Le Marché

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Shilann
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Re: Le Marché

Message par Shilann » ven. 9 sept. 2022 21:18

L'AVANT

« ... celle-ci, il me la faut ! Est-ce que je peux la voir de plus près également ? J’ose à peine imaginer tout ce que l’on peut tailler là-dedans ! »
Le pauvre marchand me semble un peu perdu, noyé qu’il est par le flot de mes questions. Peut-être suis-je un peu trop exubérante lorsque je suis enthousiaste. Mais il sent qu’il va faire affaire aussi s'empresse-t-il de répondre à tout et de me présenter tout ce que je désire manipuler, palper, caresser, froisser même ! Une bonne étoffe ne s'achète pas à la légère !
Une fois mes choix arrêtés, il constitue un rouleau unique avec toutes les pièces de tissu que je viens d’acquérir, ce qui est assez malin puisque ça les exempte des plis tenaces et disgracieux. Ce qu’il me tend avant que je m’en aille fait à peu près la moitié de ma taille, quant à l’épaisseur… Eh bien, puisqu’en le prenant sous le bras j’arrive à en faire le tour, c’est le signe qu’elle est comme il faut. Je n’ai pas du tout exagéré, c’est rassurant.

Je m’éloigne rapidement de cette zone tentatrice, tout en cherchant la direction la plus à même de me sortir du marché et de me rapprocher de l’auberge. Je me situe assez facilement et j’arrive bientôt du côté des denrées alimentaires. Viande, poisson, fruits, légumes, tout est là, exposé sur de nombreux, très nombreux tréteaux. Si j’étais chez moi, je m’y attarderais un peu mais là… ça attendra mon retour.
Je m’arrête tout de même à quelques pas d’un étal dont les fruits me donnent soudainement soif. J’ai cru y entrevoir des pêches… cru car, juste à l’instant, le dos d’un individu blond m’en bouche la vue. Je m’apprête à avancer pour mieux regarder quand la scène que j’ai devant les yeux m’en empêche… En effet, tout à côté de ce grand blond, il y en a un petit. Je pourrais facilement les prendre pour père et fils sauf que, si la mise de l’adulte est impeccable celle de l’enfant laisse bien à désirer, c’est ce qui fait que la puce me gratouille légèrement l’oreille. Et avec raison ! N’est-ce pas sa petite main que je vois avancer vers la taille de l’individu, là où généralement se situent la ceinture et la bourse qu’on y attache solidement ?
Je le regarde faire quelques instants, légèrement amusée et presque subjuguée, me demandant s’il va réussir. Pas un instant, l’idée d’avertir sa victime ne m’effleure. Au contraire, je me surprends à encourager mentalement le jeune garçon.

Aïe… je viens de voir le vêtement de l’homme se plisser sous l’effort et les mouvements des doigts de l’enfant pour décrocher la pochette… Une chance que celui-ci n’ait rien senti, tout occupé à discuter qu’il est. De mon temps, une telle erreur m’aurait valu un coup sec de manche de couteau sur les doigts de la part de Bruno, enfin… si j’avais eu le malheur de la commettre en m’exerçant sur lui, bien sûr… À ce souvenir, j’ai une forte envie de me frotter la main… Satané Bruno.
Oh, non ! Encore une maladresse… Cette fois c’est sûr, il s’en est aperçu ! Le pauvre gamin risque gros, la milice, ou pire si cet homme veut faire «justice» lui-même…
Parfois, on ne réfléchit pas, notre corps agit pour nous. Je franchis en un clin d’œil l’espace qui me sépare du grand blond et faisant mine de vouloir regarder les fruits de plus près, je me place entre lui et l’enfant assez abasourdi d’être ainsi écarté. Au même moment avec le haut de mon rouleau d’étoffe, je flanque un sérieux coup à l’homme pour détourner suffisamment son attention tandis que plus bas, de la main – et avec une dextérité dont, sincèrement, je ne me serais plus cru capable – je détache la bourse et la laisse tomber au sol. Puis, ni une ni deux, je la pousse de la pointe de mon soulier vers le garçon.
J’ai tout juste le temps de voir ce dernier froncer des sourcils avant de se pencher pour la ramasser, que le personnage à mes côtés s’adresse à moi avec, malgré le traitement qu’il vient de subir, politesse.

« Vous allez bien ? Prenez garde avec vos achats, vous auriez pu blesser quelqu’un ou vous blesser vous-même.»
Je me tourne vers lui, l’air mi-surpris mi-désolé, donnant l’impression d’être légèrement désemparée, pour me laisser le temps de trouver mes mots. In extremis, je me souviens qu’à cet instant je ressemble plus à Lyzabell qu’à Shilann car pour visiter mes clients, je me vêts de façon sobre et élégante afin de ne pas attirer l’attention. C’est donc une jeune dame de bonne famille qui se tient devant lui.

« Je vais très bien mais je suis confuse, monsieur. Acceptez mes excuses pour cette agression qui n’était nullement intentionnelle… Je me suis trop précipitée et j’en ai oublié le fardeau que je transportais ! Vous n’avez pas de mal, j’espère ?»
J’ouvre de grands yeux candides et lui adresse un charmant sourire teinté de la juste pointe d’inquiétude, ce qui n’est pas très difficile dans la mesure où le monsieur est lui-même charmant, ce que je n’avais pas eu l’heur de remarquer avant cela.

En revanche, ce que je remarque sur le champ et qui me laisse un instant perplexe c’est que le jeune voleur, son butin en main, n’avait pas pris la poudre d’escampette comme je l’avais présumé et espéré… Bien au contraire ! Il s’est rapproché de sa victime comme pour y chercher refuge. Et c’est moi qu’il regarde avec quelque défiance… Le petit ingrat !

L’image de Bruno me revient alors avec force à l’esprit et je crois deviner ce qui se joue devant moi… Ce beau jeune homme d’apparence raffinée m’apparait alors sous un jour bien différent. Et j’accentue mon sourire.
Modifié en dernier par Shilann le mar. 13 sept. 2022 15:15, modifié 2 fois.
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Mathis
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Re: Le Marché

Message par Mathis » dim. 11 sept. 2022 15:21

<---Précédemment au marché

L’élégante femme qui se trouvait devant moi, ouvrit plus grands ses jolis yeux, et adoptant une attitude tout à fait charmante se confondit en excuse, tout en s’inquiétant de m’avoir blessé au passage.

« Aucune excuse n'est nécessaire, je vous rassure. Même si j'ai été légèrement secoué, vous êtes forte chère dame, je n'ai aucune douleur ou blessure. »


Dis-je tout en esquissant un sourire sincère. À mon soulagement, Pablo fit mine de rien et s'approcha du marchand de fruits avec qui, il échangea des paroles, mais d'une voix trop basse pour que nous l’entendions. J’espérais qu’elle n’ait pas vu Pablo ramasser la bourse qu’il avait escamotée pendant qu’elle me bousculait. Je ne voulais surtout pas qu’elle s’en prenne à mon protégé. Il lui restait encore beaucoup d’entraînements à faire, mais il se débrouillait quand même bien.

Pablo repartit comme il était venu et Tonio sourit à la potentielle cliente. Je souris à ma vis à vis, qui s'excusait encore. Promettant de faire gaffe la prochaine fois et tout en pointant les belles pêches, mures à point, exposées sur l’étal du marchand, elle expliqua que c’était en se dirigeant vers ces fruits qu’elle m’avait bousculé, répétant une fois de plus sa maladresse. En fait, elle se justifiait un tout petit peu trop à mon goût. Après une brève hésitation, je chassai mes doutes à son égard, attribuant son attitude à son envie de me faire la conversation. Je demeurai discret, ne laissant passer aucune expression sur mon visage. Me contentant de lui sourire, tout en sortant ma bourse, la mienne cette fois, beaucoup plus garnie, mieux ficelée, et surtout moins à la portée des voleurs, je répondis:

« Pour punir ces pêches de vous avoir déconcentré, je vous les offre. »


Puis à l'intention de Tonio.

« Rajoute le nombre de pêches qu'elle désire plus deux pour moi à ce que je te dois. »

Tonio fut ravi de vendre ses beaux fruits alors qu'ils étaient encore si alléchants, les pêches étant un fruit mûrissant très rapidement. Après avoir rajouté deux pêches à mon panier, le marchand proposa à la dame:

« Choisissez celles qui vous plairont. »


La jolie dame accepta mon offre sans hésitation. Elle déposa contre l’étal du marchand, son rouleau de tissu bien épais qui l'encombrait de et se choisit ensuite deux belles pêches mures tout en étant fermes. Le marchand s’empressa de les lui essuyer à l’aide d’un chiffon qu’il gardait toujours à sa disposition, offrant ainsi le meilleur service possible. Espérant sans doute qu’elle reviendrait à son étal au lieu de celui de la concurrence. Elle croqua à belles dents dans la première, ce qui m’arracha un sourire. Pour ma part, ma pomme, déjà bien entamée, était sûrement tout aussi délicieuse.

Alors qu’elle s’était montrée discrète depuis le tout début de l’incident, voilà que Praline apparut d’on ne sait où, se frotta contre ma jambe gauche, puis se coucha sur mon pied. Sans être obèse, Praline s’avérait appartenir à une race de chat de grande taille. Sa présence ne passa donc pas inaperçue. S’ensuivirent de nombreuses questions ainsi que des compliments envers ma magnifique compagne. Je fronçai légèrement les sourcils lorsque mon interlocutrice demanda à la caresser.

« Je vous présente Praline… »

Je marquai une pause réalisant que je ne m'étais encore pas présenté.

« Et moi Mathis. Praline m'accompagne depuis qu'elle est toute petite et j'apprécie sa présence à mes côtés. Je crois que c'est pareil pour elle. Cependant, elle est très possessive, c'est probablement votre présence qui l'a incité à se poser sur mes pieds, pour vous prévenir que je lui appartiens. Donc je vous suggère de vous accroupir et de tendre doucement votre main dans sa direction, en prenant soin de ne pas trop vous approcher de moi. Si elle vient à vous, lorsque vous l'appellerez, vous pourrez la caresser. Si elle ne réagit pas, alors je vous conseille de vous en abstenir. »

Avec grâce et souplesse, elle s’accroupit et étendit son bras tout comme je lui avais conseillé. Elle présenta le dos de sa main et d’une voix douce et agréable s’adressa à ma Praline et lui fit la conversation comme si la chatte allait lui répondre. Je m’accoudai sur l’étal du marchand et regardai la scène avec amusement, ayant tout de même une légère crainte que Praline griffe la jolie demoiselle, laissant sa trace sur ce joli visage. J’appris ainsi qu’elle se prénommait Shilann. Tout en conservant son statut de chatte indépendante, et après avoir poussé quelques bâillements, Praline se leva lentement, s’étira avec élégance, comme seuls les chats savent le faire puis s’avança d’une démarche souple et légère vers la main tendue. Après l’avoir reniflé, elle quémanda une caresse en donnant un léger coup de tête. Ce qui ravit l’intéressée. Tout en caressant le doux pelage de Praline, Shilann fit remarquer à quel point j’étais chanceux d’avoir une telle chatte. Elle avait bien raison sans même se douter à quel point nous pouvions être proche Praline et moi.

« Enchanté Shilann. Vous savez vous y prendre avec les chats. Malgré l'approche que je vous ai conseillée, il n'était pas garanti qu'elle vienne à vous. Praline est une chatte indépendante et je l'apprécie pour ça. »
Je me penchai en une légère salutation tout en disant:

« L'incident étant clos, nous devons chacun retourner à nos occupations. Je vous souhaite une bonne journée... et soyez prudente. » Terminai-je

Tout se relevant, elle révéla aimer les animaux, puis rendit ma politesse en me souhaitant également une bonne fin de journée.

Je lui souris aimablement, puis pendant qu’elle terminait sa pêche et reprit son rouleau de tissu, je portai mon attention sur Tonio, l’interrogeant du regard. Celui-ci m’indiqua d’un léger mouvement de tête où était parti mon petit apprenti. J’allai donc le retrouver dans notre lieu de rencontre habituelle, derrière quelques caisses de bois dans une ruelle avoisinante. Lorsqu’il vit que les pas entendus m’appartenaient, il se détendit.

Je n’eus le temps de dire un mot, qu’il tendit la petite bourse bleue vers moi.

« Je te rends cette bourse, je ne peux l’accepter, je ne le mérite pas. » Dit-il se tenant le plus droit possible tout en prenant un air fier.

Perplexe, je fronçai d’abord les sourcils d’incompréhension, puis je le rassurai :

« Bien oui, tu le mérites. Tu avais commencé un peu maladroitement, en tirant un peu trop fort vers toi, mais tu as su tirer profit de la situation en me la subtilisant au moment où la jolie Shilann me bousculait avec son grand rouleau de tissu. Je suis fier de toi, je n’ai rien senti. »

Conservant le même air sérieux, un peu trop sérieux pour son âge, il répliqua.

« En fait, c’est pas moi qui t’a dévalisé, mais Shilann. Une fois, la bourse par terre, elle l’a poussé dans ma direction d’un petit coup de pied et je l’ai ramassé. »

J’ouvris grand mes yeux de surprise. J'avais raison de trouver louche se surplus d'excuses de la part de Shilann, mais j'étais loin de me douter qu'elle était l'auteure du larcin de la petite bourse bleue. Je répondis à la blague à Pablo:

« Oh la sacripante…elle me plait davantage celle-là. »

Puis, reprenant mon sérieux, je rajoutai.


« Tu gardes ton butin. J’y ai mis un peu plus de yus que d’habitude, car je quitte Kendra Kâr pour quelque temps. Puis, j’ai demandé à Tonio, et il a accepté de t’embaucher à son étal de légumes. Tu lui refileras un coup de main et tu seras payé. Un panier de nourriture sera livré à ma maison, une fois par semaine. Il est pour toi. Comme une garantie de nourriture au cas où que tu peines à subvenir à tes besoins. En retour, je te demande de te rendre régulièrement à ma maison, et de t’assurer que personne ne la vandalise ou pense qu’elle est abandonnée. »


Je pus lire sur son visage que mon nouveau départ le contrariait légèrement, mais en petit garçon courageux, il se ressaisit rapidement.

«Merci Mathis. Je vais aider Tonio et je mériterai la paie qu’il me donnera et puis je veillerai sur ta maison et tes biens. Et puis, je pourrai améliorer mes talents de voleur auprès de Shilann. »

A ces derniers mots, je me raidis et m’empressai de répondre :

« N’en fais rien, je t’en pris. »

Sous son regard interrogateur, je poursuivis.

« Tout d’abord, tu te débrouilles bien tout seul. Tonio m’a raconté que tu as détroussé l’apothicaire ce matin. J’ai trouvé ça brillant…puisque tu vas pouvoir lui payer les médicaments de ta maman, qu’il te vend crapuleusement à un prix trop élevé, avec ses propres yus. »

Cette fois, un sourire et une fierté illuminèrent son visage.
Je poursuivis :

« Quant à Shilann, elle est très jolie, charmante et sympathique, mais méfie-toi, nous ne la connaissons pas. Il y a des gens qui entrainent les petits à voler, et elle peut en faire partie. »

Impulsivement, il me répondit :

« Mais c’est ce que tu fais, toi. »

Tout en restant calme et avenant, je rajoutai :

« Oui, mais moi je te laisse entièrement ton butin, et j’y rajoute souvent quelques yus. Comme je disais, nous ne la connaissons pas suffisamment pour lui faire confiance. Tu sais, il existe des adultes qui profitent de jeunes comme toi, leur demandant d’effectuer des vols, tout en gardant presque tout pour eux, sans oublier qu’ils les maltraitent souvent. Je te demande donc de cesser les vols pour le moment. Tu peux faire confiance à Tonio, je le connais depuis ma tendre enfance. Il sera là pour toi si besoin. »


Il s’avança alors vers moi et encercla ma taille de ses bras.

« Merci pour moi, ma maman et ma petite sœur… Je vais m’ennuyer de toi et je vais suivre tes conseils. »


Je caressai ses cheveux blonds d’une main paternelle protectrice. J’allais m’ennuyer de ce gamin. La tendre accolade prit fin et je rejoignis la rue principale. Tout en jetant un coup d’œil aux rues qui allaient me manquer, je quittai le village en direction de la zone d’embarcation.

---> Vers la zone d'embarcation

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Shilann
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Re: Le Marché

Message par Shilann » dim. 11 sept. 2022 17:36

L'AVANT

Effectivement, il est beau.
Ce qui doit drôlement l’avantager, si ce que je suppose est vrai… De plus, Il est richement vêtu et avec goût, il parle avec distinction et il a de très charmantes manières. Bref, il a tout du parfait aigrefin… De ceux que l’on soupçonne rarement tant leurs atouts sont à même de vous endormir.
Nous en avions un de même acabit dans la troupe. Charmant au possible, capable de vous flatter d’une main, tandis qu’il vous dépouillait de l’autre… Samuel, qu’il s’appelait. La jalousie d’un mari, bien évidemment imperméable à son charme, mit brutalement fin à ses frasques. Nous en fûmes tous terriblement et durablement affectés… La réponse du kendran me ramène au présent.

« Aucune excuse n'est nécessaire, je vous rassure. Même si j'ai été légèrement secoué, vous êtes forte chère dame, je n'ai aucune douleur ou blessure… » Le sourire qui accompagne ces mots parait tout ce qu’il y a de plus sincère, il semble ne voir aucune malice dans la situation, non pas qu’il y en ait mais j’ai tout de même un soupçon de scrupule à jouer cette étourdie qui se noie dans un godet d’eau.

» Quel soulagement, monsieur ! Me voilà bien rassurée. Je suis tellement maladroite parfois, c'est à ne pas y croire... Mais je vais tâcher de faire plus attention dorénavant, je vous le promets ! Voici les fautives, *je désigne d’un doigt le monticule de fruits devant moi* ces belles pêches que voilà ! Je les avais entrevues de loin et en avais déjà l'eau à la bouche, aussi me suis-je hâtée vers elles. *je souris et ajoute à l’adresse du marchand, non sans une pointe de taquinerie :* A-t-on idée d'avoir de si beaux fruits que l'on ne peut à ce point y résister !»

C’est à cet instant que je vois mon petit voleur – dont la joliesse promet de surpasser celle de mon interlocuteur d’ici quelques années – pendu à l’oreille dudit marchand, pour lui chuchoter je ne sais quel secret ou, au contraire, ne le sachant que trop. J’espère qu’il ne s’est pas mépris sur mon intention de l’aider… Je serais dans de beaux draps si on imaginait que j’aie pu vouloir détrousser quelqu’un… Mais l’enfant s’en va et le maraîcher – son complice ? – ne laisse rien paraître d’autre que le sourire qu’il n’a cessé d’afficher depuis que je l’ai complimenté.

Le bel inconnu aussi, me sourit lorsqu’il propose avec gentillesse, «Pour punir ces pêches de vous avoir déconcentré, je vous les offre.» tout en sortant une bourse qui me semble bien plus garnie et bien plus à l’abri que… l’autre, la bleue. À l’intention du marchand qu’il parait bien connaitre, il précise de rajouter à la somme qu’il lui doit, celle des pêches que je désire plus deux pour lui-même, ce qui ravit l’homme qui s’empresse de me demander de choisir celles qui me plaisent. Pour ce faire et être plus à l’aise, je pose bien droit mon rouleau de tissu contre l'étal.

« C'est très aimable à vous, monsieur ! J'accepte volontiers, même si l’inverse aurait été plus juste. »
Je m'exécute avec une sincère reconnaissance et choisis deux fruits ayant la fermeté appropriée. Le marchand me les prend des mains et les essuie soigneusement avant de me les rendre. Alors sans attendre, je croque dans l'une des deux pêches – c’était tout de même mon envie première – avec d’autant plus d’ardeur que j’étais certaine à présent d’avoir raison !
Allons ! Une deuxième bourse et bien cachée celle-là ! Cet homme est, de toute évidence, le Maitre de pratique du petit voleur ! Donc, un voleur lui-même. En somme, j’ai simplement interrompu une leçon… Bah, peu importe, il n’y a que l’intention qui compte.

Je m'aperçois alors de la présence d’un grand chat à la belle robe caramel, lové aux pieds du kendran et laisse échapper un petit cri de surprise extatique devant sa beauté. Je me penche légèrement vers lui.

« Le magnifique animal ! C'est le vôtre de toute évidence. Puis-je le caresser ? Comment se nomme-t-il ? Est-ce un garçon, une fille ? » Me voilà repartie à poser des questions sans fin comme à mon habitude.
Fascinée par le chat, je remarque à peine l’homme mettre les fruits dans son panier, tandis qu’il m’apprend que l’animal se nomme Praline et qu’il se présente lui-même, Mathis. Puis, le voilà qui me fournit la marche à suivre.

« Praline m'accompagne depuis qu'elle est toute petite et j'apprécie sa présence à mes côtés. Et je crois que c'est pareil pour elle. Cependant, elle est très possessive, c'est probablement votre présence qui l'a incitée à se poser sur mes pieds, pour vous prévenir que je lui appartiens. Donc je vous suggère de vous accroupir et de tendre votre main, doucement dans sa direction, en prenant soin de ne pas vous trop vous approcher de moi. Si elle vient à vous, lorsque vous l'appellerez, vous pourrez la caresser, si elle ne réagit pas, alors je vous conseille de vous en abstenir. »
Je m'accroupis, donc, comme il me l'explique et tends le bras pour présenter le dos de ma main au félin, là je m'adresse à elle à voix basse.

« Alors comme ça, petite Praline, tu n'aimes pas beaucoup les autres dames ? En tout cas, tu n'as pas tout à fait tort de te méfier des inconnus... Moi, c'est Shilann et je suis très méfiante aussi. Tu vois, nous avons fait un petit peu connaissance, à présent.
Je garde ma position en lui parlant, dans l'expectative de sa réaction. Celle-ci ne se fait pas attendre très longtemps. Après avoir feint l'indifférence la plus totale en quelques bâillements, Praline se lève lentement, tend loin devant elle ses pattes avant, tout en creusant son dos et en remontant sa croupe en un étirement bienheureux, puis elle chaloupe sans se presser vers ma main qu'elle renifle un instant, avant de lui donner un léger coup de tête pour recevoir sa caresse. Je m'empresse, bien sûr, d'obtempérer à cette injonction silencieuse.

» Salutation à toi aussi, jolie Praline... *Et, m'adressant à Mathis tandis que je gratouille le félin sous l'oreille.* Vous faites bien d’être heureux d'avoir une telle compagne de route, vous avez beaucoup de chance !
Il me félicite alors pour ma manière de procéder et m’apprend qu’il n’était pas garanti qu’elle vienne à moi étant très indépendante, ce qu’il dit apprécier. Je me sens bêtement flattée.

« L'incident étant clos, nous devons chacun retourner à nos occupations. Je vous souhaite une bonne journée... et soyez prudente » conclut-il en effectuant une courbette polie, tandis que je me relève, légèrement peinée d’abandonner ce chat. Je lui souris en acquiesçant.

« Effectivement, j'aime beaucoup les animaux et je suis bien heureuse que le vôtre m'ait acceptée. Sur ce, monsieur Mathis, je ne vous retiens pas plus longtemps, j'ai effectivement hâte de rejoindre mon auberge. Passez également une bonne fin de journée ! À vous revoir peut-être ! » Et je le gratifie d’un petit salut du chef.

Je suis sur le point de partir mais, au moment de reprendre mon rouleau d’étoffe, je décide qu’il vaut mieux terminer ma pêche avant. Certainement par galanterie Mathis patiente le temps que je finisse pour s’éloigner à son tour et ce faisant, je le vois échanger un coup d’œil avec le marchand. Ce dernier lui indique d’un discret mouvement de tête une direction. Celle qu’avait prise le petit voleur me semble-t-il…

Voilà qui titille mon imagination, ma curiosité et tout ce que l’on voudra… Je prends finalement congé et je m’éloigne. Un peu. Enfin, juste assez pour passer inaperçue – ce qui est loin d’être une sinécure étant donné mon chargement – et pour pouvoir suivre avec une relative facilité, Mathis.

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Adeliade
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Re: Le Marché

Message par Adeliade » dim. 23 juil. 2023 01:12

<<

D’un pas vif, autant pour me réveiller que pour détendre mon corps après ces interminables heures passées assises le nez dans les parchemins, je parcourais ce chemin que je connaissais par cœur. En effet, depuis le moment où j’avais commencé mon apprentissage, je venais régulièrement chercher refuge au marché. Une fois suffisamment proche, je me laissai guider par le brouhaha permanent qui y régnait, douce musique après ces longues heures de silence pesant. Et cette mélodie s’amplifiait à chaque pas que je faisais.

Enfin, le spectacle coloré et animé qu’il dévoilait s’offrit à moi. Sans hésitation aucune, je parcourais les stands, jetant un coup d'œil rapide aux articles proposés. Quelques bijoux attirèrent mon regard, simples mais assez élégants selon moi. Je me rappelai qu’il m’en faudrait au moins un pour la fête que la famille de Glenna donnait ce soir. Bien que je ne fusse pas sûre de pouvoir y assister. Je n’étais à leurs yeux, après tout, qu’une roturière qui s'accrochait à leur précieuse enfant. Comme à chaque fois que je me remémorais leur comportement envers moi, un pincement au cœur me serra la poitrine. Je n’avais pas honte de mes origines, pas le moins du monde, et supportais difficilement d’être rabaissée de la sorte.

Discrètement, je portai la main à ma bourse pour la soupeser et me rendis à l’évidence que je n’avais pas suffisamment de yus pour me faire ce “petit plaisir” comme aurait dit mon amie. Me détournant de l’étal à bijoux, je continuais mon chemin jusqu’au stand du marchand chez qui j’aimais acheter mon repas quand je venais ici et m’y arrêtais rapidement pour passer commande. Voilà un petit délice que je pouvais m’offrir sans regrets. Une fois mon repas en main, je poursuivis jusqu’à la boutique où travaillait ma mère.

Arrivée à destination, je poussai la porte et fis sonner la cloche annonçant l’arrivée d’un client potentiel. Patientant tranquillement, j’admirais le travail du tailleur. Bien que les tissus utilisés étaient simples, ils étaient de bonne qualité et très bien travaillés. Les doigts de fée de ma mère soulignaient et sublimaient les lignes des vêtements par ses broderies. Tout sourire, le maître tailleur et propriétaire entra.

“Oh! Adéliade!... Tu peux aller voir ta mère à l'intérieur.” me dit-il simplement.

(Mais ne t’approches pas des vêtements avec de la nourriture!) pensai-je en même temps que j’entendais le patron de ma mère.
“Mais ne t’approches pas des vêtements avec de la nourriture!” ajouta-t-il comme à son habitude.

J’allai alors vers l’arrière-boutique pour rejoindre la petite cour intérieure. En passant, je fis signe à ma mère avant de sortir aussi rapidement que possible pour que l’odeur de nourriture n’imprégnât pas les habits en cours de confection. En me voyant, elle posa son ouvrage et se leva pour venir me rejoindre.

”Adé… Es-tu sûre d’avoir le temps de venir ici?” me demanda-t-elle, mi-souriante mi-soucieuse. ”Tu sais bien que je suis toujours heureuse de te voir, mais…”

“Maman!... Pas de mais! J’ai le temps de venir, donc j’en profite. Surtout que j’ai passé toute la matinée assise… Tellement que j’ai besoin de marcher pour me détendre!”

Calmement, je lui pris les mains pour l’amener à la chaise et la forçais doucement à s’asseoir pour clore, avant qu’elle ne commençât, une discussion qui revenait bien trop souvent à mon goût.

”Et j’ai une bonne nouvelle! Vin est de retour!” révélai-je, certaine de faire plaisir à ma mère avec cette information. ”J’ai tellement hâte qu’il en termine avec ses obligations… Je n’en peux plus de ces études dans des grimoires et des parchemins poussiéreux!”

”C’est ton père qui va être content! Son protégé lui manque également.” répondit-elle, souriant sereinement devant l’enthousiasme de sa fille et l’annonce de la bonne nouvelle. Pour mes parents, Vinland faisait partie de la famille.

”Promets-moi de faire bien attention. Ne lui crées pas des ennuis dont il n’a pas besoin, hein?”


”Mais!... Maman!... Tu pourrais me soutenir, moi, plutôt que lui!” répondis-je une peu jalouse que le soutien maternel inconditionnel me fût refusé.

Cependant, j’étais surprise de la réaction tout en retenue de ma mère, même si elle était malgré tout joyeuse, à l’annonce du retour de Vinland.

“Que se passe-t-il? Pourquoi as-tu l’air anxieuse?” demandai-je intriguée.

“Mais non, je suis heureuse de le savoir rentré sain et sauf voyons… D’ailleurs, dis-lui de passer à la maison pour dîner quand il sera disponible.”

“Oh… Oui, sans problème…”

Tandis qu’elle me répondait en souriant, elle regagna son calme habituel. Avais-je rêvé sa réaction? Au fond de moi, je sentais que je n’avais pas imaginé une telle chose. Tout simplement parce que je ne l'aurai jamais cru possible. J’essayais encore de la faire parler pour comprendre pourquoi une ombre semblait s’être installée sur son cœur. Mais rien n’y fit. Aussi, nous finîmes par discuter à bâtons rompus jusqu’à la fin de ma pause.

Qui arriva rapidement, bien trop rapidement… L’heure du retour au temple sonna… Je pris congé sans tenter de grappiller du temps. Je savais pertinemment que ma mère ne me permettrait pas de rester plus longtemps que ça n’était possible. Protectrice, elle ne souhaitait pas que je me fasse punir encore une fois. Mais les questions restées sans réponse me trottaient en tête, alimentant un malaise sous-jacent en mon for intérieur.

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Valhoor
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Re: Le Marché

Message par Valhoor » jeu. 20 juin 2024 15:56

Quatre ans.

Quatre putains d’années depuis que j’ai accepté cette foutue mission de milicien. Quatre années depuis son échec cuisant. Quatre ans que je me perds dans de plus profondes abysses encore qu’auparavant. Je suis un nul. Un incapable. On m’a confié la vie d’un môme, on l’a mise entre les mains pour que je le sauve d’une disparition. Ne trouvant pas de pistes, j’ai été me renseigner à la taverne du coin. Puis j’ai bu. J’ai bu. Bu à n’en plus savoir ce que j’étais venu faire là. Le lendemain, j’ai appris qu’on avait retrouvé le gamin, mort dans les égouts. Battu, égorgé, étripé. Méconnaissable, presque. Un enfant qui meurt, un de plus. Par ma faute. Par mon insouciance, par mon inaptitude à faire quoique ce soit de positif dans cette vie. Une pauvre âme innocente arrachée à la vie à cause de moi.

Ambre.

Ses traits sont flous, trop flous désormais. Et je maudis ma mémoire d’avoir failli à mon devoir de père. Mon devoir de souvenir. La culpabilité et l’alcool m’ont tout pris, jusqu’à l’image de son sourire, jusqu’au parfum de ses cheveux roux en bataille. Le son de son rire, le toucher de ses joues délicates et fragiles par un baiser paternel. Elle n’est plus qu’un mirage, de ceux qui se perdent dans la brume quand on s’éveille d’une mauvaise cuite.

L’alcool. Au moins la mort de ce mioche aura réveillé cette conscience en moi. J’ai arrêté. La bière, le vin, l’hydromel et les liqueurs fruitées. Les eaux de vie corsées. Tout ça est sorti de ma vie. Les gueules de bois, les nuits d’errance terminant à pisser sur le mur d’une maison ou gerbant sur les docks. Mais je ne me leurre pas : je ne suis pas un homme nouveau pour autant. Je suis toujours aussi paumé, toujours aussi triste, captif des tréfonds de mon âme. Inactif, paresseux, livré à vaquer entre des boulots pénibles et fatigants, tout juste bons pour assurer ma futile subsistance. Je ne suis jamais retourné à ce bureau de milice. Trop lâche pour affronter même mon échec. Trop coupable pour le regarder en face. Ils ont dû m’oublier, classer le maigre dossier ne comportant que mon nom, mon unique ordre de mission et une hasardeuse signature en V. Ma première initiale, moi qui ne sait que trop peu lire, et encore moins écrire.

Et là, en cette fin d’après-midi couverte d’un temps maussade et gris, alors que je me presse de rentrer chez moi, une miche de pain sous le bras, il y a cet homme. Un homme avenant, au sourire convainquant. Il doit être plus jeune que moi, mais son regard gris a l’air d’avoir vécu plus de choses. Il est en tout cas teinté d’une plus nette assurance lorsqu’il m’aborde.

« Valhoor. Valentin-Horace d’Orme. J’ai failli ne pas vous reconnaître, sous cette mine »

Je fronce les sourcils, étonné que cet inconnu connaisse mon nom. Déjà le diminutif dont j’use depuis mon arrivée à Kendra Kâr, mais également mon identité complète. Je l’inspecte plus avant : ses cheveux noirs, son nez légèrement busqué, la cicatrice qui barre son front et son sourcil gauche. Cette courte barbe de trois jours, taillée toutefois pour n’être pas chaotique. Un air fier, des habits confortables, sans être fastueux. Non, vraiment, sa tronche ne me dit rien. Je réponds, sur la défensive :

« Qu’est-ce que vous m’voulez ? »

Il prend conscience que je ne le reconnais pas, et ça semble l’amuser : son sourire s’étire en un rictus mêlant surprise joyeuse et divertissement réjoui.

« Ahah ! Vous ne me reconnaissez pas. Normal, j’ai pas mal changé en… quoi… presque dix ans ? J’étais encore un gamin à l’époque. Rappelez-vous : le dernier fils du forgeron, Fagnad Khan ! »

Une vague image de ce vieux maréchal-ferrant si peu habile avec une enclume qu’il serait insultant pour la profession de l’appeler forgeron m’apparait. Breen. La cité que j’ai décidé d’enterrer dans mon passé. Mes mâchoires se serrent, devant mes yeux se plaquent des images de fumée, de flammes, de poutres noires s’effondrant. Une frappe amicale sur mon bras me sort de mes songes d’horreur.

« Bah, c’est rien. Je faisais pas de vague à l’époque, normal que je vous ai pas marqué. Alors, qu’est-ce que vous devenez ? La grande ville, ça change du bled, hein ? »

Sa volubilité devant ma mine taiseuse me fait lever un sourcil. Effectivement, je ne le reconnais guère. Je hausse les épaules à sa question. Ça change, oui. Mais pas forcément en mieux. Je réponds laconiquement.

« Bof. C’est sûr, c’est pas pareil. Mais j’dirais pas que c’est mieux. »

Il me toise de bas en haut. Chemise défraichie, bottes usées et de mauvaise facture, mine fatiguée et pas nette. Il est clair que je ne me montre pas sous mon meilleur jour. Ai-je vraiment encore de meilleurs jours ? Je m’attends à ce que la conversation se coupe là, qu’il retourne à sa vie plus aisée et me laisse dans la fange qui forme mon quotidien, comme nombreux feraient, mais il n’en est rien, et il poursuit, enjoué :

« Je vois. Bah écoute, peut-être que j’me trompe, mais ça n’a pas l’air d’aller fort. Écoute, si vous voulez j’ai une proposition à vous faire. Rien qu’une proposition, ça vous tente ? »

Mon regard se fait perplexe. J’ai appris à me méfier des « propositions » d’inconnus qui traînent leur victime candide dans une ruelle pour la battre et lui piquer le peu qu’elle possède. Ou qui entraîne ladite cible dans des affaires louches de trafics pas nets qui la conduise généralement derrière les barreaux. Dans le meilleur des cas. Il perçoit mon hésitation, sans doute conscient de l’incongruité de sa proposition spontanée.

« Oh, vous inquiétez pas, hein. Rien de tordu ou d’illégal. J’vous explique : Je cherche des personnes qui sont prêtes à quelques aventures pour une guilde de chasseurs de trésors. Z’avez pas l’air au mieux, alors j’me dis qu’entre types originaires de Breen on peut au moins se serrer les coudes. Ça paie bien, même si y’a du risque. Mais un grand gaillard comme vous, ça peut s’en sortir non ? »

Des chasseurs de trésors ? Sur le papier, ça sonne bien, mais en vérité…

« Il s’agirait de faire quoi, au juste ? »

Il s’attendait à la question, car il enchaîne :

« Rien de plus simple : on a des personnes qui s’occupent de récolter des informations d’objets rares que des… personnes aisées recherchent. C’est l’Intendance. Localisation approximative, dangers éventuels, description des objets… Il ne reste plus qu’à aller les chercher. C’est ce que je vous propose. »

Je passe une main sur mon menton, réflexif. Il poursuit sa démonstration prolixe.

[color=Gray« Il n’y a aucune obligation de contrat : nos chasseurs sont indépendants et sélectionnent eux-mêmes leurs recherches. L’idéal pour combler les moments de disette où y’a pas d’boulot à se mettre sous les mains. »[/color]

Ça sonne sacrément bien. Comme recruteur, il est doué, sans aucun doute. Je jette un regard au pain que j’ai en main, renifle un coup, puis concède :

« Où est-ce qu’on vous trouve ? »

Son regard s’illumine.

« Rien de plus simple : vous voyez le vieux clocher dans la ville haute ? Dans le quartier à ses pieds, il y a une grosse baraque isolée des autres, sur une placette. Sur la devanture, on peut lire « Vous cherchez, nous trouvons ! ». J’peux vous emmener tout de suite, si vous voulez. »

C’est un peu rapide pour moi. Je dois y réfléchir : saisir l’opportunité ou rester dans une vie misérable, mais sans sortir de ma zone de confort ? Les risques sont réels. Je ne suis pas un aventurier, un guerrier ou un puissant mage. Juste un simple paumé du Royaume. Je souffle, puis réponds.

« Je… j’irai de moi-même. Là, je vais rentrer chez moi et passer la nuit dessus. Quand je serai décidé, je passerai. Et j’dirai que je viens de votre part. »

Il s’empare de ma main pour la secouer en une poignée cordiale, et précise :

« Marché conclu ! J’ai hâte de vous y voir. »

J’émets un bref sourire de politesse et me détourne de ce curieux bavard. Breen n’est pas une grande ville, mais quand même : me connaître aussi précisément, ça cache peut-être quelque chose. Je rentre chez moi sans me presser, les pensées occupées par ces doutes. Je suis sans doute un peu paranoïaque : cette rencontre ne pourrait être qu’un hasard. Quant à me connaître, ça a peut-être rapport avec… l’incendie.

Mon regard se ternit, mes pensées se murent.

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