Re: Le Marché
Posté : ven. 9 sept. 2022 21:18
L'AVANT
« ... celle-ci, il me la faut ! Est-ce que je peux la voir de plus près également ? J’ose à peine imaginer tout ce que l’on peut tailler là-dedans ! »
Le pauvre marchand me semble un peu perdu, noyé qu’il est par le flot de mes questions. Peut-être suis-je un peu trop exubérante lorsque je suis enthousiaste. Mais il sent qu’il va faire affaire aussi s'empresse-t-il de répondre à tout et de me présenter tout ce que je désire manipuler, palper, caresser, froisser même ! Une bonne étoffe ne s'achète pas à la légère !
Une fois mes choix arrêtés, il constitue un rouleau unique avec toutes les pièces de tissu que je viens d’acquérir, ce qui est assez malin puisque ça les exempte des plis tenaces et disgracieux. Ce qu’il me tend avant que je m’en aille fait à peu près la moitié de ma taille, quant à l’épaisseur… Eh bien, puisqu’en le prenant sous le bras j’arrive à en faire le tour, c’est le signe qu’elle est comme il faut. Je n’ai pas du tout exagéré, c’est rassurant.
Je m’éloigne rapidement de cette zone tentatrice, tout en cherchant la direction la plus à même de me sortir du marché et de me rapprocher de l’auberge. Je me situe assez facilement et j’arrive bientôt du côté des denrées alimentaires. Viande, poisson, fruits, légumes, tout est là, exposé sur de nombreux, très nombreux tréteaux. Si j’étais chez moi, je m’y attarderais un peu mais là… ça attendra mon retour.
Je m’arrête tout de même à quelques pas d’un étal dont les fruits me donnent soudainement soif. J’ai cru y entrevoir des pêches… cru car, juste à l’instant, le dos d’un individu blond m’en bouche la vue. Je m’apprête à avancer pour mieux regarder quand la scène que j’ai devant les yeux m’en empêche… En effet, tout à côté de ce grand blond, il y en a un petit. Je pourrais facilement les prendre pour père et fils sauf que, si la mise de l’adulte est impeccable celle de l’enfant laisse bien à désirer, c’est ce qui fait que la puce me gratouille légèrement l’oreille. Et avec raison ! N’est-ce pas sa petite main que je vois avancer vers la taille de l’individu, là où généralement se situent la ceinture et la bourse qu’on y attache solidement ?
Je le regarde faire quelques instants, légèrement amusée et presque subjuguée, me demandant s’il va réussir. Pas un instant, l’idée d’avertir sa victime ne m’effleure. Au contraire, je me surprends à encourager mentalement le jeune garçon.
Aïe… je viens de voir le vêtement de l’homme se plisser sous l’effort et les mouvements des doigts de l’enfant pour décrocher la pochette… Une chance que celui-ci n’ait rien senti, tout occupé à discuter qu’il est. De mon temps, une telle erreur m’aurait valu un coup sec de manche de couteau sur les doigts de la part de Bruno, enfin… si j’avais eu le malheur de la commettre en m’exerçant sur lui, bien sûr… À ce souvenir, j’ai une forte envie de me frotter la main… Satané Bruno.
Oh, non ! Encore une maladresse… Cette fois c’est sûr, il s’en est aperçu ! Le pauvre gamin risque gros, la milice, ou pire si cet homme veut faire «justice» lui-même…
Parfois, on ne réfléchit pas, notre corps agit pour nous. Je franchis en un clin d’œil l’espace qui me sépare du grand blond et faisant mine de vouloir regarder les fruits de plus près, je me place entre lui et l’enfant assez abasourdi d’être ainsi écarté. Au même moment avec le haut de mon rouleau d’étoffe, je flanque un sérieux coup à l’homme pour détourner suffisamment son attention tandis que plus bas, de la main – et avec une dextérité dont, sincèrement, je ne me serais plus cru capable – je détache la bourse et la laisse tomber au sol. Puis, ni une ni deux, je la pousse de la pointe de mon soulier vers le garçon.
J’ai tout juste le temps de voir ce dernier froncer des sourcils avant de se pencher pour la ramasser, que le personnage à mes côtés s’adresse à moi avec, malgré le traitement qu’il vient de subir, politesse.
« Vous allez bien ? Prenez garde avec vos achats, vous auriez pu blesser quelqu’un ou vous blesser vous-même.»
Je me tourne vers lui, l’air mi-surpris mi-désolé, donnant l’impression d’être légèrement désemparée, pour me laisser le temps de trouver mes mots. In extremis, je me souviens qu’à cet instant je ressemble plus à Lyzabell qu’à Shilann car pour visiter mes clients, je me vêts de façon sobre et élégante afin de ne pas attirer l’attention. C’est donc une jeune dame de bonne famille qui se tient devant lui.
« Je vais très bien mais je suis confuse, monsieur. Acceptez mes excuses pour cette agression qui n’était nullement intentionnelle… Je me suis trop précipitée et j’en ai oublié le fardeau que je transportais ! Vous n’avez pas de mal, j’espère ?»
J’ouvre de grands yeux candides et lui adresse un charmant sourire teinté de la juste pointe d’inquiétude, ce qui n’est pas très difficile dans la mesure où le monsieur est lui-même charmant, ce que je n’avais pas eu l’heur de remarquer avant cela.
En revanche, ce que je remarque sur le champ et qui me laisse un instant perplexe c’est que le jeune voleur, son butin en main, n’avait pas pris la poudre d’escampette comme je l’avais présumé et espéré… Bien au contraire ! Il s’est rapproché de sa victime comme pour y chercher refuge. Et c’est moi qu’il regarde avec quelque défiance… Le petit ingrat !
L’image de Bruno me revient alors avec force à l’esprit et je crois deviner ce qui se joue devant moi… Ce beau jeune homme d’apparence raffinée m’apparait alors sous un jour bien différent. Et j’accentue mon sourire.
« ... celle-ci, il me la faut ! Est-ce que je peux la voir de plus près également ? J’ose à peine imaginer tout ce que l’on peut tailler là-dedans ! »
Le pauvre marchand me semble un peu perdu, noyé qu’il est par le flot de mes questions. Peut-être suis-je un peu trop exubérante lorsque je suis enthousiaste. Mais il sent qu’il va faire affaire aussi s'empresse-t-il de répondre à tout et de me présenter tout ce que je désire manipuler, palper, caresser, froisser même ! Une bonne étoffe ne s'achète pas à la légère !
Une fois mes choix arrêtés, il constitue un rouleau unique avec toutes les pièces de tissu que je viens d’acquérir, ce qui est assez malin puisque ça les exempte des plis tenaces et disgracieux. Ce qu’il me tend avant que je m’en aille fait à peu près la moitié de ma taille, quant à l’épaisseur… Eh bien, puisqu’en le prenant sous le bras j’arrive à en faire le tour, c’est le signe qu’elle est comme il faut. Je n’ai pas du tout exagéré, c’est rassurant.
Je m’éloigne rapidement de cette zone tentatrice, tout en cherchant la direction la plus à même de me sortir du marché et de me rapprocher de l’auberge. Je me situe assez facilement et j’arrive bientôt du côté des denrées alimentaires. Viande, poisson, fruits, légumes, tout est là, exposé sur de nombreux, très nombreux tréteaux. Si j’étais chez moi, je m’y attarderais un peu mais là… ça attendra mon retour.
Je m’arrête tout de même à quelques pas d’un étal dont les fruits me donnent soudainement soif. J’ai cru y entrevoir des pêches… cru car, juste à l’instant, le dos d’un individu blond m’en bouche la vue. Je m’apprête à avancer pour mieux regarder quand la scène que j’ai devant les yeux m’en empêche… En effet, tout à côté de ce grand blond, il y en a un petit. Je pourrais facilement les prendre pour père et fils sauf que, si la mise de l’adulte est impeccable celle de l’enfant laisse bien à désirer, c’est ce qui fait que la puce me gratouille légèrement l’oreille. Et avec raison ! N’est-ce pas sa petite main que je vois avancer vers la taille de l’individu, là où généralement se situent la ceinture et la bourse qu’on y attache solidement ?
Je le regarde faire quelques instants, légèrement amusée et presque subjuguée, me demandant s’il va réussir. Pas un instant, l’idée d’avertir sa victime ne m’effleure. Au contraire, je me surprends à encourager mentalement le jeune garçon.
Aïe… je viens de voir le vêtement de l’homme se plisser sous l’effort et les mouvements des doigts de l’enfant pour décrocher la pochette… Une chance que celui-ci n’ait rien senti, tout occupé à discuter qu’il est. De mon temps, une telle erreur m’aurait valu un coup sec de manche de couteau sur les doigts de la part de Bruno, enfin… si j’avais eu le malheur de la commettre en m’exerçant sur lui, bien sûr… À ce souvenir, j’ai une forte envie de me frotter la main… Satané Bruno.
Oh, non ! Encore une maladresse… Cette fois c’est sûr, il s’en est aperçu ! Le pauvre gamin risque gros, la milice, ou pire si cet homme veut faire «justice» lui-même…
Parfois, on ne réfléchit pas, notre corps agit pour nous. Je franchis en un clin d’œil l’espace qui me sépare du grand blond et faisant mine de vouloir regarder les fruits de plus près, je me place entre lui et l’enfant assez abasourdi d’être ainsi écarté. Au même moment avec le haut de mon rouleau d’étoffe, je flanque un sérieux coup à l’homme pour détourner suffisamment son attention tandis que plus bas, de la main – et avec une dextérité dont, sincèrement, je ne me serais plus cru capable – je détache la bourse et la laisse tomber au sol. Puis, ni une ni deux, je la pousse de la pointe de mon soulier vers le garçon.
J’ai tout juste le temps de voir ce dernier froncer des sourcils avant de se pencher pour la ramasser, que le personnage à mes côtés s’adresse à moi avec, malgré le traitement qu’il vient de subir, politesse.
« Vous allez bien ? Prenez garde avec vos achats, vous auriez pu blesser quelqu’un ou vous blesser vous-même.»
Je me tourne vers lui, l’air mi-surpris mi-désolé, donnant l’impression d’être légèrement désemparée, pour me laisser le temps de trouver mes mots. In extremis, je me souviens qu’à cet instant je ressemble plus à Lyzabell qu’à Shilann car pour visiter mes clients, je me vêts de façon sobre et élégante afin de ne pas attirer l’attention. C’est donc une jeune dame de bonne famille qui se tient devant lui.
« Je vais très bien mais je suis confuse, monsieur. Acceptez mes excuses pour cette agression qui n’était nullement intentionnelle… Je me suis trop précipitée et j’en ai oublié le fardeau que je transportais ! Vous n’avez pas de mal, j’espère ?»
J’ouvre de grands yeux candides et lui adresse un charmant sourire teinté de la juste pointe d’inquiétude, ce qui n’est pas très difficile dans la mesure où le monsieur est lui-même charmant, ce que je n’avais pas eu l’heur de remarquer avant cela.
En revanche, ce que je remarque sur le champ et qui me laisse un instant perplexe c’est que le jeune voleur, son butin en main, n’avait pas pris la poudre d’escampette comme je l’avais présumé et espéré… Bien au contraire ! Il s’est rapproché de sa victime comme pour y chercher refuge. Et c’est moi qu’il regarde avec quelque défiance… Le petit ingrat !
L’image de Bruno me revient alors avec force à l’esprit et je crois deviner ce qui se joue devant moi… Ce beau jeune homme d’apparence raffinée m’apparait alors sous un jour bien différent. Et j’accentue mon sourire.