Rues de la ville

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Marcy
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Re: Rues de la ville

Message par Marcy » sam. 4 oct. 2025 01:37

Le signe sous la pluie

Le ventre plein, une piste en tête et un sourire aux lèvres, Marcy quitte la maison de Hugues en remerciant ce dernier. Après un dernier – et très court – duel de regard avec le chien, Marcy prend la direction de l’avenue principal. Elle a l’espoir de passer par les boutiques de vêtements dont a parlé Hugues, avant de se rendre au Refuge. Elle aimerait ne pas avoir à mettre les pieds là-bas, mais elle doute d’obtenir suffisamment d’informations de la part des commerçants. Elle doute même qu’ils la laissent entrer dans leurs boutiques. Elle n’a jamais volé au cœur d’un commerce en dur, préférant de loin la disponibilité et l’ouverture d’un marché, mais elle reste une orpheline. Ses vêtements de seconde main sales et sa silhouette ne trompe pas vraiment. Et si voler un peu d nourriture ou quelques yus est assez simple, voler des habits neufs est une autre paire de manche. Beaucoup plus difficile pour un intérêt dont elle doute.

Néanmoins, tout de même prête à quelques sacrifices pour sa mission, elle ouvre sa petite bourse de cuir. Les pièces d’étain se mêlent au cuivre et à son unique pièce d’argent durement acquise. Elle aurait assez de yus pour acheter un habit, mais elle reste dubitative à ce sujet. Elle referme la bourse, se disant qu’elle aviserait en temps voulu. Elle s’écarte du mur près duquel elle s’était cachée pour compter son argent, et repart en direction de l’avenue principale, bien décidée à découvrir quelque chose d’utile pour son enquête. Avec une brève description et un prénom relativement commun, elle doute d’aller très loin, mais il lui semble avoir aperçu une petite brune lors du casse de la boutique proche du marché. Reste à savoir si elle serait capable de la reconnaître si elle l’avait en face d’elle.

Si elle peut choisir, il est clair que retrouver Eleanore avant de se rapprocher du refuge l’arrangerait. Pour avoir déjà dormi sur place, Marcy sait à quoi ressemble l’endroit. Un lieu pour donner bonne conscience aux nobles, là où on prend soin des démunis. Elle se souvient surtout de l’odeur, des pleurs dans la nuit et des voix étouffés de deux filles qu’on essayaient d’agresser. Même si ces dernières se sont défendues, Marcy n’a plus jamais remis les pieds là-bas, après ça. Elle est tombée sur l’orphelinat par chance, quelques semaines après, mais elle s’est jurée de ne jamais devoir dépendre du refuge. Et la voilà, obligée d’y remettre les pieds si aucune information valable ne se murmure à ses oreilles. Cette perspective est loin de l’enchanter. C’est donc avec une motivation renouvelée et sans faille qu’elle accélère le pas vers la rue commerçante.

Marcy n’a jusqu’à aujourd’hui jamais vraiment prêté attention aux boutiques de vêtements, mais leur nombre est ahurissant, à ses yeux. Il y en a même plus que les lieux où acheter des choses plus utiles pour vivre, comme la nourriture. Si on omet le marché, en tout cas. Mais même là, les vendeurs de friperies ne sont pas rares. Et si elle admet que pouvoir se changer avec des affaires propres est un plaisir, cela reste un luxe qu’elle ne peut pas vraiment se permettre. Mais en voyant les tenues présentées à travers les vitres transparentes des boutiques, elle est certaine de ne jamais être capable de posséder quelque chose de ce genre. Les robes trop longues, les manteaux en tissu de qualité et en cuir travaillé par des experts, le tout à un prix exorbitants, très peu pour elle. Elle préfère le fonctionnel. Plus c’est discret, mieux c’est. Il lui reste cependant un adversaire de taille.

L’averse qui s’abat subitement la prend complètement par surprise et, faute d’un manteau, elle se retrouve vite trempée, à essayer de s’abriter grâce à la toiture d’une boutique. Pestant contre sa malchance et ses vêtements désormais trempés, elle patiente, bras croisés et frissonnante, que l’averse passe. Nombre de passants, eux aussi pris par surprise, s’éparpillent en courant sur les pavés glissant de la rue, manquant parfois de peu de finir sur le sol. Un de ces passants se rattrapent de justesse e repart en courant, sans apercevoir l’objet tombé de sa poche. Une pierre qui roule jusqu’à Marcy. Celle-ci, intriguée, la ramasse et l’examine d’un œil curieux. Un simple caillou, certes, mais gravé d’un étrange symbole qu’elle n’a jamais vu auparavant. Elle el fait rouler dans sa paume. D’ordinaire, elle aurait jeté un pareil caillou, mais, sans trop savoir pourquoi, elle décide de garder celui-là. Il y a quelque chose qui l’intrigue à son sujet et qui la pousse à le garder, sans en comprendre la raison.

Pendant ce temps, l’averse continue, poussant la jeune fille à s’installer aussi confortablement que possible sous son abri de fortune. Bien vite, elle s’ennuie ferme. Sa dextre joue avec le caillou reposant dans sa poche. Elle retire vivement sa main lorsqu’elle ressent une sensation étrange à force de tripoter el caillou. Le même genre que lorsqu’elle passe sa main sur un objet métallique par temps d’orage. Sourcils froncés, elle ressort la pierre, prudemment. L’envie de balancer la pierre se fait plus forte, mais quelque chose retient sa main, comme si elle devait garder cette pierre sortie de nulle part. Pierre qui n’a absolument pas changé et n’a pas l’air de faire quoi que ce soit, mais Marcy est certaine qu’elle est responsable de ce qu’elle a ressenti. Serait-ce un genre de pierre avec du métal à l’intérieur ? Malgré toutes ses observations et les hypothèses farfelues qu’elle émet, comme celle d’un caillou tombé d’un orage ou un porte-bonheur de magicien, elle n’est pas plus avancée pour autant.

Lorsque la pluie s’arrête, elle range le caillou dans sa poche et se remet en route d’un pas plus prudent qu’avant, pour ne pas glisser sur les pavés. Elle examine quelques boutiques, sans voir la moindre brunette qui correspondrait à la fameuse Eleanore. Mais alors qu’elle s’écarte soigneusement de la boutique de magicien qui vend des baguettes, elle repère une petite tête brune à l’intérieur. Une tête brune qui lui tourne le dos. Incapable d’en savoir plus depuis l’extérieur et malgré sa méfiance de la magie et de tout ce qui y touche de près ou de loin, elle pousse la porte de la boutique qui fait sonner une clochette annonçant son entrée. La mission avant tout. Mais ça ne veut pas dire qu’elle est spécialement enchantée d‘entrer là-dedans…

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Marcy
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Re: Rues de la ville

Message par Marcy » dim. 5 oct. 2025 22:24

La morsure d’une souris


Marcy n’est pas vraiment ce qu’on peut appeler une combattante. Elle porte une dague, mais c’est surtout dissuasif. Ça lui sert à couper les cordons des bourses, des ceintures, des cordages, à couper un morceau de pain ou bien, si besoin à casser un objet ou une fenêtre de façon plus sûre qu’avec ses mains. L’utiliser pour blesser quelqu’un relève de la situation d’urgence et ça ne lui est pas arrivé très souvent. Le souvenir de la dernière fois, contre l’étrange homme-oiseau, lui est encore en tête. Mais entailler la main de cet inconnu a été un réflexe. Un besoin inné de se protéger d’une menace évidente. Mais maintenant, la petite voleuse se trouve dans une situation délicate. Face à face avec un homme adulte, visiblement habitué de la bagarre et qui n’est guère impressionné par la dague qu’elle porte. Pile ce qu’elle cherche à tout prix à éviter d’ordinaire. Car elle ne se fait guère d’illusion sur ses chances de victoire en combat, encore moins en face à face. Marcy préfère être discrète, se faufiler, éviter les problèmes ou les régler après y avoir réfléchi.

- Elle mord, cette sale gosse. Je vais t’apprendre les bonnes manières !

Loin d’être capable de réfléchir à la situation, la rouquine ne peut que réagir face à la charge de l’adulte face à elle. Les bras écartés pour l’attraper, il a abaissé son centre de gravité pour refermer ses bras sur elle. Sans doute imagine-t-il qu’elle va tenter de le combattre pour sauver son amie. Mais Marcy ne connaît pas la petite brune. Et elle n’a aucune envie d’être attrapée par ces types. Alors, elle tourne les talons et file à toute allure dans la rue avec l’intention de s’enfuir. Elle perçoit l’hésitation du type qui cherchait à l’attraper, mais, bien vite, ses pas lourds résonnent derrière elle. Il l’a prise en chasse. Elle grimace, allonge ses foulées avant de bifurquer dans une ruelle plus étroite, pour semer son poursuivant. Mais celui-ci est têtu et continue de la pourchasser en gagnant rapidement du terrain. Un juron s’échappe des lèvres de Marcy qui, comprenant que fuir ne servira à rien, fait volte-face avant de repartir dans l’autre sens. Droit vers le type qui ralentit en la voyant foncer vers lui. Il sourit, prêt à se battre.

- Fini de jouer à chat ?

Marcy court droit vers lui, mais se décale sur la droite, vers un empilement anarchique de caisse. Profitant de son élan, elle grimpe rapidement cet escalier improvisé et se hisse sur le toit de la maison la plus proche avant de recommencer à courir. Elle entend l’autre type lui crier dessus, mais elle l’ignore. Elle vient de penser à quelque chose. La fille qui l’a percuté, elle l’a déjà vu. Lors du casse dans la boutique près du marché, elle avait croisé son regard. Elle doit savoir où trouver Eleanore. Elle doit la sortir de là. Aussi profite-elle du toit pour changer de rue. Elle glisse sur les tuiles humides de l’averse de la journée avant de se laisser tomber sur les pavés en contrebas, dans une autre rue. Puis elle se remet à courir pour retourner là où la petite brune l’a percuté. Elle espère que l’autre acolyte attend son comparse et qu’il ne l’a pas embarqué elle ne sait où.

Prenant un chemin détourné, elle rejoint les abords du refuge. Elle aperçoit la silhouette du type et celle, plus petite de sa prisonnière. Il l’a plaqué sur les pavés sales et la maintient en place avec un genou sur le dos. Dague en main, Marcy avance à pas de loup derrière le type. Par chance, elle a depuis longtemps appris à marcher silencieusement sur les pavés de Kendra-Kâr. Ce qu’elle ne sait pas faire, en revanche, c’est utiliser sa dague de manière efficace. Alors, sans trop être certaine d’elle, elle siffle. Lorsque le type tourne la tête, elle lui envoie son pied botté dans la figure de toutes ses forces. Le choc, la douleur et la surprise font leur effet le type lâche la gamine qu’il tenait et s’écarte en se tenant le nez qui pisse le sang. Il jette un regard mauvais à Marcy tandis que la petite brune se relève et court se réfugier derrière elle avant d’attraper sa manche d’une poigne apeurée. Ce que Marcy n’apprécie pas tant que ça. Elle risque de la gêner plus qu’autre chose.

- Bordel, comment tu t’es débarrassé d’Hérios toi ? Peu importe... tu vas payer.

Contrairement à son comparse, celui-là a une lame. Une épée courte recourbée qui fend l’air. Marcy tente tant bien que mal de reculer, mais la fille derrière la gêne. Elle manque de tomber par sa faute. Alors elle la pousse soudainement, la faisant tomber sur les pavés alors que la lame la frôle de si près qu’elle perçoit quelques cheveux coupés lui tomber devant les yeux. Son cœur bat la chamade et une sueur froide et désagréable coule le long de son dos alors que son souffle se fait plus dense et rapide. Elle regrette vachement sa tentative de sauvetage, soudainement. Mais elle n’a plus le choix, maintenant.

La lame siffle près de son oreille. Elle glisse volontairement sur les pavés. Le coup passe au-dessus d’elle. Sa dague, elle, trouve la chair. Une entaille, courte mais nette, sur le flanc.

— Sale gosse !

Il hurle, pivote, frappe à l’aveugle. Elle sent l’air se fendre près de sa joue, recule, une douleur cuisante et un filet de sang chaud coulant sur son visage. Elle manque une fois de plus de tomber à cause de la fille qui n’a toujours pas eu la présence d’esprit de ficher le camp de là. Marcy recule encore et encore face aux assauts du type. Plusieurs entailles endolorissent ses bras et sa hanche où de minces filets de sang coulent. Sa tunique est entaillée à plusieurs endroits, laissant parfois voir la peau pâle qui se caches dessous. Le type est trop fort, trop rapide et bien plus aguerri qu’elle. Elle heurte un tonneau dans son dos. Elle se baisse de justesse. La lame siffle au-dessus d’elle. Une seconde d’hésitation et sa vie prenait fin. Elle tombe sur le sol, puis s’éloigne sur les fesses, la peur prenant le dessus sur tout le reste. L’homme lui, sourit et s’enorgueillit déjà face à sa victoire assurée.

- On fait moins la maligne maintenant, pas vrai ?

Marcy cherche désespérément une solution de sortie. En vain. Elle insulte copieusement dans sa tête la fille qui reste plantée plus loin à regarder la scène. Dire qu’elle est venue l’aider. Voilà pourquoi elle ne s’occupe pas des autres, d’habitude. C’était stupide de sa part. Une erreur qui va lui coûter très cher. Un coup de pied dans son ventre la projette contre un mur où elle fait tomber une jardinière et les fleurs qui y étaient plantés. Elle gémit de douleur, les bras serrés contre son ventre alors qu’elle peine à retrouver son souffle. L’homme approche, la surplombant avant de lever sa lame. Dans un geste désespéré, Marcy attrape une poignée de terre et une fleur et jette le tout vers son adversaire. Pris par surprise, l’homme reçoit la terre en plein visage. La douleur et l’aveuglement lui font rater son coup qui fait s’écraser la lame contre un tonneau, bloquant l’arme dans le bois. Sentant sa seule et unique chance se dessiner, Marcy se relève en serrant les dents et donne un coup de toutes ses forces. La lame de sa dague s’enfonce profondément dans le bras de son adversaire qui grogne de douleur. Puis elle s’écarte, sa dague pleine de sang tandis qu’il pose un genou à terre. Il a beau tenir son bras blessé de sa main indemne, ses yeux brûlent de haine.

- Toi… je vais te tuer.

La voleuse lit la haine et la promesse de souffrance dans celui qui lui fait face. Paniquée et choquée, Marcy n’en demande pas plus, elle se met à courir à nouveau. De sa main libre, elle attrape la main de la petite brune et ne lui murmure qu’un mot

- Cours !

Puis elle l’entraine dans une ruelle. Pendant un moment, elles courent au hasard, sans même savoir où elles vont. Elles ne ralentissent pour finalement s’arrêter que parce que Marcy n’en peut plus. Ses multiples entailles la brûlent et son corps est épuisé par ce qu’elle vient de vivre. L’adrénaline qui la faisait courir s’atténue et ses forces diminuent rapidement. Elle s’adosse à un mur pour reprendre son souffle, sa dague ensanglantée encore serrée dans sa main. Main qui tremble encore. C’est la première fois qu’elle blesse quelqu’un de la sorte. La seconde fois qu’elle a aussi peur, aussi. La dernière fois, c’était contre la créature ailée et là, contre un adulte qui aurait pu la tuer s’il l’avait voulu. Elle a eu de la chance. Et tout ça pour… elle. Elle regarde la brune qui la fixe, un mélange d’émerveillement et d’inquiétude dans le regard.

- Est-ce que ça va ?

Marcy ne lui répond pas, mais hausse un sourcil, comme pour lui signifier la stupidité de sa question. Elle préfère garder son souffle. L’autre rougit un peu de honte, avant d’enchainer.

- Merci ! T’as été incroyable. J’ai cru qu’il allait te tuer, mais tu l’as bien rossé, ce salaud !

- Ouais… pas grâce à toi.

Nouveau rougissement, de gêne cette fois. Marcy se redresse en grognant. Elle doit retrouver Jean, il saura comment l’aider et la soigner. Elle espère en tout cas. Mais l’autre fille a visiblement un autre plan en tête, parce qu’elle l’arrête et passe un bras autour de ses épaules pour la soutenir. Marcy, trop faible pour protester, se laisse faire. La brunette lui doit bien ça, elle a saigné pour elle, quand même.

- Je sais où on peut te soigner. Et je pourrai te remercier correctement… euh… ton nom c’est ?

Marcy cligne des yeux et tourne la tête vers la brunette qui babille à côté d’elle. Un murmure lui échappe, à peine audible tant elle est fatiguée.

- Marcy…

- Chouette, comme prénom ! Moi c’est Eleanore !

Marcy esquisse un sourire épuisé. Le monde s’apaise un instant autour d’elle. Le sang sur ses doigts, la peur dans sa gorge… tout cela semble s’apaiser momentanément. Peut-être qu’elle n’a pas saigné pour rien, finalement.

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