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Orphelinat de Kendra Kâr

Posté : dim. 18 mars 2018 08:57
par Yuimen
Orphelinat de Kendra Kâr

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L'orphelinat de Kendra Kar est un bâtiment récent, neuf même. C'est une grande maison à l'aspect chaleureuse et accueillante de style Kendrane, un subtil mélange de pierres blanches et de bois. Le bâtiment est sur plusieurs étages, il n'y a ni barreaux aux fenêtres, ni grille, ni portail. Un homme garde la porte pour éviter que n'importe qui ne pénètre la maison mais les enfants sont libres d'entrer et de sortir comme bon leur semble, demande volontaire de la directrice des lieux.

Une belle kendrane à l'image de l'orphelinat qu'elle dirige et de qui s'émane une forte aura maternelle. Elle et le roi de Kendra Kar ont travaillé de concert pour dessiner les plans de la demeure. En plus d'accueillir des enfants de tout âge, elle les instruits. Avant et après les repas, le grand réfectoire se transforme en salle de classe où les plus jeunes apprennent à lire, écrire et compter.

D'autres pièces plus petites font également offices de salle de classe pour des enfants plus âgés qui peuvent apprendre des domaines plus approfondis s’ils le souhaitent et si des professeurs sont volontaires. La maison possède également une grande cuisine capable de produire assez de nourriture pour tout le monde. Les étages, eux, sont consacrés aux chambres.

On raconte que l'orphelinat reçoit de généreux dons mais Méli, en raison de son passé modeste, refuse de dépenser sans compter. Dès qu'ils sont en âge, les enfants aident les artisans, commerçants et agriculteurs de tout le royaume en échange de remise sur les besoins de l'orphelinat que ce soit en nourriture, literie ou autres.

Ainsi ils voyagent et apprennent ce qu'est le travail et la valeur de l'argent à travers un travail honnête évitant à Kendra Kar de produire des générations d'oisifs ou de délinquants.


[Ce lieu a été financé en RP par Xël Almaran, Karz Enghrim et Charis Kel Asheara à hauteur de 20 000, 10 000 et 5 000 yus pour un total de 35 000 yus ! Merci à eux !]

Re: Orphelinat de Kendra Kâr

Posté : dim. 29 sept. 2019 18:38
par Xël
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De nombreux regards se tournent encore vers nous alors que nous traversons la cité. Je n’ai qu’une chose en tête à présent, Méli. Je m’assure simplement de ne pas semer Sheeala dans la foule et nous parvenons tous les deux devant un bâtiment neuf dont chaque fenêtre et ornementée de fleurs colorées, donnant à la bâtisse un aspect chaleureux. A ces mêmes fenêtres apparaissent de nombreuses têtes d’enfants plus ou moins âgées, je parviens même à en reconnaître certains. Je savais qu’ils étaient déjà au courant que j’étais là, prévenus par les plus rapides qui m’ont aperçu aux portes. Le bâtiment semble vibrer tant il est en effervescence. D’autres gamins sortent par la porte pour occuper la cour devant la maison, suivie d’une femme en robe, grande, fine, au teint rosé avec un nez aquilin et des yeux émeraudes. Elle se fige un instant en m’apercevant avant de se mettre à courir vers moi. Jamais je n’avais vu Méli courir et jamais je ne m’étais senti courir aussi vite non plus. Elle saute dans mes bras et je l’étreins de toutes mes forces alors que les enfants autour de nous sautent de joie, s’amusent et s’émerveillent de ces retrouvailles. Elle m’a tant manqué. Toute la peine, toute la douleur, toute la rage s’envole à cet instant et ne laisse place qu’au bonheur de la revoir à nouveau alors qu’en de nombreuses occasions je suis passé à un fil de voir ce moment disparaître à jamais. Elle s’écarte de moi sans me lâcher et passe une main dans mes cheveux, tâte mes joues, mon menton pour s’assurer que je ne suis pas une vision. Elle essuie ensuite les larmes qui coulent sur ses joues et m’offre le plus gratifiant des sourires, celui que je souhaitais revoir depuis que j’ai quitté la cité en direction d’Oranan. Je souris à mon tour et déclare.

" Non tu ne rêves pas, c’est bien moi. "

" Je sais, oui, je sais. " Dit-elle en riant.

" Où est-il ?! Je veux voir cet imbécile ! "

Le gros Bob apparaît dans le cadre de la porte et s’y tient pour reprendre son souffle. A le voir on a l’impression qu’il vient de grimper une vingtaine de marches. Il n’a pas changé d’un poil, toujours la même tête ronde dû à ses joues gonflées qui arborent maintenant une couleur rouge d’effort. Une grosse barbe et une touffe de cheveux bouclés. Méli se sépare de mon étreinte pour m’expliquer sa présence, il s’occupe de fournir à l’orphelinat pains et pâtisseries et sa femme, elle, passe parfois pour apprendre aux enfants à faire leurs propres desserts. Je m’approche de lui, toujours à bout de souffle et l’aide à se redresser en riant.

" Dans mes bras mon gros. "

Nous nous enlaçons en riant en nous donnant de grandes tapes dans le dos.

" Ravi de te revoir. "

Il me donne une tape dans l’épaule et une autre connaissance apparaît derrière le gros Bob. Aenthus, le vieux mage qui m’avait demandé des informations sur un éventail, ce qui m’a mené tout droit sur Aliaénon. Il n’a pratiquement pas changé, toujours le visage ridé encadré d’une longue chevelure blanche. Seulement sa barbe est différente, la dernière fois que je l’ai vue elle atteignait sa ceinture alors qu’à présent elle dépasse à peine ses épaules. Bob me pousse du coude en remarquant sans doute que je m’attarde sur ce détail et m’explique entre deux souffles de bœuf.

" Méli a débarqué chez lui comme une furie en découvrant qu’il t’avait envoyé sur un autre monde et elle lui a tranché la barbe. "

Je pouffe en compagnie de Bob tandis que le vieux mage se racle la gorge, un peu gêné.

" Oui, elle n’a appris qu’après que j’étais loin d’en être le responsable. "

Bob explose de rire en tenant son ventre gras. Je me contente d’un rire chaleureux avant de le saluer.

" J’ai appris quelque chose au sujet de votre éventail. "

Il lève une main en souriant pour me couper.

" Je sais. Un milicien d’Oranan est venu me trouver pour me l’apprendre. Hélas, concernant notre marché, si j’en crois ce que j’ai entendu, je n’ai plus grand chose à t’apprendre. "

J’hausse un sourcil.

" Comment ça ? "

" Il est clair que tu as dépassé mes propres compétences. Je peux d’ailleurs le sentir. Mais en échange de ton service je m’occupe ici d’apprendre ce que je sais aux enfants que ça intéresse. "

Je ne suis pas sûr de comprendre ce qu’il veut dire en déclarant que mes compétences ont dépassés les siennes mais je n’ai pas le temps de lui poser la question. Méli m’interpelle et me demande de lui présenter mon amie. Sheeala patiente calmement, presque effacée, pour ne pas perturber nos retrouvailles. Je m’approche d’elle pour me tenir à ses côtés.

" Voici Sheeala d’Argentar, elle vient d’Aliaénon et elle ne peut plus rentrer chez elle car l’accès est bloqué. Je l’ai invité à venir à Kendra Kâr où je pense qu’elle sera plus à l’aise. "

Je dirige un regard attentionné vers Sheeala qui commence à rougir après ma déclaration:

" C’est une amie très chère et j’espère que vous vous entendrez bien durant son séjour ici. "

Je présente ensuite à Sheeala les personnes que j’ai salué, Méli qui s’est occupé de moi durant mon enfance dans les rues de la cité et qui gère désormais l’orphelinat. Le Gros Bob, un ami toujours de bon conseil et qui est mauvais aux jeux d’argent et Aenthus, un mage qui indirectement m’a envoyé vers son monde. Je lui présente également quelques amis d’enfance qui viennent me saluer et qui aident désormais Méli à s’occuper de l’immense bâtiment. Méli prend la parole et s’adresse directement à Sheeala en l’interpellant par son prénom.

" Sheeala, nous pouvons vous préparer une chambre, nous en avons pour ceux qui travaillent ici. Laissez-nous votre sac, vous avez encore largement le temps de visiter la ville avec Xël avant le repas de ce soir. "

" Je... " Commence Sheeala, hésitante.

" Vous ne trouverez pas de meilleur guide. " Ajoute Bob en riant.

Sheeala m’observe et accepte finalement après un regard encourageant de ma part mais précise tout de même qu’elle ne veut pas déranger et qu’elle fera vite pour trouver autre chose. Méli lui répond avec un doux sourire qu’elle est la bienvenue et qu’elle peut rester autant de temps qu’elle le souhaite. L’ancienne reine confie alors son maigre sac d’affaires et nous partons ensemble visiter la cité.

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Re: Orphelinat de Kendra Kâr

Posté : mar. 1 oct. 2019 15:11
par Xël
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L’ambiance est lourde à table. Alena est présente et fixe son assiette sans y toucher. Je ne peux pas m’empêcher de la quitter du regard en me demandant ce que Garvus sous entendait en disant qu’il lui a prit quelque chose qu’il ne pouvait pas lui rendre. Sheeala mange tranquillement, sans un mot. D’ailleurs Méli ne parle pas non plus, elle aussi observe Alena avec un air attristé. Les minutes passent ainsi, loin de la ferveur de nos retrouvailles plus tôt dans la journée. Ce n’est qu’à la fin du repas que je brise le silence.

"Je vais le faire." 

Méli ferme les yeux, je reconnais l’expression sur son visage. Elle espérait que je refuse ce défi et savait en même temps que j’accepterais. Alena dirige son regard encore troublé par la honte vers moi et je la vois articuler un merci du bout des lèvres. Boberan réagit également à sa manière, inquiet, il explique que des combattants expérimentés seront présents. Je le coupe avant qu’il ne termine sa phrase.

" Je sais mais je ne peux pas rester sans rien faire. "

Alena m’avait expliqué à quel point elle tenait à cette épée, dernier vestige de son père mort au combat aux côtés de sa mère. La bourse contenait ses derniers Yus et privée de ses dernières économies elle ne pouvait pas débuter le voyage qu’elle avait prévue pour venir en aide à l’appel du Duché de Luminion. Quand j’avais insisté pour savoir ce que Garvus lui avait prit d’autre Méli avait rugit en déclarant que nous ne parlerions pas de ça à table. Je pouvais ressentir sa colère et sa déception, cette brute était aussi un enfant à qui elle était venue en aide. Abandonné par sa mère, battu par son père, seul sa fugue l’a empêché de terminer dans un cercueil mais une enfance comme celle-ci laisse des stigmates ineffaçables. C’était ce moment de colère qui avait plongé le reste du repas dans un silence de crypte.

A la fin du repas Méli déclare simplement que la chambre de Sheeala est prête et que deux autres étaient préparées pour Alena et moi, elle quitte ensuite la table en emportant son assiette, suivie rapidement d’Alena et de Boberan. J’accompagne Sheeala jusqu’aux cuisines et l’attrape par la main avant qu’elle ne rejoigne sa chambre.

" Attendez. J’ai encore quelque chose à vous montrer. "

Nous grimpons la dernière volée de marche qui mène au grenier et trouvons un accès vers le toit que nous escaladons pour atteindre le sommet. Je pointe ensuite un doigt en direction du temple de Meno et déclare.

" Je vous l’avais promis. "

Elle écarquille ses yeux roses qui deviennent brillants tout en entrouvrant la bouche, ébahie par la beauté du temple qui brille comme une immense bougie, les plaques de métal qui habille ses murs et son toit reflétant les feux rouge brillants qui entourent le bâtiment. Je tire ensuite légèrement sur sa main pour l’inviter à regarder en direction de l’océan où ne nous percevons que les lumières des lanternes flottants sur les eaux comme une nuée d’étoiles perdue dans un ciel sans lune. Le deuxième visage de Kendra Kâr qui ne se montre que quand la nuit tombe et qui est aussi magnifique que le jour.

Je retiens mon souffle quand la main de Sheeala serre plus fort la mienne et que l’autre vient se déposer sur mon épaule tandis que son front vient effleurer ma joue.

" Merci Xël. "


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Re: Orphelinat de Kendra Kâr

Posté : jeu. 23 avr. 2020 15:03
par Xël
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« La première fois il revient lettré et la seconde avec une armure flambant neuve. »

Je souris maigrement en haussant les épaules avant que le gros Bob me prenne dans ses bras.

« Comment tu te sens petit ? »

Mon regard croise le sien et en un instant il comprend, sans même que je prononce un mot, il comprend la douleur, la tristesse, la colère. Bob avait été un soldat, il connaît l’horreur des batailles et de la guerre, il est bien placé pour savoir ce que je ressens. Il me tapote la joue du plat de sa grosse main avant de me guider vers l’intérieur.

« Tout le monde t’attends. On va te donner quelque chose de plus confortable puis on pourra manger un morceau même si j’imagine que tu n’as pas très faim. »

Méli m’attend sur le pas de la porte, l’inquiétude lui a fait prendre quelque années en quelque jours, son regard fatigué mais soulagé est soutenu par des cernes violettes marquée par l’insomnie et les larmes. Celles ci commencent déjà à lui monter aux yeux quand je lui dépose un baiser sur la joue. Elle saisit mon visage entre ses mains pour m’embrasser la joue à son tour tout en répétant qu’elle est soulagée de me revoir en un seul morceau et qu’une chambre est prête pour moi. J’incline la tête avant de m’y rendre, je m'y défais de mon armure et de mes vêtements rembourrés pour enfiler une tenue plus légère pour me couvrir les jambes. Je remarque une bassine d’eau encore tiède et de quoi me raser, ce qui m’arrache un mince sourire. Visiblement j’ai de nouveau été repéré par des gamins en passant la porte. Je passe une main dans ma barbe et dans ma tignasse épaisse avec un soupir. Je pousse du pied un tabouret pour m’installer face à la bassine d’eau et au miroir, je saisis le petit pot contenant une mousse blanche épaisse et une brosse ronde, j’en badigeonne mon visage avant de m’emparer du rasoir que je déplie lentement.

« Tu as besoin d’un coup de main ? »

Je sursaute, surpris de ne pas avoir entendu la porte s’ouvrir. Alena se tient pourtant dans son cadre, les bras croisés, vêtue d’une tunique d'un tissu vert foncé et d’un pantalon en cuir épousant sa petite poitrine et ses hanches fines. Un corps qui s’introduit partout, elle en avait fait la preuve de nombreuses fois lors de cambriolages. Devant mon regard étonné elle désigne de son regard émeraude la lame dans ma main. Ses cheveux sont châtains coiffés en une frange avec deux mèches plus longues qui encadrent son visage fin à la peau lisse et au nez aquilin.

« Je peux aussi faire quelque chose pour tes cheveux. »

J’accepte d’un signe de tête et la laisse approcher pour se saisir doucement du rasoir de ses doigts fins.

« Il t’a rendu ton arme ? »

Elle acquiesce tout en précisant.

« Et mon argent ainsi que celui de ceux qui sont venu le réclamer. Il a très mal prit cette humiliation mais dans son état il ne pouvait que s’y soumettre. »

C’est vrai que j’avais laissé Garvus dans un sale état. Sans doute plusieurs fractures sans oublier son bras tranché par mon portail. Je n’en ressens aucune culpabilité, l’enfoiré l’avait mérité.

« Et il a quitté la cité ? »

« Oui. De toute manière il n’avait plus rien qui le retenait ici. Tout lui a été repris par ceux qui sont venus réclamer et ensuite ses soit disant amis qui lui ont prit ce qu’il restait. Il est parti avec quasiment rien. J’ignore où il est allé. »

« Peu importe. J’espère ne jamais le revoir. »

Elle hoche la tête tout en rasant la dernière bande de pilosité qu’il me reste sur le visage. Elle me nettoie la mousse qui reste d’un geste doux avec un linge humide. Son menton se pose contre mon cou tandis que ses bras encerclent mon torse nu.

« Merci... »

Ma main se lève pour se poser sur son bras tandis que mon visage se penche vers le sien. Nous nous connaissons depuis longtemps et jamais elle n’avait montré une telle douceur dans sa façon d’être. Je ne m’y attends pas et je peine à retenir mes larmes, cependant je me laisse aller contre elle alors qu’elle me serre plus fort. Pendant une bonne minute nous restons silencieux et immobiles. Après un reniflement elle se redresse et essuie ses yeux pour saisir une paire de ciseaux et s’occuper de mes cheveux.

« Tu es mieux avec les cheveux courts. »

« Comment tu pourrais le savoir ? J’avais constamment un bonnet sur ma tête. »

« C’est vrai. Ce bonnet ridicule de toutes les couleurs. Été comme hiver. »

« Ridicule ? » m’offusquais-je théâtralement.

« C’est Méli qui te l’a tricoté ? »

« Je l’avais gagné à une partie de cartes. On m’a proposé 10 000 yus mais j’ai répondu : Non. Moi je veux votre bonnet ! »

Je pointe du doigt mon reflet avec un air menaçant, provoquant chez Alena un léger rire.

« Mais avec autant d’argent tu aurais pu en prendre des milliers des bonnets. »

« Qu’est-ce que j’aurais fais de mille bonnets ? Une bonneterie ? »

Elle rit, amusée, provoquant chez moi un sourire quand nos regards se croisent dans le reflet du miroir. Son visage se fait un peu plus sérieux quand elle m’apprend que Sheeala n’est plus là. Une pointe de tristesse me traverse la poitrine mais il faut avouer que je m’y attendais. J’espère simplement la revoir un jour, elle va me manquer. Mon regard se pose sur mon bâton, posé avec le reste de mes affaires. Alena me remarque et me demande si c’est elle qui me l’a offert.

« Oui. Pour avoir défendu son royaume. »

C’est amusant de penser que j’ai reçu le plastron en cadeau pour avoir défendu un Duché. Alena ouvre de grands yeux surpris.

« SON royaume ? »

« Oui. C’est une Reine. Enfin c’était une Reine. »

« Oh je vois. Monsieur revient aux bras d’une Reine. »

Je plisse un œil, amusé, tout en observant son air contrarié dans le miroir.

« Tu es jalouse ? »

« Tais toi ou je te coupe l’oreille. »

Déclare t-elle en agitant la paire de ciseaux à coté de ma tête. Je la reconnais mieux là. Après un soupir elle demande ce que je vais faire maintenant à Kendra Kâr en reprenant la coupe de ma tignasse. Mon sourire s’efface et mes yeux se baissent alors que je garde le silence. Elle pense que je vais rester alors que je risque déjà de repartir quand le Général Bogast aura prit contact avec moi, difficile de trouver une façon douce de l’annoncer. Je n’en ai de toute manière pas l’occasion, les cliquetis des ciseaux cessent et son regard se lève de mon crâne pour observer le reflet. Elle déclare d’un ton triste et colérique à la fois.

« J’y crois pas. Tu ne va pas rester... »

« Je ne peux pas me résoudre à simplement attendre qu’une armée d’Omyre débarque devant les portes de la cité. »

« Tu ne crois pas en avoir assez fait déjà ?! »

Rétorque t’elle en balançant les ciseaux dans la bassine d’eau.

« Il y a des soldats pour ça ! Ce n’est pas ton rôle de bourlinguer de bataille en bataille pour protéger le royaume ! »

« Je suis trop impliqué pour abandonner maintenant. Je n’ai plus le choix. »

Elle lâche un souffle exaspéré et tente vainement de retenir ses larmes.

« Oui. C’est mieux de nous abandonner nous. Superbe choix !»

Elle désigne mon équipement d’un large geste de la main.

« C’est pour ça cet accoutrement ? Pour défendre la veuve et l’orphelin ? »

Je reste silencieux, conscient que rien que je puisse dire ne pourrait arranger les choses.

« T’es vraiment qu’un sale con. »

Sanglote elle en quittant la chambre, claquant magnifiquement la porte derrière elle. Je relève les yeux vers mon reflet accablé, remarquant au passage que ma coupe de cheveux n’est même pas terminé.


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Re: Orphelinat de Kendra Kâr

Posté : jeu. 23 avr. 2020 15:11
par Xël
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C’est en soupirant que j’entre dans le réfectoire quand j’aperçois les mines déconfites de ceux qui m’attendent. Alena est toujours là, assise à table en essuyant encore les larmes qui coulent sur ses joues. Méli est assise à côté d’elle, caressant son dos pour la réconforter tout en dirigeant vers moi un regard navré et attristé. Le gros Bob est debout derrière une chaise sur laquelle il s’appuie, il m’adresse un maigre sourire malgré son air contrarié. Le vieux mage est là aussi et frotte sa barbe tout en m’observant d’un air assez neutre. Je soupire une seconde fois en atteignant le dossier d’une chaise sur laquelle je pose mes deux mains.

« Ecoutez... J’ai déjà pris ma décision... »

Je suis interrompu par un sanglot et c’est Méli qui prend la parole d’un ton calme avant que je ne continue.

« Nous le savons. Nous ne souhaitons pas t’en empêcher, on veut juste te faire part de notre inquiétude. »

« On a vu tes compétences dans l’arène mais tu as forcement constaté que ce n’est rien comparé à une bataille. »

J’incline la tête bien conscient que l’arène, malgré la difficulté des affrontements, n’avait été qu’une sorte de jeu. Les conséquences d’une défaite pendant le tournoi m’aurait plus que déplu mais si nous avions perdu la bataille de Luminion... Non seulement je serais mort mais en plus la sécurité de l’endroit où je me trouve à présent serait fortement mise en péril. Une bataille c’est aussi une violence toute différente d’un duel, c’est une boucherie, un carnage, il n’y a ni honneur ni spectacle. Il n’y a que tuer et être tué.

« Comment compte tu faire en pleine bataille ? Tu n’as pas de formation militaire. »

« Pas encore. »

Rétorquais-je un peu béatement alors que toutes les têtes se lèvent.

« Comment ça pas encore ? »

Rétorque Bob avant de s’étrangler.

« Tu ne t’es pas engagé dans l’armée quand même ? »

« Non, non. Pas tout à fait. J’ai juste demandé au Roi si je pouvais profiter d’un entrainement militaire. »

« Tu as demandé AU ROI ? Tu as rencontré Solennel ?! Quand ?! »

« En revenant de Luminion, en compagnie du Duc. »

« DU DUC ?! »

Beugle il encore, je dresse une main pour l’arrêter et reprendre la parole où je l’avais laissé.

« J’ai croisé bien des choses depuis que j’ai pris la route pour Oranan. J’ai vu à Luminion une chose que je ne peux pas oublier, une personne que je ne peux pas me sortir du crâne. Je dois me préparer à combattre. Alena a raison, je ne suis pas un soldat et je ne suis sans doute pas indispensable mais je sais que je peux apporter une aide importante et je dois le faire pour pouvoir me regarder en face, pour faire la paix avec moi même. Je ne peux pas rester ici à attendre qu’une armée se pointe ici et vous mette tous en danger, j’en deviendrais dingue vous comprenez ? Alors mon choix est fait, je vais m’entraîner avec l’armée Kendran et j’irais sur les champs de bataille m’opposer à Omyre. »

Alena se redresse, ravalant ses larmes pour cracher sa hargne.

« C’est ça ! Tire toi ! Va donc te battre pour des Rois et des Reines qui s’en moque de ta vie ! »

Elle renverse sa chaise et quitte la pièce d’un pas décidé, je l’appelle pour lui expliquer que ce n’est pas si évident mais Méli me fait signe que c’est inutile.

« Elle était ravie à l’idée que tu restes désormais. Elle a besoin d’un peu de temps pour l’accepter c’est tout. »

Nous plongeons tous dans un mutisme oppressant. Le gros Bob me jette un regard qui me laisse penser qu’il me prend pour un fou, provoquant chez moi un soupir las alors que le vieux mage se contente de m’observer en silence comme si j’étais une expérience en cours et qu’il ignorait si ça allait fonctionner ou rater. Méli brise le silence en annonçant que le repas est bientôt prêt et que nous pouvons nous asseoir. Nous nous installons, toujours en silence, les regards esquivant ceux des autres.

Méli revient avec un large plat de ragoût de Bouloum dont l’odeur me fait lever les yeux de la table. Elle ramène également une bouteille de vin, du Ténébreux à en juger la couleur, offert par Bob précise elle en nous servant un verre.

« Pour fêter ton retour. »

Déclare il mollement.

« Et tes projets futurs. »

Répond Méli en dardant un regard sévère sur l’ancien soldat. Nous débutons le repas et je mange sans réel appétit. C’est le vieux mage Aenthus, après avoir dégusté un peu de vin, qui brise le silence.

« Si vous comptez combattre les armées noires vous allez sans doute croiser des Lieutenants d’Oaxaca et leurs créatures. »

« Par tous les dieux. »

Rétorque Bob en secouant sa grosse tête ronde. Quant à moi j’acquiesce en direction du mage en mâchant mon morceau de viande sous l’oeil inquiet de Méli.

« Est-ce que le nom de Mademoiselle Mikuzuki vous dit quelque chose ? »

« L’obscurologue ? »

« Précisément. Vous devriez peut être lui rendre visite, elle pourrait sûrement vous apprendre des choses utiles. »

« Vous savez où elle habite ? »

« Quelle importance ? Cette vieille folle n’ouvre à personne... »

Rétorque Bob, défaitiste.

« Elle vit ici même, à Kendra Kâr. Mais il est vrai qu’elle apprécie peu les visites. D’ailleurs elle ouvre rarement ses portes. Ses rares sorties ne se font que pour donner des conférences sur les créatures des Treize. »

« Allez y c’est ça. Encouragez le à apprendre comment affronter ces monstres alors qu’il faut les éviter à tout prix. »

« Et est-ce qu’elle sait comment vaincre les Treize ? »

« Tu as perdu l’esprit mon garçon ! »

S’emporte le gros Bob, rugissant en se levant, rapidement suivi par Méli qui se met elle aussi à élever la voix.

« Ça suffit Boberan ! Vous n’aidez personne en agissant ainsi ! »

« Parce que vous voulez le laisser se mettre en tête qu’il peut affronter les Lieutenants d’Oaxaca ?! »

« C’est à lui d’en décider ! Pas à moi ! Et je l’encouragerais dans tous ses choix même si ils me semblent dangereux ! Ce n’est plus un enfant et il est visiblement bien plus mature qu’auparavant !»

« C’est de la folie ! »

Méli et Bob haussent la voix, sans se soucier des enfants à proximité qui pourraient entendre. Aenthus reste silencieux, patientant sagement que les esprits se détendent pour pouvoir poursuivre. Quant à moi je suis si mal à l’aise que je me ressers un verre de vin. Je n’imaginais pas que je causerais un tel débat. D’ailleurs il prend fin quand Méli quitte la pièce, précédant Bob qui s’enfuit en cuisine. Je reste avec le vieux mage qui après une bouchée de ragoût reprend la parole comme si de rien n’était en me donnant l’adresse de l’Obscurologue Ynorienne.

« Elle va sans doute faire semblant de ne pas être là mais en insistant un peu elle devrait vous adresser la parole, ensuite il vous suffit de la convaincre de vous aider. »

Il sourit avant de terminer son verre de vin.

« Pourquoi vous vous m’aidez ? »

« Vous disiez avoir déjà pris votre décision donc le mieux que je puisse faire c’est vous donner quelques conseils. En voilà un autre d’ailleurs, vous devriez trouver le temps de rencontrer deux autres personnes. Ils pourront vous apprendre ce que je ne suis pas capable de faire. Retenez bien ces deux noms. Brän, surnommé le guideur des vents. Le trouver ne sera pas facile, il est le capitaine d’un navire nommé l’Azur Pourpre et il sillonne généralement les océans. Le deuxième nom est Camellys, la peintre céleste. C’est une femme qui vit dans les montagnes de Nirtim. Trouvez les, ils seront capables de vous enseigner des sorts et d’améliorer ceux que vous connaissez déjà. »

J’incline la tête, gravant les noms dans ma mémoire. Je risque décidément de ne pas m’ennuyer prochainement.


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Re: Orphelinat de Kendra Kâr

Posté : jeu. 23 avr. 2020 15:15
par Xël
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Impossible de trouver le sommeil. Je reste assis sur mon lit, fixant le mur face à moi avec une certaine fascination. Pourtant il n’y a rien de particulier à noter, c’est un mur tout ce qu’il y a de plus classique, fait de pierres blanches et traversé par des colombages de bois clair. Pour autant je ne peux en décrocher mon regard, l’esprit emporté par un tourbillon de question qui m’aspire de plus en plus profondément dans les abysses de mon esprit. Il est difficile de revenir à la surface et parfois j’en abandonne même l’idée. Je retrace mon passé, à la recherche du moment où j’ai commencé à couler. Esseroth ? Non. J’avais été impressionné c’est sûr. L’armée de Vallel, les monstres de métal sombre, les rats géants... J’avais caressé du bout du doigt la surface mais je voguais encore au dessus. Puis il y eu Nagorin, Fan-Ming, Ouesseort, des batailles, des batailles et des batailles. Là encore j’étais au dessus de l’eau, loin de m’imaginer à quoi ressemble le dessous de la surface. Je sais quand j’ai commencé à mettre la tête sous l’eau, je m’en étais déjà rendu compte quand ça c’était produit. La forêt d’Emeraude, la clairière, le combat de plusieurs jours face à ce titan. Mes yeux se closent quand je revois le géant s’écrouler sur les hommes bêtes de Treeof. Il y avait aussi eu la mort de Fin’, une ancre attachée à ma jambe. Oui, c’est ce second voyage sur Aliaénon qui m’avait fait voir les ténèbres sous marines. Mon troisième voyage devait me ramener à la surface: retrouver Naral, exiger des explications, remettre de l’ordre dans ma tête. Mes yeux s’ouvrent à nouveau pour reprendre la contemplation du mur de pierre puis du plafond lorsque je bascule pour m’allonger sur le lit. Le visage d’Elurien, défiguré par les yeux de Vallel, apparaît face à moi. Elurien d’Assamoth, la Tour d’Orsan, Vallel... Vallel... Je sens mon visage se tordre en grimace de rage, c’est lui qui m’a emporté vers le fond alors que je voulais remonter. Il était censé être mort. Au lieu de ça il a manqué de revenir avec ses hordes de créatures immondes. Il m’avait fait la promesse de brûler Kendra Kâr, enfoiré va ! Je l’ai empêché de nuire, sacrifiant la vie d’Elurien. Tout ça c’est soldé par le pire, la destruction du Bourg d’Or, de sa Tour...

Trois petits coups répétés à ma porte me font sursauter.

« Xël ? C’est moi. »

La voix de Méli. Je me redresse et l’invite à entrer. Elle pousse doucement la porte pour laisser passer son visage au teint rosé, au nez aquilin et aux yeux émeraudes encadré de longs cheveux noirs.

« Je peux te parler ? »

« Biensûr, entre. »

Elle pénètre dans la pièce avec la grâce de ses vingt ans malgré sa quarantaine bien passée. Je lui fais de la place pour qu’elle s’installe à côté de moi, elle s’assoit et m’observe un instant avec un regard maternelle.

« Parfois je regrette de t’avoir envoyé chez ce mage... »

« Pas moi. J’aurais juste aimé que certaines choses se passent autrement. »

Elle passe une main dans mes cheveux avec un regard ému en déclarant d’un air moqueur.

« Tu es devenu un grand garçon. »

« Un homme. » rétorquais-je avec la même malice.

« Un jeune homme dirons nous. »

Nous rions tous les deux avant qu’elle ébouriffe ma tignasse.

« Je suis fière de toi Xël mais tu ne pourras pas m’empêcher d’être inquiète. »

« Je sais. C’est normal pour une maman. »

Elle me prend alors dans ses bras, émue, et je réponds à son enlacement.

« Sois prudent je t’en supplie. »

Je garde le silence, me gardant bien de lui faire une promesse que je ne pourrais pas tenir. Nous profitons de ce moment entre mère et fils, même si aucun lien de sang n’existe entre nous, avant qu’elle me propose de terminer ma coupe de cheveux qu’Alena a laissé en plan, me donnant un air un peu ridicule.

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Re: Orphelinat de Kendra Kâr

Posté : mar. 28 avr. 2020 14:27
par Xël
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« Et alors les dragons ont jaillis hors des nuages ! VOUM ! »

Criais-je en dressant les deux bras, provoquant de nombreux cris apeurés et excités parmi les jeunes enfants de l’orphelinat.

« Ils nous ont attrapés dans leurs griffes pour nous soulever au dessus des murailles comme si nous n’étions que des sacs de plumes. »

Je cours dans la pièce en battant des bras et imitant ridiculement un cri de dragon devant les yeux brillants des enfants qui se mettent à rire.

« Celui qui me tenait m’a lâché pour me laisser tomber sur le dos d’un autre. Ils étaient des dizaines et des dizaines, de toutes les couleurs et de toutes les tailles. Et nous avons fendus les airs à toute vitesse, droit sur le Titan qui surplombait toute la plaine. »

Après avoir vendu la tunique dans la boutique magique, j’ai profité du reste de la journée pour donner un coup de main à l’orphelinat, un peu de ménage, de cuisine, de service... Tout ce qui peut aider dans les tâches quotidiennes du personnel. Après le repas du soir, les plus jeunes ont insistés pour que je raconte une histoire. J’avais choisi une version romancée de la bataille de Fan-Ming, avec ses dragons, ses moments épiques et le final avec le réveil du Titan et l’envol des dragons. Aucun mot évidemment sur les milliers de morts, le souffle morbide du dragon rose, la panique dû au réveil d’une créature immense pouvant tout écraser sous ses tentacules. Les étoiles dans les yeux de mon public me permettent de ne pas trop y penser, je me concentre sur leurs visages ébahis et leurs rires cristallins. Ils en réclament encore une fois terminé.

« Il paraît que tu as tué un Troll aussi ! »

« Et combattu un dragon noir ! »

« Et fait effondrer une tour ! »

« Et englouti toute une cité sous une immense vague ! »

« Et transformé une plaine en or ! »

« Et même te transformer en dragon ! »

Chacun y va de sa rumeur, dont certaines n’ont rien à voir avec moi. Je me frotte l’arrière du crâne en riant, un peu gêné, tout en calmant l’ardeur des enfants d’un signe de l’autre main.

« Je ne pense pas pouvoir tout vous raconter ce soir... »

Les enfants sont interrompus dans leur insistance par Méli qui m’interpelle.

« Xël. Il y a quelqu’un qui demande à te voir. Je crois que c’est très important. »

Elle entre dans la large pièce pour faire lever les enfants et les guider vers leurs chambres en compagnie d’Alena qui refuse toujours de m’adresser la parole.

« Bonne nuit les enfants ! »

Ils me répondent à l’unisson avant de suivre leurs guides. Pour ma part je quitte la pièce pour prendre les escaliers et descendre au Rez-de-Chaussée. Une gouvernante m’indique le chemin du réfectoire et je m’y dirige après l’avoir remercié d’un signe de tête. Je sens mes mains devenir moites et mon cœur qui s’emballe. A une heure aussi tardive je pense qu’une seule personne peut se permettre de venir et demander à voir quelqu’un. Je pousse la porte de la large salle qui accueille tout l’orphelinat aux heures de repas. Entre les longues rangées de tables et de bancs patientent trois hommes. Deux d’entre eux ressemblent aux gardes royaux, enfermés dans leurs armures rutilantes dépourvues de casques et l’un d’eux tient dans ses deux mains un paquet fermé par une ficelle. Ils restent stoïques en m’apercevant et m’adressent un simple signe de tête pour me saluer. Le troisième est différent. Bien plus vieux déjà, il atteint facilement les cinquante balais, son visage est ridé, surmonté d’une chevelure courte, militaire, d’une couleur grise. Sa posture est d’ailleurs elle aussi digne des plus jeunes soldats. Droit comme un i, le torse bombé, la tête haute. Il ne porte pas d’armure lourde mais une une tenue militaire plus légère ressemblant à la tunique que j’avais avant, aux couleurs du royaume, blanche et bleu sertie d’une quantité remarquable d’insignes et de galons. Quand il m’aperçoit il darde sur moi un regard sérieux et froid tout en se positionnant entre les deux gardes. Il se redresse encore plus qu’il ne l’était et croise ses mains derrière son dos avant de m’adresser la parole d’un ton sévère.

« Xël Almaran ? »

Sa voix grave et impérieuse me fige sur place, je me redresse, cherchant à être aussi droit qu’eux. Je déglutis avant d’incliner la tête.

« Je suis le Général Bogast. Le Roi Solennel IV m’a chargé de vous former aux tactiques et formations militaires de notre armée. »

J’incline la tête à nouveau alors que le garde tenant le paquet s’approche de moi pour me le confier.

« Vous trouverez là-dedans une tenue propice à votre entraînement. Oubliez votre armure pour le moment, j’ai entendu que vous n’étiez pas totalement à l’aise avec... Vous me retrouverez demain à l’aube au camp militaire qui se trouve hors des murs de la cité. Des questions ? »

Je secoue la tête de droite à gauche.

« Non monsieur. »

« Général. »

Corrige il avant de se remettre en marche.

« A demain Almaran. Soyez en forme, ce sera une dure journée pour vous. »

« Oui Général. »

Il quitte la pièce et avant de partir un garde de son escorte me donne une tape sur l’épaule tout en m’adressant un sourire discret. J’attends qu’ils soient sorti pour déballer le paquet qui contient bien une tenue plus légère. Une tunique aux couleurs azur et blanches, un pantalon de toile sombre et des bottes de cuir. J’y trouve également une insigne, probablement nécessaire pour entrer dans le campement. Demain les affaires sérieuses commencent.

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(( Ajout d'une tenue d'entrainement et d'une insigne militaire aux objets RP))

Re: Orphelinat de Kendra Kâr

Posté : mer. 19 août 2020 21:35
par Xël
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Je regagne l’orphelinat pour passer le temps en attendant de retourner au Refuge afin de rencontrer la fameuse Anastasie Terreblanc. Je me sépare de mes habits trempés pour les accrocher à l’extérieur, espérant qu’ils seront secs à temps pour mon départ au petit matin. J’enfile des vêtements secs et escalade les escaliers du bâtiment pour me rendre sur le toit. L’orage a laissé place à une fin d’après midi ensoleillée, baignant les plaines trempées dans une lumière brillante. Il fait encore humide mais avec la caresse du soleil et la brise fraîche venant du nord, la température est agréable. Un temps parfait pour se détendre alors que l’agitation de la cité reprend son cours. L’orage a fait quelques dégâts mais Kendra Kâr a connu pire tempête et les habitants font du zèle pour remettre tout en ordre alors que les plus jeunes jouent dans les flaques d’eaux.

J’ouvre mon sac pour me plonger dans des visions moins agréables. Je saisis le livre confié par l’Obscurologue, dédié au premier des Treize. Je prends une profonde inspiration avant d’ouvrir l’ouvrage, comme si je m’apprêtais à rentrer dans une pièce inquiétante, plongée dans le noir. Comme un gamin qui se prépare avant de s’enfoncer à toute allure dans une cave humide et sombre à la recherche d’un pot de confiture pour remonter à la surface avant que quelque chose ne l’attrape. Je m’arme de mon courage pour tourner la couverture épaisse et tombe sur une citation qui me glace le sang.


« … et lorsque les humains se terreront dans les derniers bastions encore debout, je frapperai telle une lame en plein cœur, détruisant la moindre parcelle d’espoir survivante. »

Mon index tremblant glisse avec lenteur sur les paroles du Général d’Oaxaca lors de son allégeance. Si Vallel instaurait en moi une haine brûlante, le sentiment que j’ai quand j’évoque Crean est différent. Il me terrifie. Je ne peux le dissimuler ni à moi ni à quelqu’un d’autre. J’ai peur de me retrouver à nouveau face à lui. Pourtant je sens une force incontrôlable m’attirer vers ce but, une volonté de mettre un terme à l’existence de ces Lieutenants. Je tourne une autre page et fait glisser mon doigt sur les mots, lisant en bougeant les lèvres l’histoire concernant Crean Lorener. Un Ynorien trahi par ses hommes après une bataille pourtant victorieuse. Il est précisé que lui même avait assassiné son supérieur pour prendre sa place. Un homme déjà charmant à l’époque et à priori brillant stratège. La suite parle de son séjour en enfer à ruminer sa haine contre les vivants. Je poursuis lentement ma lecture, apprenant le peu de choses que déclare la biographie. Je m’arrête peu avant que le soleil se couche pour me rendre au Refuge avec l’espoir d’avoir une solution pour en finir avec les Treize d’Oaxaca.


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Re: Orphelinat de Kendra Kâr

Posté : dim. 30 août 2020 15:25
par Xël
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Le Shaakt me remercie et me tend une pierre de couleur bleu pastel. Il m’affirme qu’un joaillier peut m’en faire un beau bijou ou la racheter pour un très bon prix. J’incline la tête pour le remercier à mon tour avant qu’il ne disparaisse dans mon portail après m’avoir demandé d’être prudent également et que ses semblables ne se présenteront pas forcement à moi avec des mots. Je coupe le flux magique pour clore le portail qui me tire tant d’énergie. Je prends ensuite quelques instants, adossé à un mur, pour me reposer. Les lumières vacillantes qui jaillissent des fenêtres suffisent à éclairer la rue mais le ciel est d’un noir d’encre et ne laisse traverser aucune lueur d’étoile. Une fois mon souffle repris je reprends ma marche dans la rue en direction de l’orphelinat. Malgré l’avertissement de Nildan, j’avoue être un peu dispersé, mes vagues réflexions se perdent dans les jeux d’ombres que projettent les feux d’éclairages. De toute manière j’ai rejoins la Grande Rue et les patrouilles de sentinelles sont nombreuses. Certains me reconnaissent et j’échange volontiers quelques mots avec eux malgré la fatigue avant de poursuivre mon chemin. Deux gardes surveillent l’entrée du bâtiment où des lumières sont encore allumées aux étages, sans doute les derniers instants avant le coucher des enfants. Je rentre à temps pour partager un repas avec Méli, Alena quitte la pièce quand j’y entre. Nous échangeons quelques mots, préférant nous remémorer des bons souvenirs plutôt que de s’inquiéter de l’avenir. Finalement nous nous disons au revoir car je ne suis pas certain de la croiser tôt demain matin. Je rejoins ma chambre où je procède à une petite toilette, je remarque que les habits que j’avais laissé sécher à l’extérieur sont prêts, pliés sur le bord de mon lit. Un mince sourire apparaît sur mes joues, touché par la gentillesse de Méli. Je m’approche de mon lit et m’apprête à m’y allonger quand j’entends la porte se rouvrir derrière moi. Je me redresse, prêt à me défendre, mis en garde par Nildan. Je me retourne pour voir mon agresseur mais il ne s’agit que d’Alena. Patientant dans le cadre de la porte, dardant vers moi un regard furieux. Je laisse retomber mes épaules, plus détendu.

« Tu va encore essayer de me faire changer d’avis ? »

« Tais toi. »

Elle s’avance de quelque pas pour entrer dans la pièce. Elle referme la porte derrière elle et commence à ma grande surprise à défaire les boutons de son haut. Elle ouvre sa chemise, dévoilant son cou, sa poitrine et son ventre. Elle prend son temps tout en continuant de me fixer de son regard vert avec une certaine fureur. Je ne sais pas trop comment réagir. Elle s’avance encore, d’une démarche langoureuse, caressant au passage du bout des doigts le bord du lit. Je retiens mon souffle, baladant mon regard entre ses seins et son visage.

« Je... »

Elle se presse de poser son index fin sur mes lèvres tandis que de son autre main elle s’empare de la mienne pour la diriger vers son ventre nue.

« C’est comme si tu partais à la guerre pas vrai ? »

Je reste silencieux, plongeant mes yeux dans son regard qui laisse transparaître une pointe de tristesse, un mince sourire se fait un chemin sur sa joue. Je sens soudain mon bras se tordre et un coup à l’arrière de mes chevilles. Avant que je ne puisse agir, je me retrouve sur le sol, le regard pointé vers le plafond, le souffle coupé. Le visage amusé d’Alena apparaît au dessus de moi tandis qu’elle reboutonne sa chemise.

« Entraîne toi sérieusement alors ou tu va te faire massacrer. »

Je pousse un râle de fatigue et de douleur en me tournant sur le ventre pour me redresser. Elle quitte la pièce sans ajouter de commentaire. A sa façon elle m’a dit au revoir, peut être qu’a mon retour j’aurais une chance de poursuivre ce qu’elle a commencé.


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Re: Orphelinat de Kendra Kâr

Posté : dim. 20 févr. 2022 22:20
par Ezak
Précédemment

Je m’étais dirigé vers l’Orphelinat pour tenir la promesse que j’avais fait à Xël. J’étais curieux de savoir si il m’avait laissé un message, comme il l’avait annoncé, ce qui signifierait son retour dans la capitale. La bâtisse était grande, sur un étage et grouillait de vie. Des enfants faisaient des allers-venues assez librement. Le lieux était joli, et semblait de l’extérieur à une sorte de parenthèse insouciante, dans la Cité. Un garde était posté à l’entrée, il me jeta un regard scrutateur détaillant mes vêtements riches. J’avais pris l’habitude de ne plus porter mon armure en ville. Je ne me sentais plus un aventurier et nous étions en temps de paix. J’étais devenu un citadin, j’avais trouvé ma place et je refusais de porter les écailles Vlash. J’aimais cette armure car elle faisait partie de mon histoire et me protégeait de toute peur. Cependant je détestais son contre-coup. Toutes ses peurs refoulés remontaient toujours trop violement dès que je me déparais de mes écailles. Ici, à Kendra-Kâr, je me sentais si serein que je n’avais aucune peur à combattre. Oaxaca n’était plus, ma vie était tranquille, je ne risquais pas de me révéler comme ce fut le cas quelques années auparavant, dans les geôles d’Omyre.

Compte tenu de mon apparence, paré de beaux atours citadins, on me laissa entrer sans poser plus de questions. Juste avant d’entrer je me rendis compte que petits yeux par les fenêtres veillaient le moindre de mes faits et gestes. Probablement des enfants curieux.

Je traversai la cour ou un homme s’activait à quelques activités menuisières cernés par de multiples têtes blondes. Je passai devant de nombreuses pièces fermées desquels des voix s’élevaient. Je percevoir quelques notions de mathématiques, de langues et je compris que cela devait être des salles de cours. Alors que je marchais une idée me vint. Peut-être que parmi ces orphelins, certains seraient intéressés par une carrière militaire. Au fond du couloir, j’entrai poliment dans le bureau de la gérante de l’établissement. C’était une belle femme, occupée à gérer de nombreux dossiers.

« Bien le bonjour ma Dame. Je suis à la recherche de la personne qui gère cet établissement. Une connaissance de Xël Almaran… »


Elle leva la tête avec un sourire radieux bien que ses cernes trahissaient sa fatigue et son inquiétude. Je pus lire une expression de surprise lorsque j’évoquai le nom de Xel mais elle n’en fut pas moins chaleureuse.

« Oui ? Je suis Méli Almaran, la directrice de l’orphelinat. Excusez moi, je pensais que vous veniez pour un don. A qui ai-je l’honneur ? »
Dit-elle en m’invitant à t’asseoir.

J’eus du mal à cacher ma surprise en entendant qu’elle portait le nom de famille Xël.

« Je suis Ezak d’Arkasse, Chevalier du Royaume. Xël devait me laisser un message ici lorsqu’il serait de retour. »

Je pris le siège face à elle et rajouta dans un sourire, flatteur.

« Si je savais que la directrice était si ravissante, je serais assurément venu plus tôt. »

« Je n’ai pas de nouvelles de lui depuis qu’il est parti s’entraîner avec le Général Bogast. Je sais simplement qu’il est en vie. Navré. »



« Oui il l’est ! Nous avons combattu ensemble sur le front. Il est parti sur l’île des Dieux. J’imagine qu’il s’y trouve encore. Tant pis, vous lui direz que je suis passé. » Je réfléchis un instant, calculateur, cherchant un moyen d’aborder le sujet.

« J’ai pu apercevoir ce que vous faisiez ici. Joli travail. Comment ça se passe depuis la fin de la guerre ? J’imagine que le nombre d’orphelins a drastiquement augmenté vu l’hécatombe que ça été pour nous. »

Elle hocha la tête, feintant un sourire pour dissimuler son inquiétude à ta première remarque avant de prendre un air défait.

« Oui et je manquais déjà de place avant j’envoie des lettres un peu partout dans le royaume pour demander qui pourrait avoir besoin de jeunes enfants pour les aider dans leurs tâches quotidiennes. »

Parfait ! Mon ouverture était là. Je fis mine de poser un instant ma main sous le menton.

« Je suis en train de créer un bataillon, comme me le permet mes fonctions de Chevalier. Je veux y former des forces d’élites. Si la voie des armes intéresse quelques uns de vos protégés, je pourrais y accueillir ceux en âge de tenir une épée. Ce n’est pas une voie simple, mais elle est méritante. Sans compter le fait que le Royaume a maintenant affreusement besoin de bras. »

Elle fronca les sourcils. « L’orphelinat n’est pas là pour servir de réserve à l’armée du royaume vous savez. »

Je levai les mains en m’appuyant sur sa chaise comme pour montrer pattes blanche.

« Je ne représente pas l’armée du Royaume, mon bataillon est détaché de celle-ci. Au reste je ne fais que vous proposer de recueillir ceux qui voudraient le rejoindre, rien de plus. »


Elle garda le silence un instant en me jaugeant avant de déclarer. « Si je m’écoutais, je vous traînerais dehors en vous tirant par les oreilles. »

Elle m’adressa un mince sourire avant de reprendre.

« Mais j’ai toujours juré de laisser les enfants libres de choisir leur voie. Peut-être que parmi eux certains veulent se jeter dans la voie martiale… »

Je me mis à rire à la menace de Meli. « Je ne doute pas que vous oseriez le faire. »

Je me levai pour amorcer un départ, inutile d’insister plus. Cela ne ferait que la braquer.

« Parlez-en leur et si d’aventure certains veulent me rejoindre ils seront accueillis comme il se doit. J’enverrai quelqu’un d’ici quelques jours les récupérer le temps que je mette les choses en place. Ça vous va ?
»

« Ne désirez vous pas visiter ? »

Je réfléchis un instant. Je n’avais pas grand-chose à faire pour l’heure, et c’était peut-être là le moyen de la faire plier.

« Avec joie ! Cela ferait de moi un goujat que de refuser l’invitation d’une noble dame. »

« Je vous en prie. Appelez moi Méli. En plus je suis loin d’être une noble. »

Elle se leva et m’invita à sortir d’un geste pour m’accompagner dans le couloir tout en poursuivant.

« J’ai passé toute ma vie dans les quartiers Est de la cité. Si vous l’ignorez ils font partie des plus pauvres et des plus mal fâmés. Malgré ça j’ai toujours laissé ma petite maison ouverte pour les enfants défavorisés devant vivre dans les rues. Xël faisait partie de ceux là. »

J’évoluai auprès d’elle en l’écoutant attentivement.

« Ah ! Almaran… Je comprends mieux, vous l’avez adopté. J’imagine que vous ne saviez pas à l’époque que vous donniez votre nom à un futur héros du Royaume. »


« C’est plutôt lui qui a adopté mon nom mais il m’en rend très fière. Il a beaucoup changé en quelques années. »

Elle s’arrêta devant une porte et frappe poliment avant d’ouvrir pour dévoiler ce qui s’apparentait à une salle de classe ou un vieux barbu enseigne la lecture à des enfants d’environ cinq ou six ans. Elle présenta le vieil homme sous le nom d’Aenthus Kalibrana avant de te présenter. Je fis un signe aux enfants et et au vieil homme avant de poursuivre la visite après que Méli ait refermé la porte.

« Ce que vous offrez à ces enfants est juste formidable. Nous autres de la noblesse avons la chance d’avoir les moyens de s’offrir les meilleurs professeurs. Il est bon que les plus défavorisés aient cette chance de pouvoir s’élever. »

Je continuai à la suivre et repris, continuant mon numéro de charme non sans un air malicieux.

«Alors si je comprends bien vous êtes la mère de substitution de Xël. Il y’a t’il un monsieur Almaran qui lui fait office de père ? »

« C’était le but premier en construisant l’orphelinat. Ne pas servir seulement à offrir un lit, mais aussi une éducation pour bâtir des hommes et des femmes capables d’enrichir le royaume. Au vu des fonds que nous avions pour le faire, le Roi ni a vu aucun inconvénient, il était même plutôt ravi. »


Elle me mena dans une grande salle qui servait de salle à manger juste à côté des cuisines, avant de répondre au sujet d’un Monsieur Almaran

« Il y a eu un. Mais il a disparu depuis longtemps. » Elle paraissait un peu gênée par le sujet, alors j’eus la décence d’en changer.

« Oui, Solennel semblait proche du peuple. Il était aimé, et cet amour est reporté maintenant sur sa sœur qui, au demeurant, le mérite plus que quiconque…» Je soupirai longuement.

« Puisse-t-elle un jour devenir Reine… »

Méli hocha la tête avant de me laisser entrer dans la cuisine ou s’activait un homme d’une quarantaine d’année assez grassouillet, montrant à des enfants plus âgés les secrets de la boulangerie et la pâtisserie. Tous étaient trop occupés pour nous remarquer, mais Méli me présente le gros comme étant Boberan Ladimus, un ancien militaire qui après une blessure de guerre s’est dirigé vers les métiers de la bouche.

« Il vient régulièrement former les jeunes. D’ailleurs vous avez du croiser un menuisier dans la cour. J’essaie d’apprendre l’artisanat aux plus âgés pour qu’ils puissent trouver un métier une fois adulte. Fut un temps où je devais leur trouver des petits boulots pas toujours très sûres pour qu’ils puissent se nourrir. Laissons les travailler, Boberan est toujours grognon quand il cuisine. »


Dit-elle en souriant avant de m’inviter à prendre la direction de l’étage.

J’hochai la tête sentencieusement sans rien dire. A vrai dire, j’étais assez impressions et le regard que je portais sur Méli changeait. Comment avait-elle pu seulement monter un tel endroit. J’aurais été incapable de penser à tout cela.

« Hé bien… Vous avez pensé a tout… Vous vous avez monter tout cela toute seule ? »

Elle ria, visiblement flattée.

« Non. Non… Déjà sans l’argent de Xël et de ses deux amis Karz et Charis je n’aurais rien pu faire. C’est lui qui a fait don de son argent à son retour d’Aliaénon au Royaume à condition de construire cet endroit et de me mettre à la direction. Pour les idées, j’en ai longuement discuté avec le Roi et j’ai le soutien d’amis comme Boberan, Aenthus et d’anciens enfants dont je me suis occupé. Comme Alena par exemple qui s’occupe des bébés avec les filles les plus âgées, perdre ses parents ou être abandonnée n’épargne hélas aucun âge. »


En entendant le nom de Karz, je sursautai, comme le monde était petit.

« Karz a participer à l’élaboration de cet endroit ?! Je ne savais pas qu’il était l’ami de Xel, c’était aussi l’un des miens. Vous évoquez là un nom qui me rappelle une vie passée et révolue. Hé bien… ça ne m’étonne pas lui. Il a toujours été un grand sentimental. »


En effet, en gagnant l’étage je pus entendre quelques pleures et des voix féminines essayant de les rassurer. Elle me montra également quelques chambres aux nombreux lits puis une salle dédié aux jeux pour les jeunes enfants. « Nous faisons de notre mieux avec les dons que nous recevons. J’ai toujours vécu pauvre alors je ne dépense pas aveuglement. Les meubles, la literie et beaucoup d’autres choses sont le fruit d’un travail commun avec des artisans et des marchands de la cité. »

Je me tournai vers, de plus en plus impréssionné par le travail accompli et la gestion e l’nedroit.

« Vous n’êtes peut-être pas une noble dame mais votre noblesse d’âme vous honore alors permettez, mais je continuerai à vous considérer et à vous traiter comme telle. » Dit-il en inclinant la tête comme si il saluerai une Dame de haute noblesse.

Elle inclina la tête avant de poursuivre. « Puis-je vous poser une question ? Comment était Xël après la bataille ? Avant de se rendre sur cette Île ? »

Mon visage s’assombrissa quelques peu lorsque je repensais aux propos de Xël que j'avais jugés inconhérents. J’hésitais longuement à ma formulation, je ne voulais pas lui mentir, mais je ne voulais pas non plus nourrir son inquiétude de « mère ».

« Physiquement entier mais je crains que comme nous tous les évènements l’ont profondément marqué… Il était disons… désorienté.»

Je rajoutai néanmoins:

« Mais encore une fois, il n’y avait pas une seule âme qui ne l’était pas après cette hécatombe. »

« Il ne vous a pas dit quand il allait rentrer ? »

Si, il l’avait dit clairement ; après s’être vengé de tous les ennemis du Royaume.

« Non… »

Elle soupira.

« Je ne devrais pas autant m’inquiéter. J’ai vu dans l’arène qu’il est tout à fait capable de se défendre. » Elle se repris. « Excusez-moi. Dites moi, dans quel tranches d’âges recrutez vous vos hommes ? »

« Quatorze… Allez Quinze ans est un âge raisonnable pour débuter une formation. J’ai même commencé bien plus tôt à manier les armes, mais je suis un cas précoce. Les filles sont aussi les bienvenues. C’est un milieu plutôt masculin mais je suis bien placé pour savoir que les femmes peuvent être aussi bonnes, si ce n’est meilleures combattantes que les hommes. »

« Bien. Je ferais passer le message Ser d’Arkasse. Où peuvent-ils venir vous trouver ? »

« Vous leur direz de s’adresser au Sieur Xander de Maisonneuve dans le quartiers proches du palais. C’est lui qui me fait office de mécène, il saura où les rediriger. »

J’ignorais si l’homme était prêt, mais nulle doute que ça lui mettraiot une pression pour remplir rapidement mes exigences. Elle hocha la tête bien que l'idée ne semblait toujours pas lui plaire.

"Je vous préviens, les enfants ici sont loin d'être faciles. Ne vous attendez pas à recevoir des recrues bien élevés et acceptant facilement l'autorité et la discipline."

J’eus un sourire énigmatique. Les hommes que j’avais eus sous mon commandement étaient des exclus d'Omyre, des sales gosses des quartiers pauves de Kendra-Kâr, cela ne me faisait pas peur.

"J'y compte bien ! Les caractères forts ne font pas des simples soldats. Je compte faire d'eux l'élite du Royaume et pour ça, il faut avoir le feu."

"Oh et dites à Sieur de Maisonneuve de dissimuler ses objets de valeurs. Beaucoup ont dû user de vols pour survivre avant que ce lieu soit construit et ils pourraient le déposséder de tous ses bijoux sans même qu'il s'en rende compte."

J’hôchai la tête avant de répondre sur un ton ironique. "Oh, je suis sûr qu'il sera ravi... Fort heureusement, ils apprendront un art qui leur assurera argent, gloire et reconnaissance. Qui sait, peut-être que je ferais de certains d'entre eux des écuyers et qu'ils pourront s'élever un jour au rang de Chevalier."

« Si ça ne les tues pas. »
Dit-elle en me raccompagnant vers la sortie

"Ce n'est pas le but. Croyez-moi, je ne traite pas mes hommes comme de la chaire juste bonne à être sacrifier. Je prendrai soin d'eux."

Arrivé à l’exterieur je lui tendis un yus d'or avant d'énoncer malicieusement.

"Pour vous remercier avoir résisté à l'envie de me mettre dehors en me tirant par l'oreille."

« Gardez votre argent Ser d’Arkasse. Cela me donne trop l’impression de vous les vendre. » Répond-elle avec un sourire poli. « Je vous souhaite bon courage. N’hésitez pas à revenir nous voir. Les enfants sont toujours heureux d’entendre les histoires des héros du royaume. »

Je gardai donc mon argent et je la saluai de la tête courtoisement.

"En espérant avoir un jour à nouveau la chance de me retrouver en votre agréable compagnie, Dame Méli."

Et je m’en allai, sans plus de cérémonie, heureux de ce nouveau partenariat que je venais de tisser.

Suivant

Re: Orphelinat de Kendra Kâr

Posté : sam. 24 mai 2025 18:45
par Marcy
Le retour de la disparue

Les rues sombres sont silencieuses à cette heure de la nuit. Marcy, épuisée, se traîne plus qu’elle ne marche. Rue après rue, elle se rapproche du seul endroit qu’elle devrait considérer son foyer sans y parvenir complètement. Elle baille longuement, se frotte le visage et grimace. Les entailles sur son visage se rappellent à elle. Un soupir lui échappe. Elle continue, se secouant pour avancer plus vite, l’idée d’un lit la faisant avancer avec plus d’énergie. Deux ans ont passé depuis sa première nuit là-bas. Elle a peu à peu pris quelques habitudes et peut dire qu’elle apprécie les lieux. Pourtant, malgré tout ça, elle ne s’y sent pas parfaitement à l’aise. Elle n’aime pas les classes qu’on essaie de la forcer à suivre. Elle refuse les apprentissages qu’elle trouve ennuyeux, trop difficile pour une récompense qu’elle juge misérable. Elle sait que, tôt ou tard, elle aura un choix crucial à faire : accepter ou partir, mais elle grappille encore quelques moments là-bas. Avoir l‘assurance d’un lit propre où dormir, c’est suffisant pour elle.

Elle atteint finalement les abords de l’orphelinat. La grande maison devenue familière se découpe sous la clarté lunaire, dépassant en taille ses plus modestes voisines. Pas de grilles autour du terrain. Une idée de la propriétaire qui arrange bien Marcy qui compte entrer en douce. A cette heure, le garde dort et elle n’a guère de difficulté à entrer en passant par la fenêtre de la cuisine, située au rez-de-chaussée. Elle retire ses chaussures et s’oriente sans bruit dans le noir. Elle traverse la cuisine, puis la salle à manger, veillant à éviter la quatrième latte de bois sur sa gauche, celle-ci s’étant mise à grincer récemment. Elle fait le tour de l’imposante table centrale avant de pénétrer dans le couloir menant à l’étage. Elle tend l’oreille. Silence. Rassurée, elle avance à pas feutrés jusqu’à la première marche de l’escalier.

« Marcy ! »

La voix est sèche, soudaine. Surprise, la rouquine sursaute. Elle manque de crier, avant de se retourner. Là, au milieu du couloir qu’elle vient d‘emprunter, se tient Méli Almaran. En chemise de nuit et robe de laine, serrée autour de la taille, elle tient une bougie d’une main, l’autre posée sur sa hanche. Ses yeux, d’ordinaire emplis d’affection, sont deux ciels d’orage. Marcy grimace, puis force un sourire innocent sur son visage. Un peu tard.

« Je peux savoir ce que tu… ma parole mais regarde l’état dans lequel tu es ! »

Marcy reste silencieuse alors que la directrice approche, sa bougie levée devant elle pour examiner l’adolescente. Elle écarte une mèche de cheveux, observe le visage de Marcy, les entailles qui barrent sa joue et son front.

« Dans quoi t’es-tu encore fourrée ? Tu reviens des égouts ou d’un champ de bataille ? »

« Je… »

« Pas un mot ! Trois jours ! Ça fait trois jours qu’on se fait un sang d’encre, et tu n’as même pas la décence de paraître désolée ! »

Marcy se mord l’intérieur de la joue. Elle sait que Méli a à cœur d’aider tous les orphelins qui gravitent dans son établissement et, pour une raison qui échappe à la rouquine, cela la concerne aussi. Malgré tout ce qu’elle peut faire, Méli n’a jamais eu l’idée d’abandonner l’adolescente pourtant peu encline à suivre la voie d’une vie normale.

« Elina t’a réclamé deux soirs de suite. Gus refuse que quiconque s’installe là où tu as l’habitude de manger. Sania a refusé de chanter pour les plus jeunes en ton absence. Et toi, tu es allée faire quoi pendant ce temps ? »

Marcy sent son cœur se serrer à l'évocation des autres orphelins. En deux ans, elle a noué des liens avec certains d'entre eux, et tous apprécient sa musique. Mais elle est une solitaire. Ou du moins elle essaie de s'en convaincre. Elle ne veut pas qu'on dépende d'elle et refuse de dépendre des autres. Alors elle fait de son mieux pour ignorer la remarque, même si elle laisse un sentiment désagréable dans sa poitrine.

« Je… gagnais de l’argent ? »

Haussement de sourcils de la part de Méli qui ne cherche pas vraiment à donner raison à l’adolescente

« Tu as fait un combat de chien dans les égouts ? Non, en fait, je ne veux pas savoir ! On en parlera demain. Pour l’heure, tu vas aller te décrasser et te coucher. Tu te lèveras à la même heure que les autres et je ne veux pas entendre la moindre plainte à ce sujet ! Est-ce clair ? »

Mâchoire serrée, Marcy commence par défier la directrice de l’orphelinat du regard, puis, détourne le regard, un sentiment désagréable de culpabilité s’insinuant dans sa poitrine. Elle hoche la tête.

« Oui… »

« Bien ! Allez, dépêche-toi ! Et ne t’avise pas de réveiller qui que ce soit ! »

Sous le regard perçant de la directrice, Marcy acquiesce et se dirige vers la salle d’eau où elle passe une vingtaine de minutes à se décrasser pendant que Méli récupère ses vêtements et lui apporte un baquet d’eau chaude. L’eau crasseuse finit par devenir claire à force de frottement et de savon. Quand elle se sèche enfin, Méli lui tend de quoi se vêtir. La grimace que tire l’adolescente ne l’attendrit nullement.

« Oui, c’est une robe, mais j’ai que ça à ta taille pour le moment. Active-toi ! »

Bon gré, mal gré, Marcy enfile la robe et la ceinture avant de sortir de la salle, ses cheveux dégoulinants sur ses épaules. Ainsi vêtue d’une robe bleue, elle se trouve ridicule. La rouquine n’aime pas beaucoup les robes de manière générale, et celle-ci a en plus le fâcheux désavantage de trop lui coller au corps par endroit et pas assez à d’autres, rendant le tout loin d’être idéal. Mais, en voyant le regard de méli, elle garde ses plaintes pour elle et attache ses cheveux avec le ruban qu’elle lui tend.

« Bien. Au lit, maintenant. On parlera plus tard.

Trop heureuse de pouvoir échapper à la colère de Méli, Marcy acquiesce, marmonne un « bonne nuit » et se hâte vers les escaliers qu’elle commence à grimper.

« Marcy ! »

L’adolescente s’arrête avec un soupir et se retourne, s’attendant à une énième consigne.

« Je suis heureuse que tu sois rentrée. »

Sans un mot de plus, elle tourne les talons pour retourner se coucher. Restée seule, Marcy inspire longuement, cherchant à refouler les larmes qui menacent de tomber toutes seules. Elle finit par murmurer quelques mots, bien trop bas et bien trop tard pour que quiconque les entende.

« Je suis rentrée, Méli… »
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Re: Orphelinat de Kendra Kâr

Posté : mer. 28 mai 2025 01:02
par Marcy
Si proche du foyer

Marcy court. Elle ne sait pas ce qu’elle fait là, elle devrait être au lit, pas au milieu de ces rues sombres et désertes. Elle se sent perdue, perdue. Terriblement seule. Le bruit de ses pieds nus sur les pavés humides résonne comme un tic-tac désagréable. L’adolescente n’a croisé personne. Pas une âme ne semble vivre dans ces rues. Elle ne sait pas où elle est. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’il est là. Qu’il la poursuit. Alors elle court. Elle sait qu’elle ne doit pas se faire attraper. La rouquine a beau courir, elle n’a pas l’impression d’avancer. Tout se ressemble. Chaque rue semble la même. Elle connaît la ville par cœur, mais là, elle ne reconnaît rien. Puis elle l’entend.

Un battement d’aile, semblable à un froissement dans la nuit. Puis elle les voit, les deux yeux blancs, sans âme, qui la fixent. Ils semblent partout autour d’elle, l’observant courir sans but. Et ils se rapprochent, Encore. Encore. Marcy hurle, mais rien ne sort de sa bouche, tandis que le bec du corbeau s’ouvre sur le néant. Une voix s’élève alors.

« Marcy… »

La rouquine ouvre les yeux, avant de les refermer. Eblouie par la lumière qui filtre par la fenêtre, elle geint, rabattant les couvertures sur sa tête alors qu’une petite voix chuchote à côté d’elle. Une voix qui chasse l'angoisse latente du cauchemar qu'elle vient de vivre.

« Marcy, faut te lever. »

Nouveau grognement de la rouquine qui a l’impression de ne pas avoir fermé l’œil tant elle est épuisée. Le souvenir de son cauchemar est encore vivace et les quelques heures de sommeil ne sont clairement pas suffisantes. Mais des mains se posent sur la couverture et la tirent, exposant le corps encore endormi de l’adolescente à la fraicheur matinale. Elle gémit et frissonne, puis ouvre un œil. Elina se tient sur le côté du lit, ses cheveux bouclés encadrant son visage rond. Comme toujours, elle a son chien en peluche dans une main et un sourire sur le visage. Elle est tellement rayonnante. Tout le contraire de Marcy au réveil.

« Allez, debout, Méli m’a dit que sinon elle viendrait te chercher. Et Bob a ramené des beignets et de la confiture.»

« J’arrive… »

Sans trop savoir si c’est l’évidente menace de Méli ou la perspective de se goinfrer de pâtisserie qui la fait se lever, Marcy s’assoit sur son lit en baillant. Elina, toute heureuse et visiblement soulagée, trépigne devant elle, impatiente d’aller manger. Marcy comprend qu’elle va devoir s’activer, donc elle enfile la robe prêtée par Méli et chausse ses sandales d’intérieur. Elle passe la main dans ses cheveux pour essayer de retirer nœuds et épis et se lève. Par réflexe, elle attrape la main tendue d’Elina et sort de la chambre. Presque aussitôt, l’odeur de pain chaud et de pâtisserie atteint les deux jeunes filles et Marcy salive immédiatement. Affamée, elle suit Elina avec enthousiasme. Leurs pas conjugués les mènent dans la grande pièce où la majorité des orphelins sont déjà attablés, certains déjà occupés à manger. Les rires et bavardages emplissent la pièce d’un joyeux brouhaha, le tout surveillé par Méli, assise en bout de table comme à son habitude, occupée à couper du pain pour les plus jeunes. L’arrivée de Marcy fait tourner quelques têtes et elle peut entendre quelques chuchotements et apercevoir quelque sourires ou gestes qu’elle rend. Mais c’est le raclement d’un tabouret sur le sol qui attire son regard. Gus lui a tiré sa place sans la regarder et, sans ajouter un mot, elle s’installe. Un échange de regard, puis de sourires et Marcy sent une chaleur bienvenue se répandre dans son corps.

« Bien dormi, Marcy ? » Demande Sania. D’un an son aînée, l’adolescente est une petite brune aux cheveux tressés et à la voix chantante, tout l’inverse de Gus qui se destine à être forgeron. Gros bras, grandes mains et la voix qui va avec depuis sa mue. Sania, elle, souhaite devenir couturière et a très tôt montré un certain talent pour la délicate profession. Pas comme Marcy qui a davantage tâché de sang ses essais à force de se piquer les doigts. L’intéressée, en train de se servir un beignet aux fruits et d’en engouffrer un autre dans sa bouche au même moment relève les yeux vers Sania. Elle termine de se servir, mâche sa bouchée avant de l’avaler pour répondre.

« Pas assez… »

« T’es encore rentrée en pleine nuit ? » Le ton de Sania oscille entre indignation et préoccupation, mais Marcy se contente de hausser les épaules.

« Tu sais que Méli n’aime pas ça. Déjà que tu as disparu pendant trois jours… »

« T’en fais pas, elle m’a promis une discussion plus tard. » dit-elle en grimaçant.

Sania et Gus échangent la même grimace, avant que les trois partent finalement dans un fou rire, même si celui de Marcy sonne un peu plus tendu que les deux autres. Mais elle se sent aussi un peu plus légère, sans être certaine de la raison. Son regard balaie la pièce. Elle s’imprègne de l’odeur de pâtisserie encore tiède, du brouhaha joyeux et des sourires qui l’entourent. Mais il y a aussi toujours ce détachement, cette sensation que tout ça, ce n’est pas vraiment à elle. Qu’elle ne le mérite pas. Qu’elle n’est pas à sa place. Elle a toujours senti ça, sans jamais en comprendre la raison. Partir plusieurs jours, dormir dans sa planque, c’est la seule façon qu’elle a de vivre régulièrement ce sentiment. Elle espère, au fond d’elle, qu’il finira par être entier. Mais ça n’a jamais été le cas. Et ça ne l’est pas plus ce matin. Il y a toujours ce sentiment dans la poitrine, comme si quelque chose manquait. Une pièce importante qui est toujours manquante.

« Marcy ! » Une voix s’élève derrière elle et la rouquine se fige, son beignet à mi-chemin vers sa bouche.

« Tu viendras me voir quand tu auras terminé ton petit déjeuner. Ne traine pas ! »

Méli s’éloigne pour s’occuper d’une autre partie de la table. Marcy reprend son souffle avant de soupirer sous les regards compatissants de ses deux camarades. Gus lui tapote même l’épaule de sa grande paluche. Un bien maigre réconfort au vu de ce qu’elle imagine pour la suite. Sûrement que Méli va la punir sévèrement. Le beignet n’est soudainement plus aussi délicieux qu’avant. Le reste du petit déjeuner se termine en silence pour elle. Elle finit par se lever, rendant un maigre sourire à ses amis encourageants, avant de sortir de la grande salle. Elle suit le couloir et toque à la porte du fond, attendant que Méli ne lui dise d’entrer. La directrice est assise derrière son modeste bureau. Elle relève les yeux vers Marcy et lui désigne l’une des chaises face à elle. Sentant qu’il vaut mieux en pas froisser Méli ce matin, elle obéit en silence, et patiente. Quelques minutes passent. Marcy attend tandis que la directrice note quelque chose sur des parchemins avant de finalement poser sa plume.

« Vas-tu me dire où tu étais, Marcy ? »

« Je t’ai répondu, hier soir. J’ai fait un peu d’argent. Et pas de vol. » Elle ne ment pas, mais Méli plisse les yeux, ayant visiblement du mal à la croire. Ce qui n’agace pas Marcy. Elle sait qu’elle a une réputation et n’en veut pas trop à sa tutrice de penser le pire quand elle dit avoir trouvé de l’argent.

« Et que comptes-tu faire de cet argent ? »

« Euh… le garder ? » Il est vrai qu’elle ne s’est pas vraiment posé la question la veille, un peu plus préoccupée par l’idée d’obtenir la récompense plutôt que ce qu’elle allait en faire. Cela fait soupirer Méli qui l’observe un instant, visiblement dépitée.

« Tu sais que je m’efforce de faire au mieux pour tout le monde ici, n’est-ce pas ? Mais tu as systématiquement refusé tout ce que j’ai essayé de t’offrir. Tu ne vas pas aux cours, tu refuses les apprentissages, tu disparais et reviens quand ça te chante et, par-dessus tout, tu voles et mens sans cesse. »

La tirade tire une brève grimace à la rouquine, mais elle se ressaisit bien vite. Elle croise les bras, une lueur de défi dans le regard. Un duel s’engage. Duel que Méli ne fait pas durer, visiblement lasse.

« Je me demande pourquoi je m’acharne, avec toi. »

« Je n’ai jamais demandé ton aide… »

Un silence pesant suit le marmonnement de Marcy. Elle sent qu’elle en a trop dit et regrette ses mots presque aussitôt. Elle se mord la lèvre et triture ses doigts, soudainement nerveuse de ce qu’il va advenir. Mais trop fière pour faire machine arrière, elle ne s’excuse pas. Elle attend la tombée inéluctable du couperet. Mais le silence dure, tendu. Marcy finit par relever les yeux vers le visage de Méli. Elle perçoit sa mâchoire serrée, ses épaules tendus, mais avant que la rouquine ne puisse dire quelque chose, Méli prend la parole. Sa voix est ferme, mais la tristesse qui émane de ses mots est palpable. Déchirante.

« Très bien. Je vais exaucer ton souhait, dans ce cas. Tu as une semaine pour trouver un emploi et un lieu où vivre. Après ça, tu ne mettras plus les pieds ici. »

« Mais… Méli, je… »

« Dehors, Marcy ! Avant que je perde réellement patience ! »

La voix de la directrice perd sa fougue au profit d’une émotion qui échappe à la rouquine, véritablement choquée. Elle hésite à insister, à dire quelque chose, mais en voyant Méli porter ses mains à son visage en soupirant, elle se ravise, comprenant qu’elle est allée trop loin. Penaude, la rouquine obéit et quitte la pièce sans un mot, le cœur au bord des lèvres. Marcy perçoit l’immense soupir lâché par Méli, mais sait que celle-ci ne reviendra pas en arrière. Elle ira au bout de sa menace. La rouquine a merdé. Salement merdé. Seule dans le couloir silencieux, elle retient à grand peine un sanglot. Ses mains tremblent et ses yeux s’embuent, brouillant sa vision. La petite voleuse se précipite alors vers les escaliers. Elle a besoin d’être seule, une fois de plus.
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Re: Orphelinat de Kendra Kâr

Posté : jeu. 29 mai 2025 08:28
par Marcy
Entre regrets et silence

Les jambes repliées contre sa poitrine, Marcy reste assise en silence sur le toit de l’orphelinat. Après la désastreuse entrevue avec Méli, elle s’est réfugiée là, cherchant la solitude. Elle ne voulait pas qu’on la voit pleurer. Maintenant que les larmes se sont calmées, elle se sent vidée, incapable de regarder qui que ce soit en face. Elle observe la ville qui vit, inconsciente de sa présence. Elle ne sait plus quoi faire, à présent. L’idée de retourner vivre dans la rue sans avoir la certitude d’un lieu sûr lui noud l’estomac. Elle sait que c’est sa faute et cela la rend d’autant plus malheureuse. Elle n’a pas voulu décevoir et blesser Méli, mais elle est incapable d’expliquer le malaise qu’elle a toujours ressenti au sein de l’orphelinat. Resserrant ses bras autour de ses jambes, elle se dit que ça ne sert à rien, maintenant. Trop tard pour expliquer quoi que ce soit. Et elle n’attendra pas d’être mise à la porte. Elle refuse que les autres la regardent partir et elle sait qu’elle ne se sent pas capable de passer une semaine entière ici avec la certitude de devoir s’en aller ensuite. Elle partira ce soir, emplie de regrets, mais selon ses termes. Un dernier pied-de-nez à Méli.

L’adolescente reste là un moment, perchée sur le toit. Elle aime observer la ville depuis les hauteurs. Malgré son trouble, elle ne peut pas s’empêcher d’apprécier la vue de la ville. Elle se demande alors quoi faire. Car la question reste entière et elle ne sait pas quand Jean la contactera. Voler sa pitance chaque jour va être un défi qu’elle n’est pas certaine de vouloir relever. Quant à trouver un travail… elle n’a aucune idée de quoi faire. Marcy se sait adroite, agile et rapide, mais elle ne connaît aucune profession qui nécessite ce genre de compétences. Et l’idée de travailler dix heures par jour pour quelques pièces est loin de l’enchanter. Avec l’argent que Jean lui a donné, elle peut tenir quelques temps, mais elle sait que c’est provisoire et qu’elle n’aura d’autre choix que de voler à nouveau après quelques jours. Nécessité fait loi. La voleuse reprendra sa vie d’avant l’orphelinat, voilà tout. La douceur de la vie entre ces murs lui a fait oublier sa vie d’avant.

« Ah, tu es là ! »

La voix de Sania la tire brusquement de ses réflexions. Elle tourne la tête pour la voir se hisser sur le rebord de la fenêtre puis marcher avec précaution sur le toit. Par réflexe, la rouquine tend la main vers son amie pour l’aider. Elles échangent un sourire et Sania s’assoit à ses côtés en silence. Marcy n’a guère la tête à discuter et se contente de reprendre son observation silencieuse. Elle peut sentir son amie chercher comment démarrer la conversation, mais ne l’aide en rien. Elle n’a pas envie de parler de ce qu’il s’est passé et est persuadée que c’est la raison de la présence de Sania. Et elle ne se trompe pas.

« Alors ? Comment ça s’est passé avec Méli ? »

La rouquine soupire lourdement, sans répondre pour autant. Elle refuse de croiser le regard de Sania tourné vers elle, mais cette dernière n’en reste pas là.

« Si mal que ça ? C’est quoi ? T’es de corvée de latrine pour un mois ou quelque chose du genre ? »

A ce stade, Marcy aurait presque préféré cette punition plutôt que l’incertitude de ce qui va suivre après son départ. Elle hausse les épaules, refusant d’élaborer sur le sujet, laissant Sania faire ses propres conclusions. La brunette n’insiste pas davantage, mais elle presse son épaule contre celui de Marcy dans un geste d’affection et de soutien silencieux. Le regard de la rouquine se tourne vers son amie et sa gorge se serre. Elle pose sa tête contre l’épaule de Sania et ferme les yeux, silencieusement reconnaissante envers la future couturière. Elles n’échangent plus aucun mot pendant un moment, puis Sania convainc Marcy de rentrer avec elle. Elle accepte, pour ne pas trop éveiller les soupçons et pour tenter de profiter un peu des derniers instants avec ses amis. Ce qu’elle fait le reste de la journée, malgré l’approche de l’heure fatidique qui rend tout ce qu’elle fait moins agréable.

Elle accompagne Sania au marché pour récupérer quelques invendus de la veille. Puis elles vont voir Gus à la forge où il est en apprentissage. A le voir transpirer de la sorte, mais avec un sourire sur le visage, Marcy se demande pourquoi elle n’est pas capable de trouver elle aussi quelque chose qui la motive de cette manière. Ils papotent un peu avant que les deux adolescentes ne retournent à l’orphelinat où elles aident aux tâches ménagères. Comme toujours, Marcy se laisse entraîner par Sania et l’aide à changer les draps sur les lits. Sania lui donne même quelques conseils, comme si cette tâche était importante. Marcy lève les yeux au ciel, mais suit quand même les indications de son amie. Elle n’a pas envie de la contrarier. Pas aujourd’hui. Le reste de la journée se passe dans une ambiance calme et paisible, à l’opposé de la tempête qui sévit dans l’esprit de Marcy.

Après le repas du soir et, sous l’insistance d’Elina, de Gus et de plusieurs autres enfants, elle sort sa lyre et se poste près du foyer. Les plus jeunes s’assoient sur le sol. A voir tous ces visages souriants, le cœur de Marcy se serre une fois de plus. Lorsque ses doigts touchent les cordes, elle inspire longuement avant de commencer à jouer. Elle ne se rappelle plus quand elle a commencé à s’essayer à la lyre, mais cela fait toujours remonter quelque chose qu’elle n’a jamais réussi à comprendre. Ses doigts se déplacent sur les cordes, créant une mélodie douce et entrainante. Elle l’a entendu tant de fois qu’elle pourrait la jouer les yeux fermés, mais sans se souvenir de l’endroit où elle l’a entendu. Comme un souvenir profondément ancré dans son corps mais disparu de son esprit. Sania se joint à elle, sa voix accompagnant la délicate mélodie d’une douceur qui fait sourire Marcy. Elle aperçoit Méli les observer et son sourire disparaît à cette vision. Le visage de la directrice est fermé, mais l’adolescente remarque sans peine le tic qui agite sa mâchoire. Elle n’en connaît pas la raison et Méli s’éloigne trop vite pour qu’elle ne s’y attarde pour le comprendre.

Après le petit interlude musical improvisé, tout le monde va se coucher. Ne voulant rien laisser paraître, Marcy agit le plus normalement possible, souhaitant bonne nuit à tout le monde avant d’elle-même grimper dans son lit. Le regard fixé sur le plafond, elle attend patiemment qu’Elina s’endorme, puis elle se lève et quitte sa chambre à pas feutrés, ses chaussures dans la main. Elle remarque la lumière qui filtre à travers la porte ouverte du bureau de Méli. Elle se risque à y jeter un œil et aperçoit la directrice assise à son bureau, une expression compliquée sur le visage. Un verre est posé non loin. Pendant un court instant, la rouquine envisage de rentrer pour s’excuser, mais la voix d’un homme s’élève dans la pièce et Marcy s’éloigne, craignant d’être remarquée. Elle se rend dans les cuisines, ouvre la fenêtre, puis enfile ses chaussures. Une fois prête, elle inspire longuement. Elle se faufile en silence par l’ouverture, saute du rebord pour atterrir souplement sur le sol. Elle s’éloigne en silence, petite ombre presque invisible au cœur de la nuit. Arrivée au bout de la rue, elle se retourne, le cœur serré. La façade de l’orphelinat se découpe largement dans la rue et elle s’en imprègne une dernière fois avant de reprendre sa route, disparaissant au détour d’une ruelle, le cœur au bord des lèvres.