’ indépendance et vous vous croyez mieux qu’nous ? ‘Vec vos robes et vos coupes de femmelettes ? »
Ces propos mirent en colère Akihiko qui se releva en essuyant du revers de sa main le sang qui coulait de sa bouche. Manifestement, il s’était mordu au sang l’intérieur de la joue. Il s’apprêta à dégainer son sabre quand au milieu des brumes de l’alcool, quelque chose s’imposa à lui, une loi qu’il avait juré de suivre il y a bien longtemps de cela. Et une loi qu’il avait toujours observée autant qu’il le pouvait. Serrant les dents, il se redressa de toute sa hauteur et fit face à son adversaire, plus petit que lui. Ce dernier sembla douter en se rendant compte que celui qu’il avait provoqué ne semblait pas si inoffensif qu'il le pensait.
« Que l’on me bouscule en prétextant être saoul, passe encore. Mais que l’on insulte de la sorte mon peuple, je ne le tolère pas. Excusez-vous immédiatement, ou faites face aux conséquences ! » gronda l’enchanteur. Mais l’homme en face de lui sembla reprendre ses esprits et toisa Akihiko.
« J’vais t’faire ravaler ton orgueil, bouffeur de riz.
- Je vous aurais prévenu. »
Il ne projetait pas de blesser le soûlard, surtout que quelque part, c’était simplement un ivrogne ayant trop forcé sur la boisson. C’est pourquoi lorsqu’il posa la main sur son sabre, il ne dénuda pas la lame et sortit aussi bien l’arme que son fourreau. Enserrant sa prise sur la garde et le fourreau, il se mit en position et pointa de son fourreau laqué le kendran dont la chemise autrefois blanche avait été tâchée de trace noirs et marrons qu’il n’arrivait pas à identifier. Cette ultime mise en garde n’atteignit pas l’homme qui, poing droit en l’air, se jeta sur lui en vociférant. A le voir se précipiter ainsi sur lui, il analysa que l’homme n’était pas un réel combattant tant son attaque était brouillonne. Mais Akihiko prit alors instantanément conscience de son erreur : dans un espace aussi clos, jouer de son sabre allait s’avérer difficile. Maudissant son esprit embrumé d’alcool pour ne pas avoir pensé à ça, il ramena la lame horizontalement et s’abaissa pour laisser le crochet maladroit du pochtron passer au-dessus de son épaule. Il inclina son sabre, le recula pour prendre de l’élan et enfonça le pommeau en plein dans le ventre du pugiliste en entrant dans sa garde. Le coup fit reculer son adversaire et Akihiko en profita pour jeter l’arme contre le mur à sa gauche, à l’endroit où il prenait son repas un instant plus tôt. Le kendran à la barbe naissante revint à l’attaque et avec une vivacité surprenante, parvint à s’approcher de lui et lui porta un coup vicieux qui le toucha au foie. Se pliant en deux sous la douleur, il reçut le second coup en plein visage, tuméfiant son œil. Une avalanche de frappes s’ensuivit, maladroites mais puissantes. Akihiko, qui continuait malgré tout de se limiter, fit sauter les derniers verrous de sa retenue. Attrapant avec sa main forte le poignet de son adversaire en vol, il riposta par un coup de poing dans sa mâchoire. Il baissa sa main droite libre et la paume ouverte, envoya un globe de foudre frapper sa rotule. L’homme poussa un cri de douleur mais Akihiko raffermit sa prise sur son poignet, l’empêchant de s’écrouler complètement au sol. Il tira sur son bras pour l’amener à lui, le cueillit à la gorge avec sa main encore nimbée d’étincelles et dans une torsion de son bassin, l’envoya au sol en le suivant dans sa chute.
Désormais au-dessus de lui une main sur sa gorge et l’autre tenant son bras droit levé en l’air, l’enchanteur appuya de son genou sur sa poitrine, le clouant un peu plus au sol. Akihiko lui fit comprendre un peu plus sa situation en envoyant à travers son poignet une décharge électrique. Ce dernier gémit : le combat, quelques secondes après avoir commencé, s’achevait déjà.
« Pi… Pitié…
- Tss, siffla Akihiko en ravalant un filet de sang qui coulait dans sa bouche.
Réessaye une seule fois de m’attaquer quand je t’aurais lâché et je te promets que cette fois-ci, mes éclairs feront sauter tes genoux. Compris ?
- Oui… Oui Pitié… J’suis désolé… J’m’excuse..! »
L’enchanteur le lâcha et l’homme désormais bien dessoûlé se précipita vers la sortie en claudiquant de la jambe qui avait été touchée par son sort, sans oser se retourner vers Akihiko. Lui de son côté soupira et grimaça en sentant son visage tuméfié se mettre à gonfler sous ses doigts. Il allait avoir une sale tête le lendemain. Un regard aux tables à proximité lui informa que plusieurs personnes étaient à moitié levée de leur siège, prêtes à intervenir. Mais la rixe s’était achevée sans qu’ils aient eu à intervenir, ce qui les soulagea visiblement. Akihiko entendit même distinctement le bruit de plusieurs lames retournant dans leur fourreau avant que le brouhaha ne reprenne de plus belle, mais plus calme cette fois-ci. En grognant, il s’apprêta à rapporter son assiette au comptoir quand le gérant de l’auberge vint à sa rencontre.
« J’ai bien vu que ce n’est pas vous qui avez commencé cette bagarre en premier, alors je ne vous en tiens pas rigueur. Néanmoins, si cela venait à se reproduire avec lui ou qui que ce soit, je vous demanderai alors de partir. Je déteste que l’on se batte dans mon établissement.
- Vous m’en voyez désolé… Ça ne se reproduira plus.
- Bien. Je demanderai à un de mes serveurs de vous apporter une serviette humide pour soulager un peu la douleur. »
L’homme lui prit les ustensiles des mains sans lui laisser le temps de répondre et tourna les talons, visiblement contrarié. Akihiko monta lui dans sa chambre et s’écroula sur le lit, frustré que sa soirée se soit fini ainsi. On toqua à sa porte et le même serveur qui l’avait servi lui tendit un torchon humidifié d’eau fraîche, ce qu’il accepta volontiers et remercia l’adolescent d’une pièce. Refermant la porte à clé cette fois, il s’affala de nouveau sur son lit et posa la serviette sur son visage après l’avoir nettoyé.
(Ca faisait une éternité que je ne m’étais pas battu ainsi…)
(Et crois moi, Anthelia ne va pas être contente de voir ça.)
(J’espère qu’elle ne va pas me faire la morale…)
Après quelques minutes à attendre que la douleur se calme, Akihiko se leva une dernière fois pour se défaire de ses habits et se glissa sous les couvertures, appréciant la chaleur douillette qui l’enveloppait.
(Amy…)
(Oui ?)
(Pour reprendre là où on en était avant que l’autre crétin ne nous interrompe… Je ne sais pas de quoi sera fait l’avenir au sujet d’Anthelia et pour être franc, j’ai de plus en plus de mal à ignorer sa présence. Mais que ce soit elle ou une autre, je peux te promettre que je ne t’abandonnerai pas.)
(Beaucoup de porteurs m’ont déjà fait cette promesse…) soupira la Faëra, petite sphère bleutée dans l’esprit de Akihiko.
(Peut-être. Mais je te dois bien trop pour te laisser tomber avant d’avoir réglé mes dettes. Sinon, je m’en voudrais probablement même après ma mort.)
(… Encore une fois, je vais faire confiance à un porteur. Montre-moi, Akihiko, que tu n’es définitivement pas comme les autres.)
Touché par l’espoir et la confiance que la Faëra plaçait une fois de plus en lui, Akihiko se jura qu’il ne la laisserait pas tomber si la situation qu’elle redoutait se présentait de nouveau.
Se retourner dans le lit lui procura une vive douleur au ventre, à l’endroit où son foie avait été touché. Une nouvelle fois, Akihiko avait dû encaisser plus que de raison parce qu’il n’avait pas de sort lui permettant de maîtriser ses cibles sans les blesser. Ses pouvoirs pouvaient bien lui permettre de paralyser quelqu’un sans lui infliger de dommages ? Il suffisait de lui envoyer suffisamment de foudre pour le paralyser… Mais Devait-il s’y prendre en touchant son… adversaire, ou bien…
Et alors que Akihiko réfléchissait à comment il pouvait s’y prendre, les bras du sommeil et de la nuit l’étreignirent doucement.